Vendée plébeienne
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Catégorie : Local
Thèmes : Contrôle social
Vendée Plébéienne«…et cela est vrai pour toutes les paroisses voisines, il n’y a pas eu d’aristocrates pour convaincre et entrainer les habitants à se soulever. Les paysans pauvres se sont révoltés tout seuls. Les campagnes du pays d’Ancenis, comme celles de Vendée et de Bretagne, avaient dans un premier temps applaudi la révolution. Ils avaient cru qu’ils paieraient moins d’impôts, qu’ils seraient moins tracassés par les nouvelles autorités, qu’ils bénéficieraient des biens confisqués au clergé. Ils n’avaient en effet rien dit quand les constituants avaient mis les biens du clergé à la disposition de la nation. Mais les bourgeois du tiers état qui avaient renversé la noblesse et le haut clergé pour constituer à eux seuls la nation avaient monopolisé tous les pouvoirs: économique, administratif, politique tout en méprisant leurs alliés d’hier. Les paysans payaient d’avantage d’impôts qu’avant la révolution et nombre de ceux qui jadis n’en payaient pas y étaient devenus assujettis. Amers ils avaient vus les bourgeois s’emparer des biens du clergé mis aux enchères. Le nouveau pouvoir avait ainsi bouleversé la vie quotidienne du monde rural sans que celui-ci en retire un quelconque avantage. Par suite des mauvaises récoltes et de lois libérales, les conditions de vie s’étaient dégradées….Renouant avec un vieux réflexe datant du temps de Louis 14 et de la révolte antifiscale des Bonnets rouges, les paysans commencèrent à prendre en grippe les villes, les bourgeois, le pouvoir central. Dans ce contexte, en ne respectant pas la religion de leurs ancêtres, les nouvelles autorités mirent le feu au poudre en chassant leur prêtre et en cherchant in fine à leur imposer de nouvelles croyances. » Pierre Péan, Une blessure française, fayard, p27
Du 17 ème siècle à 1789, le bas Poitou comprenant la Vendée actuelle, est la région où il ne se passe pas une année sans qu’il y ait des révoltes contre les impôts royaux prélevés par les commis. « En 1658, l’intendant de Colbert y constatait une persistance de vingt ans dans le refus d’impôt » Y.M Bercé, L’histoire des croquants, éd, Droz, 1974, p 647 « Des quatre bœufs que le paysan vendéen attachait à la charrue, le plus mauvais celui qu’il fallait frapper le plus, il l’appelait le noblier, c’est à dire fainéant » cité par Michelet. « Cette grande répulsion…est doublée d’une désaffection envers la famille royale. Les dépenses fastueuses de la cour sont connues de tous. Le bocage vendéen, comme les autres provinces, n’a que mépris pour ses gouvernants… » Vendée plébéienne, Vendée 1793, Michel Perraudeau, Édition libertaire, p 32. Cathelineau, en 1793, s’adressa aux nobles en ces termes: « Messieurs en vous tirant de prison en vous associant à nous, nous n’avons pas eu l’intention de nous donner des maitres, si notre manière de faire la guerre ne vous convient pas séparons nous » L’accent de ma mère, Michel Ragon, Albin Michel, p 162 « Ainsi tout au début de l’insurrection, les pommes de la discorde sont- elles semés parmi les chefs. Les plébéiens, Joly, Stofflet, Cathelineau ne verront pas de bon œil, cet afflux d’aristocrates que, pour la plupart ils ne sont pas allés chercher » Michel Ragon, 1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté-Albin Michel, p 50
Les représentants du bas Poitou demandèrent dans leurs doléances le refus de toute augmentation sur les « tailles » et la suppression du droit de boisselage.« Les cahiers paroissiaux présentés aux Etats généraux de 1789 ne présentent de doléances que contre le clergé monastique, la noblesse dont on conteste la validité du droit de chasse… Aux élections de 1790, la participation électorale de la paysannerie est intense. Parmi ses élus ni nobles ni prêtres, mais pour la moitié de vrais paysans, les autres étant des artisans… »L’accent de ma mère, Michel Ragon, poche, p154
Ces doléances seront méprisées par le nouveau pouvoir dominée par les girondins alliés des banques et des industriels.youtube Henri Guillemin « Robespierre et la révolution française De 1790 à 1793, les révoltes contre la faim provoquée par la libre spéculation sur le blé, et la privatisation des biens communaux, se succèdent. Les vendéens, organisés démocratiquement sous le commandement des capitaines de paroisse issus du peuple et élus par la base, prennent d’assaut plusieurs villes poitevines. Quelques groupes seulement de vendéens en 1793, devant l’évolution du conflit qui amène une situation de non- retour et de représailles de plus en plus vives de la part des bourgeois, décident d’aller chercher des nobles qui pour la plupart s’accommodaient fort bien du nouveau pouvoir. (Vendée plébéienne, Vendée 1793, Michel Perraudeau, éd. libertaire, p 61) «Sauf les émigrés, les nobles n’étaient pas ruinés par la révolution puisque le droit de propriété demeurait sacré … d’Elbée, Bonchamps et Charette se trouvaient parmi les plus grands acheteurs de biens nationaux dans le bocage » Michel Ragon, 1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Albin Michel, p48
Ces nobles étaient d’anciens officiers, tacticiens militaires et comme on irait chercher un avocat pour un problème juridique, afin de se défendre, les vendéens les obligèrent à les aider. Dès lors et à partir du printemps 1793 enflammé par la conscription qui s’abattait uniquement sur les paysans, les bourgeois en étant dispensés, les nobles tout en récupérant le mouvement avec l’appellation d’armée catholique et royale, piégèrent les vendéens dans une logique de grande armée qui alla de défaite en défaite jusqu’à la virée de galerne qui aboutit au génocide de fin 1793. La noblesse engluée dans des luttes de pouvoir est tellement peu confiante quant à la docilité des vendéens à son égard, qu’elle nomme dans un esprit de ruse, Cathelineau, voiturier et apprécié de ses hommes, comme chef de l’armée. Par peur des représailles, la population va être contrainte de suivre l’armée et de quitter la Vendée où la destruction rationnelle, en priorité des femmes des enfants et des vieillards, sera planifiée ensuite par la Convention, aidée dans cette tâche par le mépris que pouvaient avoir les négriers nantais, éclairés aux idées des Lumières, pour le paysan vendéen, considéré comme arriéré, impur, brigand, « Ventre à choux », le paysan étant rabaissé au niveau de l’animal, un bœuf, et donc plus facile à éliminer physiquement par la suite. « Alors que tous les cahiers de doléance des bourgs ruraux du pays d’Ancenis réclamaient l’abolition de tous les privilèges féodaux, celui de Nantes réclamaient le maintien de la traite des noirs, des subventions et la protection de l’État, …trois armateurs célèbreront la révolution en baptisant leur navires Soldats de la Patrie, Le citoyen et le Patriote » Pierre Péan, Une blessure française, fayard, p81. Citons qu’une majorité d’officiers de « la Révolution », comme Turreau, le « stratège » des colonnes infernales, étaient nobles, et avaient juste changé d’employeur.
La noblesse et le clergé vont donc s’approprier le mouvement, seulement vers la fin, au printemps 1793, et présentées ainsi les guerres de Vendée comme une lutte pour la royauté. Les versions bourgeoises iront aussi dans ce sens entérinant dans les esprits pour plusieurs générations, le rôle « anti-républicain », « réactionnaire » des vendéens.
« Quand le mouvement des masses ne se laisse pas utiliser, quand il entre en lutte ouverte avec le bourgeois alors ce dernier essaie de réduire l’importance de son redoutable adversaire. Il le défigure, il le couvre de boue…il présente ses manifestations comme non spontanées, comme fomentées par des meneurs » Daniel Guérin cité par Michel Perraudeau, Vendée plébéienne, Vendée 1793, éd. libertaire, p 82
« Ainsi la révolution, tout en imposant de nouvelles charges aux paysans – impôts, recrues, réquisitions – ne donnait encore, jusqu’en août 1793, rien aux campagnes, à moins que celle- ci ne se fussent elles -mêmes emparées des terres des nobles et du clergé. Par conséquent une haine sourde naissait dans les villages contre les villes et nous voyons en effet, en Vendée, que le soulèvement est une guerre déclarée par la campagne à la ville, au bourgeois en général » Pierre Kropotkine, La grande révolution, 1789-1793, éd Stock, 1909, p 584, 585
Les véritables causes ont donc été soigneusement falsifiées par souci idéologique dans un camp comme dans l’autre. Si la preuve est désormais établie par des historiens quant à la réalité du génocide qui élimina près de 200000 vendéens, l’utilisation qui en est faite par certains courants royalistes occulte l’aspect social, et instrumentalise une seconde fois cette première révolte du peuple contre l’appropriation bourgeoise et la mise en place d’un nouveau système économique; le capitalisme. N’oublions pas qu’au même moment dans toute la France des révoltes ouvrières sont réprimées, le regroupement syndical interdit, le travail des enfants se généralise et les conditions de travail se durcissent dans les nouvelles manufactures de la bourgeoisie, (Les mouchoirs rouges de Cholet, Michel Ragon,p 48), notamment dans l’industrie du textile des Mauges: le soulèvement vendéen sera aussi composé de ce nouveau prolétariat de l’industrie naissante, de l’artisanat, ou de mineurs de la région d’Ancenis.(Pierre Péan, Une blessure française,fayard,p132,164,168) vendee.pl@laposte.net
La révolution de la fin du dix huitième, y compris celle du comité de salut public, met en oeuvre l’idéal de gouvernement mais aussi de fonctionnement social de la bourgeoisie, idéal dont nous ne nous sommes pas encore vraiment dépêtrés: propriété, échange monétaire, famille, représentation. Il est également intéressant de lire à ce sujet l’Idéologie nationale, de Jean Yves Guiomar (éd Champ Libre, 1972), et ce ne serait pas un luxe que ce livre soit réédité !
Je sais pas trop ce que fais ce texte ici, si ça à vraiment ça place sur indy alors je le mets en débat.
Et puis parler de génocide vendéen…
Turreau le 24 janvier 1794 vante le fait que ses colonnes aient déjà « fait des merveilles;pas un seul rebelle n’a échappé à leurs recherches…si mes intentions sont bien secondées, il n’existera plus dans la Vendée, sous quinze jours , ni maison, ni subsistances, ni armes, ni habitants. Il faut que tout ce qui existe de bois, de haute futaie dans la Vendée soit abattus »Les ordres de la Convention se font de plus en plus pressants: « Tuez les brigands au lieu de brûler les fermes…et écrasez totalement cette horrible Vendée….Combinez les moyens les plus assurés de tout exterminer dans cette race de brigands… » P61
Certains s’étonnent d’ailleurs de cette violence tel le commissaire Lequinio: « Le viol et la barbarie la plus outrée se sont présentées dans tous les coins. On a vu des militaires républicains violer des femmes rebelles sur les pierres amoncelés le long des grandes routes, et les fusiller ou les poignarder en sortant de leurs bras. On en a vu d’autres porter des enfants à la mamelle au bout de la baïonnettes ou de la pique, qui avait percé du même coup et la mère et l’enfant…. « Amey, selon l’officier de police Gannet, fait allumer des fours, et lorsqu’ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants…
A Angers on tanne la peau des victimes afin de faire des culottes de cheval destinées aux officiers supérieurs « On tanne à Meudon la peau humaine. La peau qui provient d’hommes est d’une consistance et d’une bonté supérieur à celle des chamois. Celles des sujets féminins …présente moins de solidité….(rapport a la commission des moyens extraordinaires 14 aout 1793) p62
Merlin de Thionville séance du 17 brumaire: dit « J’appelle l’attention de la Convention nationale sur les terres de la Vendée au partage desquelles on a voulu appeler des réfugiées d’Allemagne. Je pense que nous devons donner la préférence à tant de soldats français…mais je pense aussi que la Convention ne doit pas prendre un parti la dessus, que lorsque la Vendée sera totalement détruite: or elle ne l’est pas.
Ce texte est clair. Il était incontesté qu’il fallait faire de la Vendée un pays absolument neuf, qu’il fallait en un mot une totale destruction, et qu’après cela on repeuplerait, on recomposerait des colonies toutes nouvelles des soldats qui auraient combattu pour la liberté entre lesquels seuls aurait été fait le partage des terres. p173
Ces extraits proviennent du livre de Gracchus Babeuf, « La guerre de la Vendée et le système de dépopulation » édition Cerf. Babeuf est à l’origine du babouvisme, premiers socialistes considérés comme « l’extrême gauche » de la Révolution.
L’auteur y dénonce notamment outre le génocide vendéen décidé en plus haut lieu avec documents d’époque à l ‘appui, le projet de diminuer par ce biais la population en France. Ce système devait être appliqué à d’autres régions insurgés.
Ce livre de Babeuf est un des rares document contemporain sur l’insurrection vendéenne.
Non, c’est clair que parler de « génocide » à propos des massacres de Vendée est d’une part inapproprié (il faudrait alors qualifier de génocides un nombre énorme de répressions militaires contre des insurrections de locales à nationales), d’autre part nettement marqué à droite (il y a un intérêt politique à se faire reconnaître comme du côté de génocidés). La définition de génocide implique la destruction d’un peuple ou d’un groupe désigné (y compris par ses ennemis) comme un peuple, pas simplement d’une population d’un endroit (sans quoi on pourrait soutenir que toutes les exterminations de villes ou de villages de l’histoire ont constitué autant de génocides).
« Non, c’est clair que parler de « génocide » à propos des massacres de Vendée est d’une part inapproprié (il faudrait alors qualifier de génocides un nombre énorme de répressions militaires contre des insurrections de locales à nationales), d’autre part nettement marqué à droite (il y a un intérêt politique à se faire reconnaître comme du côté de génocidés). »
Donc dénoncer certaines vérités historiques sont bonnes ou non à dire suivant qu’elles sont de « droite » ou de « gauche » et non dans un objectif d’honnêteté historique.? Ici une forme de « négationnisme » s’applique non en fonction des faits historiques mais suivant une supposée discrimination politique ou dogmatique ….. On a là une spéculation idéologique sur la mémoire, visant à effacer une vérité historique…Curieux processus de pensée qui peut mener à des pratiques plus que douteuses au niveau de la liberté d’expression… !.
(D’autant plus que le texte « Vendée plébéienne » est clairement de droite et fait référence à des sources également étiquetées à droite comme Perraudeau, Ragon, Péan, ou Kropotkine…j’essaie de blaguer bien entendu….)
« La définition de génocide implique la destruction d’un peuple ou d’un groupe désigné (y compris par ses ennemis) comme un peuple, pas simplement d’une population d’un endroit (sans quoi on pourrait soutenir que toutes les exterminations de villes ou de villages de l’histoire ont constitué autant de génocides) »
La définition du terme « Génocide » établie par le tribunal international de Nuremberg est la suivante :« On appelle crime de génocide la conception ou la réalisation partielle ou totale, ou la complicité dans la conception ou la réalisation de l’extermination d’un groupe humain de type ethnique, racial ou religieux ».
Nous ne sommes pas seulement dans le cadre géographique d’une ville ou d’un village mais sur un territoire avec des directives officielles désignant un groupe humain particulier caractérisé par son appartenance religieuse et son ethnie (voir les extraits des documents contenus dans le texte ci-dessous et le livre de Babeuf avec les documents officiels et officieux prouvant la volonté de « populicide »; camps, déportations d’enfants… .) ; Babeuf estime quant à lui à près de 1 million le nombre de victimes vendéennes, même si les historiens actuels restent plus modestes en le chiffrant entre 300 000 et 700 000, ce qui est déjà énorme proportionnellement à la population de l’époque.
En effet le terme de « génocide » s ‘applique à la destruction d’un peuple ou d’un groupe désigné , comme ce fut le cas en Vendée, si vous prenez le temps de lire l’argumentaire de l’extrait du projet de loi sur le génocide ci-dessous, qui est assez bien argumenté et documenté, il vous éclairera dans ce sens. Si c’est trop long lisez au moins ce qui est en caractère gras .
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2007. extrait de la proposition de loi, relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794
Mesdames, Messieurs,
La définition du terme « Génocide » établie par le tribunal international de Nuremberg est la suivante : « On appelle crime de génocide la conception ou la réalisation partielle ou totale, ou la complicité dans la conception ou la réalisation de l’extermination d’un groupe humain de type ethnique, racial ou religieux ».
Notre code pénal (art. L. 211-1) en donne quant à lui la définition suivante : « constitue un génocide le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d’un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l’encontre de membres de ce groupe, l’un des actes suivants : atteinte volontaire à la vie ; atteinte grave à l’intégrité physique ou psychique ; soumission à des conditions d’existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ; mesures visant à entraver les naissances ; transfert forcé d’enfants. »
Ces définitions correspondent parfaitement aux actions menées par la convention à partir du premier août 1793. À ceux qui ne manqueront pas de rétorquer que la population de la Vendée militaire ne constituait pas à proprement parler un groupe ethnique, signalons que l’adjudant général Hector Legros considérait en l’an III que « le pays que nous appelons Vendée est formé de la presque totalité de la Vendée, de la moitié des Deux-Sèvres et du Maine-et-Loire et d’une grande partie de la Loire-Inférieure » 1.
Deux lois furent votées par la Convention en préparation du « génocide vendéen » : celle du 1er août 1793 : « Anéantissement de tous les biens… » et celle du 1er octobre 1793 : « Il faut que tous les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d’octobre : le salut de la Patrie l’exige ; l’impatience du peuple français le commande ; mon courage doit l’accomplir ».
Le point de départ du génocide est le décret du 1er août 1793 voté sur proposition de Barrère de Vieuzac après un discours incendiaire : « Ici, le Comité, d’après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs forêts, à couper leurs récoltes et à les combattre autant par des ouvriers et des pionniers que par des soldats. C’est dans les plaies gangreneuses que la médecine porte le fer et le feu, c’est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes. L’humanité ne se plaindra pas; les vieillards, les femmes et les enfants seront traités avec les égards exigés par la nature. L’humanité ne se plaindra pas; c’est faire son bien que d’extirper le mal; c’est être bienfaisant pour la patrie que de punir les rebelles. Qui pourrait demander grâce pour des parricides… Nous vous proposons de décréter les mesures que le comité a prises contre les rebelles de la Vendée; et c’est ainsi que l’autorité nationale, sanctionnant de violentes mesures militaires portera l’effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures des royalistes. » 2
Le décret du 1er août 1793 relatif aux mesures à prendre contre les rebelles de la Vendée stipulait dans son article 1er que : « Le ministre de la guerre donnera sur le champ les ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée… » Article VI : « Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts. » Article VII : « Les forêts seront abattues ; les repaires des rebelles seront détruits ; les récoltes seront coupées par les compagnies d’ouvriers, pour être portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis. » Article VIII : « Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à l’humanité. » Article XIV : « Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la République ; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui seront demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu’ils auraient souffertes. » 3
Ce décret, malgré une déclaration de bonne conduite (« avec tous les égards dus à l’humanité »), était un véritable appel au meurtre, au vol institutionnalisé et à la déportation des non-combattants, ce que l’on pourrait qualifier de nos jours d’« épuration ethnique ».
Ce décret sera suivi par celui du 1er octobre 1793 – décliné sur le mode du discours de Caton auprès du Sénat romain (« delenda est Carthago ») : « Détruisez la Vendée, Valenciennes et Condé ne sont plus au pouvoir de l’Autrichien. […] Enfin chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes rebelles, dans les départements fédéralistes. La Vendée et encore la Vendée, voilà le charbon politique qui dévore le cœur de la République française; c’est là qu’il faut frapper. » 4
Après la prise de Laval le 23 octobre, et la défaite républicaine d’Entrammes, le 26 octobre 1793, un nouveau décret daté du onzième jour du deuxième mois, portera que « toute ville de la République qui recevra dans son sein les brigands ou qui leur donnera des secours sera punie comme ville rebelle. En conséquence, elle sera rasée et les biens des habitants seront confisqués au profit de la république » 5.
Les mesures préconisées furent appliquées à la lettre par les représentants en mission auprès des armées et dans les départements.
Le 9 frimaire an II (29 novembre 1793), le représentant Fayau écrit aux administrateurs du département de la Vendée : « Vous savez comme moi citoyens que les brigands appelés de la Vendée existent encore quoique on les aie tués plusieurs fois à la tribune de la Convention. […] Je vous engage à prendre les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour que les armées catholiques et royales dans le cas où elles rentreraient dans la Vendée n’y trouvent plus qu’un désert. […] Il serait bon, citoyens, que des commissaires nommés par vous se transportassent de suite dans toutes les parties de votre département pour en faire retirer toutes les subsistances et pour faire arrêter tous les citoyens qui ont pris part directement ou indirectement aux troubles de la Vendée. Il faut purger la Patrie… » 6
Le représentant Francastel n’est pas en reste. Le 25 décembre 1793, il écrit au Comité de salut public : « Je fais débarrasser les prisons de tous les infâmes fanatiques qui s’étaient échappés de l’armée catholique. Pas de mollesse, que le torrent révolutionnaire entraîne tout ce qui lui résiste scandaleusement. Purgeons, saignons jusqu’au blanc. Il ne faut pas qu’il reste aucun germe de rébellion… » 7
En novembre 1793, le général Turreau est nommé commandant en chef de l’armée de l’Ouest avec la charge de faire appliquer le décret du 1er août. L’ordre de départ est donné le 21 janvier 1794, cette première phase sera appelée « la promenade militaire » alors qu’à cette date la Grande Armée catholique et royale n’est plus qu’un nom. Turreau divise l’armée en six divisions de deux colonnes chacune, qui ont pour mission de ratisser le territoire et d’exterminer la population. Ce sont les « colonnes infernales » qui vont se livrer au génocide des Vendéens. L’ordre du jour du général Grignon, commandant la 2e division est très clair : « Je vous donne l’ordre de livrer aux flammes tout ce qui est susceptible d’être brûlé et de passer au fil de l’épée tout ce que vous rencontrerez d’habitants. » Les rapports des généraux républicains commandant les Colonnes sont aussi particulièrement explicites : « Nous en tuons près de 2000 par jour. […] J’ai fais tué (sic) ce matin 53 femmes, autant d’enfants. […] J’ai brûlé toutes les maisons et égorgé tous les habitants que j’ai trouvés. Je préfère égorger pour économiser mes munitions… »
Le général Westermann, dans sa lettre à la Convention du 23 décembre 1793, suite à l’extermination des Vendéens ayant survécu à la virée de galerne à Savenay, précisait que : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les bois et les marais de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les pieds des chevaux, et massacré les femmes qui, au moins pour celles-là, n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. »
Lequinio, représentant du peuple dans la Charente et la Charente-Inférieure, est encore plus explicite dans sa lettre du 8 ventôse an II (26 février 1794) : « Je crois que par séduction, argent, violence ou autrement, on avait pu s’emparer des chefs, il serait possible de n’exterminer que les étrangers, car quoique l’on puisse en croire, ce sont les hommes du pays même qui sont le moins dangereux ; ils seraient réduits à l’instant s’ils s’étaient laissés à eux-mêmes; mais ce sont les prêtres, les nobles, les étrangers et les déserteurs mêlés au milieu de nous qui rendent leur réduction impossible. Il faut donc nécessairement les égorger tous. C’est le parti que facilite l’arrêté que mes collègues Garrau, Hentz et Francastel viennent de prendre, en faisant retirer dans l’intérieur de la république tous les réfugiés de ce pays, réduits au désespoir, ainsi que le sont les habitants de se pays pervertis par les scélérats étrangers qui sont au milieu d’eux et qu’il n’eut pas été possible d’en séparer. Il est impossible maintenant qu’on use envers eux des moyens que l’on pouvait employer autrefois de concert avec la poursuite des étrangers. Il faut donc se décider à tout massacrer. » 8
Le décret du 2 ventôse an II (20 février 1794) ordonnait la déportation des innocents et des bons citoyens de manière à ne plus laisser dans les pays révoltés que « les rebelles que l’on pourra plus aisément détruire » 9.
*
La République française reconnaît, à travers plusieurs lois, les différents événements qui ont marqué l’histoire internationale : Shoah, esclavage, génocide arménien… Ces lois mémorielles permettent de mettre en exergue les souffrances subies par des peuples.
Les exemples cités supra montrent la volonté incontestable de la Convention d’anéantir une population; ce qu’explique en 1794 Gracchus Babeuf dans un pamphlet, Du système de dépopulation ou La vie et les crimes de Carrier, dans lequel il dénonce les exactions commises par Jean-Baptiste Carrier lors de sa mission à Nantes, dont il affirme qu’elles renvoient à un système de dépopulation qu’il nomme « populicide ».
Comme le mot « génocide », forgé par Lemkin en 1944, il est employé pour désigner une forme de crime dont l’appréhension est inédite, le meurtre de masse visant un peuple dont le seul tort est son origine ethnique, raciale, religieuse ou politique. Pierre Chaunu, historien et membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1982, n’a pas hésité à parler de génocide franco-français dans l’avant-propos du livre de Reynald Secher 10 qu’il a signé : « Nous n’avons jamais eu l’ordre écrit de Hitler concernant le génocide juif, nous possédons ceux de Barrère et de Carnot relatifs à la Vendée. »
Les moyens utilisés pour ce faire, rapportés notamment par Reynald Secher (cf. ouvrage cité supra), ou par Michel Ragon (1793, L’insurrection vendéenne et les malentendus de la liberté, Albin Michel, Paris, 1992), ont été nombreux : épuration par mutilation sexuelle, création du premier camp d’extermination de l’histoire moderne à Noirmoutier, premiers essais de gazage de masse (insuccès, dû au gaz employé et à l’absence de confinement), premières crémations avec les fours à pain et les églises (exemple de l’église des Lucs-sur-Boulogne où furent brûlés vifs 563 villageois), noyades collectives avec les « noyades des galiotes » ou en couples avec les « mariages républicains dans la Loire, création au Ponts-de-Cé d’ateliers de tannage de peau humaine – peau dont se vêtissent les officiers républicains – et d’extraction de graisse par carbonisation des corps des villageois massacrés à Clisson. À force de tueries, des municipalités, pourtant républicaines, et des représentants du Comité de salut public finissent par s’émouvoir. Turreau est relevé de ses fonctions en mai 1794, puis décrété d’arrestation en septembre. Jugé en décembre 1795, il est acquitté à l’unanimité.
…
La République Française reconnaît le génocide vendéen de 1793-1794.
1 . Mes rêves dans mon exil, BM de la Rochelle, cote 27628 C/13.
2 . Gazette nationale ou le Moniteur universel du vendredi 9 août 1793.
3 . L 28-AD85.
4 . Moniteur universel du 16 du premier mois de l’an II, n° 280.
5 . L 31-AD85.
6 . L 380-AD85.
7 . Fonds Uzureau, 2F14 37-AD49.
8 . Archives nationales AA 53.
9 . Lettre de Hentz et Francastel du 7 ventôse an II, L 475-AD35.
10 . Le génocide franco-français : la Vendée Vengée, Réédition Perrin 2006.