Blanquer attaque la fédération sud éducation à l’assemblée nationale
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Le ministre de l’éducation nationale s’est exprimé devant l’Assemblée nationale ce mardi 21 novembre. Il y a notamment dénoncé que la fédération SUD éducation ne se soit pas désolidarisée de SUD éducation 93. La fédération SUD éducation tient à faire une mise au point sur un certain nombre de contresens opérés par le ministre à cette occasion.
Contre le racisme d’État
Nous avons pris connaissance de l’intention de M. Blanquer de porter plainte pour diffamation contre le syndicat SUD éducation 93 au motif que celui-ci utilise le terme de “racisme d’État”. Si le ministre veut attaquer en justice toutes les organisations qui utilisent ce terme, la fédération SUD éducation en fait partie. En effet, son dernier congrès, en 2015, s’est donné parmi ses objectifs de combattre le racisme d’État, outil de division des travailleurs et des travailleuses. [1]
Cette expression fait débat, car pour certain-e-s elle renvoie à des systèmes racistes officiels tels que le régime de Vichy ou les États d’apartheid. La législation française ne correspond effectivement pas à ces critères, puisque dans la loi l’égalité de toutes et tous est formellement proclamée et les actes et propos racistes sont interdits.
Ce que notre congrès dénonçait c’est « un système inégalitaire et le “deux poids deux mesures” », un ensemble de politiques institutionnelles, qui font système, et qui permet d’affirmer que l’État dans lequel nous vivons est bien, dans les faits, raciste, au sens où il reproduit, poursuit et aggrave des situations de discriminations racistes, directes et indirectes. Ainsi, le rapport au premier ministre de juin 2016 « Les discriminations dans l’accès à l’emploi public », établit l’existence de discriminations fondées sur les origines ou sur les lieux d’habitation dans l’accès aux emplois publics. [2] La Cour de cassation a condamné l’État pour les contrôles au faciès. Les discriminations dans l’accès au logement sont établies. Etc.
“Racisé-e” = “victime du racisme”
Le terme “racisé” est dénoncé par Jean-Michel Blanquer comme impliquant une vision raciste de la société, alors que c’est exactement l’inverse. Ce terme lui aussi fait débat, mais c’est un terme désormais en usage installé dans les sciences sociales. Il désigne le processus social qui attribue une race à certaines personnes, et qui les discrimine sur cette base.
Affirmer qu’il y a des personnes racisées, ce n’est en rien affirmer l’existence réelle de races, c’est uniquement reconnaître, pour la dénoncer, l’existence d’un racisme systémique (c’est à dire d’un racisme qui ne se résume pas à des actes individuels). “Racisé” signifie en résumé : “victime du racisme”. C’est en ce sens qu’il a été utilisé dans deux textes adoptés par notre dernier congrès fédéral.
La non-mixité est un outil
Le stage de SUD éducation 93 n’est interdit à personne. Il propose deux temps “non-mixtes”, pour permettre aux personnes qui subissent le racisme de se regrouper.
Cet outil de la non-mixité choisie a été mis en œuvre et explicité par la génération fondatrice du Mouvement de Libération des Femmes. Dans des écoles nordiques, les espaces de jeux sont investis en non-mixité. En France, certain-e-s enseignant-e-s mettent en place des moments de non-mixité choisie (certains cours d’EPS, interventions d’éducation sexuelle…).
Ce qui vaut pour le sexisme vaut également pour le racisme. La non-mixité choisie a également été utilisée dans le mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis d’Amérique.
La non-mixité choisie et temporaire est une stratégie de résistance politique à des dominations structurelles telles que le racisme ou le sexisme. Elle libère la parole, la sécurise, permet une mise en confiance. Elle donne de la force pour affronter les situations de discriminations et les stéréotypes. [3]
Le ministère contre les discriminations ? Chiche !
Nous nous réjouissons de voir que M. Blanquer saisit à bras le corps la lutte contre les discriminations. Nous espérons donc que les contrôles policiers au faciès pendant les sorties scolaires, les refus de scolarisation d’enfants migrants, les inégalités de progression de carrière entre femmes et hommes dans l’éducation nationale comme ailleurs cesseront au plus vite et que plus un-e seul-e de nos élèves ne dormira à l’hôtel ou dans la rue.
Nous sommes dans l’attente d’actions concrètes pour lutter contre les inégalités territoriales, pour garantir l’égalité du droit à l’éducation, avec une carte élargie de l’éducation prioritaire (incluant les lycées) et un label sur des critères nationaux et transparents, des moyens pérennes et des droits pour tou-te-s, des postes et des seuils d’effectifs contraignants, permettant la réduction des effectifs par classe.
Enfin, nous constatons que le ministère qui devait recevoir la fédération SUD éducation le mardi 21 novembre a annulé deux heures avant ce rendez-vous prévu de longue date préférant le même jour communiquer par médias interposés. Notre fédération comptait y porter des sujets sur lesquels les personnels attendent des réponses et notamment questionner la DGRH sur la réforme du bac et de l’orientation post-bac, l’annualisation des CUI et reclassement des stagiaires, le reclassement des agents dans les nouveaux échelons PPCR et la mise en oeuvre ou non du protocole, la pénurie de médecins de prévention, les atteintes au secret médical, la reconnaissance des accidents du travail, les nouvelles modalités d’évaluation des personnels. Y répondre n’était manifestement pas la priorité du jour.
De la maternelle à l’université, SUD éducation continuera à porter en toute autonomie ses revendications pour les personnels et le service public.
Contre le libéralisme, contre toutes les discriminations, contre toutes les inégalités. Pour une autre société, une autre école : publique, gratuite, laïque, égalitaire et émancipatrice.
[1] Cf. la partie “II.1.3. Contre les réactionnaires : organiser la contre-attaque” du texte du congrès de la fédération SUD éducation : www.sudeducation.org/Pour-une-remobilisation-du-monde.html
[2] www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/Espace_Presse/girardin/Rapport_LHorty_final.pdf
[3] Cf. le texte adopté par le Conseil fédéral de SUD éducation : « Mixité / Non mixité, quels outils de lutte ? » www.sudeducation.org/Mixite-Non-mixite-quels-outils-de.html
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