J’ai perdu tout espoir
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Anti-répression
Pourquoi donc ça me rend si triste ? Parce que l’espoir est aussi la branche sur laquelle j’avais juché mes plus précieux rêves de soulèvement, et qu’en la sciant ils se sont brisés. Et je me trouve là, seule devant l’immensité du néant. Et il n’y a aucune racine qui ne survive à l’abattage du tronc.
Me voilà donc démuni, entre l’effondrement de ma vision fantasmée d’un futur potentiel et ma compréhension du passé qui s’effrite à sa suite. Enfermé dans le « no future » des punks, tant décriés par les spécialistes politiques d’un « milieu radical » quelconque. Je me retrouve à poil au centre d’un monde qui me fait gerber, des militaires aux assistants sociaux, des capitalistes aux pacificatrices qui ne font que frustrer ma rage en temporisant son expression jusqu’à nouvel ordre.
Mais pourquoi attendre encore lorsqu’on a réalisé qu’il n’y a rien à attendre ? Et pourquoi ne dit-on pas qu’on a perdu cet espoir alors que plus personne n’ose vraiment croire à un grand basculement possible ? Parce qu’on n’ose pas s’avouer qu’on a toutes eu la même idée ? Qu’on préfère se rassurer en propagandes sur l’insurrection qui n’en finit plus de venir ? Qu’on n’ose pas vraiment tirer les conclusions qui s’imposent après la perte de cette illusion ? Que finalement on partage l’idée naïve que répéter à l’envi un slogan résolument mensonger peut le rendre vrai, et que tout le monde se mette réellement à détester la police ?
On essaie de parler aux opprimées pour politiser leur révolte, ou aux gens politisés pour qu’ielles se révoltent. Mais on ne se demande même pas pourquoi ce qui nous semble être l’évidence représente pour tout le monde un non-sens évident.
Pourquoi même consacre-t-on tant d’énergie à cette vaine tentative de persuasion ? On méprise le verbiage condescendant de celleux qui cherchent à « massifier le mouvement », mais on s’imagine apparemment que les attaques diffuses et anonymes vont parler à des complices potentiels et se multiplier. Si l’anonymat limite assez certainement l’apparition de spécialistes de l’attaque, est-ce qu’il n’y a pas, dans notre hallucination collective à voir des complicités révoltées partout, la persistance tenace d’une croyance qu’un jour ces complices imaginés se soulèveront pour détruire ce qui les détruit ?
Et si on n’y croit pas réellement, mais qu’on continue de prêcher la mythologie de la révolution insurrectionnelle, est-ce qu’on ne fuit pas notre confrontation avec l’absurde ? Si on tente de convaincre d’autres que cette révolution/insurrection va venir, sans y croire nous-mêmes, qu’est-ce qui nous distingue des pires charlatans, promoteurs sans relâche de la marchandise et du Spectacle ? Et qu’est-ce que cela révèle sur notre rapport aux autres et sur notre humilité, lorsqu’on essaie de faire croire à d’autres ce à quoi nous ne croyons même plus nous-mêmes ?
S’il n’y a rien à espérer, pourquoi conserver de tels vestiges du catéchisme révolutionnaire ?
Et comment imagine-t-on répondre à celles et ceux qui en voudront aux évêques de l’insurrection, lorsqu’on les tiendra pour responsables de la souffrance endurée lors de la disparition de ces rêves impossibles ?
Si on a pu être séduites par ce refus catégorique d’attendre sagement la réunion des conditions objectives, pourquoi nous sommes-nous alors empressées d’élaborer des stratégies théoriques, qui ne sont finalement que de nouveaux prétextes à la patience et à l’inaction ?
J’en ai marre de me trouver des prétextes. J’en ai marre d’essayer de convaincre d’autres de ce à quoi je ne crois plus. J’en ai marre d’être sans cesse déçu par ces mouvements qui meurent et tout ce monde qui revient si facilement à la normalité.
La triste réalité me dit que je ne suis que quelques-unes, au beau milieu d’une foule de résignations accumulées. Je n’ai rien d’autre que mon corps, et au-delà de ma mort il n’y a rien. Ni Dieu, ni Euromillions, ni Révolution, ni Insurrection.
La survie quotidienne n’a rien à voir avec ce que j’appelle vivre. La vie sérieuse des adultes responsables me répugne, car je veux rester un vilain garnement. Leurs principes et leur vivre-ensemble puent la charogne, parce qu’ils consistent surtout à toujours supporter dans la douleur, sans réagir. J’emmerde le stoïcisme et leur pieuse religiosité, j’ai pas envie de m’autodétruire en laissant ce monde me dissoudre peu à peu.
Ils veulent m’anéantir en me rendant prévisible, en me surveillant dans la rue, en traçant mon téléphone, en supprimant les recoins et les virages, limitant ainsi les possibilités d’embuscade ; en fixant solidement le mobilier urbain au sol et en remplaçant les pavés par des grandes dalles indestructibles ; en délimitant scrupuleusement les espaces et les pratiques autorisées, tout ce qui sort de ce cadre étant blasphème ; en nourrissant ma peur des châtiments infligés à celleux qui franchissent la ligne qu’ils ont tracée pour que je réprime moi-même mes désirs singuliers.
Mais je sais aussi que rien de vivant n’est prévisible et que je refuse de mourir de l’être.
Si je tiens tant à vivre, c’est pour ces rayons de soleil qui percent les sous-bois, pour l’embrasement de cette voiture de flics, pour le son de cette vitrine qui éclate, mais surtout pour la sensation de celle qui serre le marteau lorsqu’il traverse le verre, pour le frisson qui me traverse lorsque j’allume la mèche, pour la sensation de ton sexe qui jaillit par saccades dans le fond de mon rectum, pour les pas feutrés et nocturnes dans mon nouveau chez-moi, pour la chaleur enveloppante de l’amitié qui m’envahit lorsque je pense à toi, pour mes larmes irrépressibles à l’annonce de ton incarcération, pour tous ces fous-rires incontrôlables et ces orgasmes fulgurants qui se gravent dans ma mémoire.
J’ai perdu tout espoir de voir un jour ce monde rêvé dont on m’a tant chanté les louanges et qui me permettrait de vivre dans l’harmonie avec mes semblables, en l’absence de tout pouvoir et de toute autorité. J’ai perdu tout espoir que ce monde soit réellement détruit, que je vive cette fameuse révolution.
Mais cet espoir était un mirage artificiel qui camouflait bien mal les ravages qui s’annoncent.
Aventurière dans la fourmilière, à la recherche d’une vie vraiment vécue, je ne crois plus en rien et je vivrai tout.
https://infokiosques.net/spip.php?article1458
Un commentaire a été retiré.
Qu’un texte de ressenti personnel mette mal à l’aise, ça peut se comprendre. Que cela donne l’impression qu’on peut mettre un commentaire hyper violent en réponse pour se débarrasser de ce mal être, c’est catégoriquement non. On ne crache pas du venin sur de l’intime.
Pour rappel, un des but de indymedia est, justement, de permettre à des individu-e-s de publier aussi leurs ressentis politiques.
Alors comme ça ce texte ne plait pas et génère des commentaires violents . Ca vole haut décidément .
Je remercie l’auteuse de ce texte que j’avias lu surl’ infokiosk ,car elle a exprimé ce que beaucoup ressente et n’osent se formuler .Naturellement les petits chefs ,les dominateurs /euses n’apprécieront pas. .L’introspection,l’humilité sont des qualités rares dans le milieu militant français .
Effectivement difficile de garder espoir
« Les choses sont sans espoir mais il faut tout faire pour les changer »
Rainer Maria Rilke
« Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre,ni de réussir pour persévérer »
Texte de la R.A.F
OK?!
Quand on ne supporte pas la critique il ne faut pas s’y exposer. Il n’y avait strictement rien de « violent » dans mon commentaire et j’en ai rien à foutre de vos intimités !!!!
quand on commente sur un site, on ne s’étonne pas qu’il applique sa charte : https://nantes.indymedia.org/pages/charte
le commentaire comportait une suggestion hyper violente, et beaucoup de mépris pour un témoignage de militant assumant sa subjectivité, comme celui auquel on répond.
Dans la subjectivité des uns et des autres, comment vous hiérarchisez et censurez entre les subjectivités par rapport à votre charte (qui n’a strictement rien à voir avec ton shmilblick sur la subjectivité) ?
Hé vous avez vu, sur infokiosques.net, il y a un nouveau texte qui vient d’être publié, mais il est (encore) mieux. Ça semble venir de la même personne, c’est la même mise en page.
Ça s’appelle «j’ai pété une case et c’est pas près de s’arranger» et c’est là:
https://infokiosques.net/spip.php?article1459
Une écriture très poétique, sincère et très touchante, avec des idées qui font bien remuer dans la tête et qui sont comme des banderilles plantées dans un anarchisme sclérosé. C’est revigorant, frais et motivant.
Heureusement il y a autant d’anarchisme que d’anarchistes. Ce que je trouve sclérosant c’est le gauchisme qui vient en force, à la mode sur facebook et dans les organes du Parti. Au moins ce texte pose quelques questions qui méritent de s’y pencher.
Ouais! Suis pas violent! juste indifférent ,juste méprisant ,juste haineux ,juste agressif sans raison comme mon chien qui montre les crocs ,qui gueule comme un malade . J’ai tout ça dans les yeux ,dans ma tronche mais je suis sur d’être le meilleur et puis j’en ai rien à foutre de vous tous .Je vous chie dessus et je l’écris sur les murs de vos chiottes.
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite….
Alors oui, moi j’ai aussi perdu tout espoir face à tant de misère parce que trop de crétins et de crétines indifférents, méprisants, haineux ,xénophobes,
Effectivement autre beau texte sur infokiosque.
En cas d’introspection ,difficile de ne pas être lucide et par conséquent de ne plus avoir d’espoir .Le désatre n’en est qu’à son début .Les noyades en Méditerranée vont augmentées tout comme les disparition des espèces .Les casseurs sont aux commandes et le culte de l’argent fera sombrer cette belle planète.