Le régime légal de l’apartheid israélien
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Catégorie : Global
Thèmes : AntifascismeLogement/squatRacismeRépressionResistances
La motivation de cette petite recherche est venue d’un agacement, à entendre depuis le vote de la loi dite de l’État nation, votée par le parlement israélien le 18 août 2018, que l’apartheid serait formalisé, officialisé , inscrit dans la loi à partir de ce nouveau texte. il me semblait trop facile de dénoncer cet état de fait au jour J de la nouvelle loi fondamentale et d’imputer ainsi de fait la responsabilité de l’Apartheid légal au seul gouvernement d’extrême droite actuellement au pouvoir. Ce serait ignorer délibérément les dizaines de lois édictées depuis la création de l’état, et même avant, organisant la séparation et la discrimination et qui ont fait le lit de l’extrême droite et de cette loi fondamentale. Les innombrables décisions de l’ONU et du droit international restées lettres mortes – hors celle de la partition – ne font que nous rappeler que ce droit comme tous les autres est le fruit d’un rapport de force fluctuant, ou enraciné .
Cette petite présentation doit tout à l’ouvrage magistral de Mazen Masri [1] « The Dynamics of Exclusionary Constitutionalism : Israel as a Jewish and democratic state », dont j’ai traduit et résumé quelques extraits. J’ai aussi abondamment utilisé les ressources de la banque de données des lois discriminantes du site de Adalah l’ONG de juristes palestiniens d’Israël pour la défense des droits de la minorité arabe en Israël. [2]
Il y a déjà plusieurs années que des militants anticolonialistes israéliens ont qualifié le régime israélien comme un régime de Séparation, Hafrada en hébreu et Apartheid en néerlandais. Dans un article intitulé « Le sionisme, l’État d’Israël et le régime israélien » [3] Ariella Azoulay et Adi Ofir – rappellent qu’ « à la fin des années 1940, il était encore possible d’être sioniste tout en s’opposant à l’établissement d’un État-nation juif. Ce n’est qu’au milieu des années 1930 que l’idée étatiste au sein du mouvement sioniste se mit à dominer et uniquement à la convention de Biltmore en1942 que la création d’un État juif fut déclarée comme le moyen ultime de la lutte sioniste, et peu après, comme son objectif fondamental. »
Les auteurs expliquent qu’ à partir de ce moment l’identification sioniste se fait avec le régime de l’État et précisent que s’agissant de ce régime « il faut tenir compte du « système de contrôle? » israélien tout entier. Ce système de contrôle a changé en juin1967. Depuis, le territoire qui s’étend de la Méditerranée au Jourdain est dirigé par un système étatique unique et un ensemble cohérent d’appareils d’État. Le contrôle des territoires palestiniens occupés en1967 et l’assujettissement de leur population –3,5millions de Palestiniens– à la loi israélienne ont perduré depuis assez de temps pour être aujourd’hui interprétés comme des éléments constitutifs du régime israélien. En effet, ce contrôle est plus ancien par exemple que ne le fut le régime soviétique à l’époque du « partage » de Berlin. »
Ils décrivent le régime israélien comme une matrice générant des séparations selon trois principes distincts de séparation : l’un fondé sur la nation, entre arabes et juifs,le second sur la citoyenneté, entre citoyen et non citoyen, et le troisième territorial multipliant les statuts, territoire de 1948, de 1967, Jérusalem, Cisjordanie, zones A B C zones militaires fermées…
Ainsi les juifs peuvent se déplacer librement dans la plupart des régions, il n’existe pour eux ,à de rares exceptions, aucune restriction sur l’achat de terres et à peine quelques limitations imposées sur la construction de maisons. « Il importe peu qu’ils soient citoyens ou non d’Israël, pouvant toujours le devenir s’ils le souhaitent. Leur lieu de naissance importe encore moins, et ils peuvent devenir résidents partout où ils le souhaitent, à l’exception des zones urbaines classées zone A par les Accords d’Oslo. »
Les Palestiniens, en revanche, peuvent se déplacer librement dans moins de zones et souffrent de restrictions plus ou moins sévères quant à l’achat de terres. Qu’ils soient citoyens ou non est d’une grande importance. S’ils ne le sont pas, les limitations sont beaucoup plus sévères…Leur lieu de naissance très important, détermine leur liberté de mouvement tout comme leur droit de résidence.
Les Juifs non citoyens sont gouvernés comme des citoyens, protégés par la loi et ils peuvent jouir des services de l’État.
les Palestiniens non citoyens sont abandonnés par la loi, ils ne bénéficient qu’à peine des services fournis par l’État. Ils sont soumis à un régime militaire et sont exposés à des menaces ou à des arrestations et subissent violence et dépossession de leurs terres quasi quotidienne . « En c e qui concerne les citoyens, la violence est généralement conçue comme le dernier recours, mais lorsqu’il s’agit de citoyens palestiniens, les autorités étatiques usent fréquemment, généreusement et donc sans hésitation de violence. »
Ofir et Azoulay nomment ce régime : régime de séparation, mishtar hafrada en hébreu, ou régime d’apartheid. Ils soulignent d’ailleurs que ce terme de séparation (hafrada) est connoté positivement par les Israéliens qui soutiennent la construction du mur et souhaitent que l’espace israélien soit purifié autant que possible de toute présence arabe.
Le Tribunal Russel pour la Palestine dans sa session du Cap Afrique du Sud du 7 novembre 2011 a conduit avec des experts juristes internationaux une étude comparative approfondie de l’état des lieux de ce régime en regard de la loi anti apartheid et conclut que ce régime était bien coupable du crime d’apartheid et depuis longtemps….« Les actes inhumains repris ci-dessus n’arrivent pas par hasard et ne constituent pas des actes isolés. Ils sont suffisamment répandus, intégrés et complémentaires pour être qualifiés de systématiques. Ils sont également suffisamment enracinés dans la législation, dans la politique générale et dans les institutions officielles pour être qualifiés d’institutionnalisés. Le système juridique israélien octroie un statut privilégié aux Juifs par rapport aux non-Juifs par le truchement de ses lois sur la citoyenneté et sur la nationalité juive. Celles-ci ont créé un groupe privilégié dans la plupart des domaines de la vie publique, y compris les droits de séjour, la propriété foncière, l’urbanisme ainsi que l’accès aux services et aux droits sociaux, économiques et culturels »
Et il faut enfin évoquer le rapport Falk-Tillier de l’ONU caractérisant ce régime comme régime d’apartheid, et enterré en quelques jours sur pressions américaines et israéliennes.
En réalité la séparation, l’apartheid, n’a rien de nouveau, elle est structurelle et systémique, et commence avant même la création de l’état, lorsque par exemple le sionisme met en place au début des années 20 la nécessité du travail juif, et que les militants du syndicat sioniste de la histadrout s’emploieront à détruire les marchandises vendues par des Palestiniens sur les marchés afin de faire la place à celle des juifs. Ainsi « Dans le cadre de la préparation du troisième congrès de la Histadrut en 1927, Haim Arlosoroff, représentant sioniste du mouvement des travailleurs, publie un essai intitulé « Sur la question de l’organisation conjointe ». Il cite le cas de l’Afrique du Sud où selon lui les conditions peuvent être étroitement mises en parallèle avec celles auxquelles sont confrontés les travailleurs juifs en Palestine. Il explique que les travailleurs blancs étaient incapables de faire face à la concurrence dominante du travail africain et indien, abondant et peu coûteux. Ils s’étaient donc organisés et avaient utilisés leur prépondérance politique pour assurer l’imposition d’une « barre de couleur » qui excluait les non-blancs des emplois de supervision, qualifiés, et bien payés. La seule voie pour sortir de ce même dilemme pour le mouvement sioniste est donc selon lui de consacrer ses ressources et énergies à développer un secteur économique séparé exclusivement juif, de salaires et de productivité élevés qui coexisterait avec un secteur arabe improductif et à salaires bas durant les décennies à venir. » [4]
La banque de données de Adalah dénombre 65 lois ségrégatives, c’est à dire de séparation , depuis la création de l’État et toutes actives à ce jour. (sans même parler de lois d’exception édictées sous mandat britannique toujours actives à ce jour). Par exemple la loi de 1939 interdisant tout contact avec un pays ennemi, qui continue de s’appliquer, vise des États tous arabes ou musulmans, privant de tous liens culturels par exemple avec le monde arabe la minorité palestinienne d’Israël, aucune édition arabe, interdiction pour un écrivain palestinien d’aller chercher son prix littéraire à Beyrouth. Les implications de cette loi apparemment opposable à tous les citoyens n’impactent dans les faits que la population arabe.
Certaines de ces lois sont dites « fondamentales » et constituent au fil du temps un corpus servant de constitution.N’aurait-il pas été plus simple de rédiger une constitution ? Il était difficile dans le contexte passé (mais pas celui d’aujourd’hui apparemment) d’écrire noir sur blanc dans une constitution que certains citoyens bénéficiaient de droits dont d’autres étaient privés, notamment les droits nationaux. On y reviendra.
Ces lois relèvent grosso modo de trois catégories : Lois d’appropriation de la terre, fondamentales parce qu’ ainsi que le rappelle Patrick Wolf : « le colonialisme de peuplement est un projet centré sur la terre ». Lois sur la citoyenneté , et lois sur les droits nationaux, même si elles se recoupent souvent nous le verrons.
La première loi ségrégative de l’État est constituée par déclaration d’indépendance de l’État [5] du 15 mai 1948.
…« C’est de plus, le droit naturel du peuple juif d’être une nation comme les autres nations et de devenir maître de son destin dans son propre État souverain.
En conséquence, nous membres du conseil national représentant le peuple juif du pays d’Israël et le mouvement sioniste mondial, réunis aujourd’hui, jour de l’expiration du mandat britannique, en assemblée solennelle, et en vertu des droits naturels et historiques du peuple juif, ainsi que de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies, proclamons la fondation de l’état juif dans le pays d’Israël, qui poortera le nom d’Israël ».
La question qui ne se pose même pas à cet énoncé est « qui est ce « nous » qui fait peuple ? Cette déclaration dit qui constitue la nation et transforme la société coloniale juive en collectif national, à l’exclusion des Palestiniens.
« L’état d’Israël sera ouvert à l’immigration juive et aux Juifs venant de tous les pays de leur Dispersion ; il veillera au développement du pays pour le bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur la liberté, la justice et la paix selon l’idéal des prophètes d’Israël »…La déclaration n’ouvre l’immigration qu’aux Juifs, alors que des milliers de Palestiniens chassés sont déjà en exil.
Les trois lois suivantes chronologiquement désignent en 1948 le calendrier des vacances de l’état, calqué sur les fêtes religieuses juives exclusivement et la seule date de vacances non religieuse est celle du jour de l’indépendance, souligne Masri. La loi de 1949 détermine les symboles nationaux de l’État : le drapeau prenant pour modèle le châle de prière – et l’ emblème de l’État le candélabre à sept branches : deux symboles tirés de la religion juive, l’amendement de 1997 exige que tous les bâtiments publics arborent ces emblèmes. Enfin la loi de 1949 sur le sceau de l’État qui sera apposé sur tous les documents officiels et représente ces deux emblèmes.
C’est ainsi que nationalité et citoyenneté sont d’emblée séparés dans le régime légal afin de réserver la question nationale aux seuls juifs. Ces lois sont quasi intégralement reprises dans la loi fondamentale de l’état nation de 2018.
La loi du retour, publiée deux ans plus tard le 5 juillet 1950 revient sur la question de l’immigration en précisant qui peut immigrer et donc qui est juif. Elle est d’ailleurs étendue en 1970 « aux enfants et petits-enfants d’un juif, à son conjoint et au conjoint d’un enfant ou d’un petit-enfant d’un juif ». Et depuis 2017 le « conjoint du même sexe d’une personne éligible à la loi du retour et qui ne vit pas en Israël pourra aussi devenir israélien ».
Lois sur la citoyenneté
La loi sur la citoyenneté de 1952 [6] donne aux juifs la citoyenneté par la loi du retour de 1950 automatiquement et inclut sans conditions les juifs résidents nés en Palestine.
Pour les non juifs, principalement palestiniens l’acquisition est prévue par la section 3 sur la résidence, sous un certain nombre de conditions :
ils devaient être résidents de la Palestine mandataire, enregistrés le premier mars 1952 conformément à l’ordonnance de 1949 sur l’enregistrement des habitants,
être résidents dans le pays le jour de l’entrée en vigueur de la loi 14 juillet 1952,
être en Israël ou dans une zone devenue territoire israélien après l’établissement de l’état, depuis le jour de l’état jusqu’au jour de l’entrée en vigueur de la loi ,
ou entrés en Israël légalement pendant cette période. Ce qui exclut 80 à 85% de la population palestinienne chassée et devenue réfugiée hors des frontières.
Quant aux Palestiniens restés sur le territoire devenu Israël en 48 nombre d’entre eux ne pouvaient remplir les conditions en raison de la situation de guerre, et des politiques arbitraires adoptées depuis 48. Beaucoup n’étaient pas enregistrés, beaucoup ne purent justifier de 4 ans de résidence continue d’où sur 175000 restés 143000 seulement devinrent citoyens. Les 32000 restants durent se faire naturaliser dans leur propre pays.
Parmi eux nombreux furent dépossédés de leurs terres par la loi des absents de 1950. Leurs propriétés furent transférées aux agences de l’état. Ici l’acquisition de la citoyenneté par naturalisation s’est traduite par la perte des terres.
La section 5 de la loi qui gère la naturalisation est à la discrétion du ministère de l’intérieur et ne relève pas du droit. Moshe Haim Shapira ministre de l’intérieur en 1950 déclara : « si les arabes voulaient réellement devenir citoyens de l’état d’Israel ils trouveraient un moyen . .. Ce n’est pas une demande tellement déraisonnable pour ceux qui ont abandonné leur pays quand il était en flammes de faire l’effort et d’acquérir la citoyenneté d’une façon normale et sans attendre le privilège de la citoyenneté automatique » .Si Masri rappelle qu’avec la modification de la loi survenue en 1980 la plupart des résidents qui n’avaient pu accéder à la citoyenneté ont été intégrés, il ajoute qu’ il n’en reste pas moins vrai que la loi toute entière est faite pour maximiser l’impossibilité du retour des réfugiés.
En 2008 un amendement modifie cette loi sur la (son article 11) révocation de la citoyenneté en raison d’un abus de confiance ou de déloyauté : l’abus de confiance y est défini de façon très large et inclut par exemple le fait d’être naturalisé ou d’obtenir un statut de résident permanent dans l’un des 9 états arabes et musulmans listés par la loi et la bande de Gaza. Il autorise cette révocation sans besoin d’une condamnation pénale.
La loi sur la réunification familiale est autre loi profondément ségrégative qui révèle la volonté législative de maximiser l’impossibilité du retour des réfugiés ; elle interdit formellement la réunification d’un conjoint des territoires occupés avec un citoyen palestinien d’Israël. Une loi au départ votée pour une durée limitée à un an mais reconduite tous les ans : L’ amendement de 2007 élargit le champ d’application à la Syrie Liban Irak Iran. Si des autorisations très ponctuelles et partielles ont été accordées à des hommes de plus de 35 ans et des femmes de plus de 25 les conséquences ont été très dures pour des couples obligés de choisir entre l’illégalité et le déplacement. Les étrangers non juifs qui rejoignent leur conjoint israélien de partout ailleurs dans le monde ne sont pas concernés . Loi critiquée par le comité des droits humains des nations unies et le comité pour l’élimination de la discrimination raciale des nations unies en raison de son caractère discriminatoire et de son impact sur le droit à une vie familiale.
Appel a été formé deux fois contre cette loi devant la cour suprême, la 1er fois : la cour statue qu’il n’y a pas violation du droit à une vie familiale, parce qu’il n’y a pas obligation que cette vie familiale se déroule en Israël. Du coup la constitutionnalité de cette loi est établie. Le second appel a aussi été rejeté pour les mêmes raisons et de plus l’argument d’inégalité entre citoyens juifs et palestiniens, a été rejeté sous prétexte que la loi vise ceux qui épousent un ennemi (raison de sécurité) .
La distinction faite entre droit à une vie familiale et droit à une vie familiale « en Israël » renvoie à la loi sur l’immigration intrinsèquement reliée à la question de la souveraineté.
Lois d’appropriation de la terre : [7]
Les règlements de sécurité sous État d’urgence toujours actifs depuis 1945 :
autorisent un commandement militaire à déclarer une quelconque région de l’état fermée, et donc en interdisent l’entrée à quiconque. En pratique ces règlements appliquées uniquement aux villages palestiniens déracinés interdisent le retour des résidents chassés depuis 48 .
1950 la loi sur les absents définit les personnes chassées, ayant fui ou quitté le pays principalement à cause de la guerre, ainsi que leurs biens meubles et immeubles comme « absents » tous leurs biens sont placés sous le contrôle de l’état. cette loi fut le principal outil d’appropriation de la terre appartenant à des réfugiés internes ou externes. En effet les réfugiés chassés de leur village mais restés sur le territoire israélien furent expropriés aussi et ne purent récupérer leurs biens. Le terme légal utilisé les concernant était « présents-absents »
1953 : 2 Lois sur l’acquisition des terres et Jewish national found le fameux KKL
achèvent la dépossession massive de 1950 par ‘expropriation d’un million,3 dounam ( un dounam =1000m2) de 349 villes et villages, plus celle des zones bâties de 68 villages qui ne figuraient pas dans les ordres d’expropriation.
Le JNF/KKL organisation sioniste crée en 1901 collecte des fonds pour acheter de la terre au seul bénéfice du peuple juif. La loi de 1953 lui confère autorité gouvernementale, lui accorde des avantages financiers et exemptions de taxes pour l’acquisition de terres. Ce dispositif est complété par une loi de 1960 qui crée un organisme complémentaire ILA Israel Land Administration : organisme qui détermine entre autre la politique de la terre de l’État. Le gouvernement nomme ses membres. La moitié des sièges est pourvue par le gouvernement et l’autre par KKL ce qui garantit à cet organisme discriminant un rôle substantiel dans la politique israélienne de la terre. En 1960 aussi la loi fondamentale sur la terre vient préciser que la propriété des terres d’État ne peut en aucune manière être transférée. Ce qui garantit le maintien de leur caractère juif (via le KKL.)on parle aujourd’hui de 93 % des terres détenues par l’état et le KKL ( en Israel hors TOP donc réservées au peuple juif, contre 3 à 3,5 % appartenant encore aux Palestiniens.
1965 – le conseil national de planification et construction aura obligation d’ inclure sur demande de l’agence juive, des femmes, et des représentants des collectivités locales ( Yeshouv), obligation qui ne s’étend pas à des représentants Palestiniens..
une autre loi de 1965 interdit aux compagnies concernées de relier un bâtiment non autorisé à l’eau électricité téléphone, sous son apparente neutralité elle a servi essentiellement à déloger les résidents des villages palestiniens non reconnus.
1981 loi sur les terres publiques (éviction des squatters) : l’amendement de 2005de cette loi augmente les pouvoirs des agences de Israel land authority , en lui donant notamment la possibilité d’évacuer des terres par ordres administratifs. Cet amendement est utilisé principalement contre les Bédouins du Néguev.
2009 – la loi ILA -amendement 7 établit une vaste privatisation de terres, spécialement des terres possédées par des réfugiés palestiniens et déplacés de intérieur ainsi que des terres sur lesquelles sont construites des colonies dans Jérusalem Est et dans le Golan. Elle autorise des échanges de terre entre l’État et le JNF-KKL renforçant la nature discriminatoire de la loi fondamentale sur les terres d’Israël.
2010 – l’amendement No. 10 – extension de la loi d’acquisition des terres et de celle sur la propriété des absents ; il confirme la propriété par l’État des terres confisquées même lorsqu’elles n’ont pas été utilisées pour le but déclaré .l’État a le droit de ne pas utiliser les terres confisquées pour le but annoncé pendant 17 ans et les anciens propriétaires n’ont pas le droit de réclamer le retour de leur possessions non utilisées si elles ont été transférées à une partie tierce, ou si elles ont été confisquées depuis 25 ans , ce qui est un délai dépassé pour la plus grande part des terres et biens confisqués, et de larges parties de ces biens ont été transférés y compris au KKL. l’état peut prévoir de nouveaux objectifs à ces confiscations y compris la création et le développement de villes..
2010 – loi sur les Implantations individuelles (Neguev)
Ces implantations individuelles ont été l’outil de transmission à des familles juives exclusivement de centaines voire de milliers de dounam de terres pour leur usage exclusif , afin de maximiser la zone réservée exclusivement à la population juive. Dans le Néguev ces implantations ont servi à bloquer les demandes de développement des communautés arabes bédouines. Au nombre de 60 elles s’étirent sur 81000 dounams souvent sans permis et en contradiction avec les lois de planification.
l’amendement 4 de juillet 2010 a permis de reconnaître toutes ces implantations individuelles et confère à l’autorité de développement du Néguev la possibilité de leur attribuer d’autres terres dans le futur. Il accorde un statut à ces implantations et les dote officiellement de toutes les infrastructures, pendant que les villages non reconnus du Néguev se voient refuser un statut et vivent sans ces infrastructures élémentaires eau , électricité .. Leurs habitants sont entre 90 000 et 100 000 Bédouins palestiniens tous citoyens de l’État.
2011 – loi qui légalise les comités d’admission dans des centaines de petites villes communautaires qui se créent ou se développent en Galilée et dans le Néguev. La loi confère à ces comités toute latitude pour sélectionner les candidats qui recevront terres et unités constructibles. Ils doivent inclure un représentant de l’agence juive ou de l’organisation sioniste mondiale et servent à filtrer les candidatures arabes et autres groupes marginalisés ; « non appropriés à la vie sociale de la communauté » ou « au tissu social et culturel de la ville. » La loi les autorise par ailleurs à définir des critères en fonction de leurs « caractéristiques spéciales » incluant ceux qui se définissent comme « porteur d’ une vision sioniste ».
17 septembre 2014 l’appel de Adalah est rejeté par la cour suprême qui statue : nous ne pouvons décider à cette étape si la loi viole les droits constitutionnels..
Adalah écrit : la cour suprême valide la ségrégation raciale : 434 petites communautés en Israël représentant 43% de l’ensemble des zones résidentielles auront le droit de fermer leur porte aux citoyens arabes de l’état.
Selon les statistiques israéliennes de 2017 , il y a 928 localités définies comme juives et 132 arabes.
On aura donc vu ici comment les lois excluant les Palestiniens de la nationalité ou de la citoyenneté comme celles sur l’appropriation des terres les écartant de toute propriété possible ont été continues, depuis la création de l’État à nos jours. Il ne s’agit pas de discriminations mineures, ou « dans les faits » ou encore correspondant à une époque ancienne, où nécessité aurait fait loi , mais de discriminations majeures, légales continues et renforcées dans le temps, visant un groupe national précis et inscrites dans les lois de façon directe ou indirecte. Il n’est par exemple dit nulle part que les Palestiniens sont exclus de la terre, mais il est dit partout et de multiples façons que la terre nationale est la propriété du peuple juif.
Les lois récentes limitant la citoyenneté :
2011 la loi sur la Nakba limite les droits civiques et politiques des palestiniens elle autorise le ministre des finances de réduire les subventions ou le soutien aux institutions qui « rejettent l’existence d’Israël comme État juif et démocratique ,ou commémorent la journée d’indépendance d’Israël ou le jour de l’établissement de l’état comme un jour de deuil. »
Loi électorale
Un argument souvent entendu chez ceux qui classifient Israël comme une démocratie ( la seule du moyen orient !), est le rythme régulier d’élections libres et une transmission d’autorité pacifique, ils ajoutent en général que les palestiniens d’Israël ne peuvent se plaindre puisqu’ils peuvent participer à ces élections et être élus.
La loi fondamentale sur le Parlement de 1985 section 7 A impose cependant des limites à la participation politique. Cette section a systématiquement été utilisée pour interdire les partis palestiniens de participation aux élections. Ces tentatives souvent recalées (avec des décisions très partagées de la cour suprême) n’en révèlent pas moins un réel problème démocratique et la nature de la citoyenneté palestinienne d’Israël. La loi a été faite pour mettre fin aux hésitations de la cour suprême. Cette section 7A donne à la commission centrale des élections le pouvoir d’exclure la participation de toute liste « si ses objectifs et actions expressément ou implicitement incluent la négation de l’État d’Israël comme État du peuple juif , la négation de son caractère démocratique ou l’incitation au racisme » cette section amendée en 2002 combine les deux premiers éléments en un seul « la négation de l’existence de l’état d’israël comme état juif et démocratique » et ajoute « le soutien au conflit armé par un ennemi de l’État ou une organisation terroriste. En 2008 le parlement ajoute un amendement taillé sur mesure pour les candidats palestiniens : « un candidat ayant passé du temps dans un pays ennemi dans les 7 années précédant l’élection, sera présumé soutenir un combat armé contre Israël, sauf s’il prouve le contraire »
Enfin La loi votée en 2016 permet à une majorité de 90 députés de chasser un député pour les trois faits énumérés dans la section 7A .
L’état d’urgence permanent :
l’État a promulgué des dizaines de lois et ordonnances dans le cadre de l’état d’urgence en cours, déclaré par le Parlement en 1948 et reconduit tous les ans depuis. Cet état d’urgence permanent permet de déroger aux droits fondamentaux protégés par le droit international : quelques exemples de ce qu’il permet :
– L’ordonnance de prévention du terrorisme – 1948 énumère les infractions pénales dont : membre d’une organisation terroriste , soutien à une organisation terroriste, avec une définition très large de ce qu’est le terrorisme et très souvent utilisée contre les leaders politiques palestiniens . Or presque tous les partis politiques et un très large nombre d’associations des TOP sont désignés par Israël comme des organisations terroristes.
Un règlement d’urgence sur les voyages à l’étranger de 1948 interdit aux citoyens de voyager dans une liste d’États arabes ce qui affecte évidemment les citoyens arabes.
loi de 1979 sur la détention : donne le pouvoir à l’État de détenir des individus en détention administrative pour des périodes de 6 mois renouvelables indéfiniment.
la loi fondamentale « gouvernement » de 1992 permet à tous les ministères et au chef du gouvernement d’édicter des réglementations d’urgence dans l’intérêt de la sécurité de l’état, elle autorise le parlement et dans certain cas le gouvernement à déclarer l’état d’urgence.
La dernière loi fondamentale dite loi État-Nation [8] n’est pas une loi comme les autres, déclare Adalah dans son appel à la cour suprême, elle prétend déterminer l’identité constitutionnelle du régime. Elle inclut et précède les ordonnances constitutionnelles et lois fondamentales : elle détermine l’identité de la communauté politique qui constitue le lieu de la souveraineté.
Elle détermine ensuite les aspirations et la vision de cette communauté politique souveraine enfin elle détermine l’identité culturelle de cette communauté politique : langue religion et symboles. Nous avons vu que ces éléments ont été établis par des lois de 1948 et 1949, mais ce que souligne ici Adalah c’est que la loi fondamentale sur l’État nation est tout d’abord et surtout une loi fondamentale elle fait partie des lois qui forment la constitution israélienne, une « meta-loi » si l’on peut dire qui affectera toutes les autres lois.
Il manque des mots qui n’apparaissent pas dans cette loi : palestinien ou arabe- minorité – égalité. Dans toute constitution démocratique, rappelle Adalah, on définit qui est le peuple qui détient la souveraineté, c’est ce que l’on appelle le « principe du démos » cette loi dit qui sont les citoyens vivant sur le territoire et qui bénéficieront de droits égaux et détiennent la souveraineté. La plupart des constitutions modernes indiquent dans leur préambule une définition de la communauté politique qui inclut les différents groupes ethniques vivant sur le territoire. La constitution sud africaine par exemple qui indique que l’État est celui de tous ses habitants noirs et blancs est le modèle de ce type de constitution.
Cette loi ne définit pas qui est citoyen , ne fait aucune référence à la population arabe et dit c’est le peuple juif qui constitue le démos qui détient la souveraineté nationale.
Les normes de la loi internationale des droits humains reconnaissent la réalisation de l’autodétermination sous deux conditions : – égalité de traitement pour tous les citoyens et dans le cas de différents groupes ethniques – égale reconnaissance de leurs droits collectifs avec l’égalité civique. Cette autodétermination nationale garantit l’interdiction des discriminations entre les citoyens/ résidents et les différencie principalement des étrangers, ceux qui vivent à l’extérieur. La loi fondamentale délimite elle, les sphères internes et externes sur une base raciste et ethnique : l’égalité doit s’appliquer à tous les juifs qui constituent le peuple souverain, in et hors du territoire, et les non juifs sont exclus sans regard à leur affiliation territoriale, leur discrimination est donc justifiée. La loi ne mentionne pas le terme d’égalité. Les palestiniens sont donc par cette loi des étrangers dans leur propre patrie.
L’Article 7 promeut la judaïsation de l’espace « l’état considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». Cet article établit la discrimination individuelle et collective des Palestiniens en accord avec les espaces ethniques préalablement dessinés dans l’intérêt de la population juive et gérés par le principe raciste de « séparés mais non égaux » dans le logement, la terre et la citoyenneté , puisque selon les principes de la loi du retour et celle de la citoyenneté et naturalisation .
Cette loi articule ses intentions pour la réalisation de ses objectifs et transforme des pratiques illégitimes en expression de la loi, elle viole ainsi des interdits absolus du droit international en suspendant deux systèmes de lois perçus comme légitimes par le droit international :
le système légal domestique de l’État qui devrait être fondé sur l’égalité devant la loi, et
– le système du droit international humanitaire applicable aux territoires occupés qui interdit leur annexion , la discrimination envers leurs résidents et l’imposition de l’identité constitutionnelle de la puissance occupante sur les personnes protégées…
Cette loi fondamentale est l’expression d’un régime colonial qui impose une identité constitutionnelle de contrôle et suprématie juive sans consentement ni coopération, et dénie aux indigènes palestiniens citoyens et résidents toute connexion à leur patrie.
En conclusion
Il n’y a jamais eu de droits égaux entre citoyens Palestiniens d’Israël et Juifs israéliens dans la démocratie israélienne. Concevrait on une démocratie réservée aux seuls hommes dans notre société mixte ?
Alors je vous le demande à quelle définition de la démocratie peut correspondre un tel régime ? N’est-il pas temps de nommer ce régime pour ce qu’il est : un régime de séparation, un mishtar hafrada un régime d’apartheid ? Et par voie directe de conséquence pour tous les timorés des sanctions les gênés du désinvestissement, les intimidés du Boycott n’est-il pas temps de dire Stop ! et d’assumer le BDS comme seule réponse légitime de la société civile à ce régime qu’elle a déjà fait tomber ailleurs dans le monde ?
De plus Nous devrions tous faire attention à l’effet retour de l’exceptionnalité israélienne, qui se transforme progressivement en norme des soi disant démocraties occidentales, cet effet retour dont parle Aimé Césaire dans son discours sur le colonialisme « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à dé civiliserle colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viet-Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de 1’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. »
Ne voit-on pas aujourd’hui le lien entre le développement d’un Souverainisme identitaire partout en Europe et la dernière loi nation israélienne.
Entre la sordide comptabilité démographique israélienne et la théorie du grand remplacement qui avance en Europe . Entre le suprémacisme juif en Israël et le suprémacisme blanc d’Occident.
[1] « The Dynamics of Exclusionary Constitutionalism : Israel as a Jewish and democratic state » février 2017- Bloomsbury edition
[2] The Discriminatory Laws Database 25/09/2017 https://www.adalah.org/en/content/view/7771
[3] Cités n°47-48mars 2011 -3 Le sionisme, l’État d’Israël et le régime israélien
[4] Labor Zionism and the Arab Working Class, 1920–1929https://publishing.cdlib.org/ucpressebooks/view?docId=ft6b69p0hf&doc.view=content&chunk.id=s1.2.26
[5] Déclaration d’indépendance texte intégral : http://mfa.gov.il/MFA/MFAFR/MFA-Archive/Pages/La%20Declaration%20d-Independance%20d-Israel.aspx
[6] Extraits traduits et résumés de « dynamics of exclusionary constitutionalism » Mazen Masri chap 4 – The Citizenship Law : Exclusion and Elimination by Other Means
[7] Traduit et résumé à partir de la Base de donnée sur les lois discriminantes de Adalah
[8] Traduction résumée de Adalah position paper on nation state basic law : –https://www.adalah.org/uploads/uploads/Adalah%20Position%20Paper%20-%20Basic%paperon20Law%20Jewish%20Nation%20State%20-%20ENGLISH%20-%2015072018%20-%20FINAL.
La LICRA s’attaque à une association antiraciste !
La FASTI s’indigne du communiqué publié hier par la Licra appelant la Mairie de Paris à renoncer à financer notre projet d’accompagnement juridique de couturiers sans papiers du quartier de la Goutte d’Or. Nous regrettons que, face à cette pression extérieure, la Mairie de Paris ait décidé de reporter l’examen de la délibération.
La FASTI et le Mouvement des Asti sont présents sur le terrain, depuis plus de 50 ans, à travers de nombreuses actions de solidarité concrète avec les personnes étrangères : permanences juridiques, cours de français, accompagnement à la scolarité, groupes de discussions, mobilisations, actions de sensibilisation etc…
Aujourd’hui comme hier, ces actions s’inscrivent dans un positionnement résolument antiraciste, anticolonial, anticapitaliste et féministe. La FASTI a toujours lutté contre les politiques de l’Etat dès lors qu’elles organisent l’inégalité entre les personnes. La revendication d’égalité réelle entre toutes et tous est au fondement de la création de la FASTI et anime aujourd’hui encore les 57 associations et 2 000 bénévoles qui accueillent et accompagnent plus de 25 000 personnes étrangères chaque année.
Aux côtés du mouvement social associatif et syndical et des premier-e-s concerné-e-s, la FASTI est engagée au quotidien pour la solidarité, l’égalité réelle des droits entre tout-tes, la liberté de circulation et d’installation et contre les discriminations racistes.
Dans un contexte où les Etats ferment leurs frontières et leurs ports et laissent mourir les migrant-e-s en Méditerranée et aux frontières de l’Europe, que tout le monde s’alarme de la montée des nationalismes et de l’extrême droite, que des crimes policiers restent impunis, qu’une véritable chasse aux sans-papiers est organisée, que le colonialisme continue à faire des ravages dans les territoires d’Outre-Mer, en Palestine et ailleurs, la LICRA ne trouve rien de mieux à faire pour dépenser son énergie que de s’en prendre au combat de la FASTI.
Ce choix confirme que la LICRA a choisi son camp : certainement pas celui de l’antiracisme et encore moins de la liberté d’expression.
Le bureau fédéral de la FASTI
Voir en ligne : ce communiqué sur le site de la FASTI
Bureau fédéral de la FASTI