Liberté pour les émeutiers de Perpignan !

Depuis quelques jours, les médias nous bassinent sur les violences commises à Perpignan, jouant uniquement la carte du spectaculaire pour occulter les causes profondes du climat de tension qui règne à Perpignan.

Ils ne font que se lamenter sur la mort de Mohamed Bey-Bachir, “28 ans, bastonné à mort par un groupe de gitans le dimanche 22 mai dans le quartier Saint Jacques, où coexistent les deux communautés”[1]. On ne parle que de ce qui oppose ces deux “communautés” (comme si chacune d’entre elles formait deux blocs cohérents), jamais de ce qui les rassemble ou de ce qui pourrait/devrait les rassembler (le racisme qu’elles subissent, une situation économique défavorisée, autant de “constats” qui sont concrètement de “bonnes raisons” de se révolter…).

Samedi, une marche pacifique d’environ 5 000 personnes avait eu lieu à Perpignan, en mémoire de Mohamed Bey-Bachir.

Le lendemain, ce dimanche 29 mai, la mort d’un autre homme d’origine maghrébine (“de 43 ans (…) Driss Ghaib”[2]) a déclenché une énorme émeute populaire dans le centre-ville de Perpignan. A la suite de quoi Henri Castets, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) n’a rien trouvé de mieux à dire que: “Aucune communauté, quelle que soit l’émotion qu’elle peut ressentir, n’est fondée à demander la justice de cette manière dans la rue en commettant autant d’exactions”[3]. Du haut de son poste de pouvoir et de ses “responsabilités républicaines”, M. Castets est bien placé pour faire la morale à celles et ceux dont la colère est à son comble. Colère que lui même est à mille lieues de ressentir.

Concrètement, tandis que RIEN n’est fait, ni même réfléchi, pour en finir avec les inégalités sociales (ni même pour les “atténuer”), la Justice fait son travail:

“Le tribunal de Perpignan jugeait en comparution immédiate, mardi 31 mai au soir, 11 personnes accusées de violences lors des émeutes de jeudi et dimanche entre les communautés gitane et maghrébine, après l’assassinat d’un Franco-Marocain de 43 ans, Mohamed Bey-Bachir [on notera ici la confusion désintéressée de la journaliste qui confond le nom du premier tué avec l’âge du second…].

Les quatre premiers prévenus jugés ont été condamnés à des peines allant de trois mois à un an d’emprisonnement ferme, a annoncé le procureur de la République Jean-Pierre Dreno lors d’une conférence de presse. Il a précisé que la peine d’un an, conforme aux réquisitions du parquet, avait été prononcée à l’égard d’un jeune trouvé jeudi en possession d’un engin incendiaire. Cette nuit-là, une voiture avait été incendiée”[4].

Un an de prison ferme pour avoir été pris en possession d’un engin incendiaire, c’est un peu lourd non ? Aucun flagrant délit ni rien, quand des centaines de personnes ont toutes les raisons d’avoir la rage…

Déjà, six personnes avaient été condamnées à “six mois de prison ferme (…) pour avoir jeté des pierres sur les CRS lors des légers affrontements”[5] qui avaient eu lieu la semaine dernière.

Voilà en tout cas la réponse des institutions policières, judiciaires et étatiques à la colère des minorités sociales, à Perpignan comme ailleurs: la répression et l’enfermement.

Dans cette histoire, ce qui ennuie peut-être le plus l’Etat, ses juges et ses flics, c’est que les émeutiers ont visiblement eu la pertinence de décloisonner leur colère. En effet, On compte parmi les cibles ce soir là un commissariat, et une rue commerçante…

Henri Castets a affirmé que l'”on ne peut à la fois demander justice et tout casser”[6]. En effet, mais les émeutiers ne réclament pas “justice” à des juges qui font régner une justice de classe raciste, comme nous le constatons une fois de plus. Les émeutiers ont exprimé leur colère, en attaquant ce qui brise nos vies quotidiennement (police et marchandises en premier lieu). “Plusieurs voitures ont été incendiées à proximité du poste de police de la place Cassanyes, peu après 20 heures, tandis que des manifestants s’en sont pris aux vitres du bâtiment, à l’aide de bâtons et de barres métalliques”[7].

“Le dispositif [de contrôle policier] sera maintenu cette nuit et les nuits prochaines, mais la vie normale doit reprendre”[8], a conclu Henri Castets… Un voeu de retour à la paix sociale que nous aimerions ne pas voir s’exaucer, surtout au vu des condamnations qui se succèdent.

(Pendant ce temps là, de nombreuses personnes des communautés gitanes quittent Perpignan, par peur. N’ayant aucun élément quant à l’identité du meurtrier de Driss Ghaib dimanche dernier, on peut bien sûr se demander à qui profitent ces meurtres… Certainement pas aux “communautés” gitanes et maghrébines, en tout cas.)

Liberté pour toutes les personnes interpellées lors des émeutes de ces derniers jours à Perpignan !

Des sans-patrie, le 1er juin 2005

[1] “Perpignan: nouvel appel à la raison après une nuit d’émeutes et de saccages” Dépêche AFP du 30 mai 2005

(http://fr.news.yahoo.com/050530/202/4fwnn.html)

[2] “Perpignan: nouvel appel à la raison après une nuit d’émeutes et de saccages” Dépêche AFP du 30 mai 2005
(http://fr.news.yahoo.com/050530/202/4fwnn.html)

[3] “Perpignan: nouvel appel à la raison après une nuit d’émeutes et de saccages” Dépêche AFP du 30 mai 2005
(http://fr.news.yahoo.com/050530/202/4fwnn.html)

[4] “Des peines de trois mois à un an ferme pour les émeutiers de Perpignan” Claire Ané, avec AFP, dans LeMonde.fr, 31 mai 2005

(http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-656706@51-646967,0.html)

[5] “«Maintenant, on va faire comme les gitans, on va s’armer»” Pierre Daum, Liberation.fr, 31 mai 2005

(http://libe.fr/page.php?Article=300303)

[6] “Des peines de trois mois à un an ferme pour les émeutiers de Perpignan” Claire Ané, avec AFP, dans LeMonde.fr, 31 mai 2005
(http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-656706@51-646967,0.html)

[7] “Un meurtre enflamme à nouveau le centre-ville de Perpignan” Jean-Claude Marre, Le Monde du 31 mai 2005

(http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-656020@51-646967,0.html)

[8] “Des peines de trois mois à un an ferme pour les émeutiers de Perpignan” Claire Ané, avec AFP, dans LeMonde.fr, 31 mai 2005
(http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-656706@51-646967,0.html)

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Lire aussi le texte de Muriel Brandily “Affrontements et meurtres à Perpignan : le poids des mots”, sur http://www.acrimed.org/article2047.html