sur angela davis et le parti des indigènes, les concepts universitaires et la réalité (et quelques notes sur ferguson et baltimore)
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Category: Global
Themes: Racisme
Dans l’actualité, ce parti fait depuis quelques semaines l’annonce de la venue de la politicienne américaine Angela Davis pour l’anniversaire des dix ans du Parti, le 8 mai, à Paris.
Rien d’anormal là-dedans : la chose relève de la stratégie politicienne basique, consistant à capitaliser sur le soutien plus ou moins réel de figures et personnalités « reconnues ».
Plus problématique est la perception qu’ont certain-e-s libertaires de ce type d’icônes, n’hésitant pas à affirmer un peu partout leur intérêt pour tel ou tel point d’analyse ou de réflexion des personnages en question, et qui se transforment souvent vite en citations puis adoptions pures et simples de postulats idéologiques mal digérés, puisque sortis de leurs contextes (en général politiciens et autoritaires). C’est en particulier le cas sur des thèmes comme la « race », la « communauté » ou les « oppressions » dites parfois « spécifiques », termes passe-partout, copiés-collés de l’anglais, et maintenant très en vogue, au moins depuis l’avènement des luttes à caractère indigéniste dont le zapatisme a constitué une manifestation importante à partir du soulèvement de 1994 au Chiapas.
Et presque tout ce qui a trait à une prétendue « appartenance » ethnique, comme la défense des « cultures » opprimées, « marginalisées » ou « invisibilisées », fait son petit bonhomme de chemin. Au moins chez les militant-e-s, qui espèrent ainsi étendre leur champ d’influence, vendre des idéologies rénovées et bon marché avec un peu de vernis libertaire (en affirmant par exemple leur « matérialisme » à tout bout de champ). Comme ça ne va pas fort en ce moment du côté du combat révolutionnaire organisé, autant diluer un peu les choses dans des formules plus attrayantes, on ne sait jamais. Plus de t-shirts et de produits culturels, une légère ouverture sur les classes moyennes et les néo-religieux, se débarrasser carrément de l’idée de la notion de « refus de parvenir », allez, ça pourrait marcher. Et puis on peut passer à autre chose si ce n’est pas le cas.
Angela Davis
Angela Davis est une intellectuelle marxiste d’origine afro-américaine, ex-militante des célèbres Black Panthers, parti afro-américain d’orientation léniniste, promoteur du Pouvoir au peuple, à forte consonance identitaire, né en 1966 dans le giron (et la récupération) de nombreuses luttes dans les ghettos noirs américains, et du Parti Communiste américain.
Il est plus commun d’insister sur l’héroïsme de certaines des icônes Black Panthers, largement célébrées par le spectacle et le gauchisme mondial depuis les années 70, que sur les fortes tendances virilistes et autoritaires en son sein, ou sur les luttes sanglantes que se livrèrent ses bureaucrates dans les années 70, qui furent en partie à l’origine de son éclatement (avec bien sur la répression menée par l’État via ses services secrets et le programme COINTELPRO).
Toute cette imagerie spectaculaire passe à la trappe les excellentes critiques formulées en leur temps par des révoltés issus des ghettos noirs comme James Carr [4] ou Charles Denby, qui en disent long sur l’estime relative dans laquelle les exploité-e-s afro-américain-e-s tenaient les Black Panthers. C’est que la révolte et les aspirations qui couvaient alors au sein du prolétariat noir ne pouvaient être entièrement encadrées par un Parti, même armé et « révolutionnaire ».
Les pages que consacre Denby dans son autobiographie [5], sans grands effets de styles ni analyses jargonneuses, à la rage incroyable qui animait les ouvriers (en grande partie noirs) des usines de Detroit jusqu’aux années 80 en témoignent largement.
Depuis cette période, marquée pour Angela Davis par un mandat d’arrêt du FBI, une cavale et deux ans passés en prison dans la célèbre affaire des Frères de Soledad (on lit un peu partout en français qu’elle aurait été condamnée à mort [6]), celle-ci est devenue une universitaire reconnue (en quoi ? On vous le donne en mille : les fameuses « gender studies ») et une politicienne médiatique. Elle visite Cuba plusieurs fois à partir de 1969, reçoit de nombreuses récompenses internationales dont le Prix Lénine pour la Paix ( !) que lui remet l’URSS en 1979, et devient candidate à la présidence des États-Unis pour le Parti Communiste en 1980 et 1984.
Une intellectuelle officielle à qui toutes les portes des médias sont depuis longtemps ouvertes, en somme. Lors de son dernier passage en France, elle était d’ailleurs devenue rédactrice en chef de l’Huma, et les très nombreuses interviews qu’elle a accordées à la presse disponibles en ligne donneront une idée suffisante de la radicalité de ses propos à celles et ceux que ça intéresse.
Révolté(e)s et intellectuel(le)s
Les anarchistes et antiautoritaires conséquent-e-s devront bien tôt ou tard laisser les élites intellectuelles à leurs débats et pseudo-polémiques dans les amphis des universités sur et autour de la « décolonisation » de l’anarchisme, la « post-colonialité », le capitalisme « occidental » et les nouveaux concepts à naître dans leurs milieux, se traduisant toujours en logiques théoricistes et politicardes, et permettant à quelques élu(e)s de capitaliser sur leurs prétendues découvertes. Et surtout cesser de les inclure dans les analyses et les textes qui servent à leurs combats.
Picorer quelques idées-concepts sur la « race » et les « communautés » n’aide en rien à l’action contre ce monde : l’impuissance de celles et ceux qui abreuvent leurs textes et communiqués de ces notions, et leur absence d’effet sur les luttes importantes de l’époque suffisent pour s’en convaincre. Récemment, la révolte de Ferguson et ses prolongements ont démontré l’inutilité des concepts en vogue et de celles et ceux qui les utilisent comme base pour des regroupements idéologiques.
Le rejet des théories sur les privilèges, des politiques d’identité, et de ce qu’elles impliquent dans l’organisation des révolté(e)s, n’est pas un refus de considérer des situations particulières pouvant sortir du cadre d’analyse historique de l’anarchisme ou de la pensée antiautoritaire (encore qu’il soit bon d’être précautionneux, tant les résultats de la prétention récente et toute intellectuelle à « déconstruire », sous des abords de radicalité, est parfois en-deçà des points de vue et des implications pratiques de l’anarchisme historique, de certains de ses courants un peu dépassés sous certains aspects y compris).
Mais il implique un éloignement de la pensée systématique réduisant la réalité sociale à des catégories étanches et déterminées, dont les professionnels sont bien évidemment friands (car elles fournissent la base d’une production intellectuelle marchande au sein des universités maintenant que le marxisme n’est plus la matière et l’idéologie prête-à-penser par excellence), tout comme certain-e-s militant-e-s (défendant l’idée selon laquelle la bonne théorie est un préalable nécessaire à l’action, et on connaît la portée de ce dogme dans les petits cercles marxistes notamment, qui justifie le rôle des intellectuels et des spécialistes).
Certain-e-s en viennent même à croire que la plupart des divers positionnements récents sur la « race » ou les « quartiers populaires » (qui font la renommée de plusieurs auteurs et de quelques maisons d’édition), intégrant les apports de diverses disciplines scientifiques, seraient particulièrement audacieux. Alors que les positions basiques sur ces thèmes sont aujourd’hui partagées par les courants les plus réformistes du monde dit antiautoritaire et gauchiste. Nouvelle époque, nouvelles mœurs : il y a encore quelques années, lorsque la question des cités françaises avait le malheur d’être évoquée en milieu libertaire « traditionnel » (et sans jargon universitaire ni concepts théoriciens), nombreux-ses étaient celles et ceux qui faisaient la sourde-oreille, installé-e-s confortablement dans leurs diverses spécialités et activités.
Bien entendu, et heureusement, les exploité-e-s n’ont pas attendu le spectre gauchiste organisé, ses professeurs et leur langage pour passer à l’action contre ce monde, dans lequel ces prétendus compagnon-ne-s occupent une place plus qu’ambiguë.
D’Oakland à Ferguson et Baltimore
Pour qui a pu observer sur le terrain (ou même au travers du miroir déformant de la culture spectaculaire : rap et gangsta rap, films indépendants et grand public, etc.) l’horreur sociale dans laquelle sont plongé-e-s les exploité-e-s afro-américain-e-s (et les autres à différents niveaux), les éruptions récentes qu’ont été Oakland ou Ferguson n’ont pas grand-chose de surprenant, mais présentent des aspects inhabituels, nouveaux et intéressants.
Ceux-ci n’ont bien sûr pas été identifiés par les éternel-le-s spécialistes autoproclamé-e-s, mais par les participant-e-s à ces journées qui ont raisonné bien au-delà des seuls ghettos noirs.
On peut lire à ce propos la traduction de l’excellent article américain parue en novembre dans la revue Avalanche, ou les apports du site Antistate STL, qui par leurs aspects pratiques valent l’essentiel des textes théoriciens des diverses sectes intellectuelles, marxistes ou non, additionnés.
Et comment ne pas se réjouir que les émeutes de Baltimore touchent un ghetto qui commence à deux pas des buildings, du centre historique de la ville, et de quartiers fortement gentrifiés (où l’auteur de ces lignes assistait l’an dernier, effaré, à un débat sur la gentrification dans un café coopératif « libertaire » presque intégralement fréquenté par des clients gentrifieurs) ? [7].
Ces émeutes déjouant donc pas mal d’analyses récentes affirmant que désormais, les actes de révolte collective ouverte se produiraient dans les nouveaux ghettos des banlieues américaines, où l’encadrement (de la loi et aussi des gangs) est moindre.
Tout ceci semble marquer l’entrée dans une nouvelle période, avec une intensité de ripostes à la violence institutionnelle dans les ghettos sans précédent depuis longtemps. Dans des zones bouleversées par l’invasion du crack depuis les années 80, les gangs et la culture du tous contre tous, la férocité de la culture capitaliste des « gangstas » du rap calquée sur celle du système, où les profils des révolté-e-s cadrent peu avec le traditionnel sujet révolutionnaire (on connaît le mépris historique de nombreux marxistes pour les « lumpen »), des événements comme Ferguson et Baltimore (mais aussi les récents mouvements de grève dans les prisons : en Alabama, en Géorgie, à Lucasville dans l’Ohio) parlent à un nombre toujours plus grand d’individus, qui ne peuvent qu’y voir des perspectives de sens à donner à la rage produite par les conditions de vie.
Et bien que les révolté-e-s afro-américain-e-s en soient peut-être les premiers protagonistes, il serait erroné d’y voir la seule question « raciale » à l’œuvre.
Si le monde évolue, la nécessité d’en finir avec celui-ci reste la même, comme les enjeux fondamentaux dans ce but : que les outils théoriques et pratiques soient forgés par les révolté-e-s eux/elles-mêmes, dans les situations de rupture et les combats qui les réunissent, à partir de leur vécu individuel et collectif, de leurs affinités, de leurs rencontres.
Un contributeur du négatif.
[Texte publié sous forme de brochure par Ravage Editions.]
Avant le pourrissement par des troll ethno-diiférencialiste ou racialiste, je note à titre personnel qu’un discours antisémite et ou des délires complotistes étaient présents lors de l’anniversaire du p.i.r
Bravo, vraiment, pour ce meeting historique.
La foule enthousiaste qui était là montre bien le chemin parcouru depuis
10 ans.
Les trois panels de femmes ont structuré la soirée d’une façon
formidable comme seules les femmes peuvent le faire.
Dans le moment très particulier que nous vivons depuis le début de cette
année, l’action du PIR est plus que jamais importante, notamment dans le
Front contre l’islamophobie où la question des alliances est et va être
cruciale, face à la sainte alliance de gauche et de droite. L’empilement
de lois, de dispositifs et de sondages directement ciblés contre les
Musulmans et les Arabes nous impose un travail de fond et des réponses
visibles.
IJAN France, certes fragile et encore peu présent dans l’action, suit
néanmoins de près l’action du PIR et, en son nom, j’affirme notre
solidarité.
Je vous adresse aussi, ci-joint, un message de IJAN International à
l’occasion de ce dixième anniversaire.
Salutations solidaires
IJAN-France (International Jewish anti-Zionist Network)
Les spécialistes de la liberté d’expression vous parlent !
pourquoi nous ne les soutiendrons jamais http://lille.indymedia.org/spip.php?page=article&id_article=13685
pourquoi nous ne les soutiendrons jamais suite
http://lille.indymedia.org/spip.php?page=article&id_article=13711
Et aussi :
« LA « LIBERTÉ D’EXPRESSION » DOIT ÊTRE DÉTRUITE, AU MÊME TITRE QUE TOUTES LES LIBERTÉS BOURGEOISES »
« LES MOTS SONT DES ARMES MORTELLES »
« ÊTRE LIBERTICIDE C’EST UNE NÉCESSITÉ »
https://nantes.indymedia.org/articles/27075
Bravo, les références des petits Goebbels !
Technique de manipulation classique… Qui en dit long sur ceux/celles qui l’utilisent (généralement de vieux staliniens anachroniques et arthritiques).
Les trois dernières phrases viennent d’un groupuscule qu’on ne pourrait imaginer plus lointain des grands méchants Non-Fides.
Les textes auxquels vous renvoyez qui sont bien de eux/elles, n’ont par contre rien de choquant, ils reflètent des positions anarchistes anti-nationalistes tout à fait traditionnelles et cohérentes.
Ce texte, qui va bien au-delà du PIR et de ses copains/copines, est par contre très intéressant, contrairement à vos commentaires de stasistes.
Laïcité, religions, blasphème, et communisme
La laïcité est un compromis avec la religion opium du peuple, elle vaut promotion républicaine de la paix sociale entre classes. Ni la laïcité ni l’athéisme militant ne combattent dans la religion ce en quoi elle empêche la lutte de classes, comme anti-douleur aliénant. La laïcité est une religion d’Etat, lieu sacré de l’économie politique, religion du capital. La lutte communiste dépasse le principe de laïcité, parce que sous la religion, elle s’intéresse aux individus prolétaires, à l’exploitation plus qu’à aliénation, aux conditions sociales plus qu’aux idées. C’est pourquoi la caricature du prophète n’est pas une vraie critique de l’Islam, elle est un manque de respect aux personnes de culture musulmane, croyantes ou non, et au-delà. En ceci la caricature du prophète, en mettant un voile mis sur l’essence sociale de la religion, enraye le combat communiste. Le communisme n’est pas une idée, mais un combat, auquel croire en dieu n’interdit pas de participer. Les communistes athées intégristes sont à contre-courant des combats concrets requérant l’unité des prolétaires par-delà leurs croyances et origines. Il suffit de vérifier l’intérêt que portent les pourfendeurs d’un supposé “islamo-marxisme” aux questions sociales, critère ultime pour ‘déconstruire’ les discours d’où qu’ils viennent.
Pour en finir avec l’islamalgame
Ces nouveaux croisés de l’athéisme laïcard font mine de croire que les marxistes se seraient ramollis, face aux religions. Que nenni. Cette tricherie tire d’un Marx lu à l’envers une religio-phobie, à priorité anti-«musulmans», c’est-à-dire alimentant la chasse aux mauvais arabes d’en-bas, dans une paranoïa prétendant combattre l’antisémitisme. Le cercle vicieux s’alimente en boucle dans la sphère médiatico-militante, faisant écran à la question sociale, parfois de part et d’autre, jusqu’à considérer comme raciste et antisémite le Parti des Indigènes mis dans le même sac que Dieudonné.
Cette radicalité anti-religieuse ne prend pas les choses à la racine, les rapports sociaux, qui est le sens du texte de Marx «la religion opium du peuple». Le concept d’islamo-gauchisme sert ainsi de paravent aux questions sociales et à la lutte des classes dans ses déterminations racialisées. Ils en rajoutent à l’idéologie, aux politiques et aux mesures liberticides du capital telles qu’elles produisent concrètement la segmentation racialisée du prolétariat.
Comment Marx est revu pour fonder l’islamophobie, Quentin Vanbaelen, Interview de Pierre Tevanian («La haine de la religion») suivie d’une discussion. On y trouve démontée l’argumentation du «marxiste» Germinal Pinalie, dont Yves Coleman recommande le blog. En mai 2013, dans un texte vidé de toute critique sociale, le soldat Coleman lumineux écrit : « Pierre Tevanian se trompe totalement de cible en attaquant et calomniant l’athéisme et les Lumières ». La boucle est bouclée : Coleman Charlie avant Charlie. Je les invite à une discussion-débat dans un «quartier sensible», je veux bien m’occuper de la sono mais pas du service d’ordre
.
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-663.html
Le bureau exécutif du Mrap dénonce le PIR comme « antisémite » : Analyse d’une stratégie
Récemment, le Bureau exécutif du MRAP s’en est pris au PIR, qu’il accuse d’antisémitisme. Selon ce communiqué[1], la dénonciation du philosémitisme de l’État français par le PIR[2] reviendrait à hiérarchiser les victimes du racisme et à valider la thèse d’une emprise juive sur la France. Ainsi, le PIR, selon la pensée ubuesque du MRAP, serait coupable de promouvoir ce que précisément il dénonce chez l’État : la hierarchisation des racismes.
Ce communiqué a été très vite relayé par l’organisation sioniste BNVCA, connue surtout pour son obsession à poursuivre en justice la campagne de boycott d’Israël par BDS. Celle-ci en a profité pour réclamer l’interdiction du PIR. Il a aussi été relayé par des antifascistes de carnaval[3] qui, à l’instar du BE du MRAP et autres antiracistes fossilisés, certains ouvertement islamophobes, ne frémissent pas à l’idée d’être les idiots utiles du néo-conservatisme à la française.
Bien que les dernières déclarations[4] de Gilles Clavreul, le nouveau délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, confirment notre thèse sur le philosémitisme d’État, nous ne ferons rien ici pour démonter les accusations de la direction du Mrap et laissons à nos lecteurs la liberté de nous interpréter. Nos mots sont pesés. Lorsque nous les rendons publics, nous les assumons entièrement. Aussi sommes-nous étonnés que l’association antiraciste ne nous ait pas encore traduits en justice car, comme elle ne l’ignore pas, l’antisémitisme est un délit, pas une opinion.
En attendant notre convocation devant un tribunal, nous nous permettons de livrer les véritables motifs de cette charge aussi grossière que pathétique. En effet, sous ses airs faussement angéliques, l’association poursuit des objectifs bien moins avouables qu’il n’y paraît.
Le communiqué du MRAP ne fait que révéler ce que nous savions déjà : l’un des derniers bastions du vieil antiracisme moral craque de toute part et glisse à son tour vers le national-républicanisme. Celui-ci a renoncé depuis longtemps à lutter contre le racisme d’État pour se consacrer à des passions nouvelles : liquider l’héritage du regretté Mouloud Aounit qui avait fait de l’islamophobie son cheval de bataille, et lutter contre le « racisme anti-blanc » (une idée jusque-là cantonnée à l’extrême-droite).
En vérité, le grand regret du Mrap, c’est la fin de l’antiracisme paternaliste des années Mitterrand si cher à la gauche institutionnelle. Un antiracisme stérile où l’indigène, infantilisé et éperdu de reconnaissance pour ses protecteurs, savait demeurer à sa place de figurant. Dès lors que les victimes deviennent actrices de leur destin et l’expriment de manière autonome, l’antiracisme officiel panique.
Le communiqué traduit ainsi une réaction aux recompositions en cours dans le champ de l’antiracisme, où les renoncements du Mrap au combat contre l’islamophobie et ses compromissions avérées avec le racisme institutionnel ont été débordés par l’antiracisme politique des indigènes et de leurs alliés. Que ce soit après les manifestations contre l’exposition Exhibit B ou encore dans les conférences internationales contre l’islamophobie (décembre 2013 et 2014) et le meeting contre l’islamophobie du 6 mars 2015, le MRAP s’est retrouvé du mauvais côté de la barrière.
Nous savons que le PIR n’est pas la véritable cible des attaques. En vérité, ce que l’actuelle direction du Mrap – en quête du monopole perdu de l’antiracisme – escompte, c’est casser les nouvelles et fragiles solidarités militantes qui se tissent entre les associations musulmanes comme PSM, l’UOIF, les associations luttant contre l’islamophobie comme le CCIF ou MTE, les mouvements politiques comme le PIR, et la gauche radicale et antiraciste. En d’autres termes, sous ce prétexte – le pseudo-antisémitisme du PIR, dont la démonstration ferait le bonheur de beaucoup – il fait ce que Caroline Fourest a déjà tenté de faire à l’occasion du meeting du 6 mars, quand elle avait stigmatisé l’alliance avec des « communautaristes », des « sexistes » : briser un front de lutte qui menace son pré-carré.
Mais, s’il justifie contre nous des appels à la répression, c’est bien lui, par l’entremise des luttes politiques, qui risque de finir dans les oubliettes de l’histoire. Heureusement pour nous, le Mrap n’est pas constitué que de sa seule direction. Un autre Mrap est-il encore possible ?
Le PIR
Le 27 avril 2015
[1] http://www.mrap.fr/ab-non-au-philosemitisme-d2019etat-bb-un-slogan-indigne-1
[2] http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et-philosemitisme-detat-ou-comment-politiser-lantiracisme-en-france-3/
[3] http://luftmenschen.over-blog.com/article-les-effroyables-imposteurs-du-12-janvier-125634240.html
[4] « Tous les racismes sont condamnables, mais le racisme anti-Arabe et anti-Noir n’a pas les mêmes ressorts que l’antisémitisme dans sa violence. Il faut être capable de dire la particularité de l’antisémitisme », libération, le 16 avril 2015
http://indigenes-republique.fr/le-bureau-executif-du-mrap-denonce-le-pir-comme-antisemite-analyse-dune-strategie/
Racisme(s) et philosémitisme d’Etat ou comment politiser l’antiracisme en France ?
Allocution de Houria Bouteldja à la Maison de la Littérature à Oslo, le 3 Mars 2015, lors de la conférence « Minorités, nationalisme et États-Nations ».
Je voudrais commencer par rappeler que la conscience française est fortement structurée autour de la mémoire du génocide des Juifs, communément appelé « Shoah », et que cette conscience constitue une colonne vertébrale de l’antiracisme français.
http://www.ujfp.org/spip.php?article4008
Du philosémitisme d’Etat
Houria Bouteldja a écrit un texte où elle dénonce, avec raison le philosémitisme d’Etat. Ce texte lui a valu de nombreuses critiques dont celle du MRAP qui a trouvé son texte antisémite, ce qui me semble stupide et injurieux.
Pour mettre en peu d’ordre dans cette notion de philosémitisme, je vous envoie le texte suivant que je propose de mettre sur le site (UJFP).
Du philosémitisme d’Etat
Par Rudolf Bkouche
Le philosémitisme est une forme d’antisémitisme.
La philie comme la phobie conduit à mettre un groupe humain à part. Qu’on lui prête des qualités exceptionnelles ou qu’on le considère comme un ennemi du genre humain, il s’agit dans les deux cas d’enfermer un groupe humain dans une essence immuable, de le sortir de l’histoire et de le réduire à un mythe.
Mais la philie, en particulier lorsqu’elle est prise en charge par l’Etat, a d’autres enjeux, enjeux essentiellement politiques, dont le plus important est de diviser en fabriquant du ressentiment renforçant ainsi la concurrence des victimes.
C’est ce qui se passe avec le philosémitisme d’Etat tel qu’il se développe aujourd’hui. Un phénomène comme le philosémitisme d’Etat a plusieurs causes et nous proposons ici d’analyser quelques unes d’entre elles.
http://www.ujfp.org/spip.php?article4117
extrait de l entretien avec tarik kawtari, militant du mib, lisible sur ce meme site.
Cela répond aux diverses diatribes mélant “verbalisme radical”,insultes et insinuations diffamatoires lu ces derniers temps.
Ni victime, ni héros : responsable c’est tout ! »
Je ne m’inquiète pas sur le long terme. C’est une idée qui fera son chemin et qui existera sous une forme ou une autre. Peut-être qu’on est un peu idéaliste, mais il faut l’être un petit peu si on veut avancer. Si tu charges trop la barque en prétendant constituer un mouvement politique, beaucoup plient sous le poids. Mais si tu fédères des initiatives, avec des actions collectives qui s’enchaînent, tout cela paraîtra évident. Alors il vaut mieux ne pas en parler et le faire. Au départ c’était cela le projet du MIB.
On a tenté des alliances en tapant du poing sur la table pour essayer de formaliser un peu les choses. Vu les mouvements aujourd’hui, il n’y a pas eu beaucoup mieux. Les Indigènes de la République ? C’est un décalage entre les discours et la réalité. Il n’y a pas de confrontation au terrain. Les discours tenus dans un salon parisien ou à la télévision, ça peut séduire et faire illusion. Comme s’il n’y avait pas besoin de créer un rapport de force ! Tout cela n’est pas très politique. C’est comme une affirmation réitérée, un caprice qui aurait vingt-cinq ans de retard. La marche de 1983, elle a déjà permis cette affirmation : « On est ici chez nous ! ». Ça veut dire qu’on a le droit à un traitement égal. C’est cela l’essentiel, avec la question de la responsabilité. Ni victime, ni héros : responsable c’est tout ! Pas de victimisation, pas d’héroïsme. Tant qu’on n’arrivera pas à lier les deux aspects, la question de la responsabilité avec ce qui se passe dans nos quartiers, c’est encore le règne du laisser-aller qui l’emportera !
De l’usage réactionnaire de la notion d’« antiracisme de classe » par Yves Coleman
« Antiracisme de classe » ou lutte de classes des racialisés ? identitaires ou identifiés ?
Décidément, Yves Coleman est bien pratique, avec ses gros sabots :
« Acquérir une vision claire des différentes formes de racisme et de leurs rôles. Et réfléchir à ce que pourrait être un antiracisme de classe »
Bien pratique pour des considérations dépassant sa personne et son militantisme spécialisé dans la dénonciation, non de l’Etat et du capital, mais des militants d’extrême-gauche.
Tout l’article est construit avec l’idée que le racisme est… une idée. Il s’agirait de s’en faire la bonne pour élaborer le bon «antiracisme», de préférence de gauche ou d’extrême gauche, en prenant en compte des « analyses de sociologues, historiens et spécialistes de sciences sociales, universitaires, économistes… ». Notons au passage que pour Yves Coleman, F. Fanon, Malcolm X, Stockely Carmichael, Huey Newton, Angela Davis sont des « identitaires », un qualificatif qui trouverait grâce à lui une valeur rétro-active pour tous ceux qui ont mené depuis des siècles leurs luttes contre leur esclavage, leur colonisation ou leur ségrégation institutionnelle en France… Le Noir sur-exploité qui se bat le fait parce qu’il est exploité, pas parce qu’il est noir, mais s’il est plus sur-exploitable, c’est parce qu’il est noir.
Il ne vient pas à l’idée d’Yves Coleman que les premiers concernés par le racisme sont les “victimes” du racisme, et qu’eux ne se définissent pas comme « antiracistes ». L’antiracisme vient d’une extériorité compassionnelle au problème de classe et de race. À l’inverse, c’est toujours partant de leur situation concrète, de leur situation sociale, économique ou de leur confrontation à la répression policière, que ces populations racialisées entrent en luttes, des luttes qui ne se caractérisent pas par des revendications «identitaires», mais plutôt à visée dés-identitaires. Au fond, ils ne demandent pas un soutien « antiraciste de classe » à leur luttes. Une telle posture finalement morale n’est bonne qu’à soulager la conscience militante blanche… ou assimilée […]
« Penser l’histoire et le présent des identités dans leurs rapport aux classes sociales et à leurs antagonismes »
Vouloir définir un « antiracisme de classe », c’est vouloir donner des leçons de classe aux racialisés. C’est oublier que le racisme réel est un rapport social, et comme tout rapport social dans le capitalisme, une rapport de classe en lui-même de par son intérêt pour le capital, non par une quelconque prise de conscience apportée par une posture militante qui ne mange pas de pain… noir. D’autant quand on passe son temps, comme Yves Coleman, à flinguer tous ceux qui justement sont pris dans la tourmente et les tourments d’être, non pas «identitaires», mais identifiés par leurs couleurs de peau.
http://patlotch.com/text/488b2cdb(Patlotch2013)-608.html
Quelques observations sur un reportage de Politis à propos de l’anniversaire des dix ans du PIR
Le reportage d’Erwin Manach « Les Indigènes de la République dans une « lutte des races sociales » » dans Politis (l’un des rares médias nationaux à ne pas avoir boycotté un événement politique pour le moins original : 100 % féminin, 100 % non-blanc, fêtant les 10 ans d’une organisation politique autonome avec la présence d’une figure majeure du mouvement noir américain, Angela Davis) est autant significatif d’un effort grandissant de certains secteurs de la gauche française pour mieux comprendre les luttes indigènes que de la difficulté qui persiste à les appréhender dans les grilles de lecture en vigueur[1].
Il est tout à fait légitime que le journaliste donne son point de vue sur l’événement auquel il a assisté. En revanche, cela devient problématique quand se dissimulent derrière ce point de vue des appréciations qui prétendent rendre compte de la sensibilité politique du PIR et de ses sympathisants alors qu’elles traduisent surtout les préjugés de l’auteur.
Nous voudrions surtout revenir sur un commentaire insidieux du reportage qui jusque-là s’en tenait aux faits. À la fin de son article, Erwin Manach écrit en effet : « Alain Soral, pamphlétaire antisémite et d’extrême droite, et son « Égalité et réconciliation » sont « timidement » hués par la foule, plus prompte à huer Philippe Val, Caroline Fourest et Alain Finkielkraut. »
L’insinuation est claire. Elle renvoie à l’argument de tendances dominantes de la gauche française, en particulier développé par Jean-Loup Amselle, selon lequel le soralisme et le PIR seraient des expressions contradictoires d’une même dérive ethnique et identitaire du débat politique français, au détriment des vrais combats émancipateurs dont cette gauche serait porteuse[2].
Le procédé est sournois car l’auteur émet un jugement politique, sans avoir à l’assumer, ni à le soutenir. En quelque sorte, la moins grande animosité perçue du PIR et de ses sympathisants vis-à-vis de Soral seraient la preuve de cette proximité paradoxale avec l’extrême-droite antisémite[3], au détriment d’autres courants – quand même moins infréquentables[4] – de la politique française.
Pourtant, il ne faut pas aller chercher très loin pour trouver des textes du PIR qui mènent une critique sans concessions du soralisme et surtout en des termes qui empêchent les raccourcis ainsi ébauchés entre l’extrême-droite antisémite et la dénonciation du philosémitisme d’Etat par le PIR[5]. Certes, l’auteur n’oublie pas de mentionner aussitôt la charge d’Houria Bouteldja contre Soral. Il ne nie pas non plus que ce dernier ait été hué. Il introduit seulement un jugement de valeur, subjectif et irréfléchi, sur la « qualité » supposée des sifflements/applaudissements alors même que la partie du discours d’Houria Bouteldja consacrée à la critique radicale d’Alain Soral est accueillie par une ovation[6]. De plus, il oublie de penser que, s’il y a eu de très fortes réactions face à d’autres figures de l’actualité comme Fourest ou Finkielkraut, c’est parce qu’elles sont hégémoniques dans l’espace médiatique et légitimées par une partie de la gauche (d’où une bataille politique cruciale), tandis que le combat contre Soral, que nous menons depuis longtemps et sans relâche[7], est plus consensuel. Bref, l’essentiel est d’entretenir l’équivoque, sans complètement trahir les faits et les paroles.
Or, le PIR combat le racisme dans toute l’étendue du champ politique blanc, en particulier l’extrême-droite et ses déclinaisons, Soral en étant une, ainsi que ses expressions à gauche qui, en même temps qu’elles prétendent s’opposer à l’extrême-droite, y trouvent un alibi à leur propre défense du privilège blanc, en se rapprochant parfois dangereusement de ses positions. Par ailleurs, elles constituent un obstacle à la constitution d’une majorité décoloniale, où certains secteurs de gauche pourraient s’insérer.
Nous avons aussi déjà répondu aux accusations du type de celles qui nous ont été lancées par Amselle et bien d’autres[8]. Nous n’y reviendrons donc pas. Toutefois, il est quand même bon de rappeler le mobile de ces raccourcis. La mise en évidence du privilège blanc et de la colonialité de la pensée et des pratiques qui structurent le champ politique français va de l’extrême-droite jusqu’à la gauche paternaliste, même définie comme « radicale ». Dès lors, cette dernière perd le monopole des luttes pour l’émancipation. Pire encore : ses idéaux émancipateurs et les lectures politiques qui les sous-tendent se trouvent profondément remis en cause.
Il est donc de bonne guerre que cette gauche assimilée par nous avec l’extrême-droite à la domination blanche, veuille nous associer avec l’extrême-droite, comme si – sous couvert d’universalisme (national-républicanisme, lutte des classes, etc.) – elle n’était pas elle-même impliquée dans les dérives identitaires qu’elle dénonce[9]. En effet, celles-ci sont davantage l’expression de la radicalisation de la défense du privilège blanc que le « fait » des indigènes, à tort renvoyés à elles, quand ils s’insurgent contre ce privilège. Il existe, en ce sens, des vases communicants entre les contenus de certains positionnements gauchistes, républicains et d’extrême-droite, notamment face à nous, ceux-ci bien concrets et aucunement supposés ou imaginaires. En somme, on crée des confusions entre des approches qualitativement incomparables de la fracture raciale, afin de ne pas avoir à considérer la lutte des races sociales, où on défend farouchement ses intérêts objectifs[10].
En rompant avec le champ politique blanc, le PIR a certes rompu avec le clivage droite / gauche, tel qu’il s’est configuré dans la trajectoire du privilège blanc. Toutefois, il n’a pas fermé la porte à la construction d’un pôle anticolonialiste large et à l’articulation des luttes en ce sens, dans la mesure où la gauche radicale rompe avec le consensus postcolonial et raciste, où s’inscrivent ses recommandations paternalistes à notre égard[11]. Il n’a même cessé de rappeler, à la suite de Sadri Khiari, que « (…) parce qu’elle est le partenaire indispensable des indigènes, la gauche est leur adversaire premier »[12] ; ceci retourne complètement l’argument quant à l’affinité « secrète » et paradoxale (hallucinée !) du PIR avec l’extrême-droite, au détriment de la gauche.
Au rapport fixé par cette sentence entre la lutte décoloniale et la gauche blanche, cette dernière confrontée à ses propres paradoxes et à ses propres impasses, continuera-t-elle encore longtemps à répondre par son propre monologue ?
Malik Tahar-Chaouch, membre du PIR