Le Président du CRIF, Roger Cukierman, a reçu le 28 janvier 2014, le secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon. 

Dans son intervention liminaire, le Président Cukierman a fait part de son inquiétude face à la montée des intolérances, évoquant notamment les injures antisémites qui ont été proférées lors de la manifestation du « Jour de Colère » et pointé du droit l’influence néfaste que peut avoir Internet sur une partie de la jeunesse. Dans son analyse de la situation, Thierry Lepaon a remarqué que l’aggravation de la crise et la montée des injustices sociales entraînent nécessairement une forme de désespoir. Face à cette situation, deux attitudes sont possibles : le vote de défiance et la manifestation. Les dérapages constatés au cours de certaines manifestations montrent l’échec de notre société dans la pratique si nécessaire du « vivre ensemble ». Dans un autre domaine, il note une sensibilité à la pratique religieuse dans l’entreprise qui se traduit par une forme de séparatisme pendant les repas.

Autres sujets abordés lors de cet entretien particulièrement chaleureux : la montée du Front National dont, dit le leader de la CGT, « les valeurs ne sont pas les nôtres », les problèmes dans les quartiers sensibles, le chômage, l’emploi ou encore l’aide aux entreprises.

 

Thierry Lepaon qui partage le point de vue des dirigeants du CRIF pour lesquels il faut tout faire pour éviter que le conflit israélo-arabe ne soit importé en France, a évoqué son déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens et mit l’accent sur les relations suivies entre la CGT, la Histadrout et les syndicats palestiniens.

 

Le secrétaire général a démenti tout soutien de la CGT au BDS ( Boycott-Désinvestissement-Sanction) et affirmé que si des militants de la CGT ont pu ici ou là, afficher un tel soutien, ils n’avaient aucun mandat pour le faire.

 

Le secrétaire général de la CGT était accompagné d’Éric Lafont, secrétaire confédéral. Pour sa part, le Président du CRIF était entouré de Francis Kalifat, vice-Président, Jean-Pierre Allali, membre du Bureau exécutif et Président de la commission des Relations avec les ONG, les syndicats et le monde associatif et de son conseiller, Paul Rechter.

La réponse de Michel Warschawski :

Mais qu’est ce qu’il est allé faire là ? A propos de la rencontre CGT-CRIF

Michel Warschawski

 

« Qui dort avec un chien ne doit pas ne doit pas être surpris de se réveiller avec des poux » me disait ma grand mère maternelle, femme pieuse et pleine de bon sens. C’est ce qu’elle dirait sans doute aussi aux dirigeants de la CGT qui viennent de rencontrer le CRIF, et se sont vu manipulés dans les grandes lignes. « Je suis très étonné de découvrir un compte-rendu à la fois partiel et erroné de la rencontre que nous avons eue… » écrit le secrétaire de la CGT, Thierry Lepaon au président du CRIF, qui poursuit en décrivant les méthodes peu civiles, voire manipulatrices, de l’organisation soi-disant représentative des Juifs de France. Manipulée, c’est bien le mot, mais une connaissance, même superficielle, des méthodes de cette institution aurait pu éviter la surprise qui semble être celle de la direction de la CGT.

Une question s’impose : pourquoi la CGT est allé rencontrer le CRIF, alors que la direction de la centrale ne cessent de fustiger le «communautarisme », en particulier quand il s’agit des Musulmans de France ? Thiery Lepaon est-il allé rendre visite aux organisations musulmanes de France ? Et que doivent en penser les milliers de syndicalistes de culture ou de confession musulmanes ? Comment s’étonner alors que sur le net, on trouve depuis deux jours des appels a la constitution d’un syndicat musulman, ce qui serait une catastrophe pour le mouvement ouvrier français ? Alors, une fois de plus, pourquoi ?

L’ancien responsable du département international de la CGT, Jean-Pierre Page, accuse Thierry Lepaon de « se moquer du monde » en essayant de se justifier : « Pourquoi avec le CRIF ? Est-ce parce que la CGT aurait fait le choix de rejoindre la cohorte des conformistes qui semblent croire qu’il faut être bien avec le CRIF parce qu’il serait influent ? » Si tel était le cas, ce serait plus que préoccupant, car cela signifierait reprendre, involontairement j’en suis certain, la thèse antisémite selon laquelle « les Juifs (en l’occurrence le CRIF) contrôlent tout », et que pour faire avancer les choses il vaut mieux avoir le CRIF de son côté. 

A la différence de Jean-Pierre Page, je pense que cette rencontre avec le CRIF – dans la foulée des pitreries antisémites de Dieudonné – est plutôt destinée à montrer que la CGT n’est pas antisémite. Indécent et faux calcul : indécent car la CGT, qui a été a la pointe de la lutte anti-fasciste, n’a pas a démontrer son anti-racisme, et certainement pas a Roger Cukierman, celui-la même qui après l’assassinat de Mohamad el-Dura, proposait a Ariel Sharon de « faire contre-feu », en lançant l’accusation infamante d’antisémitisme contre quiconque critiquerait la politique israélienne. Instrumentaliser l’antisémitisme et accuser d’antisémitisme des personnes de l’intégrité morale d’Edgar Morin, Stéphane Hessel ou Daniel Mermet est une gifle aux millions de victimes de l’antisémitisme. 

Faux calcul aussi, car quand on cède une fois a un maître chanteur, on sera obligé de continuer a payer sans fin, et, dans ce cas, a faire allégeance a l’Etat d’Israël et ses dirigeants sous peine d’être a nouveau accusé de ne pas être suffisamment net sur la question. 

Le secrétaire général de la CGT a été sommé par le CRIF de s’expliquer sur le boycott d’Israël. Loin de saluer la campagne BDS, a laquelle participent de très nombreux militants syndicalistes, y compris à la CGT, il s’est justifié en expliquant que la CGT était contre le BDS, mais s’opposait a la criminalisation de ceux qui appellent au boycott. C’est bien la moindre des choses, quand on sait que des militants CGT sont parmi les accusés… Son argument, rabâché par la direction confédérale depuis des années, selon lequel se sont les travailleurs (Palestiniens et Israéliens) qui pâtissent du boycott a été celui de ceux qui, à gauche, s’opposaient au boycott de l’Afrique du Sud a l’époque de l’apartheid, malgré l’appel en ce sens de l’ANC et des syndicats sud-africains. 

Il ne fait pas de doute que des milliers de syndicalistes CGT et de structures syndicales vont exprimer leur indignation face à cette initiative de leur direction confédérale, et sur le BDS.

 

Ce sera sans aucun doute la seule incidence positive de cette honteuse visite.