Vendée Plébéienne«…et cela est vrai pour toutes les paroisses voisines, il n’y a pas eu d’aristocrates pour convaincre et entrainer les habitants à se soulever. Les paysans pauvres se sont révoltés tout seuls. Les campagnes du pays d’Ancenis, comme celles de Vendée et de Bretagne, avaient dans un premier temps applaudi la révolution. Ils avaient cru qu’ils paieraient moins d’impôts, qu’ils seraient moins tracassés par les nouvelles autorités, qu’ils bénéficieraient des biens confisqués au clergé. Ils n’avaient en effet rien dit quand les constituants avaient mis les biens du clergé à la disposition de la nation. Mais les bourgeois du tiers état qui avaient renversé la noblesse et le haut clergé pour constituer à eux seuls la nation avaient monopolisé tous les pouvoirs: économique, administratif, politique tout en méprisant leurs alliés d’hier. Les paysans payaient d’avantage d’impôts qu’avant la révolution et nombre de ceux qui jadis n’en payaient pas y étaient devenus assujettis. Amers ils avaient vus les bourgeois s’emparer des biens du clergé mis aux enchères. Le nouveau pouvoir avait ainsi bouleversé la vie quotidienne du monde rural sans que celui-ci en retire un quelconque avantage. Par suite des mauvaises récoltes et de lois  libérales, les conditions de vie s’étaient dégradées….Renouant avec un vieux réflexe datant du temps de Louis 14 et de la révolte antifiscale des Bonnets rouges, les paysans commencèrent à prendre en grippe les villes, les bourgeois, le pouvoir central. Dans ce contexte, en ne respectant pas la religion de leurs ancêtres, les nouvelles autorités mirent le feu au poudre en chassant leur prêtre et en cherchant in fine à leur imposer de nouvelles croyances. » Pierre Péan, Une blessure française, fayard, p27

Du 17 ème siècle à 1789, le bas Poitou comprenant la Vendée actuelle, est la région où il ne se passe pas une année sans qu’il y ait des révoltes contre les impôts royaux prélevés par les commis. « En 1658, l’intendant de Colbert y constatait une persistance de vingt ans dans le refus d’impôt » Y.M Bercé, L’histoire des croquants, éd, Droz, 1974, p 647 « Des quatre bœufs que le paysan vendéen attachait à la charrue, le plus mauvais celui qu’il fallait frapper le plus, il l’appelait le noblier, c’est à dire fainéant » cité par Michelet. « Cette grande répulsion…est doublée d’une désaffection envers la famille royale. Les dépenses fastueuses de la cour sont connues de tous. Le bocage vendéen, comme les autres provinces, n’a que mépris pour ses gouvernants… » Vendée plébéienne, Vendée 1793, Michel Perraudeau, Édition libertaire, p 32. Cathelineau, en 1793, s’adressa aux nobles en ces termes: «  Messieurs en vous tirant de prison en vous associant à nous, nous n’avons pas eu l’intention de nous donner des maitres, si notre manière de faire la guerre ne vous convient pas séparons nous » L’accent de ma mère, Michel Ragon, Albin Michel, p 162 « Ainsi tout au début de l’insurrection, les pommes de la discorde sont- elles semés parmi les chefs. Les plébéiens, Joly, Stofflet, Cathelineau ne verront pas de bon œil, cet afflux d’aristocrates que, pour la plupart ils ne sont pas allés chercher » Michel Ragon, 1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté-Albin Michel, p 50

Les représentants du bas Poitou demandèrent dans leurs doléances le refus de toute augmentation sur les « tailles » et la suppression du droit de boisselage.« Les cahiers paroissiaux présentés aux Etats généraux de 1789 ne présentent de doléances que contre le clergé monastique, la noblesse dont on conteste la validité du droit de chasse… Aux élections de 1790, la participation électorale de la paysannerie est intense. Parmi ses élus ni nobles ni prêtres, mais pour la moitié de vrais paysans, les autres étant des artisans… »L’accent de ma mère, Michel Ragon, poche, p154

Ces doléances seront méprisées par le nouveau pouvoir dominée par les girondins alliés des banques et des industriels.youtube Henri Guillemin « Robespierre et la révolution française  De 1790 à 1793, les révoltes contre la faim provoquée par la libre spéculation sur le blé, et la privatisation des biens communaux, se succèdent. Les vendéens, organisés démocratiquement sous le commandement des capitaines de paroisse issus du peuple et élus par la base, prennent d’assaut plusieurs villes poitevines. Quelques groupes seulement de vendéens en 1793, devant l’évolution du conflit qui amène une situation de non- retour et de représailles de plus en plus vives de la part des bourgeois, décident d’aller chercher des nobles qui pour la plupart s’accommodaient fort bien du nouveau pouvoir. (Vendée plébéienne, Vendée 1793, Michel Perraudeau, éd. libertaire, p 61) «Sauf les émigrés, les nobles n’étaient pas ruinés par la révolution puisque le droit de propriété demeurait sacré … d’Elbée, Bonchamps et Charette se trouvaient parmi les plus grands acheteurs de biens nationaux dans le bocage » Michel Ragon, 1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Albin Michel, p48

Ces nobles étaient d’anciens officiers, tacticiens militaires et comme on irait chercher un avocat pour un problème juridique, afin de se défendre, les vendéens les obligèrent à les aider. Dès lors et à partir du printemps 1793 enflammé par la conscription qui s’abattait uniquement sur les paysans, les bourgeois en étant dispensés, les nobles tout en récupérant le mouvement avec l’appellation d’armée catholique et royale, piégèrent les vendéens dans une logique de grande armée qui alla de défaite en défaite jusqu’à la virée de galerne qui aboutit au génocide de fin 1793. La noblesse engluée dans des luttes de pouvoir est tellement peu confiante quant à la docilité des vendéens à son égard, qu’elle nomme dans un esprit de ruse, Cathelineau, voiturier et apprécié de ses hommes, comme chef de l’armée. Par peur des représailles, la population va être contrainte de suivre l’armée et de quitter la Vendée où la destruction rationnelle, en priorité des femmes des enfants et des vieillards, sera planifiée ensuite par la Convention, aidée dans cette tâche par le mépris que pouvaient avoir les négriers nantais, éclairés aux idées des Lumières, pour le paysan vendéen, considéré comme arriéré, impur, brigand, « Ventre à choux », le paysan étant rabaissé au niveau de l’animal, un bœuf, et donc plus facile à éliminer physiquement par la suite. « Alors que tous les cahiers de doléance des bourgs ruraux du pays d’Ancenis réclamaient l’abolition de tous les privilèges féodaux, celui de Nantes réclamaient le maintien de la traite des noirs, des subventions et la protection de l’État, …trois armateurs célèbreront la révolution en baptisant leur navires Soldats de la Patrie, Le citoyen et le Patriote » Pierre Péan, Une blessure française, fayard, p81. Citons qu’une majorité d’officiers de « la Révolution », comme Turreau, le « stratège » des colonnes infernales, étaient nobles, et avaient juste changé d’employeur.

La noblesse et le clergé vont donc s’approprier le mouvement, seulement vers la fin, au printemps 1793, et présentées ainsi les guerres de Vendée comme une lutte pour la royauté. Les versions bourgeoises iront aussi dans ce sens entérinant dans les esprits pour plusieurs générations, le rôle « anti-républicain », « réactionnaire » des vendéens.

« Quand le mouvement des masses ne se laisse pas utiliser, quand il entre en lutte ouverte avec le bourgeois alors ce dernier essaie de réduire l’importance de son redoutable adversaire. Il le défigure, il le couvre de boue…il présente ses manifestations comme non spontanées, comme fomentées par des meneurs » Daniel Guérin cité par Michel Perraudeau, Vendée plébéienne, Vendée 1793, éd. libertaire, p 82

« Ainsi la révolution, tout en imposant de nouvelles charges aux paysans – impôts, recrues, réquisitions – ne donnait encore, jusqu’en août 1793, rien aux campagnes, à moins que celle- ci ne se fussent elles -mêmes emparées des terres des nobles et du clergé. Par conséquent une haine sourde naissait dans les villages contre les villes et nous voyons en effet, en Vendée, que le soulèvement est une guerre déclarée par la campagne à la ville, au bourgeois en général » Pierre Kropotkine, La grande révolution, 1789-1793, éd Stock, 1909, p 584, 585

Les véritables causes ont donc été soigneusement falsifiées par souci idéologique dans un camp comme dans l’autre. Si la preuve est désormais établie par des historiens quant à la réalité du génocide qui élimina près de 200000 vendéens, l’utilisation qui en est faite par certains courants royalistes occulte l’aspect social, et instrumentalise une seconde fois cette première révolte du peuple contre l’appropriation bourgeoise et la mise en place d’un nouveau système économique; le capitalisme. N’oublions pas qu’au même moment dans toute la France des révoltes ouvrières sont réprimées, le regroupement syndical interdit, le travail des enfants se généralise et les conditions de travail se durcissent dans les nouvelles manufactures de la bourgeoisie, (Les mouchoirs rouges de Cholet, Michel Ragon,p 48), notamment dans l’industrie du textile des Mauges: le soulèvement vendéen sera aussi composé de ce nouveau prolétariat de l’industrie naissante, de l’artisanat, ou de mineurs de la région d’Ancenis.(Pierre Péan, Une blessure française,fayard,p132,164,168) vendee.pl@laposte.net