Légende et colonialisme : le roi david n’a pas existé, mais il est interdit de le dire
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : ArchivesContrôle socialEducationResistances
L’histoire est têtue
Aujourd’hui, les archéologues et les historiens sont arrivés à un consensus. L’épisode d’Abraham est légendaire. Les Hébreux ne sont pas arrivés de Mésopotamie, il n’y a pas la moindre trace d’un tel déplacement.
Les Hébreux ne sont ni rentrés ni sortis d’Égypte. Moïse et son berceau sur le Nil ou Joseph « ministre du pharaon », c’est une légende. Le Sinaï était alors une province égyptienne truffée de garnisons et le passage d’un peuple dans cette région aurait forcément laissé des traces. Or la première preuve historique de l’existence d’un peuple « d’Israël » est postérieure : c’est la stèle du pharaon Mérenptah (1207 av JC) qui parle d’un peuple vassal.
La conquête sanglante de Canaan par Josué n’a pas eu lieu. Les trompettes n’ont pas sonné à Jéricho. Les Hébreux sont un peuple autochtone et ils ne se sont pas conquis eux-mêmes. Dommage pour les colons qui affirment que « Dieu a donné cette terre au peuple juif » et qui veulent imiter contre les Palestiniens le nettoyage ethnique sanglant de Josué contre les « peuples impies ».
Le royaume unifié de David et Salomon n’a probablement jamais existé. À l’époque présumée de David et Salomon, Jérusalem était un petit village de l’âge de fer. Tant pis pour le « grand temple de Salomon » dont les collégiens de ma génération devaient apprendre le plan par cœur. Et tant pis pour la reine de Saba qui nous a fait rêver. Il y a bien une stèle postérieure de quelques siècles qui parle d’un roi David mais ce n’est pas celui de la Bible. Si celui-ci a existé, il avait un troupeau un peu plus grand que ceux des autres bergers. Les deux royaumes d’Israël (détruit par les Assyriens) et de Judée (détruit par les Babyloniens) ont une existence historique avérée. Avant, on est dans la légende.
Ces faits sont connus depuis longtemps. Dans « La Bible dévoilée » (2001), deux Israéliens (l’archéologue Israël Finkelstein et l’historien et archéologue Neil Asher Silberman) racontent l’évolution du savoir. Depuis, Shlomo Sand ou l’archéologue français Jean-Baptiste Humbert ont confirmé, voire amplifié le caractère légendaire du récit biblique. La Bible a largement été écrite pendant l’exil des Juifs à Babylone au VIe siècle avant JC.
Une tentative pitoyable
Pour les autorités israéliennes, ce savoir historique fait désordre. Nétanyahou est souvent affublé par ses partisans du sobriquet de « roi d’Israël » ressuscitant le prétendu royaume unifié de l’Antiquité. Les principaux rites et les principales fêtes juives sont liés à l’épisode égyptien et à l’esclavage dont les Juifs se seraient libérés. Et le roi David est censé avoir combattu les Philistins qui ont donné leur nom à la Palestine. La référence à l’ennemi héréditaire est un enjeu.
Du coup, les autorités israéliennes ont multiplié les fouilles pour prouver que les archéologues s’étaient trompés. Hélas, l’histoire est têtue. Tout ce qu’on avait attribué à Salomon et David est soit antérieur (les ruines de Megiddo), soit postérieur (les ruines d’Hatzor), soit n’a rien à voir avec les rois légendaires (les mines dites « du roi Salomon » sont clairement égyptiennes). Quant aux fouilles menées à coup de tunnels sous l’esplanade des mosquées au risque de provoquer une révolte généralisée, elles n’ont rien donné.
Grande histoire et petite histoire
Dans les universités israéliennes, il y a deux départements d’histoire. Il y a l’histoire classique, celle qui produit des articles et des thèses. Dans ce département, un étudiant qui voudrait faire une thèse sur l’historicité de David et Salomon serait traité comme un charlatan, un peu comme un étudiant français qui voudrait faire une thèse sur le créationnisme.
Mais il y a aussi un département « d’histoire juive ». C’est ce département qui fabrique les programmes et qui définit le « roman national » sioniste. Dans ce département, le récit biblique est sacré. Parfois, il faut même broder autour de ce récit. Les autorités israéliennes ont donc décidé que le roi David avait vécu à Silwan.
Nettoyage ethnique biblique
Silwan, c’est un des quartiers qui a été incorporé dans Jérusalem Est, en contrebas de la vieille ville. Il y a 50 000 habitants. Depuis des années, les colons envahissent ce quartier, réquisitionnant des maisons et expulsant les habitants. Le gouvernement israélien travaille avec l’association de colons « Ateret Cohanim » pour faciliter le nettoyage ethnique en cours.
Il y a une tente de la solidarité au centre du quartier. Les habitants s’organisent, racontent les incursions des colons et de l’armée. Les écoliers disent que, quand ils rentrent de l’école, ils ne sont pas sûrs que leur maison ne soit pas occupée. Il y a déjà 2800 colons installés dans le quartier.
« Justification » des autorités coloniales : elles construisent à Silwan le musée du roi David, la maison du roi David et surtout le Parc du roi David. C’est connu, ce brave roi était un précurseur de l’écologie.
Comme la vieille ville de Jérusalem est appelée par les Israéliens « cité du roi David », comme il y a déjà un « parc national » du roi David, comme on peut bien sûr visiter le « tombeau du roi David » sur le mont Sion à Jérusalem Est, le tour est joué. Les autochtones n’ont plus qu’à déménager.
http://www.ujfp.org/spip.php?article6152
Heureusement que l’UJFP est là pour nous apprendre que Dieu n’a pas créé le monde en six jours
mort à TOUS les états, à toutes les légendes et mythes (à toutes les religions donc)
On ne sortira pas de la fuite en avant criminelle de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens sans une forme de rupture avec le sionisme. Depuis quelques années, une critique radicale émanant de diverses personnalités israéliennes s’attaque à cette idéologie. En effet en Israël, l’éducation, l’histoire, la loi, la propriété, la façon de penser, l’air qu’on respire, sont sionistes. Il est interdit de douter. Et pourtant, certain-e-s s’échappent. Ils/elles sont journalistes, écrivain-e-s, cinéastes ou historien-ne-s. Ils/elles ont parfois fait de la politique dans les partis de gauche avant de rompre. Ils/elles passent une partie de leur temps à l’étranger comme 15% de la population. Ils/elles s’appellent Amira Hass, Michel Warschawski, Ilan Pappé, Nurit Peled, Gideon Levy, Avi Mograbi, Idith Zertal … Deux livres très différents sont sortis en 2008. Ce sont « Vaincre Hitler » d’Avraham Burg et « Comment le peuple juif fut inventé » de Shlomo Sand (l’un et l’autre édités par Fayard). Deux livres très différents mais indispensables pour comprendre et donc pour combattre l’oppression.
Une critique radicale venue de l’intérieur.
Avraham Burg n’est pas « l’un des nôtres », ce qui a parfois indisposé des militant-e-s engagée-e-s pour la Palestine. Il est un pur produit de l’establishment sioniste. Son père, Yossef Burg, a été le représentant du principal parti religieux dans divers gouvernements israéliens de 1951 à 1986. Il fut un des deux ministres opposés à la pendaison d’Eichmann. C’est plus tard que le Parti National Religieux est devenu un parti d’extrême droite, fer de lance des colons fanatiques. Avraham a grandi dans l’univers protégé des enfants de dirigeants. Il a été un des politiciens en vue du parti travailliste, président de l’agence Juive et président de la Knesset (le Parlement israélien). Dans le monde sioniste, les ruptures, partielles ou totales viennent souvent d’en haut à l’image de Nahum Goldman ou Théo Klein (qui ont dirigé le Congrès Juif Mondial pour l’un et le CRIF pour l’autre). Burg a brusquement rompu. Il a quitté toutes ses fonctions officielles. Il a redécouvert le judaïsme combattant pour l’émancipation. Il songe aujourd’hui à créer un grand parti de gauche qui déborde le parti travailliste et le marginalise. Expérience probablement vouée à l’échec vu l’état de la société israélienne.
Le livre de Burg fourmille de « perles » révélatrices de l’état d’esprit sinistre et cynique des dirigeants sionistes. Ainsi Abba Eban qui fut pendant des années le ministre des affaires étrangères (et devint une « colombe » à la fin de sa vie) a déclaré en réponse à une question de l’ONU après la guerre de 1967 qu’il était hors de question qu’Israël retourne aux « frontières d’Auschwitz » (la ligne verte de 1949). Ainsi quand les troupes de Sadate attaquent sur le canal de Suez en 1973, Moshé Dayan compare cette attaque à « une destruction du troisième temple ». Quand l’armée Israélienne attaque l’OLP à Beyrouth en 1982, Menachem Begin déclare : « j’ai eu le sentiment d’attaquer le bunker d’Hitler ». Le même Begin dira que l’alternative à l’invasion du Liban, c’est Treblinka. Ehud Barak est tout aussi pitoyable quand il affirme lors de l’anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie : « les soldats israéliens sont arrivés 50 ans trop tard ».
Burg dissèque la mentalité israélienne qui produit l’occupation et la négation de l’autre : « Israël est tombé dans le piège du destin. Nous sommes les bons et eux les ennemis ultimes. Plus l’adversaire est méchant, plus nous sommes bons ». Il décrit la dérive raciste de sa société où les graffitis : « mort aux Arabes » ou « Pas d’Arabes, pas d’attentats » pullulent en toute impunité. Face à la propagande incessante qui assimile les « Arabes » aux Nazis, Burg s’interroge au contraire sur l’ancienne victime devenue bourreau : « sommes-nous totalement happés par cette effroyable ressemblance avec nos bourreaux ? » […]
la suite :
http://amis-alrowwad.org/Quand-des-Israeliens-demontent-le
David et Goliath ou le mythe historique inversé
epuis l’origine de son entreprise de colonisation, il y a à peu près un siècle, le mouvement sioniste, et l’Etat d’Israël par la suite, s’est vu comme une minorité persécutée et faible, aspirant à se faire une place au soleil. Brandissant la Bible comme droit de propriété et portant en bandoulière le terrible capital de souffrance des pogroms et des massacres nazis, le projet sioniste a réussi au-delà de tout pronostic : il a fondé un « petit Etat juif » au cœur et aux dépens d’une population arabe infiniment supérieure en nombre.
De nos jours, les historiens savent que, dès la guerre de 1948, le rapport des forces militaires penchait déjà en faveur du jeune Etat, bien au-delà de la représentation que s’en firent les premiers Israéliens. Lors des trois guerres suivantes : 1956, 1967 et 1973, la puissance des forces armées israéliennes s’était encore notablement accrue et, à l’aide d’armements fournis par la France puis par les Etats-Unis, elle s’imposa face aux forces arabes qui lui étaient opposées. Toutefois, depuis la guerre de Kippour, en 1973, l’armée israélienne n’est manifestement plus confrontée à une menace militaire sérieuse ; et de même, depuis lors, l’existence d’Israël ne s’est plus trouvée en danger. Les pilotes de l’armée israélienne ont cessé, depuis longtemps, d’accomplir des missions de combat ; à l’instar de la majorité des soldats, ils effectuent essentiellement des tâches de police. Force est de reconnaître que les principales missions dévolues à l’armée d’Israël, dotée des armes américaines les plus sophistiquées (chasseurs-bombardiers, drones, fusées guidées, tanks, gilets pare balles…) consistent à réprimer la population des territoires occupés qui de temps à autre tente, de façon désespérée et violente, de se révolter contre son triste sort. […]
Shlomo Sand
https://www.monde-diplomatique.fr/2009/02/SAND/16841
de nombreux commentaires de trollage ont été retirés (hier) et
leurs réponses (don’t feed the trolls). la suite des commentaires sera modérée à priori