Libertés, casse et communication politique
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle socialLogement/squatRépression
Nous avons battu le pavé contre la loi liberticide dite de sécurité globale. Ce samedi de manifestation, qui était aussi celui de la réouverture des commerces, s’est déroulé dans la capitale des Gaules sous un soleil radieux !
Désolé : on s’abaisse au même niveau de poncifs que le communiqué dont on va discuter.
Nous avons manifesté donc, et constaté, avec joie, que l’inattendu mouvement contre une loi sécuritaire prenait de l’ampleur. C’est rare. Et c’est rare de se dire que la rue pourrait, si ce n’est gagner, au moins arracher enfin un bout d’honneur perdu.
« Rentrer » de manif aujourd’hui c’est souvent rentrer dans un autre espace-temps, celui des réseaux sociaux et leurs folies post-manifestation. Cette fois, en plus des stratégies de com’ gouvernementales et de la tentative d’exister d’une extrême-droite plutôt aphone ces derniers jours, il y avait quelques autres raisons d’être dégouté. On pourrait parler de tel « photographe de terrain », qui sans une once de recul critique ou d’intelligence, met sur le même plan « casseurs » et BRAV parce que tous deux l’empêcheraient de filmer. Ou de l’ancien journaliste du JDD et créateur de Loopsider, qui tombe dans le piège pourtant grossier tendu par un syndicat de police visant à mettre sur le même plan les bastons entre CRS et manifestants et le tabassage de Michel Zecler. Surtout, il y eut, posté par David Dufresne sur Twitter, le « communiqué des organisateurs ».
Ce fameux communiqué [1] publié par la coordination [2] évoque notamment la manifestation où nous étions : celle de Lyon, pour en dénoncer « fermement », les « violences ».
Revenant de manifester, d’avoir inhalé notre dose de gaz, comme on en a l’habitude à Lyon depuis au moins 4 ans (d’ailleurs n’était-ce pas aussi contre ça que l’on était dans la rue ?), quelle joie de nous voir ainsi condamnés « fermement » (par extension). Naïvement, puisque ce sont nos corps, nos voix, que l’on avait mis en mouvement ce samedi, on pensait que c’était un peu notre manif. Des proprios se ramènent avec un acte notarié : ils condamnent .
VIOLENCE
La coordination condamne… « les violences. »
On comprend, on fait le parallèle avec les dépêches habituelles de fin de manif’. La coordination est composée notamment de journalistes. Ce doit être un truc appris à l’école, l’usage de ce mot-magique, ce fourre-tout : la « violence ». On ne sait pas exactement ce que dénonce la coordination. Au mieux on comprend qu’elle est du côté du « bien ». Pour le reste on va essayer, ensemble, de deviner.
Pour cela il faut d’abord savoir qui parle, et à qui on parle : on va exclure que ce soit un « bot » produisant des discours automatiques de « dénonciation des violences ». On pensera plutôt à ceux qui ont incarné le collectif jusqu’à présent, notamment devant les micros, sur les réseaux sociaux ou dans les salons ministériels : Taha Bouhafs, Arié Alimi, David Dufresne. Ça tombe assez bien parce qu’on se dit que la « violence » en manifestation c’est un sujet qu’ils connaissent, et avec de la chance maîtrisent un peu.
Revenons donc à cette grande valise, la « violence ». La valise accueille au choix : dégradations, bagarres, coups portés par la police, ou coups portés à la police. On peut rajouter un cinquième choix : mettre tout dans le même panier, secouer.
Ecartons les bagarres (il n’y en a pas eu ici). Et les violences policières (ce serait convenu, c’est votre travail quotidien). Vous pourriez parler de dégradations. En l’occurence à Lyon des tags, nombreux et drôles, et des poubelles brûlées. Dans le même temps, David Dufresne postait sur son fil Twitter une photo de graffiti (auto-promotionnelle, certes). Quant à Taha Bouhafs il semblait sourire, il y a quelques années, quand l’auvent du Fouquet’s prenait feu [3]
Ce n’est certainement pas là que se situe le problème. Next.
Restent donc les « violences contre personnes dépositaires de l’autorité publique » (voyez, on essaye de parler alternativement le langage de vos composantes, journalistiques et avocates). C’est donc ça que vous condamnez, ou bien vous amalgamez tout, ce qui revient à la même chose.
Eh bien vous voir dénoncer avec empressement des « violences » contre la police, c’est proprement indécent.
CONTEXTE
Ici, à Lyon, comme pour chaque manifestation depuis le milieu du mouvement des Gilets Jaunes la préfecture avait pris un arrêté interdisant de défiler sur la Presqu’île (le centre-ville). Exception faite de la place Bellecour, qui est l’endroit de dispersion privilégié par le préfet. La police en a un usage qui a été bien documenté à partir de 2010. Résumons pour vous éviter de faire des recherches (à supposer que vous n’ayez pas perdu les réflexes élémentaires de votre formation depuis que vous êtes de la « coordination ») : c’est ici qu’a été expérimentée la première nasse, ou l’encagement. Ajoutons que c’est aussi sur cette place qu’a été inauguré l’usage en manifestation du LBD 40. C’était en 2007, avec pour conséquence un testicule explosé.
La manifestation devait se dérouler loin des badauds, de l’autre côté du Rhône sur un quai plutôt dédié à la circulation automobile. C’est le nouveau « classique » : la police peut à loisir y faire un usage disproportionné de lacrymogènes, sans subir l’ire des commerçants. Désolé, c’est un peu long cette mise en contexte… Cliquer sur le bouton « condamner les violences » demande moins d’efforts.
Sauf que voyez-vous ce contexte nous importe. Pour la simple et bonne raison que nous le vivons, ce contexte, manif après manif’ : l’invisibilisation, l’affrontement, les coups. Donc quand une énième charge absurde de policiers tout aussi absurdes se fait rembarrer par des jeunes gens un peu audacieux, eh bien désolé mais on n’a pas trop envie de condamner. Idem quand une partie de la manifestation essaye de ne pas se faire enfermer à Bellecour, une fois de plus. Parce que Bellecour, et ça David Dufresne le sait puisqu’il l’a documenté, Bellecour la dernière fois quelqu’un y a perdu la moitié de ses dents. Donc vos communiqués de condamnations… non avant de conclure, on va continuer un peu.
PRISE D’OTAGE
Après avoir condamné les violences de notre manifestation, donc, vous nous expliquez pourquoi. C’est bien aimable.
Nous ne pouvons accepter qu’une poignée de personnes impose par la force leur stratégie de contestation à des centaines de milliers d’autres manifestants pacifiques.
Est-ce là aussi une déformation professionnelle ? Un membre de la coordination a t-il l’habitude de couvrir les grèves dans les transports ? C’est le fameux coup de « la prise d’otage » ! [4]
Éculé. Démonté. A chaque fois. Le continuum violence, prise d’otage ; casseurs = terroristes. C’est grossier, surtout quand il y a des avocats dans votre coordination.
Car oui, ça Arié Alimi le sait, quand même : samedi, des gens, comme à chaque manifestation désormais, ont été arrêtés. Et Arié Alimi le sait, des personnes violentées par le maintien de l’ordre seront automatiquement transformées en agresseurs. Si un policier t’a tapé, c’est que tu es un violent. C’est-à-dire ceux-là même que vous condamnez… Et ça c’est honteux.
LYNCHAGE
Enfin, on va quand même se permettre de parler de la suite du communiqué, même s’il n’y est plus question de nous-autres lyonnais. Après avoir condamné les violences, vous dites, à propos d’une vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux (principalement relayée par la droite et l’extrême-droite depuis qu’elle a été supprimée par son auteur) :
La coordination StopLoiSecuriteGlobale dénonce également avec la plus grande fermeté des violences contre des policiers sur la place de la Bastille
Ok Google ! « Condamne avec la plus grande fermeté »
« Collomb « condamne avec la plus grande fermeté » les violences urbaines à Nantes. »
« Violences du 1er-Mai. Macron condamne « avec la plus grande fermeté » «
Collomb encore : « Je condamne avec la plus grande fermeté les actes auxquels s’est livré M. #Benalla le 1er Mai dernier »
Là vous voyez, MM. Dufresne, Bouhafs, Alimi, et toute la coordination : quand on voit que vous réagissez à chaud à propos d’une vidéo de trente secondes, on pense au mouvement des GJs. On pense à la vidéo des motards sur les Champs-Elysées. On se souvient qu’un journal de centre-gauche déjà à l’époque avait joué le jeu des « Gilets jaunes tueurs de flics. » Et on avait cru comprendre que ce que montrait Dufresne, et avant lui un journaliste de Libération (désolé nous avons oublié son nom), c’est que derrière le prétendu lynchage (le terme était déjà employé à l’époque et les policiers avaient pu bénéficier de 45 jours d’ITT pour choc psychologique) il y avait la nouvelle doctrine du maintien de l’ordre.
Aller au contact.
Percuter.
Concernant les événements parisiens, qu’on ne va pas commenter plus longtemps : d’autres vidéos, d’autres témoignages montrent qu’à nouveau les forces de maintien de l’ordre ont été engagées dans une logique de prise d’initiative (faire des percées).
Pourtant, selon vous, il faudrait condamner ceux sur qui on applique cette statégie expérimentale de maintien de l’ordre ?
ABJECTION
Tous ceux qui se soucient un peu de la question, ou qui l’ont vécu dans leur chair, comprennent ce qu’il y a derrière une telle vidéo : la vérité du maintien de l’ordre.
Ceux qui ne le comprennent pas, comme vous quand vous « condamnez fermement », le font sciemment. Ils le font dans un but de communication politique.
Regardez Julien Bayou. L’un de vos soutiens.
L’ancien squatteur hurle sur Twitter : « Images horribles de lynchage ». Il faut relire, encore.
Il convoque l’horreur. Il convoque la justice expéditive, le KKK.
Bravo !
Bravo…
Pour quoi ? Pour gratter quelques centièmes de points de sondages. Pour se positionner, dans la fumeuse « recomposition de la gauche ». Qui se fait donc sur le dos de ceux qui manifestent, qui se font taper, qui se font gazer.
Et si Bayou dit ça, à propos d’un CRS en armure, casque, plastron, visière pare-balles, bouclier, entouré de ses collègues armés de matraques, grenades de désencerclement, LBD. Que dit-il alors à propos de M. Zecler, et de tous les M. Zecler que l’on ne connaîtra jamais ? Il parle, dans le même tweet, de « violence policière impunie qui abîme la confiance de la population ». Pour lui, pour Bayou : d’un côté les manifestants abîment des hommes ; de l’autre la police abîme la confiance.
C’est ce genre de discours abject que vous soutenez en vous enfonçant vous aussi dans la condamnation automatique.
Chers coordinateurs on ne va pas vous demander de vous mettre à notre place. On ne va même pas vous demander d’être compréhensifs. Simplement excusez-vous. Et puis quittez le terrain de la communication politique. Parce qu’il pue, et que vous vous mettez à puer vous même. Parce qu’ils font mal ces mots, à ceux et celles qui, malgré tout, ne sont pas résignés.
POST-SCRIPTUM
Il semble que la coordination ait son agenda politique, mais que la loi tombe, ou non, il y aura une suite. Certains qui étaient là avant et d’autres qui se seront politisés contre la sécurité globale reviendront dans la rue. À ce petit monde : ne tombons pas dans ces pièges. Ne soyons pas les pions de manoeuvres politiques d’une gauche qui était encore au gouvernement il y a peu (et qui frappait fort), ni de ceux qui veulent prendre sa place.
Des proches rétorquerons que certains actes ne sont plus pertinents. Qu’ils nous paralysent ou nous desservent. Certainement que bloquer un cortège en brûlant trois détritus cela manque d’ambition. Tout comme vouloir faire une victoire éclatante d’une manifestation reléguée (quand il y a si peu de temps les GJs défilaient rue de la République). Ou voir une grande bouffée de liberté dans une nasse géante à peine mobile. Là il y a peut être une question : comment retrouver une intelligence collective pour sortir de ce que le maintien de l’ordre a fait de nos manifestations ?
Ce n’est possible qu’en acceptant comme préalable qu’un mouvement est pluriel. C’est-à-dire qu’il est fait non seulement de gens divers, mais aussi d’échecs, d’erreurs, de paris ratés, de gestes maladroits, de gens bêtes, d’ennemis. En 2016, ils « ont fait » avec Necker. En 2018, ils ont « fait avec » leurs erreurs.
Parfois en s’excusant, mais sans jamais condamner.
Nous avons besoin de stratégies.
Pas de parodies de juges.
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[1] Au moment où nous finissions d’écrire ces lignes, le communiqué avait été supprimé du compte de David Dufresne. Il était encore présent, sous un autre format, sur le site de la CGT-SNJ. Par ailleurs certains extraits avaient eu le temps de se retrouver dans la presse. Nous ne connaissons évidemment pas les raisons de cette suppression…
[2] La coordination rassemble notamment les sections « journalistes » des syndicats (CGT, FO, CFDT, CNT), mais aussi le Syndicat des Avocats de France et des collectifs de reporters (REC, La Meute).
[3] On ne voudrait pas attirer à l’homme plus d’ennuis qu’il n’en a déjà. Alors reformulons : il semblait soutenir les GJs malgré leur large pannel d’actions. Mais nous allons peut-être encore trop vite en besogne, puisqu’il s’est opposé directement à la casse lors de la manifestation parisienne de ce samedi.
[4] Mais si l’on veut vraiment jouer avec cet argument. « Une poignée de personnes qui imposent leur stratégie » n’est-ce pas ce que devient votre coordination quand elle prétend pouvoir trier le bon du mauvais manifestant ?
« Nous avons besoin de stratégies. »
Justement. Mais en fait vous avez surtout besoin qu’on vous dise que vos stratégies sont bonnes. Alors qu’elles ne le sont pas et on démontré depuis la loi travail qu’elles ne faisaient que renforcer le gouvernement.
Le gouvernement à besoin de votre « violence » strict mirroir inoffensif de la sienne.
Sortir du train train bien rodé et folklorique des « affrontements »et autres « insurrections » quand cela est nécessaire ne peut même pas vous venir à l’esprit. Le gouvernement et sa police le sait et vous en remercie.
C’est évident qu’on n’arrivera pas à une révolution en faisant l’économie d’un affrontement avec les chiens de garde de l’état et du capital. C’est ce que rappellent à juste titre ceux qui sortent du cadre sympathiqyue des défilés autorisés, certainement autorisés parce qu’ils arrangent la police, l’état et le capital! Donc merci à elles et eux de nous rappeler cette évidence. Plus on sera nombreuses et nombreux à suivre cet exemple et plus on aura de chances de venir à bout de ce système qui ne s’effondrera pas tout seul, ni à force de gentilles initiatives altercapitalistes.
« C’est évident qu’on n’arrivera pas à une révolution en faisant l’économie d’un affrontement avec les chiens de garde de l’état et du capital. »
C’est les conditions et stratégies de l’affrontement qui posent question. Un affrontement ce n’est pas casser une vitrine. Ca c’est du spectacle. Et affronter les chiens de garde sans but identifiable autre que l’affrontement c’est leur faire le cadeau d’une victoire facile. Les victoires c’est quand l’énnemi recule, pas quand on s’est fait plaisir parcequ’on a réussi à ne pas se faire prendre. si cette loi est retirée cela ne sera pas grâce à deux ou trois poubelles brulées,ni un flic caillassé, bien au contraire. Mais parceque des centaines de milliers de personnes sont sorties dans les rues suites aux erreurs comises par l’ennemi. Ce n’est aucunement grâce à des situations que vous avez crées. Vous vous greffez sur les situations des autres pour les tirez vers vos stratégies. Qui sont celles du pouvoir. Mais même là vous avez échoué. Finalement, malgré les médias et le désir du puvoir d’utliser votre inoffensif spectale vous avez été ignorés de l’immense majorité.
C’est peut être ça qu’il faut interroger plutôt que de penser en slogans.
Eh non, casser des vitrines de banques et s’attaquer aux tueurs et creveux d’yeux qui défendent l’état et le capital ce n’est pas seulement du spectacle, c’est de la communication par les actes. Et si ça choque les braves citoyennistes ça parle à celles et ceux qui veulent réellement un changement global et radical de société. Et ça s’adresse à celles et ceux venus dans les manifs « des autres », (comprendre, les partis qui participent aux élections et les braves citoyens venus se promener et parler aux médias à la fin du salon de thé itinérant), ça parle donc à celles et ceux qui ressentent un réel ras le bol de ce cirque totalement inutile, et ça peut mener à faire grossir de plus en plus les « cortèges de tête ». et tant pis pour les partis et les braves citoyennistes qui voulaient juste se promener et faire bon genre devant TF1. L’histoire a pourtant démontré que c’est par des révoltes massives et un affrontement direct avec la police, en désignant clairement l’ennemi, pas tel ou tel parti ou individu qu’il faudrait remplacer par un autre parti ou individu, pas en faisant confiance à la « bonne » police, mais le principe même de la police, de l’état, du capital et de l’autorité, c’est en affrontant la police, pas « pour se faire plaisir », merci pour la psy à deux balles, mais parce qu’on a sincèrement la rage avec ce système mortifère. Et l’histoire récente a aussi démontré que des « centaines de milliers de personnes qui se promènent » ne font pas reculer le gouvernement d’un millimètre. De toute façon, on ne veut pas seulement « faire reculer le gouvernement » on veut la mort du capital et de l’état, de tous les gouvernements, même « de gauche ».
Je fais partie de ceux qui suivraient volontiers cet exemple si seulement j’en étais capable, mais infirme et peur de subir les violences de la répression. Mais j’ai constaté autour de moi que ces actes, chez celles et ceux qui en ont marre du cirque des manifs défilés, suscitent désir et réflexion.
« Je fais partie de ceux qui suivraient volontiers cet exemple si seulement j’en étais capable, mais infirme et peur de subir les violences de la répression. Mais j’ai constaté autour de moi que ces actes, chez celles et ceux qui en ont marre du cirque des manifs défilés, suscitent désir et réflexion. »
Alors un peu de décence n’envoie pas les autres au casse pipe.
Encore de la psy à deux balles: on aurait le choix entre envoyer les gens défiler derrière des politicards ou les « envoyer au casse-pipe »? Personne n’est obligé d’affronter les chiens de garde de l’état et du capital, ni moi, ni toi, mais si on a trop peur ou si on est handicapé-e, on peut quand même se réjouir qu’il existe des gens plus valides et/ou plus courageux-ses. Parce qu’on a besoin d’elles et eux pour aller au delà des défilés derrière des politicards.
Alors aucun mépris pour les peureux-ses ni pour les infirmes, chacun-e fait comme il le peut et comme il veut, mais encore, encore merci et mille bravos pour celles et ceux qui sont capables d’affronter les éborgneurs.
A part ça si c’est pour se taper le refrain sur les « casseurs à qui la police dit merci » – c’est sûrement pour ça qu’ils sont poursuivis par les flics alors que les manifs de politiciens sont autorisées? pas besoin d’aller sur Indymédia, autant regarder BFMTV en boucle.
« Eh non, casser des vitrines de banques et s’attaquer aux tueurs et creveux d’yeux qui défendent l’état et le capital ce n’est pas seulement du spectacle, c’est de la communication par les actes. Et si ça choque les braves citoyennistes ça parle à celles et ceux qui veulent réellement un changement global et radical de société. »
Décidément, vision à courte vue et refus de la réflexion la plus basique ont de beaux jours devant eux avec une rhétorique aussi primaire !
Si on « défile derrière les politicards », c’est qu’il y a un problème dans le mot d’ordre ; et là, c’est assez simple : on se bat CONTRE une loi – mais d’où sortez-vous que la police a besoin des lois pour combattre la subversion sociale ?… – mais POUR QUOI exactement ? Ceux qui ont appelé à ce genre de manif, et ceux qui y participent, n’ont qu’un but : défendre « l’État de droit » et la « démocratie » bourgeoise contre les « excès » et « bavures » policiers… qu’ils en soient conscients ou pas !
Donc, à quoi sert-il de se taper avec les flics ? À RIEN, à part renforcer l’arsenal répressif et justifier la loi en question !
Donc, ça « communique » quoi au juste ? Ceux qui défendent le Capital et l’État sont précisément ceux qui organisent la manif, partis de Gauche et syndicats ! Tout un programme, mais je ne vois pas la moindre communication sur ce point dans le fait de casser des vitrines et de se faire coffrer par les flics pour vandalisme. Je rappelle à toutes fins utiles que, quand les manifs sont VRAIMENT importantes et sur un terrain politique RÉELLEMENT dangereux, les flics n’y viennent pas ! Ou alors, c’est le pouvoir qui prend un risque…
Alors toute la justification des bastons avec les forces de l’ordre ne signifie qu’une chose : ça évite de réfléchir sur un certain nombre de points, et notamment quelle est la perspective de ce genre de manif et d’affontement… perspective absolument nulle du point de vue de la prise de conscience de ce que sont l’État et le Capital, qui est d’abord et avant tout un RAPPORT SOCIAL et pas une vitrine de banque…
Si toi tu n’as pas compris, rassure-toi il y a beaucoup de gens qui ont très bien compris ce que symbolise une manif tranquille derrière des politiciens et ce que signifie s’attaquer à une vitrine de banque et à la milice du capital. Le message est clair: ça désigne l’ennemi, la finalité du combat.
Tout comme la présence des élus dans le cortège désigne la finalité de la manif débordée: remplacer ce pouvoir par un autre plus acceptable. Il importe donc pour les révolutionnaires d’exprimer une rupture radicale avec ce genre de solution. Et en détournant ces manifs de leur objectif réformiste, d’en proposer symboliquement une autre: en finir avec le capitalisme, avec toute forme de pouvoir, ce qui ne pourra pas passer par des manifs autorisées. Rappelez-vous comment les cortèges de tête avaient gonflé de plus en plus lors du mouvement contre la loi travail. Pour une insurrection généralisée, il faut bien faire un départ de feu. Un départ de feu, c’est ce que font les vilains casseurs de vitrines de banque et de flics, en démontrant au passage que la police n’est pas forcément invulnérable et qu’elle le serait encore moins si les insurgé-es devenaient des centaines, des milliers, des centaines de milliers.
La preuve que ces actes symboliques font réfléchir c’est que rien que cette dernière fois ça a suscité beaucoup de discussions un peu partout et pas seulement dans les milieux militants. Discussions sur la méthode, la nécessité de combattre la police au lieu d’espérer des lois pour les combattre. D’où des explications détaillées de ces démarches sur des sites comme Indymédia Nantes.
Et contrairement à ce que prétendent les partisans de manifs pépères, l’état n’a jamais eu besoin de s’appuyer sur des débordements quels qu’ils soient pour renforcer les lois sécuritaires. Comme les « excès de la délinquance » n’ont jamais été coupables des lois répressives.
« Je rappelle à toutes fins utiles que, quand les manifs sont VRAIMENT importantes et sur un terrain politique RÉELLEMENT dangereux, les flics n’y viennent pas ! Ou alors, c’est le pouvoir qui prend un risque… »
Voilà qui est bien mystérieux! Quelles sont donc ces manifs vraiment importantes et sur un terrain politique réellement dangereux où les flics ne viennent pas?
Ça a suscité des discussions ? Je suis charmé de l’apprendre. Sur quoi exactement ? Sur ce qu’est RÉELLEMENT le capitalisme ? Ah ! Non, sur la « nécessité de combattre la police ». Le serpent qui se mord la queue, quoi…
Les manifestations ne sont aucunement un point de départ de quoi que ce soit, et leur utilité est bien particulière dans le mouvement ouvrier : je suppose que vous avez réfléchi là-dessus aussi ? Et les AG de lutte ? Et les comités de lutte qui surgissent presque toujours quand il y a une dynamique ? On a une dynamique de construction d’un mouvement uni et d’une réflexion sur la situation, aujourd’hui ? Où ça ?
Relis donc ce qui s’est passé en Mai 68 : la police avait disparu au fil des manifs vu le nombre de participants, et fin mai elle ne se présentait plus du tout. Regarde un peu ce qui s’est passé en Pologne en août 1980 : la dictature stalinienne a-t-elle sorti les chars ? Certainement pas ! Et pendant les manifs anti-CPE, il y avait des flics en nombre ? Non plus. Et pendant les dernières manifs importantes en France, contre la réforme des retraites en 2010, interventions massives des flics ? Non, rien du tout !
Donc on ne doit pas participer aux mêmes mouvements, ce qui ne m’étonne guère ; au-delà du pur machisme développé dans le discours ci-dessus, du militarisme qui s’en dégage – ceux qui ne veulent pas se battre ne sont-ils pas qualifiés de « lâches » comme dans n’importe quelle armée ? – le rôle RÉEL des manifestations qui est de rassembler les exploités pour qu’ils puissent discuter, se réunir, sentir leur force, est totalement occulté.
En 2010, à Touilouse par exemple mais aussi à Nantes et à Paris, les fins de manifs servaient à se réunir et à discuter, et les bastons avec les flics empêchent clairement de le faire et de se réunir. Rien de mieux pour semer la pagaille et empêcher toute discussion avec les autres manifestants !
Donc, on me permettra de rire des soi-disants « discussions » évoquées plus haut : à part savoir quoi casser la prochaine fois, quel en est exactement le sujet ?
ça a suscité des discussions sur la nécessité de déborder les manifs respectueuses des lois, des élections, de la police et des banques. Tu seras charmé d’apprendre que la milice du capital ne s’en prend pas qu’aux indisciplinés dans les manifs, elle attaque aussi par exemple, les migrants et les squatters, et j’en sais quelque chose. Parmi ces victimes des flics, qui ne sont même pas des casseurs, il y en a qui ont trop peur pour se défendre. Aucun mépris pour ça comme bien précisé plus haut, mais tant mieux s’il existe aussi des militant-es – oui il y a aussi des femmes – qui ont moins peur et ne se laissent pas museler par des soc’dém qui espèrent que la police ne se montrera pas.
C’est quoi l’utilité bien particulière des manifs dans les mouvements ouvriers? Quant aux AG de lutte, j’en ai vu beaucoup, et des interpro aussi, toujours contrôlées par des légalistes et qui se terminaient immanquablement par un délitement plus ou moins rapide, faute de trouver un terrain d’entente. Quant à la dynamique? A quoi bon une « dynamique » si c’est pour retourner se faire gentiment exploiter? Si c’est pour accepter sagement que des migrants, des mal logés se fassent expulser, tabasser?
S’il n’y a pas d’unité c’est qu’on n’a pas de points communs. Impossible pour des révolutionnaires de s’entendre avec des soc’dém qui leur enjoignent de fermer leur gueule et de rentrer dans le rang. Impossible pour des révolutionnaires qui refusent l’idée même de travail de s’unir avec des réformistes qui veulent aménager leurs conditions d’oppression. Les AG de lutte? Je conseille à tout le monde d’y assister au moins une fois, ça vous guérira de toutes vos illusions!
Fin Mai 68: si tu veux parler du million de gaullistes qui ont manifesté le 30 mai, c’est vrai que la police n’a pas cherché à les attaquer! A quoi bon être nombreux si c’est sur des bases pourries? Mai 68 de toute façon ce n’est pas vraiment une référence révolutionnaire. Putôt une référence question trahisons politiciennes et syndicales. Quant aux flics fin mai 68:
https://www.liberation.fr/checknews/2019/02/15/mai-68-et-gilets-jaunes-est-il-possible-de-comparer-le-nombre-de-blesses-de-morts-et-d-arrestations_1709340
Bilan des manifs massives de 2010: 12 octobre un jeune manifestant hospitalisé suite à une attaque de CRS.
14 octobre, un élève de 16 ans, gravement blessé au visage par un tir de Flash-Ball venu de la police alors qu’il manifestait devant son lycée à Montreuil. Une vidéo montre qu’il n’avait pas commis de violences contre les policiers.
Le 15 octobre, au cours de manifs lycéennes, 22 policiers sont blessés et 264 personnes sont arrêtées.
Entre le 12 et le 26 octobre, 72 policiers et gendarmes sont blessés et 2 554 personnes sont interpellés (dont 1759 sont placées en garde à vue et 360 déférées devant la justice).
Résultat de ces manifs massives: sans parler de révolution; en 2010 l’âge légal de la retraite est relevé à 62 ans, l’âge pour bénéficier du taux plein passe de 65 à 67 ans. Super aussi.
Personne n’a qualifié de « lâches » ceux qui ne voulaient pas se battre. On a bien le droit d’avoir peur, c’est normal d’avoir peur, un intervenant a d’ailleurs avoué clairement que lui même avait peur. De là à dire que combattre la police ne sert à rien, il y a une sacrée marge.
On ne doit pas participer aux mêmes manifs c’est clair, je serais plutôt collectifs, de précaires, de mal logés, sans chefs et sans parti, et pour ce qui est de discuter, les gens le font très bien entre eux, rien qui justifie de défiler sagement derrière des leaders de parti.
Le sujet de ces discussions c’est ras le bol d’aménager ce système pourri, comment en finir avec lui, peut-on y arriver tant que les flics empêcheront une véritable égalité sociale?
La vrai violence se situe dans toutes ces réformes qui sans cesse s’accumulent contre les gens. Elles se situent dans le déploiement sans cesse croissant et sans cesse plus meutrier, raciste et psychopathe des forces répressives, dans le musellement systématique des oppositions, dans l’étouffement des colères légitimes, dans cette mise au pas liberticide à la visée esclavagiste de plus en plus décomplexée.
Maintenant, si les manifestations d’une classe sociale qui se tient sage, avec de gentils slogans anonés ou bêlés sur leur parcours imposé, expression d’un respect affiché pour l’autorité policière d’état présente pour protéger le capital et ses structures d’oppression, peut sembler la solution pour certain.e.s, ça me semble à moi plus qu’un peu léger, voir hypocrite, le contraire se saurait.
Les faits sont là pour le prouver, ce n’est que quand la démarche insurectionnel et émeutière est exprimée avec force (et courage) que l’on obtient des avancées « démocratiques » (les « » car ce ne sont généralement que des miettes de liberté qu’on nous autorise alors, de nouveau sous le nom de réformes, nom si doux pour certain.e.s…!). Bien sûr que ces avancées sont loin d’être suffisantes, mais c’est cependant aussi loin d’être négligeable tellement nous sommes acculé.e.s à la mendicité face à nos exploiteurs… La démarche émeutière contient elle aussi une forme indéniable de démocratie directe.
Au regard de l’histoire, je ne vois hélas pas d’autres solutions de toutes façons. Nous n’avons (re.hélas) pas d’autres choix et c’est bien pourquoi l’état nous pond des lois de plus en plus répressives, il sait où se situe pour lui le danger. Il tente d’empêcher l’expression du désespoir lié à nos précarités croissantes et celle de notre révolte en les cloisonnant par la force et la fourberie à leur seul aspect de revendications parlementaires, qui par son verrou « représentatif politicien » ne nous est pas accessible et qui donc, malgré les apparences, est de facto assurément très peu démocratique. Le nier me semble juste incompréhensible.
C’est quoi l’utilité bien particulière des manifs ?
C’est la façon qu’a la classe ouvrière, la classe exploitée, de se retrouver, de discuter, de sentir sa force à travers son nombre, à travers des préoccupations communes.
Que font les bastons avec les flics, et la casse à la fin des manifs ? Tout le contraire, puisqu’elles transforment une force COLLECTIVE en bataille INDIVIDUELLE contre les flics. Merci aux casseurs de diviser la manifs et d’en détruire l’utilité !
Les AG de lutte, moi aussi j’en ai vu un certain nombre, et la question n’est pas d’être « interpro » – mot typique du syndicalisme ! – ou « contrôlée par des légalistes », c’est-à-dire pas par ceux qui y participaient ! Toutes ces visions sont parfaitement typiques du syndicalisme, autrement dit de l’enfermement de la lutte dans un cadre qui ne permettra jamais à l’AG d’être souveraine, ni de faire ce qui lui est indispensable,c’est-à-dire s’étendre à d’autres exploités et déborder le cadre corporatiste. Donc il n’est jamais question de « légalisme » dans l’affaire : ou l’AG étend le mouvement, ou elle ne le fait pas, et « légaliste » ou pas elle va mourir ! Ce n’est pas un hasard si les défenseurs les plus acharnés des actions « violentes » et « spectaculaires » sont souvent des syndicalistes, les pires saboteurs des mouvements de classe…
Quant à la dynamique, elle est indispensable pour créer une volonté d’extension et d’auto-organisation. La classe ouvrière de toute façon ne peut l’emporter que de façon temporaire, et la révolution, le renversement de l’État, n’est pas possible sans une politisation des luttes qui ne peut se faire d’un coup. « La classe ouvrière est la seule classe qui va vers la victoire en volant de défaite en défaite » (R. Luxemburg). C’est être un marchand d’illusion que de faire croire qu’il est possible de vaincre la bourgeoisie en une lutte et en se battant avec la police. C’est même le contraire qui est vrai : le jour où la police sera incapable de se battre, ce jour-là la classe ouvrière pourra prendre le pouvoir. On en est loin de toute façon !
Tu n’as pas l’air de bien connaître Mai 68 : entre le 20 et le 29 mai, il y a eu des manifestations monstrueuses partout en France, avec 10 millions de grévistes pendant plus d’une semaine, et pas un flic dans les rues ! Et pour cause : le pouvoir n’avait pas intérêt à mettre de l’huile sur le feu – et le savait parfaitement !
Donc combattre la police, ça ne sert à rien, il n’y a aucun but, aucun développement de la lutte, de la conscience, de l’unité à en attendre ! Rien de rien ! Et pas la peine de venir dire que la police empêche une véritable égalité sociale : c’est le capitalisme qui l’empêche, la police n’en est qu’une manifestation et un outil. Il ne s’agit évidemment pas de défiler derrière les banderoles syndicales, ou celles du Parti stalinien et de ses laquais trotskystes, tous autant des saboteurs des luttes les uns que les autres : il s’agit de permettre à une véritable dynamique de lutte autonome, auto-organisée, tournée vers l’extension immédiate, qui permette d’être le plus nombreux et le plus ouvert possible, de se développer. Et là, quand ça se produit, on s’aperçoit, contrairement aux intervenants précédents, que le véritable problème, ça n’est pas les flics, ce sont les syndicats qui se chargent à la fois de pourrir le mouvement, de chercher à le contrôler, voire de le réprimer directement ! Je n’ai jamais eu à me taper avec les flics ; avec les syndicalistes, y compris les « radicaux », je ne compte plus ! Et je ne compte plus non plus le nombre de fois où j’ai pris la parole dans une AG pour dire qu’aller bloquer les ponts, les péages d’autoroutes, aller casser ceci ou cela, ça ne sert à rien, c’est même totalement contre-productif. Et ce sont en général LES SYNDICATS qui proposent ces « actions » dont le but n’est que de défouler les exploités !
« Les faits sont là pour le prouver, ce n’est que quand la démarche insurectionnel et émeutière est exprimée avec force (et courage) que l’on obtient des avancées « démocratiques » »
Ah bon ?!? On peut avoir un exemple ?…
Marche au pas à l’armée,
marche au pas au parti « invisible ».
Je sais même pas pourquoi des gens prennent au sérieux des textes publiés sur lundi matin.
La ligne politique de ces appelistes a montré ce qu’elle donnait sur la ZAD de NDDL et plus personne dans les blocs peut les prendre au sérieux franchement. La honte!
Ces gens ne représentent personne mais tentent tout le temps de faire des hold up sur nos pratiques. C’est leur taf.
Y’a plus que les universitaires pour aimer leur prose insipide.
Que crèvent tous les politiciens de lundi matin! On vit nos vies et nos révoltes loin de leur spectacle, et on veut pas les croiser sur notre chemin.