Le 26 rue Maillé
L’histoire de l’Étincelle, vous êtes nombreuses et nombreux à la connaître. À la sortie du mouvement social de décembre 1995 des militantes et militants décident de se lancer dans l’aventure d’un local associatif, militant, convivial et autogéré. En 1996 un local,  au 26 de la rue Maillé, est loué. Après quelques mois de travaux, l’Étincelle ouvre ses portes au public pour la première fois en février 1997. L’aventure était lancée.On pourrait difficilement citer toutes les organisations, toutes les assos, tous les collectifs, qui ont à un moment ou à un autre fait partie de l’Étincelle et tout aussi difficilement résumer toutes les activités qui y ont eu lieu depuis sa création: des projections, des concerts, des repas de soutien, des expos, des débats, des engueulades, des soirées dansantes, des festivals, des conférences, des ateliers divers et variés (de la réparation de vélo à la couture, en passant par l’informatique et le self-defense, etc.). Franchement on laisse le soin à d’autres de faire dans l’exhaustivité, nous, ce qu’on sait c’est qu’il s’en est passé des choses à l’Étincelle. Et qu’on a toutes et tous des souvenirs plein la tête. Et on imagine que vous aussi (enfin on espère!).

Du changement à l’insu de notre plein gré
Tout allait bien pour l’Étincelle (enfin aussi bien qu’un local associatif, militant, alternatif et autogéré puisse aller) jusqu’à ce qu’on apprenne au milieu des années 2000 que notre propriétaire avait décidé de mettre les voiles et que la mairie était devenue propriétaire du bâtiment. Assez vite la menace d’expulsion a plané au-dessus de nous. Imaginez-vous bien que l’Étincelle a passé plus de temps à être menacée d’expulsion qu’à être tranquille dans son petit local à faire sa vie. Vous vous doutez bien que cette situation de précarité a pesé et pèse encore aujourd’hui sur celles et ceux qui se sont échigné·es à faire vivre le lieu. Construire sans savoir si dans 3 mois, 6 mois, 1 an, l’aventure s’arrête, on vous assure qu’il y a plus confortable… À force de combats et d’âpres négociations nous avons fini par obtenir de la ville d’Angers une convention d’occupation des lieux. Mais cette convention était précaire et renouvelable tacitement tous les 3 mois (1).

Au cœur de la gentrification
On était bien conscient·es d’être dans un quartier qui n’allait pas rester tel qu’il était pendant longtemps. Surtout qu’en face, les pouvoirs municipaux nous vendaient à tour de bras une rénovation « humaine » du quartier. Oui l’Étincelle allait être rasée mais c’était pour construire une école. Et puis non, on abandonne l’école on va construire un centre pour accompagner des personnes en situation de handicap. Vous comprendrez que pour nous c’était compliqué de gueuler et de dire « non nous on est contre les écoles on veut rester là »… Comme beaucoup d’habitant·es du quartier on s’est donc tranquillement fait endormir pendant quelques années. Jusqu’au jour où, la mairie étant retombée dans l’escarcelle de la droite comme on dit sur BFM TV, on a appris que les projets de bâtiments collectifs et avec une certaine utilité sociale avaient été abandonnés au profit de la construction de logements dont le prix au m2 est loin d’en faire des logements accessibles à toutes et tous. Pour le dire vite: on détruisait l’Étincelle (et une grande partie de l’îlot Thiers-Boisnet) pour y construire des logements chers.
Évidemment à elle toute seule l’Étincelle n’a pas pu empêcher la gentrification du quartier. Finalement acculée, sans trop de solution (vous vous doutez qu’avec tous ces bouleversements sociaux il est devenu économiquement très, très compliqué de trouver un local pour accueillir l’Étincelle dans le centre-ville d’Angers, surtout quand on n’a pas le soutien de nos amis de bonne famille comme les autres mange-morts de l’Alvarium.
Nous avons fini par recevoir la décision qui planait au-dessus de nos têtes depuis tant d’années. En juillet 2017 nous devions quitter les lieux. Si vous saviez comme on a rit quand on a fait les premiers entretiens avec la mairie, tout incapables qu’ils étaient de retrouver la trace des conventions qu’on avait signées depuis tant d’années. On a même eu le droit au poncif éculé: « non mais vous n’aurez rien vous êtes un squat ». Ah bon monsieur l’adjoint au maire, un local avec une convention signée par la mairie c’est un squat?? Ils ont bien du se rendre à l’évidence que nous avions toujours occupé les locaux de bon droit. Mais il a quand même fallu montrer les dents pour obtenir de la mairie un relogement. Un beau cortège de l’Étincelle, le 1er mai 2017 avait particulièrement courroucé les édiles locaux. Les articles dans la presse locale qui relataient notre histoire ne leur avaient pas beaucoup plu non plus. 

Ça déménage
Alors dans sa grande mansuétude (non) la mairie d’Angers a fini par nous proposer des locaux pour nous reloger. Et là on a une nouvelle fois ri jaune (on vous dit qu’à l’Étincelle on se marre tout le temps). Entre une maison en ruine à Trélazé, un local voué à la destruction avenue Pasteur, on en a visité des belles bouses. Et puis est arrivé le local du Boulevard du Doyenné. Certes on s’éloignait du centre-ville. Mais on gagnait des fenêtres (ah oui pour celles et ceux qui n’ont pas connu le local de la rue Maillé, il n’y avait AUCUNE fenêtre…), un jardin, un espace de stockage relativement important. Il y avait des places pour stationner (on pensait à nos camarades qui avaient fait le choix du retour à la terre), on n’était pas loin du Chabada, il y avait la Cité des assos à côté. Ça semblait pas totalement déconnant et c’est franchement de loin (mais genre très loin) le moins pire que ce que la mairie nous avait proposé. Bon on vous cache pas qu’ il a encore et toujours fallu batailler pour obtenir ce qu’on voulait. Mais on a fini par signer une convention d’occupation(2) en juillet 2017. Après un déménagement non sans émotions (parce qu’on l’aimait quand même notre vieille grotte sans fenêtres), quelques mois de travaux, on inaugurait la nouvelle Étincelle en février 2018. Tout en essayant de ne pas être top naïf·ves, les échanges avec nos interlocuteurs et interlocutrices de la ville laissaient à penser qu’on allait pouvoir rester là un bon moment.Alors on s’installe, on continue notre petit bonhomme de chemin. On remarque quand même que beaucoup ne nous ont pas forcément suivi jusqu’au boulevard du Doyenné. Ou alors ce qu’on proposait plaisait moins. La fréquentation a commencé gentiment à diminuer. Mais on arrivait quand même toujours à trouver l’énergie pour organiser des trucs et il y avait quand même un peu de monde pour venir remplir la salle. Financièrement c’était pas la fête non plus et il a plusieurs fois fallu tirer la sonnette d’alarme.

Passer à autre chose
Et puis on a quand même commencé à se fatiguer. C’était pas nouveau à l’Étincelle de se poser des questions sur l’avenir du lieu, sur les difficultés à le faire vivre de manière autogérée. Mais là on peinait à trouver l’énergie pour se réinventer une nouvelle fois. Le renouvellement générationnel qui avait toujours été opérant à l’Étincelle était visiblement en panne. La faute à quoi? La faute à qui? Nous on a plein d’explications, mais on pense pas que ça soit très utile de les lister ici.Vous nous mettez par là-dessus une petite pandémie qui nous impose une fermeture au public depuis plus d’un an… Et puis cerise sur le gâteau on reçoit dans notre boîte aux lettres un avis d’expulsion de la part de la mairie pour juillet 2021, qui nous invite « à chercher un nouveau local par [nos] propres moyens ». Exit donc la politique de la ville qui disait que quand elle expulse une association qui est dans des locaux qui lui appartiennent elle doit la reloger. En même temps vu comment sont traitées d’autres associations hébergées par le ville on ne va pas non plus s’étonner (n’attendez pas de nous qu’on cite de nom on veut pas porter la poisse aux camarades qui sont déjà dans la mouise mais vous savez qu’on vous met pleins de cœurs sur vous comme disent les jeunes vieux).
Alors face à cette situation plusieurs opportunités s’offraient à nous. Nous avons d’emblée écarté de nouvelles négociations avec la mairie. Nous ne voulions plus rien avoir à faire avec ces gens.On aurait pu chercher un nouveau local. Mais là financièrement ça n’était pas tenable. Et puis comme on l’a dit plus haut, on commence sérieusement à fatiguer et on pense que le projet s’essouffle. Alors on a décidé de mettre un terme au projet Étincelle. Voilà c’est écrit. Ça fait bizarre, vous vous en doutez. Quand on a pris la décision, au consensus, il y a quelques mois, il y a eu quelques secondes de flottement, une certaine émotion dans la salle. Mais plutôt que de continuer à maintenir un projet à bout de bras, on a préféré se saborder en pleine gloire. On est un peu les Beatles de l’autogestion. Sauf que nous on a tenu plus longtemps. 24 ans c’est pas rien pour un local autogéré comme l’Étincelle, dans une petite ville comme Angers…

On sera encore là.
Évidemment c’est triste. Mais que nos détracteurs ne se réjouissent pas trop vite, on ne va pas en rester là. Les membres de l’Étincelle vont continuer à s’investir partout où ça embête les puissants et les dominants. Partout où on se bat pour l’égalité, pour l’émancipation, contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation.
-Le collectif émancipation continuera à lutter contre le patriarcat.
-Le collectif Hé-la continuera de s’engager dans les combats afro-féministes.
-Le Réseau angevin antifasciste (Raaf) continuera de se battre contre les extrêmes droites.
-Kitchen talks continuera d’organiser des concerts et de faire de la délicieuse bouffe vegan et ainsi soutenir les assos et collectifs de luttes.
-Donnez moi du feu continuera de soutenir la contre-culture en ambiançant vos soirées et en organisant des concerts.
-La Confédération National du Travail (CNT) continuera d’être un syndicat de combat.
-L’Union communiste libertaire (Ucl) continuera de se battre pour le communisme libertaire (logique).
-Le Ravitaillement alimentaire autonome reseau d’entraide (Raare) continuera de faire pousser la contestation à Angers et alentours.
-L’Assemblée de lutte pour le logement (que certain·es nomment aussi comme une constellation) continuera de se battre pour que chacun et chacune puisse vivre décemment sous un toit.
-Les Nuits Bleues continueront de faire vivre leur librairie militante et subversive au 21 de la rue Maillé.

Des projets d’ouvertures de nouveaux locaux sont déjà dans les cartons, vous serez au courant très bientôt.

Merci, salut!
Nous avons une belle pensée pour toutes celles et tous ceux qui sont venu.e.s faire vivre l’Étincelle: groupes, musicien·nes, conférenciers·ères, artistes, etc. Merci de nous avoir aidé·es à faire de l’Étincelle ce qu’elle a été: un lieu alternatif et convivial pendant tant d’années. Merci enfin à toutes celles et tous ceux qui, pour un mois ou pour 24 ans, ont adhéré à l’Étincelle et ont ainsi participé à la faire vivre.Vous vous en doutez bien, ce n’est pas dans notre habitude d’être discret·es. On partira pas sur la pointe des pieds, soyez en certain·es. On a plein d’idées pour partir en beauté, une sorte de feu d’artifice étincellant. Mais bon pour l’instant, comme tout le monde, on doit prendre notre mal en patience. Mais ça va être bien, croyez nous!

À bientôt dans une autre vie.

Les fossoyeurs et fossoyeuses de l’Étincelle

(1)Souvenons-nous quand même qu’à cette époque la mairie était encore dirigée par le Parti socialiste. Alors aujourd’hui quand celles et ceux qui étaient au pouvoir hier s’étonnent du sort qui est fait à l’Étincelle par la majorité de Béchu, désolé, mais nous on rigole jaune.

(2) parce qu’on sait que ça intéresse beaucoup certains du côté de la rue du Cornet, nous n’avons jamais reçu aucune subvention de la mairie. Nous payons au mois la somme de 162,61€ qui correspond aux fluides (eau, électricité, gaz). Si vous voyez apparaître l’Étincelle, ou plutôt l’Association culturelle alternative, dans la liste des bénéficiaires de subventions que la mairie met en ligne chaque année, c’est que cette dernière transforme la mise à disposition du local en monnaie sonnante et trébuchante. Après, savoir comment est calculée cette somme (9511€sur l’année 2020 par exemple) a toujours été pour nous un mystère.