La Commission nationale Citoyens-Justice-Police s’est fixé pour objectif d’enquêter sur les rapports entre les citoyens et les forces de sécurité, sur le contrôle et le traitement de ces rapports par l’institution judiciaire. Les membres sont la LDH, le MRAP, le Syndicat des avocats de France, et le Syndicat de la magistrature.

Fin juin, ils ont publié un rapport sur les infractions de racolage et les conditions de ces constats. Les témoignages recueillis, malheureusement concordants, permettent de montrer les limites des pratiques policières.

C’est d’abord une nouvelle forme de taxe pour les prostitué(e)s qui est apparue sous la forme des PV pour stationnement interdit, qui, selon le rapport, ne touchent que les camionnettes de prostitution. “{Les témoignages précis et concordants des prostituées, qui y exercent leur métier dans des camionnettes, mettent en évidence un détournement du pouvoir de dresser des procès-verbaux : l’enjeu n’est plus la circulation routière, mais la lutte
contre la prostitution.} […]

De fait, ces

contraventions

sont considérées par les prostituées comme un impôt, dont l’

alourdissement récent est considérable

.

Le rapport estime

bien des garde à vue abusives

. “

Mais la plupart sont menottées durant leur transfert ; nombre d’entre elles sont

fouillées dans des conditions humiliantes

, leur imposant de se placer, entièrement dénudées, en position accroupie, au prétexte de vérifier qu’elles ne détiennent aucun objet illicite dans les voies naturelles.

Une prostituée témoigne : “

Je n’avais plus que mon string ; on m’a demandé de l’enlever ; que pouvais-je bien cacher dans ce bout de tissu ?

Au bois de Boulogne, les fouilles de sécurité (imposant une nudité totale) sont quasi-systématiques pour les transsexuels, sauf pour les Français. Voilà qui contraste avec le code de déontologie de la police : “

toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant.

Les garde à vue durent “

bien au-delà du temps nécessaire aux investigations

” et “

parfois, cette prolongation est un moyen de punir ceux qui refusent de signer un procès verbal de déposition

“. La durée des gardes à vue semblent alors détachées de celles des enquêtes très courtes, puisqu’elles relèvent souvent du flagrant délit : en fait, selon le rapport, elles constituent une

sorte de peine délivrée par la police

.

Pour être en

flagrant délit

, il faut pouvoir relever du racolage. Or, accuse le rapport, lors des interpellations, les clients sont souvent sommés par les fonctionnaires de témoigner de racollage même si c’est faux.

Le rapport note aussi que les

sommes d’argent détenues

lors des interpellations ne sont

pas toujours rendues

. Une prostituée rapporte les propos d’un agent de police, “

qui a fouillé dans son sac mais ne s’est pas emparé de son argent : « eh bien dis donc t’as de la chance de tomber sur des gars comme nous » (ce qui sous-entend, et confirmerait les propos de plusieurs prostituées, que certains agents de police ne sont pas aussi “scrupuleux”

.”

Le problème du fichier

STIC

, que l’on a souvent décrit en d’autres occasions comme

casier judiciaire parallèle

, apparait aussi avec la prostitution : “

même non poursuivie devant la justice, la prostituée demeure enregistrée comme auteur d’une infraction de racolage

“. En cas de nouvelles interpellation ou de comparution, de telles informations (souvent fausses d’ailleurs) sont susceptibles de resservir.

“{De fait, une justice policière s’est mise en place : les preuves sont appréciées par la seule police, la garde à vue joue le rôle d’une courte peine d’emprisonnement, la
confiscation de l’argent tient lieu d’amende, le rappel à la loi de jugement, les conditions dont il est assorti de mise à l’épreuve, le STIC de casier judicaire.}”