Aux intermitent.e.s en lutte
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle social
Salut à vous, travailleurs et travailleuses du spectacle,
Ces temps, vous menez une lutte afin de pouvoir de nouveau vivre « normalement » de votre métier. Vous devez donc pour cela vous battre comtre un état qui visiblement éprouve un véritable mépris envers votre secteur.
Bachelot, votre ministre de tutelle, n’est sans doute pas le meilleur soutien que vous avez dans le camp ennemi…
En temps « normal », tout au fil de leur vie, d’autres que vous vivent dans une précarité incomparable à la votre, mais, même si vous n’en parlez pas beaucoup habituellement, vous le savez sans doute…
Vous qui de près ou de loin avez en ces temps « normaux » (et auprès d’un très large éventail de publics) la possibilité de vous engager activement et courageusement pour un monde meilleur, plus juste, votre mot à dire pour lutter contre toutes ces guerres, toutes ces mafias politico économique, contre ce capitalisme engluant qui ravage notre planète et crée une misère mortifère, contre cette fausse démocratie qui une fois le buletin dans l’urne permet aux bon.ne.s citoyen.ne.s, artistes ou pas, de se boucher les yeux, les oreilles, et la bouche… vous qui tout du long de vos vies profitez du relatif confort obtenu en grande partie grâce aux ressouces arrachées et pillées à d’autres contrées de notre planète… Vous qui en temps « normal » ne vous positionnez contre (ni ne vous fâchez avec) les ordures qui tirent les ficelles et subventionnent vos activitées pour vous garder de leur bord ou pas loin…
Sachez que au regard de vos silences des temps dits « normaux », pour moi votre actuel combat est d’abord égoïste. Votre manque de solidarité flagrant lors des autres luttes, celles du temps « normal » et votre habituelle corruption si facilement acceptée me font gerber!
Bien sûr, il y en a parmi vous qui depuis longtemps luttent activement contre cette machine qui nous broie. Ma colère n’est pas dirigée contre vous. Bien que toute lutte contre un pouvoir qui opresse soit légitime, les autres, ceux qui en temps « normal » se contentent de profiter et de se taire, recevez tout mon mépris.
Déjà en 2014 une prétendue lutte « solidaire » entre tous intermittents était initiée par la CIP. La réalité c’est que les intermittents du spectacles voulaient du soutien mais n’en donnaient pas en retour. Du coup des précaires « non du spectacle » ont ressorti un tract des lascars du LEP électronique de 1986. Cela dit les intermittents ne sont ni plus ni moins corporatistes que les autres. Mais pourquoi prétendre le contraire?
« Intermittents vous n’avez rien compris !
NOUS CRITIQUONS
comme nos prédécesseurs les lascars du LEP électronique en 1986 dans la lutte étudiante menée alors, nous disons :
TOUT CE QUI EST CRITIQUABLE DOIT ÊTRE CRITIQUÉ, NOUS CRITIQUONS
NOUS, intérims, précaires, chômeurs et chômeuses, seniors et laisséEs pour compte en tous genres, nous avons du mal à trouver notre place dans la lutte des CIP.
ET ÇA URGE
INTERMITTENTS VOUS N’AVEZ RIEN COMPRIS
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Nous sommes le bas de l’échelle, les employés et travailleuses corvéables, les inactives et les chômeurs inutiles, sans accès à rien.
Isolés, esseulées, dans l’urgence permanente, dans le stress constant de tout, sur tout, nous n’avons pas la possibilité de nous mettre en grève, nous n’avons pas la possibilité de faire blocage.
Nous sommes tenus par une multitude de pressions : les crédits, le loyer, la charge de nos proches, l’impossibilité de lutter vient de l’impossibilité de se faire entendre, l’impossibilité de faire grève, le chantage à l’emploi, et la paralysie de l’angoisse de chaque lendemain, c’est ÇA la précarité. C’est ÇA que l’agrément renforce encore pour nous autres, juste après le passage en force de l’ANI.
NOUS SOMMES EN COLÈRE
NOUS VOULONS VIVRE, PAS EXISTER.
Rejoindre un mouvement qui existe depuis des années, tenu par des personnes qui se connaissent, travaillent ensemble et ont une certaine culture n’est pas facile. C’est un effort énorme.
Nous voyons des intermittents qui se connaissent entre eux, et qui ont l’habitude de prendre la parole en public, ont de l’aisance avec ça. Élargir le mouvement est la seule façon d’intégrer les plus faibles, mais élargir le mouvement ne se fera pas magiquement.
ÇA RESTERA LA DÉFENSE DE L’INTERMITTENCE SANS NOUS, OU ÇA SERA LA DÉFENSE DE TOUS AVEC NOUS !
Nous ne nous retrouvons pas dans ce mouvement parce qu’il ne s’adresse pas à nous pour le moment.
Nous ne voulons pas défendre une culture à laquelle nous n’avons pas accès.
Nous refusons le travail dans les conditions actuelles. Dans une société capitaliste, notre travail n’est pas “un beau métier”, nous ne l’avons que rarement choisi, nous n’avons pas d’amour pour lui, nous voulons qu’une vie pleine et entière en dehors du travail soit possible et c’est pour cela que nous luttons !
Rejoindre une lutte et y rester, participer à une action, prendre la parole en AG, ce ne sont pas des compétences innées.
Notre motivation à venir, à participer, à nous exprimer s’évanouit à chaque fois que l’on entend :
– “Les intermittents se battent pour tous”
– “Ce que nous voulons, nous le voulons pour tous”
– “Notre métier d’artiste” – “Tout le monde sait comment fonctionne une scène”
est ce NOUS dont on voudrait bien peut-être faire partie ? Y’a-t-il un parcours d’intégration particulier, quelque chose à faire pour que cette lutte soit commune ? Pour ne pas être un morceau fièrement gagné par une “commission élargissement” ? Pour gagner le droit de participer à la “commission actions” sans avoir été préalablement “coopté” par les bureaucrates de la militance, qui appellent de leurs grands vœux la convergence des luttes mais considèrent avec suspicion le simple chômedu coupable de ne pas appartenir à leurs réseaux ?
Ces phrases lâchées anodinement sur les forums, dans les AG nous excluent et nous voulons récupérer et porter nous-mêmes notre parole.
Faut-il préciser ce que signifie être seul dans un mouvement ? C’est prendre le métro seul, poireauter seul, se sentir con, ne connaître personne, ne pas oser parler, ne pas comprendre comment cela fonctionne, n’avoir rien d’autre à présenter que soi même.
C’est se faire regarder de travers parce qu’on est pas identifié encore dans la lutte.
Notre participation déjà fragile du fait de ces difficultés se retrouve vite balayée par quelques phrases et attitudes excluantes.
Ces difficultés s’ajoutent aux oppressions déjà en jeu dans les différentes luttes : racisme, sexisme, mépris de classe.
Nous ne voulons pas être des outils pour sauver l’intermittence, nous voulons la fin d’une société de classes, la fin du travail que nous subissons, la fin de la misère à laquelle on nous condamne.
ON EST PAS PLUS BÊTES QUE VOUS, ON IRA PAS À L’USINE
Si vous voulez lutter, avec nous, contre la ségrégation sociale, contre la misère, la vôtre et la nôtre, alors
FRÈRES, SŒURS, AVEC NOUS !
Tous et toutes les précaires, nous voulons lutter ensemble concernés ou non par les machines administratives que sont les POLE EMPLOI et les CAF et les CCAS et les BOITES D’INTERIM
En fait nous ne voulons pas que vous “nous intégriez”
NOUS SOMMES DÉJÀ LÀ »
///ON EST PAS PLUS BÊTES QUE VOUS, ON IRA PAS À L’USINE///
Mépris de classe c’est vraiment sympa et solidaire pour celles et ceux qui se crèvent à l’usine
cette phrase est dite par des gens de la classe censée allez a l’usine justement !
faut regarder le documentaire ;)
LES LASCARS DU LEP ÉLECTRONIQUE
(documentaire)
Hiver 1986, manifestation contre la loi Devaquet, les élèves du LEP électronique se mettent en grêve. Leurs revendications ne sont pas les mêmes que celles des étudiants…
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Tout ce qui est critiquable doit être critiqué
NOUS CRITIQUONS !
ETUDIANTS, hier nous étions dans la rue avec vous mais autant vous le dire tout de suite, la réforme 2 Paquets on s’en fout ! Pour nous la sélection a déjà joué. L’Université nous est fermée, et nos CAP, nos BEP nous mènent tout droit à l’usine après un petit tour à l’ANPE.
Pour nous la loi 2 Paquets est inutile :
Nous critiquons l’Université.
Nous critiquons les étudiants.
Nous critiquons l’école.
Nous critiquons le travail.
L’école nous donne les mauvaises places. L’Université vous donne des places médiocres. Ensemble critiquons-les ! Mais ne nous dites pas : il faudra toujours des balayeurs, des ouvriers, ou alors allez-y les gars, ces places-là on vous les abandonne de bon cœur, vous gênez-pas !
ON N’EST PAS PLUS BETES QUE VOUS, ON N’IRA PAS A L’USINE
Si vous critiquez la loi 2 Laquais qui ne fait qu’empirer une situation mauvaise, vous n’avez rien compris !
Du reste votre situation n’est pas de beaucoup meilleure que la notre. Une bonne partie d’entre-vous (60% parait-il) abandonnera ses études avant le Deug ; et ces mauvais étudiants auront droit aux même boulots subalternes et mal payés qui sont notre lot. Et quant aux bons étudiants qu’il sachent que les places moyennes qu’ils auront (les bonnes c’est pas à l’Université qu’on les trouve) ont beaucoup perdues de leur prestige et de leur pouvoir. Aujourd’hui un médecin n’est plus un MONSIEUR, c’est un employé de la sécu. Et qu’est-ce qu’un professeur, un avocat ? Il y en a tant… !
ETUDIANTS, si vous critiquez seulement la loi 2 caquets et pas l’Université, vous vous battrez seuls et la loi passera d’un coup ou par petits bouts, vous L’AUREZ DANS L’CUL ! Et, si par hasard elle ne passait pas alors tout serait comme avant et la moitié d’entre vous se retrouverait dans les bureaux, vos usines aseptisées.
ETUDIANTS c’est vous qui êtes appelés à gérer cette société et nous à la produire.
SI VOUS BOUGEZ, SI NOUS BOUGEONS, TOUT PEU BOUGER.
Mais si vous voulez seulement jouer les apprentis Tapie, si vous voulez seulement gérer loyalement cette société et devenir à moindres frais, éducateurs, assistantes sociales, animateurs, inspecteurs du travail, cadres, sociologues, psychologues, journalistes, directeurs du personnel ; pour demain nous éduquer, nous assister, nous animer, nous inspecter, nous informer, nous diriger, nous faire bosser…
ALLEZ-VOUS FAIRE FOUTRE !!!
Mais si vous voulez, pour commencer, critiquer le système scolaire qui nous exclut et nous abaisse, si vous voulez lutter, avec nous, contre la ségrégation sociale, contre la misère, la vôtre et la nôtre, alors…
FRERES (SŒURS) AVEC NOUS, ON VOUS AIME !
DES LASCARS DU LEP ELECTRONIQUE
décembre 1986
On a voulu nous rendre cons… c’est raté !
Nous avons commencé à débrayer quand le bruit du mouvement est parvenu jusqu’à nous. Tout d’abord nous n’avons pas bien saisi. Contre quoi se battaient les étudiants ? Nous ne le savions pas. Mais ils se battaient contre… quelque chose et ça nous plaisait bien.
Nous sommes descendus dans la rue pour rompre la monotonie de l’école et parce que nous aussi nous étions violemment contre… quelque chose ! Mais quoi ? Ça, ça restait à préciser.
Quand nous sommes descendus dans la rue, nous y avons amené tout ce que nous aimions dans le bahut, nos amis, nos copains, la rigolade, la joie et l’amitié. Nous nous sommes parlé comme jamais nous ne nous étions parlé, et ça nous a vachement plu. Le lycée, ça n’était donc pas les murs, ça n’était pas le programme ? C’ÉTAIT NOUS ! TOUS ENSEMBLE !
En parlant, en courant, en réfléchissant, en discutant vite, très vite, nous avons compris beaucoup de choses.
Les étudiants se battent contre la loi Devaquet qui aggrave la sélection à l’université où nous n’irons jamais ! Mais la sélection on connaît ! On a déjà donné, très tôt, des gens intelligents nous ont orientés vers des filiales courtes, les LEP. En nous faisant bien sentir qu’on était incapables de faire autre chose et qu’après l’école ce serait (si nous trouvions du travail) encore pire. Il paraît que nous, c’est la loi Monory qui nous concerne et qu’elle aussi elle sera pire.
Pire que quoi ? Comment ? On voit pas très bien !
De toute façon, cette loi, on n’a pas besoin de la connaître pour la refuser ! Car nous ne voulons plus ce qu’on a qui est misérable, et c’est pas pour en demander plus, ni moins. Plus de quoi, moins de quoi ! Qu’est-ce que ça change ? Être plus rentable pour ceux qui nous ferons trimer ? Merci bien !
ÇA NOUS INTÉRESSE PAS. TROUVEZ AUTRE CHOSE !
Nos professeurs nous entretenaient (sans conviction) dans l’illusion que nos diplômes, à condition que nous soyons travailleurs, ponctuels, attentifs, consciencieux, nous donneraient une place, oh ! pas merveilleuse, mais enfin une place tout de même : que nos études conditionneraient notre place dans le monde du travail. Il nous semble plutôt que c’est notre travail futur qui conditionne (déjà) nos études.
ÇA PROMET !
Nous, on pensait s’en tirer autrement, par la musique, les voyages, le théâtre, l’amitié, tout ça… qu’on se débrouillerait, sans trop savoir comment, pour y échapper, en attendant on se taisait pour pas les vexer, les contrarier…, mais aussi parce qu’on voyait bien, au fond, qu’on était coincés, seuls, isolés.
Maintenant on sait : ça n’était pas un problème personnel, individuel.
C’est notre problème à tous !
En refusant passivement hier, activement aujourd’hui, l’école, c’est le travail et la vie de con qu’on nous a gentiment préparée que nous refusons ! Nous discutons, nous réfléchissons, nous rigolons bien, MAIS NOUS SOMMES TRÈS SÉRIEUX !
Vous avez failli nous avoir, c’est raté !
On a entrevu autre chose. On va foncer. Ça va chier !
Des lascars du LEP électronique, 1986
« Les lascars du LEP électronique » est un film sur le mouvement étudiant et lycéen contre le projet de loi Devaquet de 1986. Ce film a été réalisé à la fin de cette année 86 par un groupe de lycéens qui développe alors une critique du mouvement auquel ils ont eux-mêmes participé : critique de l’insuffisance des revendications étudiantes, critique des orgas politiques, avec une critique sociale plus globale. Leurs tracts commençaient par : « Professeurs, vous nous faites vieillir ! » ou « Nous n’irons pas à l’usine ! » ou encore « Maman, Papa. Ta fille, ton fils sont dans la rue. Ils étaient signés les lascars du LEP électronique.
https://iaata.info/Les-lascars-du-LEP-electronique-2457.html