Examen du plan herzog : il n’y a pas de partenaire israélien pour la paix
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Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
Le leader de la gauche sioniste a, semble -t-il dire, de nouvelles propositions, le terrain et sa dramatique évolution n’ont pu manquer de peser dans sa réflexion, commandée ou attendue dit-il par des chefs d’état occidentaux et régionaux et une très légitime préoccupation : « Nous ne pouvons accepter le statu quo, mais nous ne devons pas non plus reproduire les erreurs du passé. »
La surprise vient en effet, mais pas d’où on l’attendait, accompagnée d’effarement et d’envie de rire ou de pleurer. L’incroyable inamovibilité de la position sioniste de gauche, s’y confirme, l’impudence assurée de qui se sait le maître et donneur d’ordres chez les autres, du colon en somme, qui distribue ou non des libertés des largesses, décide des dispositions et mesures. L’ensemble de ces points ne s’adresse d’ailleurs visiblement pas aux Palestiniens c’est à dire à la partie qu’il faudrait convaincre, mais à son propre camp qu’il s’agit de rassurer avant tout. On peut faire la paix sans rien perdre, voire en gagnant des blocs de colonies par exemple. Un discours mensonger qui n’a aucune chance d’être entendu. Le leader politique conforte ainsi la population de la puissance occupante coloniale qu’il ne devra rien payer. C’est d’ailleurs le cas de tous les leaders politiques de l’histoire de ce pays, nous n’avons rien à payer nous puisque nous sommes les maîtres. Or l’impact de ce discours est double : ne pas préparer sérieusement son peuple aux conditions réelles d’une paix véritable, mais aussi achever de le convaincre de l’inutilité de la paix. Pourquoi même parler de paix alors que tout nous démontre que nous pouvons continuer à conquérir et soumettre sans rien devoir à personne ?
Mais bon Herzog propose un plan de paix, examinons le : Tout d’abord sur ce qu’Herzog désigne comme l’occasion manquée par le gouvernement israélien d’un accord de Paix conduit par Sissi et le roi Abdallah de Jordanie, on peut rester sceptique et on lira à ce propos l’article paru dans Orient XXI.
Herzog commence par évoquer les colonies : (c’est nous qui soulignons en gras les passages de référence dans son texte en italiques.)
« Une vérité relative aux colonies juives de Cisjordanie, dont les dimensions mettent à présent en danger l’existence d’Israël comme état juif. La construction rampante dans toutes les colonies, tout le temps, conduira à remplacer l’état à majorité juive à un état à majorité arabe. »
Le problème n’est (toujours) pas la colonisation en tant que telle, illégale, moralement inacceptable, le vol des terres, c’est d’abord et avant tout la menace qu’elle fait peser sur le caractère juif de l’État. La gauche sioniste regarderait elle le passé d’avant 67 (début de la colonisation des territoires occupés de Cisjordanie) comme un paradis où la démographie « naturelle » d’Israël en faisait un État juif et démocratique ? Serait-on dans le mythe de l’éternel retour ?
De même le problème moral que pose la domination d’un autre peuple, se résume à « Cela a atteint un point dangereux qui menace aujourd’hui le caractère moral d’Israël et la démocratie ». Le focus est encore et toujours mis sur le nombril israélien pas sur l’illégalité et l’immoralité de la domination. Comment rester propres sur nous tout en créant les conditions d’une démographie majoritairement juive permanente ?
« Confisquer et annexer 2 millions de palestiniens qui exigeront des droits civiques entiers n’est pas la réponse. Seule la solution à deux états peut terminer le long conflit sanglant. »
Au delà du caractère autoritaire de l’argumentation, chaque étape du projet confirme que la vision de la gauche sioniste recherche et sélectionne uniquement ce qui privilégiera le maintien d’un état juif donc majoritairement juif et non par exemple un état de tous ses citoyens.D’ailleurs l’accord supposé de paix se retrouve vite requalifié d’« accord de séparation ». La séparation restant l’outil majeur de la vision sioniste d’un état juif et démocratique, c’est sans doute pour la garantir que le premier article du Plan Herzog consiste en la « ratification commune d’engagement vers un but final de deux États » (point 1.)
2.« Les parties doivent établir un cadre de jusqu’à dix ans , durant lequel toute la zone de la Cisjordanie sera déclarée une zone de non violence d’aucune sorte … »
L’occupation militaire et la colonisation continuent à l’intérieur des blocs de colonies, aucune colonie existant en dehors de ces blocs n’est même démantelée, et la violence en Cisjordanie cesse ? On retrouve ici la position du colon, la violence ce n’est pas celle qu’il exerce quotidiennement sur le peuple qu’il opprime, ce sont toutes les marques du soulèvement de ce peuple qui résiste à l’oppression. La gauche sioniste dont Herzog est le leader ne semble pas concevoir le seul principe susceptible d’arrêter la « violence » dans les territoires occupés, c’est au minimum la fin de l’occupation et le retrait de l’armée.
3. « les deux parties progresseront pendant cette période vers la réalisation de la vision de deux États. Israël continuera de se séparer des Palestiniens en achevant le mur qui protégera Jérusalem et les blocs de colonies, de construire une zone tampon entre Jérusalem et les villages palestiniens qui entourent la ville, et donnera aux Palestiniens des pouvoirs élargis. »
Dans ce passage tout est à retenir. Rappel utile du Mur, invention de la gauche sioniste avec le fameux slogan « divorçons en paix ». comme si ces deux parties avaient jamais été mariées. Appropriation de Jérusalem entérinée, et généreusement Israël « donnera » des pouvoirs élargis aux soumis, sur la zone C, toutes les annexions antérieures semblent ici acquises.
C’est à la quatrième étape qu’apparaît l’addition Israélienne
4.« Israël suspendra la construction hors des blocs de colonies et s’abstiendra de toutes mesures pour changer la réalité sur le terrain dans ces zones, à l’ exception des actions requises pour la sécurité, pour permettre de réaliser la vision de deux États. »
Traduction la violence est interdite dans les territoires occupés pendant dix ans, dans un territoire transformé en fromage de gruyère par les colonies, et cette situation est maintenue et « gelée » sauf dans les blocs.. mais de plus l’armée continue à régner en maître dans les territoires occupés.
La cinquième étape consiste en une reprise du plan Fayyad : l’argent international et le développement économique en lieu et place de libération nationale. On retrouve aussi l’arrogance du rapport à la communauté internationale, on fait ce qu’on veut et vous payez quand on vous le demande. Quant au comble du cynisme il concerne la réhabilitation des camps de réfugiés qui empêche sûrement nos sionistes si moraux de dormir la nuit, à moins qu’il ne s’agisse d’une première indication sur la destination des exilés qui voudraient rentrer chez eux ?
Le point 7 reprend entièrement la nécessité de liberté d’action totale maintenue de l’armée en Cisjordanie et « autour de » Gaza.
Enfin il s’agira pour les Palestiniens de reconstruire une union nationale et « S’ils accomplissent cela ils seront autorisés à déclarer un état palestinien dans des frontières temporaires et il sera clair que les frontières permanentes de cet état seront déterminées uniquement par un accord. Israël envisagera favorablement la reconnaissance d’un État palestinien et annoncera qu’il considère cet état comme le partenaire d’ un accord sur un statut permanent. » Le vocabulaire souligné par nous reste celui paternaliste du colon.
Les derniers points 9 et 10 confirment les positions précédentes de tous les gouvernements israéliens : « Les pourparlers se tiendront sans conditions préalables, entre deux partenaires égaux, sérieusement et résolument et conduiront à un accord de paix final et global réglant toutes les questions controversées. »
Pas de conditions préalables aux négociations pour les palestiniens bien sûr, et toutes les questions controversées repoussée à dans dix ans pour examen, voilà qui est rassurant.
Le point dix qui propose de faire de Jérusalem « le centre de cette communauté régionale » que le plan appelle de ses vœux avec l’aide des puissances régionales, devant permettre notamment « la circulation des marchandises et des travailleurs » ne précise toujours pas si dans ce plan « nouveau » Jérusalem envisage d’être partagée et comment.. Il semble plutôt confirmer avec la construction du mur autour de Jérusalem et la zone tampon d’avec les villages palestiniens entourant la ville, son annexion pure et simple. Or Jérusalem et le sort des réfugiés seraient justement les questions controversées, à régler à la fin d’un parcours de 10 ans pendant lesquels rien de la situation des habitants de Cisjordanie et de Gaza n’aura véritablement changé. On peut se demander aussi si le mur qui aura été achevé à cette étape ne gênera pas la libre circulation envisagée..
Quant à la conclusion de ces propositions elle dévoile le véritable but de cette feuille de route de dix ans : « C’est ainsi que nous sauverons les blocs de colonies et les garderons sous la souveraineté d’Israël. Ce sera une réelle victoire du Sionisme. Une nouvelle réalité de sécurité et de confiance mutuelle forgeront finalement un processus de paix et éviteront le désastre ».
Les illusions de changement de la gauche travailliste sur sa position initiale de maître du jeu, et de colon paternaliste ne sont donc pas dissipées, bien au contraire.Le but de la « vision » des deux États qui ouvre ce plan se trouve réaffirmé : un Israël ethniquement pur, une séparation matérialisée par un mur, et le souci majeur revendiqué en conclusion de conserver les blocs de colonies.
Le parti travailliste ferait mieux de réfléchir à comment assurer la pérennité pacifique d’une présence juive au Moyen Orient. Pérennité qui sera menacée tant que cette présence s’affirmera comme coloniale et dominante par le glaive. La gauche anticolonialiste israélienne est malheureusement la seule à avoir compris que cette pérennité passe par le retrait de l’armée d’occupation, la reconnaissance des droits nationaux et personnels des palestiniens et la construction de rapports d’égalité entre les deux peuples. Elle est la seule à ne pas se soucier de la démographie arabe et à considérer que dans un état de droit, démocratique, tous les citoyens bénéficient des mêmes droits, et qu’il serait plutôt agréable de partager la vie sur ce territoire au cœur du Moyen Orient avec des citoyens partenaires palestiniens.
Seule la gauche anticoloniale a plutôt peur du « Palestinian rein » rêvé par la gauche sioniste et d’un État purement juif enfermé derrière un mur de protection.
La communauté internationale si elle veut s’inscrire dans le soutien d’une quelconque réelle initiative de paix qui ait des chances devra cesser d’adopter la vision coloniale du sionisme de gauche et s’intéresser à la vision « décoloniale » portée aujourd’hui par une minorité d’Israéliens juifs et une écrasante majorité de Palestiniens.
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