Sionisme, antisionisme et anarchisme
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Catégorie : Global
Thèmes : Racisme
C’est pourquoi le poids des mots est si important chez les propagandistes du sionisme, qui ont tout mis en œuvre, par médias, politiciens et intellectuels populistes interposés, pour transformer toute forme d’antisionisme, ou même de simple soutien aux Palestiniens, en antisémitisme. Toute critique, allusion ou même plaisanterie concernant le sionisme peuvent donner lieu à des campagnes médiatiques ou des procès. Bientôt, je ne pourrai plus vous parler de mon correcteur orthographique, qui s’évertue, chaque fois que j’écris le mot « antisionisme », à le souligner en rouge et à me proposer à la place « antisémitisme » (authentique !). Une telle plaisanterie pourrait me valoir un procès pour « allusion à un complot juif mondial dans l’informatique ».
Plus sérieusement, tout ça ne devrait pas nous amener à nous justifier en permanence, mais au contraire à dénoncer ceux qui utilisent la calomnie et la langue de bois comme seuls arguments.
Dans un article publié dans « Le Monde » du 19 février 2004 (« Antisémitisme, antijudaïsme, anti-israélisme » [ http://ldh-toulon.net/antisemitisme… ]), Edgar Morin a tenté d’apporter des éclaircissements sur ces termes et l’utilisation qui en est faite. Le vice-président de l’UJFP (Union juive française pour la paix), Pierre Stambul, a fait de même le 10 mars sur le Web. Le point commun de ces deux textes est leur honnêteté et le désir de poser les vraies questions à travers une approche qui reflète les positions et les engagements politiques de leurs auteurs. Un autre texte est paru sur le Web à peu près en même temps sous la forme d’une interview de l’historien Philippe Oriol par l’organisation La Paix maintenant sous le titre « L’extrême gauche, Israël et les juifs » (http://www.lapaixmaintenant.org/L-e… ), mais qui s’en prend plus spécialement au « milieu libertaire », ou considéré comme tel, et nous verrons qu’il est loin de laisser la même impression d’honnêteté intellectuelle.
Pour en revenir à Edgar Morin, ce dernier fait une distinction (que ne partage pas Pierre Stambul) traduisant son souci de ne pas heurter la sensibilité de certains Israéliens, ou même de certains juifs : « Il y a des mots qu’il faut distinguer, comme l’antisionisme de l’anti-israélisme, ce qui n’empêche pas qu’il s’opère des glissements de sens des uns aux autres. En effet, l’antisionisme dénie non seulement l’installation juive en Palestine, mais essentiellement l’existence d’Israël comme nation. Il méconnaît que le sionisme, au siècle des nationalismes, correspond à l’aspiration d’innombrables juifs, rejetés des nations, à constituer leur nation. »
On est là au cœur du problème, car ce n’est pas à mon sens la bonne définition de l’antisionisme. Ce que disent les antisionistes, c’est que RIEN ne justifie la déportation d’un peuple pour en installer un autre à sa place, quels que soient les événements dramatiques que le premier a subis. Ni les pogroms, ni les ghettos, ni la Shoah ne peuvent justifier qu’on en fasse payer le prix aux Palestiniens, qui n’y étaient pour rien, en les transformant à leur tour en peuple paria, en leur prenant leurs biens, leurs terres, leurs ressources, en les traitant comme des sous-hommes. Dans ce sens, en effet, les antisionistes disent que RIEN ne justifie la création d’un Etat comme Israël avec de telles conséquences. Pas plus que l’installation des Européens en Amérique, qui s’est faite au prix d’un génocide, pour ne parler que d’exemples de l’histoire moderne.
Mais ils ne dénient pas « essentiellement l’existence d’Israël comme nation »,tout dépend de leur conception des nations, et plus précisément de l’Etat. Dire que les antisionistes veulent « jeter les juifs à la mer » puisqu’ils ne reconnaissent pas la légitimité d’Israël est une pure affabulation, de même qu’on ne fera pas partir les Blancs d’Amérique : on ne peut pas refaire l’Histoire. Mais on ne donnera pas aux sionistes ce qu’ils réclament : une JUSTIFICATION qui leur permettrait de continuer leur sale boulot la conscience tranquille. Les antisionistes ne luttent pas parce que l’idée d’un Etat juif leur est particulièrement insupportable, mais parce que cet Etat joue sur son prétendu bon droit et la légitime défense pour justifier sa politique génocidaire.
Pouvait-on éviter cette situation en Palestine en ne gardant que la « partie noble » du sionisme ? Bien sûr que non. Le sionisme n’est pas un simple nationalisme, mais une idéologie qui justifie une politique soit coloniale et d’apartheid (si on ne fait pas partir tous les Palestiniens), soit de déportation (la solution finale pour une paix définitive). Les justifications (religieuses ou politiques) sont connues et font largement appel au sentiment de culpabilité des Occidentaux en même temps qu’à leur désir de revanche après un début d’émancipation du tiers-monde.
LES JUSTIFICATIONS
Est-il besoin de s’étendre sur la justification religieuse ? De nombreux Etats se sont imposés au nom de Dieu, mais sans jamais réussir à convaincre leurs victimes.
En l’occurrence, il est difficile d’expliquer aux Palestiniens qu’ils ont eu tort de naître sur une terre que Dieu avait réservée aux juifs. Peut-être pourraient-ils objecter que Dieu, dans sa grande bonté et sa grande sagesse, aurait dû donner à ces derniers une terre inhabitée pour qu’ils puissent s’y installer pacifiquement. Et aussi que, si Dieu avait donné cette terre aux juifs, il la leur avait reprise depuis deux mille ans.
Les arguments religieux ont une constante, ils ont toujours servi à justifier les conquêtes et la domination. C’est tout aussi vrai pour l’Alliance de l’Ancien Testament que pour les deux millénaires de domination chrétienne qui ont suivi (« Dieu le veult ! », « Got mit uns ! », etc.).
L’histoire se répète, mais, dans notre monde occidental, la religion a perdu du terrain au profit de l’idéologie. D’où l’émergence du mythe cynique et détestable d’ »une terre sans peuple pour un peuple sans terre] ». Mais même la crédulité a des limites. Si la Palestine était une terre sans peuple, contre qui les sionistes font-ils la guerre depuis si longtemps ? Cet argument a dû lui aussi être abandonné, car trop simpliste et donc contre-productif.
Il a été remplacé par un autre, tout aussi hypocrite mais qui a permis de gagner du temps jusqu’à la création sur le terrain d’une situation irréversible : « Il y a de la place pour deux peuples qui veulent vivre en paix. » Et d’insister sur le fait qu’Israël a accepté le plan de partage de la Palestine de l’ONU alors que les Arabes le refusaient. Ce qui ne les a pas empêchés d’annexer dès le départ une grande partie de la zone allouée aux Palestiniens et de faire partir plus de la moitié de sa population. Puis d’occuper en 1967 la totalité de la Palestine, en débordant sur la Syrie et l’Egypte.
Mais la version officielle reste que les Israéliens voulaient la paix et que leur expansionnisme n’est que de l’autodéfense. Cette interprétation a été remise en question en Israël même par les « nouveaux historiens », mais elle est pourtant largement diffusée ici dans les médias et la classe politique. Et de toute façon, tout en reconnaissant la responsabilité d’Israël dans l’exode des Palestiniens, l’un de ces « nouveaux historiens », Benny Morris, avoue qu’il aurait préféré qu’Israël « finisse le travai » en 1948 en expulsant toute la population palestinienne.
Après ça, à qui veut-on faire croire qu’Israël se serait contenté du plan de partage de 1947 ? Quand on parle de retour des réfugiés, ou même d’une partie d’entre eux, les sionistes, y compris de « gauche », poussent de grands cris : « Ce serait détruire Israël ! » C’est bien reconnaître que le départ des Palestiniens était indispensable à l’établissement d’un « Etat juif ».
D’ailleurs, qui peut douter un seul instant des buts du sionisme ? Quand on prétend vivre en paix avec un peuple dont on a pris les quatre cinquièmes des terres, on ne commence pas par anéantir ce qui reste avant d’entamer des discussions de paix. Israël ne lutte pas pour sa survie (c’est la quatrième puissance militaire de la planète), mais pour développer son hégémonie sur la région.
Quant à la « nécessité » de construire un Etat juif pour éviter un nouvel Holocauste, je préfère laisser parler Pierre Stambul :
« Au départ, la justification de l’existence d’Israël était que c’était la seule solution pour les Juifs persécutés dans le monde entier. Cette justification ne tient plus. Seule une minorité d’Israéliens a connu ces persécutions. L’arrivée massive des Juifs du monde arabe, des Juifs soviétiques ou l’émigration actuelle correspondent à une autre histoire, celle d’un prétendu « retour identitaire ». […] Le projet sioniste est devenu dès les années 50 un projet de conquête et de peuplement. Pour fabriquer l’Israélien nouveau, il a fallu détruire patiemment le « Juif », l’étranger, le cosmopolite, l’universaliste, l’exilé… Il a fallu liquider les langues de la diaspora. Il a fallu redéfinir le Juif, définition forcément raciale et religieuse. »
DE L’UTILITÉ DE L’ANTISÉMITISME
Mais l’argument majeur pour justifier Israël reste bien sûr l’antisémitisme, qu’on nous ressort quotidiennement jusqu’à la nausée. Par une inversion à leur profit des vieilles théories du complot, les zélateurs du sionisme cherchent à accréditer la thèse d’un complot antisémite, qu’ils utilisent de la même manière que les antisémites (les vrais) avaient utilisé celle du « complot juif ».
-Défense des Palestiniens, critique d’Israël, dénonciation de crimes contre l’humanité = antisémitisme déguisé.
-Article d’Edgar Morin dénonçant les crimes commis par les descendants d’un peuple persécuté = antisémitisme par « glissement sémantique ».
-Sketch de Dieudonné sur les colons israéliens = antisémitisme par assimilation des colons juifs avec l’ensemble des juifs.
Mais ce n’est pas encore assez ubuesque, ils peuvent faire mieux :
-Critique du capitalisme = antisémitisme par allusion à la relation entre les juifs et le monde de l’argent.
Et la cerise sur le gâteau avec Elie Chouraqui à propos du film La Passion du Christ : antisémitisme, car on voit un juif (Judas) compter avec cupidité les deniers qu’on lui a jetés à la figure pour prix de sa trahison. Ce même Chouraqui qui vient de nous régaler, dans « Envoyé spécial », du énième documentaire manipulateur sur la montée de l’antisémitisme en France.
A propos de l’antisémitisme et de son instrumentalisation, voyons ce qu’en dit, là encore, Pierre Stambul :
« L’antisémitisme est un « carburant » fondamental pour la politique de colonisation entamée dès les années 70. Jouant sur le traumatisme réel d’un grand nombre de Juifs, les gouvernements israéliens et, dans la diaspora, les « institutions » censées représenter les Juifs assimilent toute critique d’Israël et tout soutien à la Palestine à de l’antisémitisme. La confusion est entretenue à l’extrême quand on voit par exemple le gala « pour le bien-être du soldat israélien » se tenir dans une synagogue. Comment s’étonner après de retrouver la confusion en face avec des gens qui caillassent une synagogue en croyant défendre les Palestiniens ? […]
Le sionisme […] a besoin en permanence de l’antisémitisme pour justifier la politique israélienne, pour maintenir un flux d’immigration et pour poursuivre la colonisation. Au départ, le sionisme avait pour objectif de faire disparaître l’antisémitisme. Aujourd’hui, il en vit. […] La société israélienne est malade et éclatée. Sa seule cohésion, c’est le fantasme de l’encerclement hostile et de la destruction, c’est l’agitation perpétuelle du souvenir de l’antisémitisme et de la Shoah. Mais là encore il y a à mon sens une escroquerie. Le sionisme n’a aucune vocation à lutter contre l’antisémitisme et n’a aucun droit à récupérer la Shoah. »
Laissons conclure Edgar Morin, qui vient de gagner le procès que lui avaient intenté France-Israël et Avocats sans frontières pour « diffamation à caractère racial » à la suite de ces propos dans « Le Monde » :
« Les juifs d’Israël, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens. Les juifs qui furent humiliés, méprisés, persécutés, humilient, méprisent et persécutent les Palestiniens. Les juifs qui furent victimes d’un ordre impitoyable imposent leur ordre impitoyable aux Palestiniens. Les juifs victimes de l’inhumanité montrent une terrible inhumanité. Les juifs, boucs émissaires de tous les maux, « bouc-émissarisent » Arafat et l’Autorité palestinienne, rendus responsables d’attentats qu’on les empêche d’empêcher. »
ET LES ANARS ?
Nous ne pouvons que faire un constat accablant de la nouvelle donne mondiale. La pensée unique et la soumission règnent sur le monde. Le prêt-à-penser, unique message diffusé par les médias, a remplacé la réflexion et la critique. Les mots ont perdu leur sens et servent à désigner autre chose, réalisant la vision de George Orwell et l’usage de la novlangue :
La censure c’est la liberté, la guerre c’est la civilisation, la soumission c’est la démocratie, l’occupation c’est la libération, la lutte des classes c’est la théorie du complot, l’apartheid c’est l’autodéfense, L’ANTISIONISME C’EST L’ANTISEMITISME.
Y aurait-il tout de même un petit village gaulois pour résister à l’occupation romaine ? On pourrait penser que c’est dans le milieu révolutionnaire, et plus spécialement chez les libertaires, qu’on va trouver la plus grande résistance. Mais même là l’offensive est lancée.
Témoin ce texte (choisi parce qu’il est sorti en même temps que les deux autres, mais qui n’est pas le seul, loin de là), extrait de « Chroniques pour la paix », où Philippe Oriol est interviewé par un militant de La Paix maintenant (la même organisation qui manifestait à Jussieu aux côtés de BHL, Adler, Finkielkraut, etc., contre le boycott d’Israël, et qui avait refusé de participer au Forum européen parce que trop propalestinien).
On n’est plus là dans la finesse : l’intervieweur ne se donne même pas la peine de faire un rapprochement entre antisionisme et antisémitisme, il emploie uniquement le premier terme, pour lui synonyme évident (à moins que son correcteur orthographique fonctionne à l’inverse du mien) : « nombreux sont les juifs qui militent dans ces courants d’extrême gauche, et pourtant ces courants ont pris des positions antisionistes », « la montée d’un antisionisme de plus en plus affirmé, qui accable Israël de tous les maux et idéalise les Palestiniens », « Comment expliquer la place de plus en plus importante que prend l’antisionisme et cette représentation de la question juive au sein de la gauche extrême ? », etc.
Oriol, lui, ne relève pas la confusion et au contraire y ajoute la sienne en amalgamant la gauche, l’extrême gauche et les libertaires. Probablement en tant que spécialiste des « questions anarchistes », il se contente d’opiner : « j’ai milité avec un petit groupe d’historiens proches de l’anarchisme, mais pas longtemps, car j’ai trouvé justement chez quelques anars un antisémitisme tout à fait insupportable », « Prenons le cas Dieudonné : […] En réalité, ce n’est pas une caricature contre Sharon, mais contre les juifs dans leur ensemble, et pas autre chose ! », « les très récents événements nous prouvent que finalement les choses n’ont pas fondamentalement changé dans ces milieux. Ce n’est pas seulement le cas chez les anarchistes, mais aussi chez les trotskistes, la mouvance altermondialiste, etc. », « C’est un fait, il y a un moment où l’extrême gauche et l’extrême droite peuvent se retrouver… », « cet antiaméricanisme qui n’est même plus primaire, mais primate », « On retrouve aussi cette radicalisation du côté des Palestiniens, ainsi que du côté de certains militants européens, français, allemands, espagnols, etc., qui les ont rejoints pour se battre depuis déjà une vingtaine d’années. C’est tout à fait dramatique. »
Ainsi, par rapport à ce qui se passe en Palestine, aucun écart n’est permis, et le clivage n’est plus entre gauche et droite, entre socialistes et libéraux, entre révolutionnaires et réformistes, mais entre ennemis et défenseurs d’Israël. L’antisémitisme ne concerne plus seulement les antisémites, mais toute forme de soutien aux Palestiniens, même celui provenant de l’extrême gauche et des libertaires, dont on croyait naïvement qu’ils avaient vocation à combattre les injustices. Mais apparemment, les tabous sont plus forts que les injustices.
N’y a-t-il donc aucun espoir face à cet antisémitisme qui pollue jusqu’aux milieux libertaires ? Si, quand même : « Cependant, il y a des militants qui se battent aujourd’hui pour que l’on en finisse avec ces préjugés, comme par exemple Jean-Marc Izrine, auteur d’un ouvrage intitulé « Les Anarchistes du Yiddishland » (Alternative libertaire). Mais le fait qu’il faille publier un tel livre, et qu’un militant soit obligé de retracer l’itinéraire d’un certain nombre de juifs anars afin d’expliquer tout cela à ces militants qui continuent à articuler des bêtises invraisemblables, ce fait même est tragique…«
La solution existe donc : si les libertaires veulent parler des juifs sans être taxés d’antisémitisme, qu’ils parlent donc du Yiddishland ou de l’affaire Dreyfus, mais qu’ils ne se mêlent pas trop des crimes contre l’humanité commis en Palestine, le dérapage les guette !
Certains ont compris la leçon, puisqu’on trouve dans une certaine presse « libertaire » soit des attaques s’inspirant directement de l’accusation d’antisémitisme déguisé, soit d’autres plus spécialement dirigées contre des camarades qui auraient renié leurs « principes » en soutenant des luttes de libération « non libertaires ».
On comprend mieux que ces gens-là préfèrent parler du passé, puisque l’Histoire se serait arrêtée à la guerre d’Espagne. Leur méthode, c’est d’appliquer l’ »idéologie de la symétrie » pour nier toute lutte qui ne serait pas spécifiquement anarchiste. Il n’y a plus ni victimes, ni bourreaux, ni colonialisme, ni apartheid, ni génocide : il n’y a que deux nationalismes qui s’affrontent, ce qui ne concerne donc pas les anarchistes.
Dans le domaine, le premier prix de stupidité va encore une fois et sans conteste à la CNT-AIT de Toulouse, que tout le monde applaudira bien fort :« L’Etat d’Israël et les dirigeants du mouvement palestinien sont les deux faces d’une même médaille […]. C’est pourquoi nous appelons à la désertion dans les deux camps » (n° 65 du « Combat syndicaliste » de Midi-Pyrénées, novembre-décembre 2000). Confirmé dans leur site : « Nous soutenons tous les déserteurs israéliens ou palestiniens », et par un tract de novembre 2003 de leurs compères parisiens : « C’est pourquoi, aujourd’hui, le STCPP apporte son soutien aux antimilitaristes, déserteurs, objecteurs israéliens et palestiniens. »
JUDAÏSME ET CHRISTIANISME : L’OPIUM DU PEUPLE
Pour finir, je voudrais quand même dire quelques mots sur l’antijudaïsme, dont parlent Pierre Stambul et Edgar Morin et dont la définition prête à confusion. Pour les deux, il s’agit essentiellement d’un antijudaïsme chrétien, lié à la persécution des juifs en Europe par l’Église romaine.
Les persécutions quelles qu’elles soient sont naturellement inacceptable, mais il est tout aussi inacceptable d’utiliser une persécution religieuse pour exonérer sa religion de toute critique ou pour en faire un argument politique. On ne peut juger une communauté que sur ses valeurs propres, et non sur les persécutions subies dans le passé.
Pour des militants révolutionnaires et anticléricaux, comme j’ai toujours essayé de l’être, dénoncer une persécution, ce n’est pas adopter les idées des persécutés. Dans ma vie militante, j’ai été amené à combattre l’Eglise catholique parce que son histoire est liée à vingt siècles de domination, de massacres et d’obscurantisme, dirigés non seulement contre les juifs, mais contre les hérétiques, les cathares, les populations des terres nouvelles, les Eglises réformées, etc. Mais aussi parce que je la côtoyais quotidiennement et qu’elle pesait aussi bien sur mes luttes que sur ma vie de tous les jours.
L’objet de mon militantisme n’était pas spécialement cette religion, mais plus généralement l’ensemble des institutions et des systèmes de pensée qui nous oppressent.
Ne pas parler de morale chrétienne, mais de morale judéo-chrétienne, pour bien marquer que les deux religions étaient intimement liées et indissociables dans le fondement de notre idéologie occidentale, ne posait à l’époque aucun problème.
Aujourd’hui, on dirait que le communautarisme a remplacé toute intelligence, au point que des gens considérés comme sérieux (et parmi eux des non-croyants !) en arrivent à débattre sur les responsabilités respectives des juifs et des Romains dans l’exécution du Christ à l’occasion de la sortie de tel film à scandale, ou de l’antisémitisme rampant des premières communautés chrétiennes cristallisé dans la rivalité entre les apôtres Paul et Jacques dans tel débat-feuilleton télévisé sur Arte.
On croit rêver ! Il devient urgent de se réveiller et de savoir de quoi on parle. Et redéfinir un peu les mots qu’on utilise. Entre autres, pour commencer, faire la distinction entre critique et persécution. Des individus, des peuples peuvent être persécutés pour leurs religions ou pour leurs idées sans que cela prouve la justesse de ces dernières ni leur supériorité morale. Et cela ne les place pas au-dessus de toute critique.
L’histoire fourmille de ces retournements entre persécuteurs et persécutés : Eglise protestante évangéliste aux Etats-Unis, juifs dans les territoire occupés, islamistes dans les pays musulmans récemment décolonisés… Se servir des persécutions religieuses pour justifier une politique est aussi dangereux que se servir des persécutions raciales ou politiques. A tous ces tartufes je conseille de méditer cette pensée de Nietzsche : « Toutes les religions sont, au fond d’elles-mêmes, des systèmes de cruauté. »
Partout dans le monde, de véritables progrès n’ont été obtenus qu’en mettant en cause les religions. Il ne faudrait pas que ces manipulateurs nous le fassent oublier.
Je met en débat pour les 2 passages sur Dieudonné qui ne me paraissent pas très clairs et semblent dire qu’il ne serait pas antisémite.
Sans ça le texte est intéressant, mais ces passages le rendent pas validable à mon avis sans une précision de l’auteure.
Cet article a été écrit en 2003 et avait été publié sur Indy Paris avant que la dernière équipe ne détruise les archives.
A l’époque, Dieudonné n’avait aucun lien avec Soral ou Le Pen, il s’était même présenté aux élections législatives à Dreux contre la candidate du Front National. La campagne contre lui l’a été à partir du sketch du colon israélien chez Olivier Fogiel, qui n’avait rien d’antisémite, sauf aux yeux de la LICRA, de l’UEJF, du Consistoire, du Crif et des habituels « philosophes » de droite qui ont mené le procès.
C’est à ce moment-là que cet article a été écrit, et le passage sur Dieudonné avait toute sa place dans ce contexte dans la critique des raisons que donnent les sionistes pour traiter les gens d’antisémites.
Naturellement, ça n’a rien à voir avec l’évolution future de Dieudonné. Les accusations d’antisémitisme doivent se fonder sur les déclarations politiques et les fréquentations de quelqu’un et non sur un sketch critiquant Israël, à plus forte raison à travers un colon juif. Encore une fois, ce n’était pas le cas à ce moment-là. Ce passage ne se trouverait pas là si l’article avait été écrit aujourd’hui. Par contre, tout le reste est toujours d’actualité.
Bon, pour ceux qui se demanderaient d’où vient ce texte et qui l’a écrit, un élément de réponse après une recherche d’une partie du texte sur Google.
Il semblerait qu’il ait originellement été posté sur Indymedia Paris, je ne sais pas si c’est par Yamsha vu qu’Indymedia Paris n’existe plus, mais il donnait un lien vers ce texte dans un topic sur dieudonné sur un forum (à la base) d’informatique.
Un petit lien pour montrer qui est Yamsha : http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Actualite/dieudonne-trop-loin-sujet_21780_35.htm#t1613219
Et le lien où il cite le texte : http://forum.hardware.fr/hfr/Discussions/Actualite/dieudonne-censure-deauville-sujet_16798_272.htm#t2801970
Contrairement à ce qui est affirmé par le commentaire précédent, la personne qui a posté cet article (posté aussi sur indymedia Grenoble et Bruxelles) pense toujours la même chose de dieudonné aujourd’hui
Trop fort de savoir ce que les gens PENSENT ! Faudra nous expliquer comment tu fais, ça éviterait à plein de gens d’écrire des commentaires, il suffirait de te demander et tu le ferais à leur place !
Et à part ça, qu’est-ce que tu PENSES du texte, à part la ligne sur Dieudonné ?
Salut Rodin,
Le mec publie un texte qui contient un passage sur dieudonné, passage qu’il n’a pas pris soin d’enlever. En faisant des recherches, je vois qu’en 2003 et 2004 il soutenait à fond dieudonné. Désolé de conclure que c’est toujours le cas aujourd’hui.
Après effectivement, il a le droit de soutenir dieudonné si ça l’amuse, il a le doit d’être « antisioniste ». Le seul problème c’est que selon moi ce texte n’a rien à faire sur Indymedia. Mais après tout, je peux très bien me tromper, et peut-être que c’est alors moi qui n’ai rien à faire sur Indymedia.
Quant au texte, j’en pense que…
« Dans le domaine, le premier prix de stupidité va encore une fois et sans conteste à la CNT-AIT de Toulouse, que tout le monde applaudira bien fort : »L’Etat d’Israël et les dirigeants du mouvement palestinien sont les deux faces d’une même médaille […]. C’est pourquoi nous appelons à la désertion dans les deux camps » (n° 65 du « Combat syndicaliste » de Midi-Pyrénées, novembre-décembre 2000). Confirmé dans leur site : « Nous soutenons tous les déserteurs israéliens ou palestiniens », et par un tract de novembre 2003 de leurs compères parisiens : « C’est pourquoi, aujourd’hui, le STCPP apporte son soutien aux antimilitaristes, déserteurs, objecteurs israéliens et palestiniens. » »
… Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec la CNT.
« Le mec publie un texte qui contient un passage sur dieudonné, passage qu’il n’a pas PRIS SOIN D’ENLEVER. »
On doit pas avoir le mêmes valeurs, les militants honnêtes ne TRAFIQUENT PAS les textes qu’ils publient !
« je VOIS qu’en 2003 et 2004 il soutenait à fond dieudonné. Désolé de CONCLURE que c’est toujours le cas aujourd’hui. »
Raisonnement de minus intellectuel. Il n’y a que les imbéciles qui restent figés dans leurs certitudes pendant 12 ans. Pour la CNT-AIT, c’est bien plus que ça, ça frise la conservatisme sénile.
Notre Vilain agent essaie de sanctifier sa fidélité immuable envers les thèses les plus réactionnaires : il en déduit donc que tout le monde doit faire comme lui, ce en quoi il se fourre le doigt dans l’œil.
« je suis d’accord avec la CNT ». Mais je n’en ai pas douté un seul instant, même si je ne se permettrais pas de l’affirmer à ta place, c’est à toi de prendre tes responsabilités. Selon ton raisonnement, je SUPPOSE donc (mais sans l’AFFIRMER, on n’a toujours pas les mêmes valeurs) que 12 ans plus tard tu es toujours d’accord avec ces braves gens quand ils rejoignent l’union nationale dans leur traque de ceux qui ne sont pas Charlie :
AYONS LE CULTE DE L’ESPRIT CRITIQUE/ LE « MAIS » QUI TUE [rien que le titre montre le niveau de leur « esprit critique » :-)))]
« Il y a une façon de « soutenir » qui est surtout une façon sournoise « d’enfoncer ». C’est le fameux « mais » (« Je ne suis pas raciste, mais…). Pour faire court, ici, c’est quelque chose comme : « Nous condamnons le crime contre Charlie, MAIS – suit ici la liste des récriminations : leurs caricatures étaient choquantes, ils étaient islamophobes, voire fascistes… », autrement dit, « Ils l’ont bien cherché ») [5].
Ce « Mais » est un mais qui tue. Car, peu ou prou, il justifie les assassins. Or, nous avons vu fleurir ce « mais », pleutre et jésuitique, dans des milieux ultradicaux, « … de nombreux anti-impérialistes, antisionistes, anarchistes ou gauchistes [ont renvoyé] dos à dos, après quelques précautions d’usage hypocrites (« nous sommes horrifiés », etc.), les assassins et les victimes de « Charlie Hebdo » [6].
Le NPA nous en offre un bon exemple.?Tout en déplorant « les circonstances les plus tragiques et abominables » il souligne que Charlie Hebdo aurait été « un hebdomadaire peu fréquentable pour les antiracistes » [7].
« Le summum de l’ignominie, parmi les individus médiatiques, a sans doute été atteint par Norman Finkelstein dont les posts traduits en français [8] mettent en parallèle la couverture de « Charlie Hebdo » ( « ?Le Coran, c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles »), avec une autre couverture imaginée par un salopard, représentant Charb s’exclamant « Charlie, c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles ». A un niveau plus confidentiel mais tout aussi nocif, la liste a-infos a diffusé le texte d’un anarchiste (José Antonio Gutierrez D.) qui reprend exactement le même raisonnement ignoble. »*2.
D’autres se réfugient dans un silence pesant, comme s’il ne s’était rien passé (Pau, Gap… pas un mot, au 31 janvier sur leur site). « Quant à la Coordination des groupes anarchistes [CGA], elle a diffusé un communiqué dans lequel elle proclame : « Nous n’oublions pas le rôle qu’a tenu Charlie Hebdo dans la diffusion des discours racistes, sexistes et islamophobes ces quinze dernières années. Mais rien ne justifie de tels crimes et nous sommes solidaires des familles et proches des victimes. » Donc, si l’on suit bien ce raisonnement fumeux et tortueux, après nous avoir expliqué qu’ils étaient contre « tous les fascismes », religieux, nationalistes, etc., contre les partisans du choc des civilisations, contre toute récupération politicienne, ces libertaires mettent les journalistes de « Charlie Hebdo » dans le même sac que les fascistes, rejoignant ainsi le camp de ceux qui expliquent « Quelque part, ils ne l’ont pas volé. ». »
http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article735
Je n’ai jamais dit qu’il aurait dû modifier le texte. Je ne vois pas pourquoi il l’aurait publié s’il n’était pas d’accord avec la totalité de ce qui y est dit. Peut-être même en est-il l’auteur original (encore une fois, je n’ai aucun problème avec ça, mais le texte aurait sa place sur le site d’E&R).
Je te laisse me convaincre qu’il y a ne serait-ce qu’une infime chance que l’auteur, aujourd’hui, ne soutient plus dieudonné.
Je te laisse aussi me dire en quoi une guerre entre les deux camps (palestine et israël) serait mieux que des désertions des deux côtés, donc pas de guerre, ou mieux, une révolte des deux côtés contre ceux qui prétendent les diriger. En quoi le nationalisme palestinien serait plus légitime que le nationalisme israélien, que n’importe quel autre nationalisme ?
Concernant ce que tu supposes quant-à ce que je peux penser de la position de la CNT sur les attentats de Janvier, déjà ça n’a aucun rapport avec le sujet qui nous intéresse ici, et je me permets de m’auto-citer : « une fois n’est pas coutume » (bah oui, ça avait son importance…)
De tout temps, des négationnistes ont essayé de nier les crimes contre l’humanité, mais ils n’avaient pas le culot de le faire dans des médias supposés être antiracistes et antifascistes. Maintenant ils se croient tout permis et viennent même sur Indymedia NIER le racisme, le colonialisme, l’apartheid, l’occupation et les nettoyages ethniques. Pour eux, tout est pareil, ce qui se passe à Gaza aujourd’hui, comme ce qui se passait à Auschwitz hier, c’est l’affrontement de deux nationalismes, le CCI parle même de l’affrontement de deux impérialismes ! c’est dire le niveau de conscience politique de ces bouffons.
Israël : vers le fascisme
http://www.ujfp.org/spip.php?article3365
Sionisme et nazisme
https://nantes.indymedia.org/other_medias/29898
C’est à mes commentaires que tu fais référence en parlant de négationnisme ?
A quel moment ai-je prétendu qu’il ne se passait rien à Gaza ?
Je dis que ce qui se passe entre israéliens nationalistes t palestiniens nationalistes est purement et simplement une guerre, en l’occurrence une guerre pour un territoire. Cette guerre se fait entre un perdant et un gagnant, et je refuse de mettre mon opinion du côté d’un des deux camps, parce que je soutiendrai alors des nationalistes, quelque soit leur camp, tout comme un certain nombre d’anarchistes ont refusé d’être dans le camp de quelque nationaliste que ce soit durant les différentes guerres qui ont opposé la france à l’allemagne.
D’après doit, qu’est-ce qu’il se passerait si les palestiniens nationalistes avaient les moyens militaires de prendre le dessus sur les israéliens nationalistes ?
C’est pourquoi je soutiens non pas les palestiniens ou les israéliens, mais les déserteurs et autres saboteurs de la guerre des deux côtés, parce que voir des gens mourir pour des intérêts bourgeois/capitalistes qui ne sont pas les leurs me rend malade. Et voir des gens se disant libertaires soutenir l’un ou l’autre des deux camps, donc quoi qu’il en soit des nationalistes, me laisse perplexe.
Selon moi, les luttes de libération nationale n’ont rien à faire avec quelqu’anarchisme que ce soit, elles mènent inévitablement au nationalisme et donc au rejet de l’autre, même s’il n’a pas participé activement à l’oppression.
Donc je le dis et le répète, au niveau de la dangerosité, le nationalisme palestinien est à mettre au même niveau que le nationalisme israélien, et il est triste de constater que des deux côtés des gens qui n’ont aucun intérêt dans cette guerre en pâtissent, parce que finalement il s’agit toujours des mêmes, qui auraient plutôt intérêt à combattre ensemble contre leurs oppresseurs (bourgeois/capitalistes)
C’est exactement la définition du négationnisme, pas la peine d’en rajouter. Le colonialisme, l’apartheid, l’occupation et les nettoyages ethniques n’existent pas, pas plus que les crimes contre l’humanité. En réalité, « c’est purement et simplement une guerre, en l’occurrence une guerre pour un territoire ». Auschwitz, le ghetto de Varsovie, le génocide des Indiens, la traite des Noirs, c’était aussi des « guerres nationalistes ». T’as réussi ton examen d’entrée dans la CNT-AIT !
Quand je ose des questions, j’aime qu’on prenne soin d’y répondre. Quand ce n’est pas le cas et qu’on tente encore de me faire dire ce que je n’ai pas dit, et de me faire appartenir à une organisation pour laquelle je n’ai par ailleurs aucune affinité, je considère que mon interlocuteur est incapable d’argumenter correctement.
Tu peux encore te rattraper
De tout temps, vous en avez pas marre des trolls et des querelles de clochers ? Parce que moi oui! Alors pour rappel, les commentaires sont la pour apporter du compléments d’info, enrichir le débat avec des arguments, mais pas venir imposer vos querelles de clocher a coup de majuscules et de j’sais pas quoi d’autres. C’est pas un foirum ici!
Alors merci d’aller vous battre plus loin.
Ce que pensent les anarchistes israéliens du sionisme :
L’Anarchisme israélien : être Jeune, Homo et Radical sur la Terre Promise
Par Aaron Lakoff
http://1libertaire.free.fr/AnarIsrael02.html
L’émergence d’un mouvement anarchiste israélien ne pouvait se faire qu’en lien avec la nature du sionisme et de l’occupation. Or la grande majorité des organisations libertaires occidentales ont ignoré le problème palestinien pour ne voir en Israël qu’un Etat comme les autres, contre lequel on lutte comme en France, selon les schémas classiques que défendent farouchement, chacun avec son programme, les divers groupes libertaires.
C’est nier totalement le racisme, l’apartheid, le colonialisme, le nettoyage ethnique, comme si on voulait oublier l’attitude qu’ont eue nos propres Etats il n’y a pas si longtemps et qui nécessitait une réponse appropriée qu’on ne peut pas trouver chez les “penseurs”, mais sur le terrain.
Ce n’est qu’à partir de la première Intifada qu’un nombre raisonnable de libertaires ont pris vraiment conscience de l’existence des Palestiniens et de ce qu’ils subissaient. Pour se trouver confrontés avec des “camarades” qui, en réaction, ne se sont plus contentés d’occulter le problème palestinien, mais ont apporté leur soutien au sionisme en donnant une image négative de toute forme de résistance au nom de la symétrie entre occupants et occupés.
Les anarchistes israéliens ont été oubliés très longtemps par les orgas libertaires, et il est temps de rattraper ce temps perdu en leur apportant un soutien qui ne soit pas une exportation de nos critères occidentaux, aussi puristes soient-ils.
Que certains anarchistes se laissent aller à flirter avec le sionisme, c’est le résultat d’une longue histoire qui a commencé bien avant la création d’Israël. L’affaire Dreyfus et le rôle joué par Bernard-Lazare ont été le catalyseur d’une dérive qui s’est encore amplifiée aujourd’hui. Bernard-Lazare est un personnage qui présente beaucoup d’intérêt dans la mesure où il peut être récupéré par à peu près tout le monde, y compris malheureusement par des « libertaires » qui avaient rêvé de concilier l’anarchisme avec les valeurs de l’armée et de la République. On les retrouvera plus tard, pendant la « grande guerre », défendant un camp contre l’autre.
Le « premier dreyfusard » présentait en effet l’avantage de partager des valeurs communes avec Charles Péguy tout en restant fidèle aux idées anarchistes, comprenne qui pourra… Ce don du paradoxe lui a d’ailleurs permis de surfer sur deux comportements tout aussi condamnables : le sionisme et l’antisémitisme.
Sa conception du judaïsme l’a amené à manifester sa solidarité envers un juif français, fût-il capitaine de l’armée française, et à la refuser aux juifs « étrangers ». Ce qu’il écrit est sans ambiguïté :
« Que m’importent à moi, Israélite de France, des usuriers russes, des cabaretiers galiciens prêteurs sur gages, des marchands de chevaux polonais, des revendeurs de Prague et des changeurs de Francfort ? En vertu de quelle prétendue fraternité irai-je me préoccuper des mesures prises par le czar envers des sujets qui lui paraissent accomplir une oeuvre nuisible ? (29). Grâce à ces hordes avec lesquelles on nous confond, on oublie que, depuis bientôt deux mille ans, nous habitons la France, deux mille ans, comme les Francs qui envahirent ce pays et s’en firent une patrie… (30). En tout cas, ce que je veux proclamer, c’est que nous n’avons rien de commun avec ceux qu’on nous jette constamment à la face, et que nous les devons abandonner » (31). Il propose donc que les Israélites de France se retirent de l’Alliance Israélite Universelle, qu’ils ont eu le plus grand tort de créer. « Il serait plus normal, de la part des Israélites français, d’arrêter, d’endiguer s’ils le peuvent, la perpétuelle immigration de ces Tatars prédateurs, grossiers et sales, qui viennent indûment paître un pays qui n’est pas le leur » (32).?
http://judaisme.sdv.fr/perso/dreyfus/blazare/blazare.htm
Plus tard, Bernard-Lazare découvre le sionisme. D’après la même source :
« Contrairement à ce qu’il pensait en 1894, Bernard-Lazare croit de plus qu’il faut conserver et même fortifier ce sentiment national. Il faut être nationaliste. […]
D’ailleurs, cette évolution vers le nationalisme, non seulement est nécessaire pour Israël, mais même, soutient Bernard-Lazare, est souhaitable. […]
Ainsi, pour Bernard-Lazare, internationalisme et nationalisme sont nécessaires l’un à l’autre; ils s’appuient et se complètent. Désormais, il va se donner tout entier à son peuple retrouvé, sans cesser un moment de rester universaliste, SANS RENIER AUCUNEMENT LA FOI ANARCHISTE DE SA JEUNESSE.
Il dirige maintenant la partie française de la revue Zion (Sion), il collabore au Kadimah, « Organe pour l’Emancipation nationale du Peuple juif », il écrit dans l’Echo Sioniste. Son nom se répand parmi les sionistes de tous les pays.? En 1898, il assiste, à Bâle, au second congrès sioniste, où l’on recherche les moyens de créer .en Palestine l’Etat Juif préconisé par le Dr Herzl. Bernard-Lazare y fait l’objet d’un accueil enthousiaste. Il devient membre du Comité d’action.? De retour à Paris, il fonde une nouvelle revue, Le Flambeau, « organe du judaïsme sioniste et social ». […] »
Avec ce brillant palmarès, il peut sembler paradoxal qu’une telle personne puisse être présentée comme un modèle pour les anarchiste, mais c’est pourtant ce qui se passe encore dans certains milieux libertaires. Comme si le fait d’avoir été le « premier dreyfusard » était un sauf-conduit permettant toutes les dérives et rendant quelqu’un intouchable. Encore pire, certains se permettent aujourd’hui de juger les anars de l’époque d’après leur engagement dans l’affaire Dreyfus, comme si ne pas être dreyfusard c’était forcément être anti-dreyfusard comme les antisémites. Les anarchistes ne sont ni dreyfusards ni anti-dreyfusards, ils n’ont rien à foutre d’un capitaine de l’armée française, et leur lutte contre l’antisémitisme se passe ailleurs que dans les hautes sphères de l’armée et des institutions de la République.
L’affaire Dreyfus a été sans conteste une manifestation de l’antisémitisme de la société européenne. Les anarchistes, en antiracistes conséquents, se devaient d’être à la pointe du combat contre l’antisémitisme. Mais au lieu d’en faire un combat de classe et révolutionnaire, certains ont choisi une tout autre voie. Car Dreyfus n’était ni un simple juif ni un simple soldat, c’était un capitaine de l’armée française, cette armée qui tirait sur les grévistes et massacrait les indigènes dans les colonies. Des anarchistes « dreyfusards », c’est aussi ridicule que des féministes qui se réclameraient de Margaret Thatcher au nom des droits de la femme. Que des libertaires soutiennent Dreyfus individuellement, pourquoi pas, comme Voltaire avait défendu Calas sans partager sa religion, mais certainement pas de la même façon que Zola, qui n’était pas antimilitariste et avait une idée de la justice et de la démocratie qui était peut-être celle de Dreyfus mais certainement pas celle des libertaires.
De même qu’il s’est trouvé (et encore aujourd’hui !) des libertaires pour glorifier Bernard-Lazare et considérer qu’il pouvait parfaitement continuer à se proclamer libertaire tout en soutenant des valeurs racistes, nationalistes et républicaines, il s’en trouve aussi depuis la création d’Israël pour défendre l’« exception » sioniste au nom de la lutte contre l’antisémitisme ! C’est ainsi que des illuminés ont cru voir dans les kibboutz la continuation des collectivités libertaires de 1936 en Espagne, alors qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que de colonialisme, d’occupation et de nettoyage ethnique !
Il y a plusieurs façons de soutenir l’entreprise sioniste, soit directement, à travers un soi-disant sionisme « de gauche », voire même « anarcho-sionisme », soit plus hypocritement en dénonçant toutes les formes d’antisionisme et en les faisant passer pour de l’antisémitisme. C’est à cette tâche que se sont attelés les fossoyeurs du mouvement anarchiste, qui ont fait leur fonds de commerce du dénigrement systématique de toute forme de résistance, aussi bien en Palestine que contre le lobby sioniste dans nos sociétés occidentales. Nous pouvons en voir les brillants résultats ici, la liste des limites de l’antisionisme semble infinie, alors que le sionisme n’a aucune limite :
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2044
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2092
etc., etc.
Yves Coleman a fait des petits, et comment s’étonner que les pamphlets de ces braves gens aient été presque tous repris par la droite et l’extrême droite ?