[bienvenue dans la technopiolle 01] fondamental pour qui ? pourquoi nous sommes contre la propagande techno-scientifique
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Catégorie : Global
Thèmes : FaucheursLuttes étudiantes/lycéennesMinatechNécrotechnologiesOgmSciencesZad
(1) LES FONDAMENTALES DU CNRS : Prosélytisme de l’alliance public-privé. (les 10, 11 octobre 2014)
Après les échecs des débats de la CNDP (Commission Nationale Du Débat Public) en 2009-10 sur les nanotechnologies et plus récemment en 2013, sur l’enfouissement des déchets nucléaires sur le site de Bure, il est clair que la propagande technoscientifique d’État, pour se diffuser, devra être plus subtile, plus maligne. Taper moins fort et éparpiller les couches de diffusion des discours scientifiques un peu partout. Il s’agit d’éclater la contestation, de la rendre inopérante en évitant les points de fixation. Les instances de propagande changeront de noms. Il n’y a plus de débat national, mais des « démonstrations », des « forums » « des apéros sciences » et des « conférences citoyennes ». « Pour le prix d’un débat public, on peut faire trois ou quatre conférences de citoyens », plastronne Jacques Testart de la Fondation Science citoyennes. [1]
Prenons l’exemple des Fondamentales, Forum organisé par le CNRS et l’Université de Grenoble Alpes [2].
Le site web des Fondamentales est clair, il s’agit de montrer que le CNRS, bulldozer des sciences fondamentales, se bouge le cul pour vendre ses recherches et participer à la croissance-mortifère de ce pays. « Pendant deux jours, les Fondamentales mettent l’accent sur l’ADN du CNRS : la recherche fondamentale. Mais le CNRS place également au cœur de sa stratégie l’innovation et le partenariat industriel » [3] Sa force de vente, ses brevets : « 7e plus grand déposant de brevet français avec un portefeuille de 4535 familles de brevets […], parmi les 100 entreprises et organisations mondiales les plus innovantes du monde, (Thomson Reuters) […], 25 accords-cadres avec des sociétés du CAC 40, 84 laboratoires communs avec des entreprises […], une filiale de transfert et de valorisation, FIST SA, la création de plus de 1120 entreprises innovantes [c’est-à-dire des start-up] depuis le début des années 2000. » [4] On comprend mieux pourquoi c’est à Grenoble (avec son vaniteux « écosystème de l’innovation » [5]) qu’a lieu la rencontre au sommet. Le forum est organisé en deux temps.
Le vendredi 10 octobre la séance d’ouverture appelée une « Master Class », comprenez une sauterie entre membres du (techno-)gratin grenoblois, se tiendra à l’amphi Weil sur le campus. Rencontre ouverte mais faut quand même s’inscrire avant (fichage oblige !). Des chercheurs carriéristes, des patrons créant leur « réseau », des animaux politiciens locaux se pavanant devant les journaleux et quelques citoyens lambda venus spécialement pour le buffet, verront le spectacle. Mais avant de se bourrer la panse de petits fours, faudra se taper la séance d’autoglorification habituelle de la technocratie mondaine à base de « merveilleux ! », « formidable ! », « magnifique ! ». Tout ça bien entouré d’un dispositif sécuritaire fait d’agents de sécurité et de policiers pour votre sécurité bien sûr ! la pseudo-démocratie ayant toujours besoin de quelques matraques pour appuyer sa légitimité « au cas où… ».
Le samedi 11 ressemble plus à une séance d’acceptation classique : au quatre coins du campus seront disséminés de petits forums entre amis et journaleux « Espaces de discussion libre mêlant débats, interviews et questions du public. [6] » Où la liberté du public s’arrête, pour les organisateurs en débats pipeaux, à poser des questions. Avons-nous choisi les thèmes, le cadre du débat et les invités présents ? Non ! et de toute façon « vous n’y comprenez rien » : toujours la même posture paternaliste et méprisante des scientifiques et des dirigeants. A l’image du Forum Libé [7], il faut faire semblant de poser un débat contradictoire sur des sujets chauds : Biologie de synthèse, réchauffement climatique, nanotechnologie….tout en verrouillant l’espace et la parole pour ne pas que ça déborde….Il n’y a que des images du politique sans en avoir la moindre saveur, ni contenu.
D’ailleurs on attend que du beau monde pendant ce forum !
D’abord Geneviève Fioraso surnommé « Miss Dollars » par ses collègues de travail [8]. La personne la plus détestée des étudiants après la réforme portant son nom en 2013 « Fioraso se met à dos près de 7 000 universitaires et chercheurs » [9]. Avec Michel Destot, elle a participé à la direction de Corys, une start-up dans le nucléaire. Amie de la plus part des patrons du bassin Grenoblois (on la retrouve en photo avec Frédéric Abbal (président de Schneider Electric France) à Jean Therme (directeur du CEA-Grenoble), en passant par André-Jacques Auberton-Hervé (PDG de Soitec), Bruno Cercley (PDG de Rossignol), Nicolas Samman (directeur R&D d’Eaton) et Michel Cosnard (président de l’Inria) [10], elle est mariée avec Stéphane Siebert dit cyber-Stéphane, directeur délégué de la recherche technologique du CEA. Actuellement secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève c’est la roue de transmission sociale-libérale entre le Grand Capital, la recherche et le gouvernement. Son carnet d’adresse, son réseau d’ami-es, c’est sa force de frappe qui la fera rester longtemps au gouvernement.
Bertrand Girard, actuel président de l’Université Grenoble Alpes. Physicien tête d’ampoule et lèche-bottes du patronat. Ce gestionnaire à la tête de la mafia universitaire (COMUE), signait en janvier 2013 une convention cadre entre les Universités de Grenoble et le Medef Isère [11]. Plus récemment, en juillet 2014, contre l’avis de l’ensemble des comités Techniques de l’université (CT) Bertrand et ses acolytes ont mis en place la COMUE, nouvel organe obscur pilotant les 400 millions d’euros que le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche leur octroya via l’Opération Campus [12]. En gros ce consortium d’universités et d’entreprise, c’est le Cheval de Troie entrepreneurial dans l’université, exécutant les ordres du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche : adapter l’enseignement aux domaines de la production où la demande de main-d’œuvre qualifiée est forte, (informatique, management, biologie, nanotechnologie).
Patrick Maestro, directeur scientifique de Solvay (multinationale de la chimie) et directeur du Laboratoire du Futur (LOF) fera partie lui aussi de la tribune. Le LOF est un centre de recherche conjoint entre CNRS et Solvay, en partenariat avec l’université de Bordeaux conçue pour « améliorer la productivité de la recherche et réduire les délais de commercialisation des innovations [13] ». Solvay c’est une des plus grosse multinationale de la chimie (côté au CAC 40), la première en France. Leader mondial en poison de toutes sortes (Bisphénol A, PVC, détergent, vanilline, soude caustic, composés fluorés…). Au mois de septembre dernier, en Russie, venait d’être inauguré en présence de Poutine, la plus grande usine de PVC et de soude caustique du pays [14] !
Et les partenariats nocifs ne s’arrêtent pas là. Pour cette « fondamentale » de l’industrie mortifère nous avons Safran, fusion de la Sagem et de Snecma, côté au CAC 40, leader mondial de la biométrie et reconnaissance faciale. Elle bosse surtout pour l’armée (drones, guidage missiles, et moteurs d’avions..) [15]. N’oublions pas Suez Environnement, coté elle aussi en bourse, elle détient la Lyonnaise des Eaux. Elle s’est spécialisée dans la récupération des services publiques de gestion des déchets et des fluides, notamment l’eau potable. Il y a encore Saint-Gobain (Matériaux en verre), Air Liquide (fabrication de gaz et collaboratrice de l’Allemagne nazie dans les années 1940 [16]), LVMH Recherche…
A ne pas manquer aussi, les journaleux venus en nombre pour retransmettre sur les ondes radio et wifi les paroles de la Messe technoscientifique. Le Monde, torchon sociale-traite appartenant entre autres au bourgeois Pierre Bergé co-organise l’événement à l’image du Forum Libé à la MC2. France Inter est de la partie avec son émission a-critique la tête au carré, présenté par Matthieu Vidar.
Le plus croustillant reste la boîte de com’ Inmediats (Innovation pour la Médiation dans les Territoires) labellisée par l’État « investissements d’avenir » [17]. C’est une agence de publicité pour les sciences, les technologies et l’innovation au service du gouvernement et du patronat : « Inmédiats s’est donné comme objectif de toucher les 15-25 ans et les publics empêchés. » « Création de nouveaux lieux de rencontre (fixes ou itinérants) avec les publics, basés sur l’élaboration de nouveaux types de ressources numériques et de nouvelles interfaces numériques (réalité virtuelle et augmentée, holographie 3D, motion capture, immersion, etc.) ». « Dans le cadre d’un événement annuel organisé par un partenaire, dans ce cas précis le CNRS [les Fondamentales], l’objectif visait à assurer la couverture médiatique de la journée en vue d’élargir les publics touchés traditionnellement. » [18]. Les investissements d’avenir sont la Nouvelle Offensive du gouvernement pour faire passer la pillule high-tech dans les divers publics encore récalcitrants au tout technologique. Il y a pour l’instant 12 projets, chacun se répartissant un public par lieu physique ou virtuel (web) et secteurs technologiques (exemple : Inmediats pour la com’ des 15-25 ans notamment via les réseaux sociaux, Entreprendre pour la cité pour les jeunes de banlieue ou encore Jeunesse, Innovation et cohésion sociale présent dans la rue et à la TV avec C’est pas Sorcier ….) [19] Toutes ces entreprises de com’ s’appuient sur la logistique, les bâtiments, le matériel et le savoir-faire communicationnel des CCSTI (Centre de Culture scientifique, Technique et Industrielle). Les CCSTI sont les premiers organes de propagande technoscientique créés à partir de 1979 notamment à Grenoble via l’État et les industriels de la région (Merin-Gerin, Neyrpic…). Ils forment à présent un réseau de moyens technologiques, financiers et humains qui quadrille le moindre espace de débat et de discernement critique [20]. Les CCSTI sont des lieux qui se veulent conviviaux, ludiques, typés artisanat où l’erreur et le « faire ensemble » sont prônés. Ce sont de véritables Portes d’Entrées de l’industrie des high-tech pour une jeunesse en quête de sens et immergée nuit et jours dans la gadgetitude.
L’important au final ce n’est pas tant la production de babioles en circuits-imprimés mais le discours qui va avec et que les participants ingèrent au fur et à mesure des expos, ateliers, conférences proposées dans les « labs » du centre. Ainsi chaque CCSTI est une antenne de diffusion gigantesque pour toute une industrie mortifère en pleine essor.
(2) LA FÊTE DES SCIENCES ET LE SALON ARTS SCIENCES TECHNOLOGIE : manipulation des légitimités et saturation des espaces publics. (les 9, 10, 11 octobre 2014)
La propagande technoscientifique doit saturer l’espace public (et privé) d’un discours sur les sciences et les technologies qui se veut avant tout « rassurant » « apaisant ». Le discours officiel ne peut plus se contenter de l’argumentaire de la neutralité technologique (toute technologie est neutre en soi, seules ses applications sont bonnes ou mauvaises…célèbre tarte à la crème quand on parle de technologie. Demandez-vous quelle est la neutralité de la bombe atomique…). En 2007, le Centre d’analyse stratégique, organisme directement rattaché au Premier ministre, travaillait à ne pas retomber dans le « syndrome OGM [21] » et cherchait de nouvelles armes de persuasions, comme en témoigne une Note de veille au sujet des nanotechnologies : « Un élément de contexte doit retenir l’attention : ces débats sur les nanotechnologies s’appuient sur les acquis des précédents débats “historiques ” sur les biotechnologies, le nucléaire, les OGM, et avec le souci d’éviter les erreur du passé. Ceci conduit, d’une part, à une forme de recyclage des outils, des argumentaires, des postures et des recommandations, d’autre part, à une volonté forte d’innovation tant sur la conduite des débats que sur leurs finalités et débouchés. [22] ». L’outil alors invoquait pour « recycler » les argumentaires consister (et consiste toujours) en une alliance, en amont de la publicité classique pour une camelote technologique donnée, entre plusieurs agents de propagande.
Désormais les laboratoires de recherches fondamentales s’allient à :
a) des événements publiques orchestrés par l’État et les collectivités territoriales (ex : la fête de la science).
b) des laboratoires en sciences humaines et sociales (sociologie, philosophie….).
c) des artistes et des collectifs civiles technophiles (ex : l’atelier Art et Science ou le groupe de musique Ezekiel)
d) des médias scientifiques (le Monde avec son supplément Science et Médecine, Pour la science…)
e) des entreprises privées de marketing et d’acceptabilité sociale (Inmediats, Ad Valor, FING…)
La fête de la science qui se tiendra dans toute la France du 26 septembre au 19 octobre est significative pour notre propos. A Grenoble dans le cadre de cette fête (de l’acceptation) il y aura le salon Arts Sciences Technologies (4ème édition) les 9, 10 et 11 octobre sur le parvis de la « maison » Minatec [23].
Ou comment faire passer la pilule nanotech grâce à des installations artistouilles branchées. La pseudo-poésie et les anglicismes futuristes se succèdent sur des pages et des pages de prospectus : Shape_of_memory, Hyperlight, Precise Indoor Location, Onomaphonic, Critical…. « Anabela Costa s’intéresse à l’état critique. Elle utilise pour cela la métaphore du changement de phase, de l’état liquide à l’état gazeux. Le moment précis de la transition est un moment de criticité » [24] blablabla. On se croirait à la MC2 ou au 102 : on n’y comprend rien, du coup on se dit ça doit être cooooool !
Règne des experts en sciences et en arts
Médusé par l’univers onirique des écrans plasma, des néons de couleurs et des vocables cyber-géniaux, le spectateur se sent plein de bonté et d’engouement pour ces joujoux high-tech. Comme un enfant. « Le degrés d’acceptation de nouvelles technologies connaît toujours un seuil psychologique où, pour le consommateur, les avantages l’emportent sur les inconvénients. Une présentation appropriée de la RFID et une communication régulière auprès des consommateurs permettront de parvenir à ce stade . [25] ». Ici ces installations artistiques sont cette nouvelle « communication ». Les dirigeants du Minatec Ideas Lab (labo en acceptabilité de Minatec) l’ont bien compris puisqu’on peut lire sur leur site qu’ils ont participé en 2006 à la « Création de L’atelier Art et Sciences, en collaboration avec le Théâtre Hexagone scène nationale. L’objectif de l’atelier Arts Sciences est de permettre aux artistes d’intégrer les technologies nouvelles dans leurs productions artistiques. [26] ».
Les artistes comme les journalistes font partie des premiers cercles de légitimité lors de l’arrivée d’une innovation sur le marché. Ce sont des communautés d’intérêts de l’Image (l’artiste produit une Image de l’usage d’une technologie via ses techno-œuvres alors que le journaliste produit plutôt le dis-cours qui enrobe cette image). Ainsi les labo les utilisent pour diffuser la nouvelle camelote high-tech et le discours qui va avec auprès du grand public. C’est une publicité pernicieuse car indirecte, les artistes et les journalistes se targuant d’être eux aussi neutre dans cette affaire !
Au fait, c’est la fête, LA RUE LEUR APPARTIENT !
A la manif contre les nanotechnologies et leur monde en 2006, gaz lacrimo, critique sociale et giclure de sang où tu-t’es-fait-mettre-à-l’amande [27]. Aujourd’hui 2014, parvis de Minatec, nouvelle ambiance où tu-es-fasciné-par-tant-de-merveilles. Et en plus c’est TOI qui décide cette fois. Comment pourrais-tu être contre toi-même ? La dissonance cognitive est le dernier maillon de la chaîne de l’acceptation.
Il s’agit de faire croire au spectateur qu’il est parti prenant de la production des prototypes des laboratoires, les futures gadgets électroniques de demain (réalité virtuelle, hologramme, vêtement intelligent…). Le prospectus nous rabâche à toutes les pages que « c’est à vous de tester et d’évaluer les innovations » ou bien « choisissez l’un des trois parcours. » et encore « Testez, évaluez, imaginez, participez » [28]. Mais alors à quoi servent encore les chercheurs si on fait tout à leur place ?
En réalité, ne nous trompons point : la différence entre la manif de 2006 et le spectacle de 2014 c’est foncièrement notre posture : producteur de critique et acteur de nos vies pour l’un contre consommateur passif et médusé pour l’autre. A la recherche de l’autonomie politique succède la recherche infinie de satisfaction ludique et libidineuses liées aux faux besoins préfabriqués inhérent à la posture du consommateur…
(3) FUTUROLOGIE DES USAGES ET ACCEPTABILITÉ SOCIALE. (séminaire Tech’nUse les 22 et 23 octobre et journées sur Les réseaux d’innovation pour les PME les 13 , 14 novembre 2014)
Le mot est lâché : acceptabilité. Il désigne simultanément deux choses radicalement différentes : d’une part, la perception du (non) consentement de la population (locale) sur un projet d’exploitation de ressources naturelles, et d’autre part, une démarche de « relation publique » (novlangue pour parler de manipulation des masses) visant à « manufacturer le consentement » ( consent manufacturing ) et alimenter les divisions dans la communauté afin de désarmer l’opposition. Dans tous les textes de nos ingénieurs en acceptabilité, cette ambiguïté n’est jamais levée, ils sont à la fois “observateur” des comportements et partie prenante de l’acceptation, ceux qui leur permet de tirer leur épingle du jeu sans être jugés pour ce qu’ils sont : des manipulateurs.
De nouvelles structures émergent depuis une dizaines d’années, regroupant en un lieu unique les laboratoires de conception, de designers, les méthodes d’acceptabilité et le marketing d’un produit. Le groupe Ixiade en est le meilleur exemple.
En les cherchant on les trouve pas très loin !
Un colloque un peu spéciale aura lieu les 22 et 23 octobre sur le campus de Grenoble (Bâtiment MSH Alpes). Tech’N’Use : de l’acceptabilité à l’usage des technologie innovante [29]. Et plus tard les 13 -14 novembre, dans le cadres des Journées Interdisciplinaires de Grenoble : Les Réseaux d’Innovation pour les PME. Quand les sciences sociales et humaines veulent être rentables, elles se plient au exigences du marché et organisent ce genre de colloque sensé faire bander l’investisseur et rapprocher l’étudiant en sociologie intègre et utopiste vers la voix de la raison, c’est-à-dire de l’argent. Un cadre d’une boite de R&D témoigne : « tous les sociologues que j’ai rencontrés et qui ont un discours humaniste au sujet de l’acceptabilité sociale avaient aussi quelque chose à vendre derrière : une méthode d’acceptabilité sociale, un moyen de modéliser l’acceptation [30] ». Alors scientifique ou marchand de tapis ? Les partenariats de ces séminaires nous donnent la réponse : il y a bien entendu Minatec Ideas Lab mais aussi l’entreprise Raidlight, fabriquant d’équipement de randonnée, Parolai StilEco, fabriquant de poubelles en plastique et la société Ixiade partenaire ponctuel de Minatec Ideas Lab depuis 2006 [31]. M. Mallein, créateur d’Ad Valor, filiale du groupe d’Ixiade, lui ne parle pas d’acceptabilité mais de sociologie de l’usage (toujours pareil, on change les termes pour ne pas se faire cerner). « Ad Valor exploite, développe et commercialise la méthode CAUTIC. La société a pour objectif de mettre au point une gamme de services innovants permettant d’associer l’anticipation de l’usage à la conception et à la réalisation de produit/services nouveaux. Les clients viennent d’horizons très divers : Bouygues, Groupe André, EDF, France Telecom, SNCF, Swisscom, FAVI, Schneider Electric, structures d’aide à la création d’entreprises… mais aussi plusieurs ministères et collectivités territoriales » [32]. Ce sociologue sorti des labo du CNRS dit ne pas faire de la politique, alors que nous sommes en plein dedans : la gestion de la consommation de masse et la création des nouvelles postures du consommateur via sa « façon d’être » (qui se résume en ses « besoins » pré-fabriqués). Quand l’ensemble de la vie quotidienne est consumérisée, cette gestion est éminemment politique. Construire les rapports de consommation (et de production) c’est modeler la société à sa guise.
Les chercheurs en acceptabilité (c’est-à-dire en manipulation sociale) aiment à dépolitiser leurs discours, à mettre un voile sur leurs manipulations en calomniant leurs détracteurs et en scientificisant au maximum le débat. La science des experts remportant toutes les légitimités sur la critique politique dans un monde dirigé par les données et les statistiques. C’est la rhétorique de M. Mallein : « ce n’est pas l’individualisme contre le collectif mais c’est une intimisation de l’espace public et une publicisation de l’intimité”. La rencontre de ces deux phénomènes remet donc en partie en cause le discours sur le fait qu’on vive dans un monde totalement individualiste car on oublie cette rencontre qui se produit sur l’intimité, et qui peut ne pas plaire à certains qui ont une vision très politique de l’usage. [33] »
Et quand on attaque directement leurs technologies et le discours qui va avec, ces chercheurs nous fustigent avec leur sentimentalisme paternaliste : ils parlent de « crainte », de « peur » « d’angoisse » et « d’incompréhension » [34], alors qu’il s’agit de contestation politique !
Ad Valor classe les consommateurs en 4 catégories (ou pattern) : « le fan : l’acceptabilité la plus grande ; l’utilitariste : l’acceptabilité négociée sur l’utilité ; l’humaniste : l’acceptabilité négociée sur les valeurs (liberté, égalité, citoyenneté…) ; le détracteur : le refus le plus fort ». Ad Valor se donne pour mission de passer le cap des consommateurs acceptant (le Fan) pour cibler l’Utilitariste et l’Humaniste. Ces consommateurs dubitatifs, à qui il faudra « négocier » un OUI sont les plus nombreux et donc potentiellement un marché très juteux. Bien sûr le Détracteur est inatteignable, il est même dangereux. La technique consiste à détourner l’attention des vrais enjeux socio-politiques d’une technologie (dangerosité, perte d’autonomie, crise écologique, , choix de société…) pour se focaliser sur les avantages en termes de confort et de prestige. « L’interactivité », le tactile, le ludique….
plus c’est funny, plus c’est vendeur !
Non seulement les chercheurs se targuent de participer activement aux « débats éthiques » sur une technologie mais surtout ils récoltent les griefs à son sujet pour l’améliorer et non pas arrêter sa conception ou remettre en cause la toute puissance de la science. Pour nous, participer reviens à accepter leur jeu mais pour eux,
faire participer c’est anticiper.
Prédire les usages de demain, c’est pouvoir les modeler et les faire s’emboîter aux marchandises que le Marché répandra dans quelques années. Construire une histoire rassurante sur la technologie en question en modulant la chèvre et le choux signifie faire le plus d’adeptes possibles. Ces futurologues de la consommation de demain influencent beaucoup plus les futurs postures et usages consuméristes qu’ils les prédisent. Ils restent focalisés sur la question du comment ? (question économique) tout en masquant le pourquoi ? (question politique) d’une technologie. « La question reste de savoir comment produire et vendre en évitant de s’interroger sur le pourquoi. Quand il y a une impasse sociale, les équipes d’acceptabilité sociale vont accompagner les discours de marketing pour que ça passe socialement. On associe le consommateur, non pas en travaillant avec lui mais en travaillant sur lui. » [35]
Les réfusants, celles et ceux qui soulèvent les questions politiques, d’organisations et mettent sur le tapis les problèmes sont vus par les autorités éthiques (CNIL, conseil éthique, élus …) comme des « sentinelles » des « personnes-ressources ». Il convient de récupérer leurs discours pour le dépolitiser et en faire un simple problème de consommateur, ne demandant qu’une simple « customisation » du produit ou du procédé pour que le « léger différent » soit réglé.
Au dernier détracteur ne pliant pas sous le mot d’ordres « ACCEPTE ! », les ingénieurs du discours technologique ont trouvé la parade : c’est l’argumentaire de la santé. Tirer sur la corde sensible de la santé humaine en vantant les bienfaits d’une technologie (des bienfaits des OGM contre la faim dans le monde jusqu’aux électrodes électroniques soignant Parkinson en passant par les nanobiotechnologies augmentant la longévité humaine….) permet d’arracher une acceptation conditionnelle. On se dit : « ça pourrait nous être bénéfique en cas de soucis ». Trop tard, le piège s’est refermé… L’argumentaire de la santé fonctionne comme l’utilisation de la Shoah dans un débat sur la violence. C’est un point Godwin insurmontable qui casse toute dialectique possible. Il met fin au dia-logue, clôt le combat théorique, comment pourrait-on être contre la suppression de la faim dans le monde ou le bien-être humain ? Cette rhétorique est simpliste mais elle marche !
D’ailleurs le séminaire Tech’n’use usera volontiers de ce piège-à-débat-de-con. Alors que la journée du 22 octobre concernera les enjeux des usages face aux technologies en général, toute la seconde journée sera centrée sur les technologies liées à la santé [36]. Vous trouvez pas ça un peu louche pour un colloque co-organisé par le Laboratoire Interdisciplinaire de Psychologie (LIP) dans un bâtiment dédié aux sciences sociales (MSH Alpes) de parler santé toute une journée ? Parler d’apport pour la santé avec les technologies c’est restreindre automatiquement le champs des possibles contestations (et des possibles contestataires !). Qui n’a jamais vu un proche tomber gravement malade et soigner par des moyens technologiques ultramodernes (chimio, IRM, scanner…) ?
Fourberie du XXIe siècle.
CONCLUSION provisoire
Le rapport de la société ENEA consulting [37], Acceptabilité sociale des projets industrielles, nous donne à la page 4 les mots qu’il nous manqué : « une manipulation de l’information délivrée à un public insuffisamment averti peut générer artificiellement une perception positive du projet sur la base d’ignorance des groupes sociaux concernés (impacts négatifs minimisé ou impacts positifs amplifiés) [38] ». Ce papier nauséeux, hautain envers les gens et capitaliste dévoile toute la réalité de ce que l’acceptabilité est.
Ils nous disent : « IL FAUT MANIPULER POUR FAIRE ACCEPTER. » sans violence apparente, sans effusion de sang. « L’exacerbation des problématiques d’acceptabilité, notamment dans le secteur énergétique, conduit à la recherche de démarches plus opérationnelles. Celles-ci devront assurer la mise en place d’un véritable dialogue ouvert, transparent et dynamique, tout en maintenant une haute traçabilité des échanges et sans tomber dans le travers simplificateur de la tendance centrale. L’acceptabilité sociale est rarement le résultat d’un vote, sinon d’un processus concerté de co-construction de scénarios d’adhésion [39] ». Novlangue et manipulation douce.
Fourberie du XXIe siècle.
La propagande technoscientifique remplit nos espaces de vie. Une guerre spatiale des lieux médiatiques et physiques est menés actuellement et augmente en intensité au fur et à mesure que les mouvements contestataires, les groupes de refusants deviennent important. Le capitalisme est conquérant, colonisateur par essence. Toujours plus de terres conquis, toujours plus d’espace de vie colonisés. Hors, il arrive un moment où le marché est saturé de toute part. La propagande technoscientifique (manipulatrice et coercitive) doit ouvrir de nouvelles voies, favoriser l’émergence de nouveaux besoins pré-fabriqués chez le consommateur pré-fabriqué. Le refus est un acte par défaut au départ, puisqu’il n’exige aucun nouveau concept, aucun nouveau champs des possible du vivant : il essai seulement de bloquer – pour peut-être renverser – la colonisation du vécu à un niveau individuel ou collectif.
La saturation des espaces de débat par le pouvoir, le verrouillage du discours critique, les techniques d’acceptabilité, de modélisation des comportements, de futurologie sociale et en dernier lieu la répression, sont les armes de la propagande techno-scientifique : où à ce qui paraît derrières les enceintes du CEA-Minatec, le site abriterait plus de 130 000 capteurs biométriques de toutes sortes.
Ainsi les moutons de la science seraient bien gardés.
Il est claire que les faucheurs anti-OGM ont redonnés dans les années 90 un second souffle à l’action politique contre le monde de Fioraso et sa clique. Pas seulement un combat contre le patronat . Mais également un combat contre le réseau technologique qui va avec où chercheurs, flics, ingénieurs, cadres et pdg travaillent ensemble aux suicident généralisés de la société : où la gestion industrielle des masses et la recherche de profit (l’argent !) sont les motivations premières de toute cette clique nihiliste et égoïste.
En France les mouvements anti-technologiques se multiplient. Les activistes construisent des ZAD sur les ruines des grands projets techno-industriels [40], les néo-luddites saccagent les objets techno-totalitaires disséminés dans la ville [41], les électro-sensibles fuient nos univers ondulaires citadins et la colère monte chez les irradiés de tous les pays.
LA MANIPULATION DES MASSES montrent que nous ne sommes ni responsables des choix technologiques de la société, ni responsable des dégâts sociaux, politiques et écologiques provoqués par elle. Les contradictions internes et individuelles liées à l’utilisation de ses objets mortifères et nos postures sociales liées à elles, ne sont pas sans poser des problèmes existentiels. Ne nous laissons pas figer dans le non-agir et la culpabilité individuelle du consommateur. C’est collectivement (politiquement) que ces contradictions peuvent être dépassées. L’autonomie politique par l’organisation et l’action contre les discours et les structures du pouvoir pourront, peut-être, nous sortir du fléau de la posture façonnée du consommateur-spectateur.
Bienvenue dans la TechnoPiolle n°1
Notes :
[1] Les nouvelles tactiques de propagande des technosciences, Tomjo, 2014 disponible sur lien
[2] Forum du CNRS en partenariat avec le Monde les 10 et 11 octobre 2014 sur le Campus de Grenoble lien
[3] lien
[4] lien
[5] Brochure de présentation de GIANT (Innovation Campus) dispo sur lien
[6] Prospectus des fondamentales, page centrale.
[7] Le forum libé à lieu tous les ans vers le mois de mars à la MC2. Événement spectaculaire de la démocratie encadrée, c’est surtout une formidable pub pour les mass media.
[8] Le Postillon n°14 février-mars 2012
[9] Libération, 8 avril 2014 lien
[10] Le Postillon n°14 février-mars 2012
[11] Les requins du MEDEF ne sont pas les bienvenus à Grenoble ! Ripostons ! Sur : lien
[12] Voir article Intervention des étudiant-e-s et usagers en lutte au CA de la COMUE de Grenoble du 24 septembre 2014 sur lien
[13] lien
[14] lien
[15] lien
[16] Les entreprises françaises face à l’Allemagne de 1945 à la fin des années 1960, Jean-François Eck, Comité pour l’histoire économique et financière de la France disponible sur : lien
[17] Immediats a gagné un appel à projet « Développement de la culture scientifique et Égalité des chances » décerné par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche avec une enveloppe à la clé de 15 Millions d’euros. Partenariat avec des collectivités territoriales (villes de Bordeaux, Floirac, Grenoble…), d’universités, d’entreprises (Orange, Erasme…)
[18] lien
[19] lien
[20] Il existe 39 CCSTI en France dont 8 en Rhône-Alpes. Celui de Grenoble s’appelle « la Casemate » et se situe au 1 place Saint Laurent.
[21] C’est-à-dire le moment spatio-temporel où la critique a put émerger, se faire entendre et diffuser dans de nombreux cercle de légitimités populaires. Cité entre autre par Suzanne Brenner de TA Swiss (centre de propagande suisse sur les technologies) “le groupe a eu beaucoup de mal à recevoir des informations, parce que les producteurs ont peur que l’on parle des aspects négatifs des nanos. Ils ont peur du syndrome OGM. Ils ont raison, mais d’un autre côté les gens veulent savoir. A force d’être prudents, ils ne communiquent pas, et quand on ne communique pas aujourd’hui, c’est qu’on a quelque chose à cacher…“ voir sur lien
[22] La note de veille, N°64, Centre d’analyse stratégique, 25 juin 2007 cité dans la Revue Z N°1, l’Art de faire avaler la pilule. Enquête sur l’acceptabilité sociale.
[23] lien
[24] Prospectus Salon Arts Sciences Technologies (4eme édition)
[25] Stéphane Ghioldi, consultant de Capegemini pour la RFID : Informer le consommateur pour vaincre ses inquiétudes, Paris, 1 avril 2005. cité dans l’Art de faire avaler la pilule. Enquête sur l’acceptabilité sociale. Revue Z n°1
[26] lien
[27] La manifestation contre Minatec et les nanotechnologies du 1er juin 2006 est la première du nom en Europe. Il y eu plus de mille personnes et pas mal de violence policière. A ce propos lire le texte « Aujourd’hui nous envahissons Minatec » distribué pendant la fête de la science en 2009 dans Minatec. Disponible sur : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/…
[28] Prospectus Salon Arts Sciences Technologies (4eme édition)
[29] lien
[30] Revue Z N°1, l’Art de faire avaler la pilule. Enquête sur l’acceptabilité sociale.
[31] lien
[32] CNRS info, N°402, Juin 2002 disponible sur : lien
[33] Mallein Philippe : Usage des technologies de l’information et de communication et signaux faibles du changement social et culturel. Colloque de Cerisy, Juillet 2009
[34] Ibid.
[35] Témoignage de Lucien, ancien futurologue de l’acceptabilité interviewé par la revue Z : revue Z N°1, l’Art de faire avaler la pilule. Enquête sur l’acceptabilité sociale.
[36] lien
[37] Société d’acceptabilité verte sponsorisée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : lien
[38] ENAE Consultring, Acceptabilité sociale des projets industriels, concept et enjeux social pour les projets industriels, Avril 2012.
[39] Ibid. page 7.
[40] La ZAD n’est qu’un commencement, Reporterre sur : lien
41] Allez voir sur infokiosque.net, rubrique sciences et technologie, vous y trouverait votre bonheur. lien
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