•           Qu’est-ce  qu’une  bulle  spéculative  ?       Une  lecture  marxiste

Commençons par définir les bases afin d’atteindre les racines du problème. Qu’est-ce qu’une bulle spéculative et qu’est ce qui la caractérise ? Pour lever toutes ambiguïtés, partons de la définition choisie par une structure qui fait autorité en la matière : la banque de France. « Il y a bulle spéculative lorsque le prix d’un actif augmente en continu, de manière excessive, de telle sorte qu’il s’éloigne de sa valeur réelle. Comme une bulle de savon qui s’élève puis éclate, le prix risque de chuter brutalement »[1].

Les bulles spéculatives sont donc des phénomènes économiques où l’engouement pour un titre ou un marché fait grimper les prix de manière déraisonnable par rapport à une « valeur réelle ». Cette croissance excessive finit par entrainer un krach boursier. Pour les investisseurs, c’est cette chute brutale des prix, le sentiment de panique et la vente à perte qui l’accompagnent qui caractérisent l’existence préalable d’une bulle financière. Avant cela, les investissements portaient sur un marché en développement, certes surévalué et donc risqué, mais qui attirait de nombreux financements. Dès lors, si la plupart des capitalistes sait qu’il existe de grands risques pour qu’une bulle spéculative d’ampleur explose dans de brefs délais, alors pourquoi continue-elle à investir toujours plus ?

« Dans toute affaire de spéculation, chacun sait que la débâcle viendra un jour, mais chacun espère qu’elle emportera son voisin après qu’il aura lui-même recueilli la pluie d’or au passage et l’aura mise en sûreté. Après moi le déluge ! Telle est la devise de tout capitaliste et de toute nation capitaliste. »

K. Marx, le capital livre I[2]

Le comportement des financiers investissant dans une bulle spéculative n’est pas irrationnel, le référentiel produit par le marché n’est simplement pas identique au référentiel de rationalité produit par l’économie productive. «[L’investisseur financier] raisonne dans son monde qu’il croit infini et parce qu’il pense pouvoir créer de la monnaie sans fin » (P. Lescanne, 2011)[3], et dans un sens il a temporairement raison, au moins jusqu’à ce que la bulle éclate.

C’est le moment où débute la chute qui importe pour les investisseurs : ce que l’on nomme le point de retournement du marché. En termes marxiste on pourrait affirmer que l’existence réelle d’une bulle spéculative débute véritablement moment où, rattrapés par la matérialité de la valeur, les investisseurs voient leur capital fictif porteur d’intérêt se dévaluer rapidement pour se rapprocher de la valeur du capital productif.             

Dès lors, si l’accumulation du capital se trouve comme inversée et que le capital fictif peut croitre sans limites grâce à une simple écriture comptable, comment déterminer quand ou même si ce retournement aura lieu ? Comment savoir si cet écart entre « valeur fictive » et « valeur réelle » demeure pertinent pour le capital et son accumulation ?

Comme nous l’avons démontré précédemment pour certaines entreprises à forte capitalisation boursière (cf. Tesla & Space X), c’est l’ensemble de leur existence qui semblent être basé sur le maintien de bulles au bord de l’explosion. En effet, c’est la valeur boursière « augmentant en continu, de manière excessive », qui permet de développer leur production et de générer, dans un second temps, des profits réels. Plus que l’augmentation absolue de la valeur d’une action, c’est la rapidité de sa croissance qui devient déterminante pour savoir si l’éclatement de la bulle semble proche. Il devient alors nécessaire de savoir si l’augmentation du capital boursier parvient à être traduite sous forme d’augmentation comparable du capital productif ou si la valeur fictive d’une entreprise croit trop rapidement pour que ce soit le cas.

Pour envisager des réponses à ces questions, il s’avère utile de regarder les indicateurs utilisés par les investisseurs eux-mêmes afin de déterminer la santé globale des marchés boursiers et effectuer leurs choix. La relation entre ces indices macro-économiques et les crises économiques ont été déterminés de manière empirique et certains d’entre eux ont prouvé leur efficacité pour ce qui est de prédire celles à venir. Cependant et comme nous l’avons mis en avant dans l’article profit fictif et IA financières, les chiffres permettant de calculer ces ratios peuvent s’avérer partiellement falsifiés. Néanmoins les manipulations comptables visant à mieux valoriser capital productif et profits ne suffisent plus à cacher l’écart existant avec la valeur du capital fictif lorsque ce dernier connait une croissance exponentielle, comme au cours de l’année 2020. Ces indices restent importants car ils sont utilisés par les algorithmes et autres robots financiers pour déterminer les risques de crises et par suite d’effectuer leurs choix d’investissements en conséquence.

Rentrons maintenant dans le détail pour comprendre ce que nous démontrent ces indicateurs de l’ampleur et de l’urgence de la situation économique.

  •      Un  indice  permettant  d ’ analyser  la  composition  du  capital  :  le  Q  de Tobin

Un des indices fréquemment utilisés pour déterminer si une valeur boursière ou un marché n’est pas surévalué est le Q de Tobin (Tobin’s Q). Développé à la fin des années 1960 par l’économiste Keynésien James Tobin, cet indice représente le ratio entre la capitalisation boursière d’une société et la valeur comptable nécessaire pour remplacer l’ensemble de ses actifs. En terme marxiste, cela se rapprocherait du capital fictif total investi dans une entreprise, divisé par son capital fixe.

Ce ratio est particulièrement efficace pour déterminer la présence d’une bulle spéculative d’importance puisqu’il analyse la part moyenne de capital fictif dans la composition du capital des entreprises.

L’utilisation de cet indice est par exemple préconisée par la délégation du Sénat pour la planification qui affirme qu’« en principe, le Q de Tobin résume toute l’information utile [pour modéliser les comportements d’investissements] » (J. Kergueris 2002)[4].

Un ratio autour de 0,8 est considéré empiriquement comme moyen ; au-dessous, le marché ou l’entreprise est sous-évalué ; et au-dessus, surévalué.

Ce graphique nous permet de constater un Q de Tobin relativement élevé (autour des 1,0) à la veille de la panique bancaire de 1907, du jeudi noir d’octobre 1929, avant la rechute de 1937 ou encore précédant la crise américaine du crédit qui débute en 1966 ; il faut attendre les années 1990 pour voir le Q de Tobin des entreprises américaines s’envoler jusqu’à dépasser 2,15, juste avant l’explosion de la bulle internet en 2000. Lorsque se déclenche la crise des subprimes, le Q de Tobin restait encore élevé (autour de 1.15 donc supérieur à celui d’avant la crise de 1929), même s’il avait considérablement baissé depuis 2000. La dévaluation financière qui suivit lui permit de retomber en dessous de la moyenne de 0.80 pour la première fois depuis 1990. Dès lors, il ne cessa de croitre jusqu’à côtoyer des sommets encore jamais atteints dans l’histoire du capitalisme américain, fin 2020.

Le Q de Tobin est désormais deux fois et demi plus élevé qu’à la veille du krach de 1929, démontrant toute l’ampleur de la bulle spéculative dans laquelle se trouvent actuellement les marchés financiers. Début 2021, le Q de Tobin des entreprises américaines était 276% plus élevé que sa valeur moyenne, c’est-à-dire qu’il serait nécessaire que l’ensemble des capitalisations boursières des sociétés américaines perde près de 70% de leur valeur pour qu’elles atteignent un prix considéré comme « juste ». En d’autres termes, ce ratio anormalement élevé signifie que la création massive et rapide de capital fictif n’a pas eu le temps d’être assimilée et utilisée pour investir dans du capital productif. Ce faisant, cela a engendré une bulle spéculative d’une importance sans précédent, susceptible d’exploser à n’importe quel moment. L’ampleur du phénomène s’avère encore plus manifeste lorsqu’on scrute le Q de Tobin de certaines entreprises emblématiques des nouvelles technologies états-uniennes et chinoises (GAFAM, NATU & BATX). 

Pour une entreprise particulière, posséder un ratio Q de Tobin aussi élevé n’est pas nécessairement alarmant à partir du moment où elle se trouve en capacité d’investir massivement et rapidement dans son capital productif pour le faire chuter ; mais dans le cadre historique actuel, le problème est double : Premièrement et comme nous le montre le premier graphique, ce ne sont pas seulement quelques entreprises qui se retrouvent surévaluées, mais la majorité d’entre elles et à des niveaux encore jamais atteints. Dès lors, un gigantesque boom de production dans l’ensemble des secteurs économique s’avèrerait nécessaire pour contrer le phénomène. Deuxièmement, il parait plus que présomptueux de penser que ces entreprises seront en capacité de développer massivement et rapidement leur capital productif et d’obtenir des débouchés suffisants en pleine période pandémique où confinements et couvre-feux restent la norme. Même si la pandémie prenait fin rapidement, hypothèse hautement improbable, la croissance indispensable pour permettre au capital productif de contrebalancer la profusion de capital fictif est telle aujourd’hui que cette éventualité semble plus qu’invraisemblable. En effet, il serait impératif que la majorité des grandes entreprises investissent massivement et parviennent à doubler leur capital productif en seulement quelques mois et si, malgré tous les obstacles, ce cas de figure inouï advenait, cela ferait alors mécaniquement baisser le taux de profit, et de manière drastique, provoquant crises de suraccumulation de capital et de surproduction.

L’incongruité de l’ensemble de ces cas de figure nous démontre l’impasse dans laquelle le système économique actuel semble plongé. Dès lors, il semble impossible d’envisager une relance de l’accumulation sans une dévalorisation importante préalable du capital fictif en circulation.

Finalement, que cette analyse du ratio Q de Tobin nous indique-t-elle ? Elle nous démontre que l’ensemble des entreprises cotées se trouve être largement surévalué et qu’on peut décemment identifier aujourd’hui les marchés boursiers à une bulle spéculative géante. Néanmoins, cet indice qu’est le Q de Tobin ne se concentre que sur la composition du capital. Pour prendre une pleine mesure de la situation économique, il reste indispensable de se concentrer sur d’autres ratios qui prennent en compte le profit, ou tout du moins les bénéfices des entreprises.

  •   Un indice capitaliste se rapprochant du taux de profit par rapport au capital fictif    :   Le Ratio prix/bénéfices corrigé des variations cycliques (PER Shiller),

Parmi les indicateurs d’évaluation du marché proposés pour analyser les mouvements boursiers, le Ratio prix/bénéfice corrigé des variations cycliques (CAPE) est de loin le plus populaire (V. Dimitrov, P. Jain, 2018)[5]. Principalement utilisé pour déterminer si la valeur d’une action ou d’un marché est sur ou sous-évaluée, cet indice été développé par le prix Nobel d’économie Robert Shiller et John Campbell à la fin des années 1980[6]. Ces derniers sont partis du ratio PER qui consiste à diviser la capitalisation boursière d’un titre par le résultat net de cette société. Ce ratio s’appelle le PER ou P/E pour Price-earning ratio (ratio cours sur bénéfices). Il s’agit donc du capital fictif investi dans une société, divisé par ses profits annuels. En d’autres termes, ce ratio montre la somme que le marché est prêt à investir par dollar de bénéfice généré par la production de cette entreprise.

Les bénéfices s’avérant très fluctuant d’une année sur l’autre grâce aux diverses manipulations de bilan, Robert Shiller propose de corriger cet indice en prenant en compte les profits sur une période plus longue qu’une simple année comptable. Il décide de pondérer ce ratio en divisant la capitalisation boursière d’une entreprise par la moyenne des profits qu’elle a générée sur 10 ans, ajustée de l’inflation.

Ainsi le Ratio prix/bénéfices corrigé des variations cycliques (CAPE) aussi appelé PER Shiller, s’avère être un indicateur boursier utilisant des données proches de celles utilisées pour calculer pratiquement le concept marxiste de taux de profit d’une entreprise ou d’un marché. Concrètement il est même possible de considérer le PER Shiller comme l’inverse mathématique du taux de profit rapporté au capital fictif investi[7]. En effet, il expose la quantité de capital financier investi pour chaque dollar de profit dégagé. Néanmoins et contrairement au taux de profit stricto sensu ce ratio ne prend ni en compte la plus-value extraite, car elle n’est pas objectivement calculable, ni le capital productif (c’est en cela qu’il est intéressant de coupler cet indice avec le Q de Tobin qui prend en compte le capital fixe).

La vocation initiale de cet indice est avant tout de déterminer les dividendes à venir que sont en droit d’attendre les actionnaires ou encore de savoir si la valeur d’une action est sous-évaluée par rapport aux bénéfices générés par l’entreprise en question. Ce qui nous intéresse particulièrement reste que R. Shiller en a produit une étude macroéconomique sur le temps long représentant cet indice pour l’ensemble des entreprises américaines du S&P 500 (O. Bunn & R. Shiller, 2014)[8], c’est-à-dire sur les 500 plus grandes sociétés américaines cotées depuis les années 1920[9], étude dont les bornes chronologiques ont été ensuite étendues. Même s’il n’a pas été initialement créé pour cela, une augmentation rapide de ce ratio a systématiquement précédé l’ensemble des krachs financiers majeurs.

En étudiant ce graphique, on constate que le Ratio prix/bénéfices corrigé des variations cycliques du S&P 500 de début 2021 atteint des niveaux supérieurs à ceux précédant le Krach de 1929 et même à ceux antérieurs à la crise des subprimes de 2008. Il atteint 344 alors qu’il était respectivement à 31.32 et à 27.32 à la veille de ces évènements économiques historiques. Néanmoins il demeure à des niveaux inférieurs à ceux atteints lors du gonflement de la bulle internet des années 2000 où il a grimpé jusqu’à 42.50. Il est également intéressant de noter que depuis 1871, c’est seulement la quatrième fois de l’histoire du capitalisme que ce ratio dépasse les 25, permettant ainsi de considérer le cours des titres des 500 plus grandes entreprises américaines comme se trouvant dans « une bulle spéculative extrême ». Les trois occurrences précédentes ont mené aux plus importants krachs financiers des 100 dernières années.

Regarder en détail les périodes de crise mises en avant par cet indice nous permet de constater empiriquement plusieurs faits économiques :

  • Tout d’abord historiquement, les « bulles spéculatives extrêmes » ne se sont jamais dégonflées progressivement, elles ont systématiquement explosé, entrainant une dévalorisation rapide et importante des actifs. Malgré son explosion, la gigantesque bulle internet de 2000 ne s’est pas dégonflée immédiatement et il fallut attendre la crise de 2008 pour que les actions retournent à une valeur jugée équitable. Ce constat nous démontre que s’il est possible constater la présence d’une bulle spéculative, il n’est pas possible de prédire réellement l’ampleur que prendra son explosion.
  • Chaque explosion de « bulles extrêmes » a eu de lourds et durables impacts au-delà de la seule sphère financière. Récession, faillites, augmentation du taux de chômage, baisse des salaires, surproduction, crise de la dette publique, etc.
  • Tout semble nous indiquer l’imminence de l’explosion de la bulle financière de 2021. Néanmoins, l’explosion de « bulle internet » nous démontre également que celle en cours possède encore une certaine potentialité de croissance avant son éclatement.

Finalement lorsqu’on combine Q de Tobin et PER Shiller on obtient deux indices se rapprochant d’une analyse de la composition du capital et du taux de profit rapporté aux capitalisations boursières. Ces indices demeurent ce qui en pratique s’apparente le plus à ces concepts économiques utilisés par Marx, tout en prenant en compte la profusion de capital financier.

Alors qu’une partie des économistes marxistes tend à remettre en cause la pertinence de l’analyse du taux de profit et la composition du capital des entreprises à cause de la profusion de capital fictif, il est intéressant de constater que certains financiers utilisent quotidiennement des indices se rapprochant de ces concepts pour prédire l’évolution des marchés et déterminer les moments idéaux pour investir (E. Tower, 2012)[10].

Utiliser des indicateurs d’évaluation des marchés qui font autorité pour la majorité des investisseurs confère ainsi de multiples avantages : tout d’abord, leurs calculs se fondent sur des ensembles de données publiques utilisées quotidiennement par le système financier pour s’autoévaluer. Ensuite, il est possible de s’appuyer sur une vaste littérature de recherche utilisant, questionnant et corrigeant ces indicateurs. De nombreux travaux de chercheurs en économie des marchés financiers, aussi bien libéraux que keynésiens, ont produit des études à partir de ces indices sur lesquelles il devient possible de s’appuyer de manière critique. Enfin, les prévisions établies à l’aide de ces indicateurs macroéconomiques font autorité sur une partie des investisseurs et sont en capacité d’induire des prophéties auto-réalisatrices si celles-ci sont prises en compte par ces derniers pour effectuer leurs choix d’investissements.

Ainsi il nous parait pertinent de renverser et détourner ces indicateurs pour les regarder sous le prisme d’une analyse marxienne qui peut nous permettre de comprendre avec acuité dans quelle situation économique de trouve le système capitaliste en ce début d’année 2021. C’est ce que nous verrons dans le prochain article de cette série qui se consacrera à l’Etude historique du taux de profit relatif au capital fictif investi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes :

[1] https://abc-economie.banque-france.fr/mot-de-lactu/bulle-speculative#:~:text=Il%20y%20a%20bulle%20sp%C3%A9culative,prix%20risque%20de%20chuter%20brutalement.

[2] K. Marx, Le capital livre I, folio p.354

[3] Pierre Lescanne, Les crashs sont rationnels, avril 2011

[4] Joseph Kergueris au nom de la délégation du Sénat pour la planification, Rapport d’information n°35, 29 octobre 2002, p.42

[5] Valentin Dimitrov & Prem C. Jain, « Shiller’s CAPE : Market efficiency and risk », The financial review vol.53 i.4, november 2018.

[6] J. Campbell & R. Shiller, « Stock Prices, Earnings and expected dividends », The Journal of Finance vol.43 n°3, Decembre 1987, PP.661-676.

[7] Il est ici question de bénéfice net et non de profits dans le sens utilisé par K. Marx, puisque le taux de plus-value n’entre pas en compte. Sur cette différence et la méthodologie utilisée, nous vous renvoyons à la note méthodologique à propos des données statistiques utilisées pour nos calculs, publiée dans le premier article de notre série : Capitalisation boursière et plans de sauvetage financiers.

[8] Bunn, O., & Shiller, R. J. (2014). Changing Times, Changing Values : A Historical Analysis of Sectors within the US Stock Market 1872-2013. SSRN Electronic Journal. 

[9] Même si l’indice S&P 500 a été créé en 1957, il est aisé de remonter plus loin dans le temps en étudiant les 500 plus importantes capitalisations boursières du marché américain. C’est ce que propose l’étude de Shiller et Bunn

[10] Edward Tower, « Tobin’S Q Versus Cape Versus Caper: Predicting Stock Market Returns Using Fundamentals and Momentum », Working Papers 2012-02, Duke University, Department of Economics.