Quelques caractéristiques du mouvement étudiant
Catégorie : Global
Thèmes : Luttes étudiantes/lycéennes
Lieux : Poitiers
État du mouvement et ses limites
Pour commencer nous présentons dans ce texte un bilan de se qui se passe du coté étudiant d’un mouvement démarré après la mi-janvier par les enseignants-chercheurs (EC). Dans les premier temps les assemblés générales (AG) ont été assez conséquentes avec à chaque fois un minimum de 400 personnes présentes. Les manifestations quand à elles ont aussi montré une mobilisation certaine avec toujours un minimum de 4000 personnes venues des 3 universités lyonnaises. Nous avons alors eu droit à une semaine de vacances qui pensions-nous ne viendrait rien gâcher. Pourtant, lundi 23 l’AG étudiante traditionnelle n’a regroupée que 200 personnes dont la moitié est partie en cours de route. Le lendemain une manif était prévue qui à rassemblé 150 personnes à tout casser. Mais qu’arrive-t-il donc à ce que nous pensions être un mouvement bicéphale avec d’un côté les EC et de l’autre les étudiants ? En réalité on peut remarquer que le mouvement n’a pas vraiment pris comme on pouvait le penser avant les vacances. En effet, très peu d’étudiants non militants par ailleurs prennent part à la construction du mouvement. Cela se voit particulièrement sur la fac de Lyon 2 quais où des étudiants avaient pour projet de véritablement occuper l’université, de jour comme de nuit, avec la mise en place nécessaire d’une cuisine collective. Lundi 23.02.09 au soir, première déconvenue il n’y a pas assez de monde pour tenir une occupation de nuit. Seconde déconvenue, durant le reste de la journée il n’y a pas plus de 25 personnes qui tournent pour faire fonctionner une vie collective. Parmi cette vingtaine de personnes, peu ne sont pas des militants déjà aguerris. Cette composition ne nous pose aucun problème à priori à partir du moment où existe véritablement un tournus avec des étudiants sans passé militant, en somme des étudiants qui prennent part à un mouvement social. Par contre ce qui est notable c’est que cette initiative est vécue par les personnels et les profs comme quelque chose d’étranger, comme si des saboteurs étrangers à l’université s’étaient donnés rendez-vous !
Les AG et leurs habitués
D’abord pour ce qui est de la tribune tout se fait par cooptation ou seule une minorité « d’élus » viennent représenter diverses organisations. En vérité ces organisations se partagent bien le privilège de commander l’AG mais surtout de prendre la parole. C’est ainsi que l’on a droit à une succession d’intervenants se présentant comme encartés, ou au contraire comme « membre d’aucune organisation », qui avec plus ou moins de nuances viennent exposer leur lubie du moment. Il ne s’agit pas ici de faire, par exemple, de l’anti-syndicalisme primaire mais bien de noter que la parole n’est prise que par quelques tribuns masculin en mal de « masses » à convertir à leur propre avis, et à faire adhérer à leur groupuscule, pour ceux qui sont leaders d’une organisation. C’est ainsi que les AG de Lyon 2 sont désormais, à juste titre pensons-nous, désertées par les étudiants et étudiantes. Le plus spectaculaire, ce que nous soulignons, est le non renouvellement des intervenants qui en dit long sur l’existence d’un véritable mouvement étudiant. Tout se passe de telle sorte que l’infrastructure d’un mouvement est en place tout en étant hermétique à tout-e nouvel-le étudiant-e-s. Ce n’est pas un double mouvement étudiant-e-s et EC qui à lieu à Lyon 2 mais un appui des étudiants au mouvement des EC. Cette approche se vérifie dans les manifestations qui regroupent nombre d’étudiants avec leurs enseignants même si il y a eu moins de monde en manif après les vacances. La force du mouvement des étudiants n’est donc pas proportionnelle à celle des EC.
La nécessaire rupture avec le « programme prolétarien » marxiste
Mais attardons-nous maintenant sur le discours des « tribuns » qui se pensent représentants d’un mouvement. Ceux-ci font appel à des catégories et des conceptions qu’il nous paraît important de disséquer car elles conditionnent les orientations prises pour construire un mouvement. Une première catégorie est cet appel à « massifier », incantation qui signifie que le nombre compte peut-être par-dessus tout, à ce titre on aime se compter car cela révélerait la vraie nature d’un mouvement comme nous l’avons fait au début de ce texte. Pourtant ce que nous a révélé le CPE comme le premier mouvement anti-LRU, c’est que pouvait très bien exister une minorité active qui donne forme à un mouvement tandis qu’une majorité accepte plus ou moins cet état de fait. Bien sur cette séparation a été une grande faiblesse pendant l’anti-LRU mais au moins nous avons été nombreux et nombreuses à nous rencontrer alors pour la première fois. Aujourd’hui rien de tel ou presque, il y a comme l’impression de tourner en rond entre initiés. Second point, l’appel aux « classes populaires », révélateur du discours anticapitaliste qui s’appuie sur une lecture de la société et de ses conflits en termes de classes. Cette approche se double chez certains-es d’un anticapitalisme autoritaire qui prend appui sur le marxisme-léninisme. C’est d’ailleurs avec une telle idéologie que certains adhèrent à un comité de mobilisation qui, comme l’a dit un représentant stalinien, serait là pour « commander le mouvement ». Mais ces représentants staliniens ne sont pas exempts de contradictions lorsque un meneur des jcML (jeunesse communiste marxiste léniniste) donne des leçons sur ce qui est démocratique dans la constitution d’un comité de mobilisation ! On à beau être dans une approche autoritaire on n’en reste pas moins contraint à un démocratisme radical.
Face à ces représentants du marxisme léninisme nous voulons affirmer un point de vue, pas moins construit, sur le nécessaire abandon du « programme prolétarien », celui du manifeste du Parti communiste, car il n’a plus lieu d’être aujourd’hui où le prolétariat à été démantelé et disloqué. Ceci n’est pas qu’une question théorique mais bien une nécessité pour comprendre nos luttes actuelles. En effet nos « camarades » appellent à ce que des « syndiqués de classe » (sic) viennent à étendre le front contre le patronat. Nous comprenons bien par là qu’il est fait appel à des syndicalistes qui seraient plus conscients que d’autres pour passer outre les organisations syndicales où du moins à les contraindre à tenir une position de classe justement. Pour notre part nous constatons que toute organisation de classe permanente, préalable aux luttes ou persistant au-delà, est aujourd’hui confrontée à son échec à court et moyen terme dans la mesure ou il n’existe plus de conscience de classe. De notre point de vue la seule chose à faire pour les êtres atomisés d’aujourd’hui c’est de se rassembler pour construire des organisations adhocs comme l’est « École en danger ». En effet, on peut facilement constater l’absence d’une unité de conscience qui ferait qu’une jeunesse venant de milieu populaire se reconnaîtrait et porterait une aspiration à un changement radical. Ceci est bel est bien fini dans la mesure où aucune partie de la société n’est porteuse d’une révolution à venir. C’est d’autant plus vrai pour ce qui serait du rôle moteur des ouvriers dans cette lutte des classes que tous fantasment. Mais cela ne signifie pas que la société est dépourvue de luttes, de conflictualités qui apparaissent sous la forme de réactions au démembrement de l’éducation et d’autres secteurs de la fonction publique. D’ailleurs le fil historique des luttes ne s’est pas arrêté avec la « révolution du capital » [1], c’est-à-dire l’absorption des contradictions de l’époque fordiste vers une nouvelle forme du capital. Au contraire nous avons droit, tendanciellement, à une restructuration de l’ État en un réseau fait de dispositifs adhocs.
Pour revenir à nos tribuns, certains ont comme programme, pas nouveau, le renversement de nos dirigeants pour y substituer un gouvernement « populaire ». Toute leur stratégie politique est fondée sur cette approche menée à la faveur d’un opportunisme débridé, à entrer dans de multiples organisations comme le PCF par exemple. Ce qui n’est pas compris c’est que les syndicats quels qu’ils soient ne sont plus des organisations de classe, à plus forte raison les syndicats étudiants comme l’UNEF. En effet, à chacune des interventions de l’UNEF on sent venir un vent de méfiance chez les étudiant-e-s qui ne sont pas dupes du jeu de cette organisation pour récupérer le bénéfice d’image que leur apporte un mouvement social au profit d’un parti, le PS. Voilà à quoi en sont réduits les syndicats, chercher un bénéfice d’image à la faveur de la politique parlementariste et en aucun cas à porter une masse d’étudiants vers une option de changement radical de la société. Même la FSE qui veut se présenter comme une organisation « de masse » n’a fait qu’encarter quelques individus de plus après le mouvement anti-LRU. A propos de ceux qui seraient toujours à la recherche d’une unité de masse chez les étudiant-e-s on peut dire que cela s’apparente à la recherche de L’arche perdue. En effet, si nous n’arrivons pas à construire un mouvement sur cette base c’est bien parce que l’expérience quotidienne des étudiants est bien l’isolement. Ces derniers se délient de toutes attaches au fur et à mesure que leur niveau d’éducation les sépare des mondes sociaux dont ils proviennent où alors ils reprennent l’héritage de leurs parents. Ils sont particules du capital comme le sont tant d’individus dans cette société. Mais il ne faut pas seulement constater le démantèlement et la dislocation des classes populaires, les classes dominantes aussi ont subi une transformation radicale. La bourgeoisie au sens d’élite éclairée et consciente de ses intérêts telle qu’elle s’exprimait au XIX ème siècle n’existe plus. En effet, les familles qui formaient la bourgeoisie se sont converties dans des groupes financiers en cascade qui contrôlent les entreprises. On peut prendre le cas de la famille Arnaud qui contrôle différentes entreprises à partir d’une holding. La commande de l’économie est passée des mains du capital industriel aux mains du capital financier qui de son coté ne fait que s’adapter aux mouvements d’un marché anonyme.
Au mieux
Nous avons dans ce texte tenté de présenter un peu mieux des points importants d’un mouvement étudiant à Lyon 2. Pour cela nous avons fait le tour des récentes difficultés de celui-ci à trouver un véritable rythme de lutte. Par ailleurs, nous avons constaté que certaines actions ou slogans ne fonctionnent plus que comme recettes ou nostalgie. Dans ces conditions nous restons attaché au travail de la critique comme première arme pour faire avancé la praxis. Sans mot d’ordre nous espérons donc avoir, à notre manière, contribué à forger des opinions et des réactions pour la lutte.
[1] J.Wajnsztejn, Après la révolution du capital, L’Harmattan, Paris, 2007.
S’il est clair que le socialisme autoritaire est disqualifié ; il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau.
Je vous cite : » car il n’a plus lieu d’être aujourd’hui où le prolétariat à été démantelé et disloqué »
En tirez vous la conséquence que le prolétariat a disparu ?
Si le prolétariat au sens donné par les socialistes autoritaires ( remplaçant le messie dans la nouvelle église) le prolétariat au sens de la communauté des prolétaires n’a jamais été aussi importante en nombre.
En effet le prolétaire , c’est celui qui vend sa force de travail (manuelle et/ou intellectuelle) en échange d’un salaire. Et que je sache l’objectif des socialistes (socialistes au « noble » sens ) ( l’abolition du salariat ) n’est toujours pas réalisé.
Vous oubliez un peu vite ce lien fondamental de subordination qu’est le salariat.
Je vous cite encore : » dans la mesure ou il n’existe plus de conscience de classe. »
Les prolétaires ont au contraire une conscience de classe aigu : tous les jours ils savent tres bien à quoi correspond le lien de domination avec leur patron; ils n’ont pas besoin de pseudo révolutionnaires pour le vivre dans leur chair.
Citation : « De notre point de vue la seule chose à faire pour les êtres atomisés d’aujourd’hui c’est de se rassembler pour construire des organisations adhocs comme l’est « École en danger » »
c’est faire completement fi de l’histoire des gens qui créent ce genre de structure ; nous avons là encore la croyance en la création ex-nihilo de nouvelles organisations
Je crois surtout que vous cherchez encore la martingale pour la future révolution. Or de mon point de vue, la révolution n’est que la conclusion d’une évolution de la société.
Alors je vous conseillerai plutot de retrousser les manches et de commencer à mettre en actes les prémisses d’une nouvelle société.
Ah mais c’est sûr la besogne , c’est moins fun ……..
Le prolétariat a disparu? Tiens pourtant il y a jamais eut autant d’exploités et de pauvres en France . Et il y a quelques chose qui reunis dans chaque lutte c’est le combat pour la liberté et la justice il n’y a pas de justice ni de liberté dans tout ce que ces cons nous proposent donc le mouvement ne peut que s’amplifier ,les idéaux anarchistes sont toujours puissants surtout avec des syndic corrompus comme l’unef , le discours de classe lui sert il est vrai parfois de cache misère pour des profs ou des étudiants de classe moyenne troskistes ou autres.
C’est sûr si on considère que le polétariat englobe l’ensemble des salariés, ça fait du monde, mais les cadres aussi par exemple en sont, et vraiment ça fait bizarre de lire cadre=prolétariat.
Si pour toi le prolétariat c’est tout ça, alors le texte a raison, il n’est plus porteur d’aucun changement de société, en lui même il n’est plus une masse cohérente (si cela ne l’a jamais été avec une telle définition). C’est même assez effrayant, étant donné ce que peuvent réclamer la plupart des gens que cela représente, rien que pour le sécuritaire.
En soi cette définition représente tout et rien. Le nommer comme ça a probablement contribué à la dislocation du prolétariat. Mais ça tombe bien pour les grandes centrales syndicales, elles peuvent prétendre être les représentantes de tout et être autorisées à négocier au nom de tout le monde (sans pour autant l’accord de ce monde).
Ça contribue à ce jeu soit-disant démocratique ou les négociateurs professionnels sont complètement immobilisés parce qu’ils veulent une hypothétique unité entre eux avant de faire quoi que ce soit, alors qu’ils représentent des intérêts trop différents.
Le texte parle de la définition telle que celle de Marx qui déjà me semble moins large.
On alors on peut réduire un peu cette définition en excluant ceux qui travaillent consciemment (même salariés) à la construction et à la perpétuation du monde actuelle.
Peut-être c’est la phrase sur l’échec des organisations permanentes qui titillent?
Quand a retrousser ses manches et mettre en marche, chacunE fait selon son possible. Par exemple, quitter le salariat , s’approvisionner autrement, faire fonctionner les réseaux, découvrir que l’on peut arracher certains bouts de nos vies à tout ça…
Ptet c’est « fun » (?) mais je suis pas là pour me faire chier, on a qu’une vie, autant en profiter et la vivre autrement tout de suite en attendant d’autres démissions. Parce que s’il faut l’attendre le prolétariat salarié…
Et puis c’est pas trés sympa de mettre de côté comme ça ceux qui sont au chômage ou au RMI, je trouve. Peut-être mords-tu au mythe du plein emploi? A moins que ce ne soit qu’un vulgaire lumpen-prolétariat incapable comme dirait Lenine.
Et bien oui le prolétariat ça fait du monde et pour ça pas besoin de parler des cadres et d’ailleurs de quels cadres parles-tu ? De l’ingénieur informaticien ? du cadre sup qui émarge aux stock-options : c’est clair qu’il y a salarié et salarié !
Ce point serait à développer car il n’y a pour moi aucune équivalence entre un ingénieur qui est un opérationnel ( même s’il possède son appart ) et un cadre qui manage une équipe et qui prends des décisions du type un tel sera augmenté ou un tel fera partie de la charette de licenciement ;
Mon rappel du prolétariat n’était là que pour insister sur le point crucial de tout socialiste sincère : le salariat est la servitude moderne du serf et rien d’autre ; l’objectif c’est bien la suppression du salariat.
Ensuite je ne mords pas plus au plein emploi qu’à la lutte pour le pouvoir d’achat : pour etre clair la lutte pour toujours plus de gratuité me parait bien plus déstablisatrice du système.
Quant à parler des chomeurs et RMI et ….. , je me pose meme pas la question : ils font partie intégrante du prolétariat.
L’échec des organisations permanentes ne me titillent pas : c’est une évidence et justement un des probleme de l’époque c’est quoi faire ?
Entièrement d’accord avec ce que tu dis :
« Quand a retrousser ses manches et mettre en marche, chacunE fait selon son possible. Par exemple, quitter le salariat , s’approvisionner autrement, faire fonctionner les réseaux, découvrir que l’on peut arracher certains bouts de nos vies à tout ça… »