A Clichy sous Bois, Zyad et Bounna, 17 et 15 ans sont morts du harcèlement policier qui pourchasse les jeunes, multipliant les contrôles d¹identité
sans raison. Peu importe de savoir s¹ils étaient ou non réellement
poursuivis ; que des jeunes aient assez peur de la police pour être prêts à
risquer leur vie pour lui échapper prouve la tension qui règne dans ces
quartiers entre la population et les forces de l¹ordre. Depuis plusieurs
années, la pression policière entraîne de nombreux incidents. Alors que dans
la plupart des cas, les jeunes ne font que s¹indigner d¹être traités comme
des sous-hommes, ils se retrouvent de plus en plus accusés d¹outrages et de
rébellion et se voient condamnés. Ce n¹est pas seulement une erreur, une « 
bavure  » qu¹il faut dénoncer, mais bien une politique sécuritaire d¹ensemble
qui se développe depuis plus de 20 ans. La stigmatisation et le mépris
envers les jeunes des banlieues ne fait que développer leur haine vis-à-vis
d¹une société qui laisse dépérir 20% de la population dans des ghettos. Ceci
n¹est pas dû au hasard mais aux choix politiques et économiques.

Ainsi, l¹accès des immigrés (ou supposés tels) au logement social s¹est
effectué depuis 30 ans sur la base d¹un système ségrégatif ou seulement
certains quartiers du parc social leur étaient ouverts, principalement les
moins attractifs car mal situés et/ou en voie d¹obsolescence. Aujourd¹hui
encore, pour les responsables du logement social, l¹arrivée des populations
immigrées induit la certitude d¹une dévalorisation du site : cette demande « 
disqualifiante  » est donc reportée sur les programmes déjà les moins
attractifs. Pire encore, le débat sur la mixité sociale a entériné et
légitimé ces pratiques ségrégatives, si bien que les fractions du parc où
devaient pouvoir s¹établir ces ménages leurs restent fermées au nom de la
mixité sociale : il faut diversifier le peuplement du logement social, donc
pas d¹immigrés, et encore moins s¹ils/elles sont pauvres ! Le manque de
maîtrise que chacun peut avoir sur sa propre existence exacerbe les tensions
chez les personnes enfermées dans un statut social ou un quartier. La colère
ne provient-elle pas de la fixation des familles dans un espace vécu comme
une zone de relégation économique, sociale et résidentielle, sans
perspective de mobilité résidentielle entre autre ?

L’apartheid social ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait près d’un
demi-siècle que des populations entières, les ouvriers, les immigrés qui ont
fait et refait, il ne faudrait pas l’oublier, nos routes et nos immeubles,
sont parqués dans ces ghettos. Les  » émeutes  » sont les conséquences des
politiques libérales menées par la droite comme par la gauche, que se
prennent de plein fouet depuis 30 ans les banlieues en première ligne. Mais
cette précarisation et cette pauvreté se diffusent maintenant à l’ensemble
de la société.

Nous n’avons signé aucun contrat social. Nous ne sommes pas  » citoyens  » de
cette société. Nous n’avons aucun intérêt commun avec les capitalistes, le
patronat, les gouvernements successifs de droite et de gauche libérale. Ni
le résultat des référendums, ni les élections régionales, ni le mouvement
des retraites ou celui de la SNCM n’ont changé quoi que ce soit. Les émeutes
ont montré une chose : il faut être le plus violent possible dans cette
société de merde pour interpeller et secouer l’apathie sociale.

Cette violence n’est que la faible réponse à la violence du capitalisme et
de l’Etat. Des violences policières qui ciblent les pauvres, les jeunes, les
immigrés, à la violence de la précarité et de l’isolement due entre autres à
la disparition de véritables services publics; des crapuleries des médias
capitalistes à celles du gouvernement, nous baignons sans cesse dans un
environnement antisocial. Les jeunes des banlieues se ramassent tout en
pleine gueule : cette société n’offre aucun espoir. Même ceux qui jouent le
jeu scolaire savent que ça ne sert pas à grand chose : tout le savoir
accumulé est pas ou peu utile dans une société consumériste ; pire, il ne
leur permettra au mieux que de se faire exploiter par McDo ou le BTP (avec
des français bien blancs !). Alors effectivement, l’exemple des grands
frères (et s¦urs) ça pousse pas à jouer le jeu légal !

Le gouvernement a recourt à la loi du 3 avril 1955 pour rétablir l’ordre,
décrétant l¹état d¹urgence. Donnant tout pouvoir aux agents locaux de
l¹exécutif, les préfets et la police, il entérine le versant sécuritaire de
l¹apartheid social : les classes populaires, laborieuses ou non, sont
toujours les classes dangereuses, un traitement particulier doit donc leur
être réservé. Autant pour la prétendue égalité des droits : pour ceux qui se
rebellent, matraques et flash-balls rappellent l¹absurdité et la caractère
illusoire du dialogue entre les classes.
Pire encore, la ré-application de cette loi s¹inscrit dans la dynamique
d¹ethnicisation des rapports sociaux, engagée depuis plusieurs années au
niveau mondial et qui se construit en France sur un imaginaire colonial que
d¹aucuns trouvent bien pratique de réactiver. Ce décret ne fut en effet
appliqué qu¹à deux occasions, en Algérie et en Nouvelle-Calédonie :
l¹utiliser actuellement permet d¹amalgamer la situation présente à celle de
faits de guerre, visant la sécession (cf. les  » territoires perdus de la
République  » sur lesquels se désolent les souverainistes de tous poils) du
fait de minorités ethniques et culturelles. Le message est clair : les
banlieues sont des colonies, sinon de droit, du moins de fait ­ le meilleur
critère en étant la  » composition ethnique  » de leur population, censée la
rendre incapable de s¹intégrer. La meilleure preuve de cette gestion
différente des quartiers en fonction de l¹origine supposée de leur
population est la tentative de créer, via le fait religieux et le CFCM, un
relais au contrôle social gouvernemental. L¹important est que l¹ordre règne,
même si pour ce faire il faut livrer les jeunes générations aux religieux ­
au contraire même, le cas échéant le  » danger islamiste  » qu¹on aura ainsi
créé de toutes pièces permettra d¹accroître la répression

De la loi de février 2005 sur les bienfaits de la colonisation aux discours
et pratiques contre les migrants en passant par la stigmatisation des jeunes
des quartiers que l’on va nettoyer au karcher, les immigrés et leurs enfants
sont devenus la cible numéro 1 du gouvernement Villepin, l¹ennemi intérieur
permettant de souder la majorité de la population autour d¹au moins un
critère commun ­ l¹origine. Et le Parti Socialiste ne moufte pas, signifiant
que lui aussi aux responsabilités du pouvoir ferait de même. D’ailleurs,
n’est-ce pas le PS qui, au congrès de Villepinte en 1997 avait entendu faire
de la sécurité une priorité de la  » gôche « , allant déjà chasser sur les
terres du FN ? Julien Dray, porte-parole du PS et favorable à la politique
de  » tolérance zéro  » avait d’ailleurs apporté son soutien à Sarkozy lors
des discussions sur la loi sur la sécurité intérieure (LSI) de mars 2003. Il
serait bon de ne pas l’oublier. Pour tous les partis gestionnaires du
capitalisme, la lutte des races est censée remplacer la lutte des classes ­
diviser pour mieux régner.

La possibilité d’instaurer le couvre-feu ne peut que nous renvoyer à des
images sombres de notre histoire. Est-ce pour cela que le Front national et
autres groupes de droite extrême applaudissent ces mesures ? Ou, plus
simplement, parce qu¹ils savent que  » les gens préfèreront toujours
l¹original à la copie  » ? Les émeutes vont certainement pousser une partie
de la population, fortement encouragée par la logique sécuritaire du
gouvernement, exaspérée de voir les maigres fruits de son travail partir en
fumée, dans les bras de l’extrême droite. Surfant sur la vague xénophobe,
Sarkozy annonce l¹expulsion des étrangers condamnés lors des émeutes au
mépris des règles du droit. Ne voulant pas perdre de terrain vis-à-vis de De
Villiers qui affiche ses prétentions de prendre la place du FN  » la France,
je l¹aime ou je la quitte « , Sarkozy réinvente la double peine. Le réseau No
Pasaran sera présent en face, comme nous l’avons été à chaque fois. Mais
nous ne pouvons pas en rester à cette position. La question sociale doit
être mise au centre des enjeux et cela suppose d’en finir avec cet
individualisme de merde qui sépare ouvriers, chômeurs, précaires, salariés
du public/privé, vieux, jeunes, et avec les logiques communautaires qui ne
font que le jeu du pouvoir en quadrillant la population selon l¹origine
ethnique, culturelle, sexuelle ­ tout, sauf la classe sociale !

Nous devons toutes et tous en finir avec la pratique unique : le chacun pour
soi, le chacun pour sa communauté, où les enjeux sociaux et politiques
communs disparaissent. Parce que les jeunes n’ont plus de perspectives, il
ne leur reste plus que l’autodestruction. Comme dans une logique suicidaire,
ils s’en prennent d’abord à ce qui les entoure : personnes, institutions
(écoles, etc.), objets matériels (voitures, etc.).

Des convergences doivent être proposées, arrachées, dans toutes les luttes
et toutes les réunions et nous devons faire le maximum pour bousculer les
corporatismes et les individualismes. La division en revendications
catégorielles nous réduit à l’impuissance sociale. Nous n’en serions pas là
si plus de liens et de convergences avaient été créés, au lieu d’être
détruits. Le mouvement social est mal en point, redresser la barre ne sera
possible que si un maximum de personnes le souhaitent, ce qui n’est
malheureusement pas le cas actuellement, chacun étant plongé dans sa
plainte, engagé dans une concurrence des victimes où l¹Etat continue de
jouer son rôle de Providence et peut ainsi affirmer sa légitimité.
N’attendez pas le feu vert de vos orgas, collectifs ou syndicats pour
converger ! Aujourd’hui l’assurance chômage est renégociée et les droits des
chômeurs vont sans doute être encore plus restreints ; les conflits à
Marseille tentent tant bien que mal de durer pour défendre pour chacun-e les
services collectifs ; les stagiaires exploités et réduits à la misère se
rebiffent ; les sans-papiers refusent d’être dans le zero ground des
miséreux… L’auto-isolement et l’ignorance d’autrui font que ces mouvements
souvent tentés par le corporatisme ne muent pas en mouvement politique.

Mais établir des convergences c’est aussi intégrer dans les actions et
textes ce que font les uns et les autres, aller soutenir des grévistes dans
sa région, ouvrir et tenir des lieux associatifs gérés collectivement.

Nous devons pas rester les yeux rivés sur ces émeutes, sur le spectaculaire,
comme des lapins hypnotisés par des phares. C’est aussi parce qu’il n’y a
pas suffisamment de travail militant quotidien et ouvert sur les autres que
nous en sommes là. Les résistances se font d¹abord au quotidien, dans un
travail militant régulier de mises en lieu, de résistance dans les
quartiers, de revitalisation culturelle et sociale autonome des  » pouvoirs « 
publics, de ré-appropriation de l’espace public et de nos vies.

Seul ce travail en amont permettra de donner un sens commun aux luttes, aux
révoltes et aux grèves, de former enfin un réel front social.

Nous devons trouver des convergences fortes à travers des revendications
sociales qui nous réunissent, d’où qu’on vienne, quoi qu’on fasse, pour
multiplier les actions et les manifs communes :
-retrait du décret de 1955 et abrogation des lois sécuritaires, à commencer
par les récentes lois Perben, Sarkozy, Chevénement
-Contre toutes les expulsions (contre le retour de la double peine),
régularisation de tous les sans-papiers
– suppression de toutes les forces de répression, en particulier des BAC
(Brigades soi-disant Anti-Criminalité)
– revenu garanti avec ou sans emploi : pour déconnecter le revenu d’un
emploi de plus en plus rare, et toujours aussi aliéné ;
– gratuité et démocratisation des services publics utiles à la population
(énergie, santé, transports, éducation…) : nous devons pouvoir peser sur
les choix des services publics et y avoir tous accès dans leur intégralité ;
– démocratisation de la vie sociale et politique : démocratie, c’est-à-dire
auto-organisation et autogestion ! La politique ne doit pas être laissée
entre les mains des partis de notables qui hochent la tête. Nous devons en
finir avec ce régime aristocratique où notre avis n’a aucun poids. Nous
devons nous organiser en dehors et impulser une démocratie directe, dans
tous nos espaces de vie, du quartier au pays, avec contrôle des mandats et
réelles prises de décisions sur le devenir de la société.

POLITISE TES INQUIETUDES, TU INQUIETERAS LES POLITICIENS !
_ LE CAPITALISME NE TOMBERA PAS TOUT SEUL !
_ AIDONS-LE !
_ AUTONOMIE POUR TOUTES ET TOUS !

Réseau No Pasaran
_ 21ter rue Voltaire
_ 75011 Paris