Le 09/11/2010 :

La situation est pas au beau fixe au Mans niveau possibilité de construction de la lutte chez les « djeunes ».

L’université n’est plus bloquée et les lycées ont vu tout leurs piquets de grèves, le matin même, foutus en l’air par les administrations et/ou la police. Un commissaire a prévenu ce matin « L’ambiance est entrain de changer à la préfecture, alors jouez pas aux cons. »

Les syndicats ne sont plus lancés dans les mouvements de blocages économique de la Zone Industrielle Sud, ni même d’action symboliques. Il y a bien longtemps que les camions citernes vont et viennent librement au délot pétrolier, contrairement à ce qu’aurait pu laissé penser les promesses ultra vénères de FO et des territoriaux de la CGT.

Le rythme semble se distendre entre chaque grosse journée nationale et le brave peuple manceaux a l’air de vouloir s’empresser de re-sombrer dans son train-train léthargique du tramway-boulo-dodo.

« On se vengera en 2012 » C’est qu’en plus ils y croient ces cons. Ou alors ils font bien semblant.

« C’est pas avec des actions radicales et minoritaires qu’on va gagner! C’est en massifiant, en convainquant uns à uns tout le monde qu’on peut gagner et qu’il faut se mobiliser ». Rabâche le NPA, ce qui ne manque jamais de faire grincer des dents à ceux qui ont bien compris que personne de plus ne descendra dans la rue à ce stade et que la seule chose à faire est de se demander comment bloquer l’économie un maximum avec le nombre de gens qu’on a à disposition.

Ici, contrairement à Rennes, il n’y a pas de Maison de la Grève, ni d’AG inter-luttes. Les bastions ouvriers sont historiques, les centrales syndicales trop attachées à leurs pouvoirs « d’inter-pros », et le jeunisme trop fort…

On se bat entre jeunes, on porte des revendications jeunes, on suit des mots d’ordres jeunes, manifestations jeunes : gloire et louanges aux coordinations nationales étudiantes. Le Mans a accueillit la première de son histoire, c’est donc que l’évènement est forcément magnifique et digne d’intérêt. Tout le monde nous a complimenté sur l’organisation, on peut poser nos couilles sur la table en souriant bêtement.

De plus en plus les AG sont des simulacres d’oppositions où on joue au militant, on se prend pour un Robespierre. Les mot « massification » et « légitimité » sont rabâchés jusqu’à plus savoir ce qu’ils veulent dire à tout ceux qui ont le malheur de vouloir agir tout de suite et maintenant. « Ils ne comprennent pas, c’est des totos qui veulent détruire la grève en marginalisant le mouvement. » Peux t’on entendre parfois dans la bouche des plus polis.

La société du spectacle s’insinue jusque dans ces AG où on laisse la droite et les anti-grévistes venir donner leur avis, pour plus de représentativité, pour plus coller à la « réalité », pour se prendre un déblocage dans la gueule.

Miraculeusement, sans qu’on sache trop pourquoi, le vote de l’occupation symbolique de la Fac est lui passé. En effet, zoom sur la nuit d’avant :

Dans la nuit du 08 au 09/11/2010 on reste donc dans l’Amphi 1 suite à la décision de l’AG. Peut-être la dernière occasion de situation avant le retour « à la normale ».

Jusqu’à 22H on mange, on picole, on déconne, on fait aussi un peu de taff militant, mais pas trop.

Une syndicaliste râle : ça sert à rien votre occupation si c’est pour ça, y a du taff à faire.

Au contraire, la fête n’est pas une option, elle ne l’a jamais été, nous demandons à sortir de la rationalisation perpétuelle de la lutte, nous ne voulons pas combattre le travail pour le reproduire, mais combattre le travail en étant de vie, d’exultation, de joie. La « teuf-teuf » permet de lier les corps, les âmes, bien plus qu’un comité de mobilisation froid, dans lequel on se contente de differ des tracts sous la plus à 07H30 du matin comme des automates. Il est de notre devoir aussi de nous réapproprier les lieux, de les charger affectivement, de les détourner de leurs usages premiers. Alors oui, notre occupation sert.

A 23H une formation est faites sur les réflexes à avoir face aux keufs en manif et sur la protection des cortèges. Bon accueil. Vu l’action qui se dessine demain, va y en avoir besoin.

23H30 : jeux débat sur le féminisme : on argumente, on déconne, on rigole bêtement.

00H00 : concert d’un pote mobilisé : guitare et chant dans une lueur tamisée. Y a un comme un air de folk des USA sur la barricade. Ca tombe bien, un globe trotteur américain est passé dans le coin pour voir ce que sa donne l’anarchie à la française. Au moins il comprend les paroles lui et hoche la tête d’un air approbateur entre deux prises de photos.

Vers 1 heure du matin un débat s’engage sur la lutte, l’utopie, la révolution, le monde de l’après et le rôle réformiste des syndicats. « Toi aussi tu t’rappelles quand il nous ont trahis cette année là, et celle là aussi, ah oui et c’coup ci pareil. »

C’est comme ça jusqu’à 3 heures, y a une émulation, on communique des trucs dont on veut parler, on échange avec des cernes de 3 kilomètres sous les yeux.

Au final on est plus qu’une quinzaine à dormir sur place. Mais au moins on l’aura fait! La presse était au courant de notre occupation, on l’a pas vu pointer le bout de son nez.

Quelques heures plus tard, vers 10 heures du matin. Une petite cinquantaine d’étudiants a rejoins environ 250 lycéens en ville, ceux qui malgré le déblocage de leurs lycées, les pressons policières et de l’administrations restent motivés : direction la gare.

« Whouaw sont beaucoup les poulets. » Impossible donc de passer frontalement, il faut trouver un autre passage moins garder.

C’est ce qui se fait par une grille préalablement ouverte par des lycéens qu’il n’y a plus qu’à pousser en courant. Le petit cortège va sur les rails tandis qu’un cordon humain fort des techniques apprises la veille se met en place pour protéger cette « entrée/sortie » improvisée de la vindicte policière.

L’occupation est éclair, la SNCF dit qu’ils vont envoyer les keufs, y a de la charge dans l’air, on a déjà accomplit un truc grand vu notre petit nombre et là on a clairement pas le rapport de force pour rester plus longtemps.

On s’en branle, la mission est accomplit, la circulation est coupée sur cette voie, il leur faudra 3 heures pour la relancer.

On repart tous ensemble, suivit de prêt par une BAC qu’on garde à l’oeil. Un dépôt de plainte est posé par la SNCF… effrayant de banalité.

On envahit un tram avec les lycéens. Direction l’université, car là bas les flics peuvent pas entrer sans accord du président des lieux. Dommage. Ils sont arrêtés à un carrefour à nous regarder avec leur air de merlan frit.

« nananèreeu nananèreuuu »

Une coordination étudiante lycéenne a lieu.

Y a comme un vide… où sont les chômeurs, les précaires, les travailleurs, les retraités, bref… tout les autres?

La conclusion syndicale et partisane est sans appel : il faut massifier et ne plus faire ce genre d’actions dangereuses car on n’a pas la légitimité pour les faire.

Du début à la fin du mouvement, ils n’auront eu que ces mots à la bouche, et dans la mienne : un goût amer.