Il était une fois dans l’ouest
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : BacPoliceRépression
Lieux : Rennes
PROLOGUE
Pour nous qui assistons régulièrement au procès des manifestants et des cohortes de ceux que les magistrats appellent les « droits communs », le fait de voir le chef des BAC rennaises (BAC de nuit et BAC de jour) sur le banc des accusés est forcément quelque chose d’assez spécial, d’autant que la police locale a été très peu mise en cause ces dix dernières années selon les dires de plusieurs pénalistes habitués de la chambre correctionnelle de Rennes.
L’évènement est d’autant plus marquant qu’il s’agit d’une véritable figure locale de la rue, « Philippe » ou « Fifi » étant connu aussi bien des manifestants que des jeunes des ZUP de Rennes pour ses méthodes, son attitude et son style vestimentaire, situés à mi-chemin entre l’homme de main de Tony Soprano et Tchéky Karyo dans Doberman.
C’est un taulier très influent de la police : il cumule 30 ans de carrière chez les forces de l’ordre où il arrive à Rennes au début des années 90 (dans la période de formation de la BAC), il fera partie de différents services dont le RAID (le GIPN à l’époque, avec lequel il effectuera des missions à la fin des années 2000 au Liban et sera décoré). Mais surtout, il est le formateur au tir et aux techniques d’interpellation de tous les flics de Rennes depuis 1996, et finira par prendre la direction des équipes BAC de jour et de nuit en 2014.
Son avocat, maître Birrien, percepteur officiel des forces de l’ordre dans la collecte des parties-civiles et avocat de militants d’extrême-droite à ses heures perdues, se retrouve pour le coup du côté de la défense, là où il déchaîne habituellement ses charges contre la « haine anti-flic »…
La juge qui préside l’audience est celle-là même qui a condamné les cinq camarades pour l’affaire du motard quelques semaines plus tôt, et le parquet est représenté par le procureur de la République lui-même, Nicolas Jacquet, signe de l’importance que revêt l’affaire pour le pouvoir judiciaire.
Si aucun communiqué de syndicat policier n’a à priori été publié (ce qui indique peut-être aussi le degré de puanteur du dossier), un groupe important d’officiers de police en civil est présent dans la salle : les bacqueux évidemment (visiblement très tendus), mais aussi les responsables de différents services comme le chef de la Compagnie Départementale d’Intervention, des pontes de la brigade des Stupéfiants, de la BRI, quelques procureurs…
De l’autre côté de ce rassemblement de tous les cowboys de la ville, quelques indiens (notamment des camarades syndiqués) entourent le jeune qui a subi la « fois de trop » des pratiques de Philippe Jouan et de la BAC de Rennes.
Les vautours de Ouest-France, Samuel Nohra en tête, attendent patiemment dans leur recoin pour se partager les restes.
Les regards se croisent, s’épient, la tension est palpable dans la salle.
Tous les ingrédients sont réunis pour assister à ce qui sera moins un polar noir qu’un mauvais western dans le plus pur style de la police rennaise…
LE BON, LA BRUTE ET LE TRUAND
Toute cette histoire remonte au vendredi 5 mai dernier, le lendemain d’une manifestation « Ni Le Pen Ni Macron » dans les rues de Rennes pendant laquelle plusieurs camarades seront placés en GAV illégalement. Dans le quartier de Sarah Bernhardt une patrouille de bacqueux rôde et décide de procéder à un contrôle d’identité sur plusieurs individus, il est question d’une transaction de stupéfiants…
De retour au commissariat central, le sheriff Fifi et sa bande ont ramené dans leur panier un jeune que nous nommerons Sony. Ce dernier est placé en garde-à-vue et en ressort avec une convocation au tribunal pour rebellion, possession de stupéfiants et violences sur agent dépositaire de l’autorité publique. Il ressort également avec une blessure au visage et gratifié d’une poursuite au civil en la personne du major Fifi, la charge de violences sur agent s’accompagnant le plus souvent d’une plainte par le policier histoire de récupérer des dommages et intérêts sur le dos des accusés (et c’est là qu’entre en scène généralement l’avocat des flics maître Birrien).
Jusque-là rien de bien surprenant, une affaire somme tout banale comme on en voit régulièrement passer au tribunal. Les procès se fondent sur les déclarations des policiers à travers leurs procès-verbaux, les défenses reposent alors sur la personnalité de l’accusé ou dans les meilleurs des cas sur des failles dans les procédures…
Dans l’affaire de l’interpellation de Sony à Sarah Bernhardt, ce sont des incohérences grossières dans les procédures qui vont éveiller l’attention de l’institution, à tel point que le procureur de la République va lancer une enquête préliminaire qui va conduire à la saisie d’enregistrements de vidéo surveillance et à plusieurs auditions de témoins.
L’enquête dévoile rapidement des failles béantes dans la version des flics, à cela s’ajoute la plainte au civil de Sony qui s’appuie sur les constatations d’un médecin.
Le procureur découvre les conclusions de l’IGPN : un interpellé blessé, une vidéo et des témoins qui accablent le Major Fifi, des falsifications grossières d’un procés-verbal et d’une main courante pour appuyer la version du chef de la BAC… L’institution doit réagir pour se protéger, le Major Fifi, après avoir été auditionné par l’IGPN, reçoit sa convocation au tribunal. Le ministère public l’accuse de violences, de faux en écriture et de dénonciation calomnieuse. Le Major se retrouve sur le banc des accusés, et celui contre qui il avait porté plainte se retrouve dans son rôle de partie-civile, le monde à l’envers…
Tout au long du procès, chacun des acteurs de ce spectacle va dresser un portrait différent du Major Fifi. Pour la défense c’est un bon flic, pour la parti-civile une brute et pour le ministère public c’est le symbole du truand qui a falsifié des documents officiels et qui a rompu le lien de confiance entre la police et la justice.
L’élément déterminant qui a permit la tenue de ce procès est la vidéo de surveillance du bar PMU de Sarah Bernhardt.
Un justicier dans la ville :
La scène du bar nous rappelle celle d’un épisode de série. Sony entre le premier dans le saloon, il se précipite pour chercher un refuge au fond de la pièce matant derrière lui son poursuivant. Le sheriff fait son entrée, revêtu d’une superbe chemise à carreau. Sony parait, selon les témoins, effrayé – normal quand on est une « mûle » – affirme devant la juge le sheriff Fifi. A l’inverse de Sony, il parait calme, serein, il avance en marchant focalisé sur sa proie qu’il sait prise au piège. Il ne semble pas prêter attention aux autres personnes dans la salle, il parait habitué du lieu. Sony se retrouve dos au mur, derrière une table pour se protéger, en vain. On le voit ensuite tomber au sol alors que Fifi est à son contact, Sony est assis quand son agresseur lui assène un coup de genou en plein visage.
La vidéo est nette, Sony est soumis et vulnérable, il ne donne aucun coup pouvant justifier une telle réaction.
De toute façon, et il en sera débattu au cours du procès, rien dans la formation que reçoivent les fonctionnaires de police ne peut justifier un coup au visage. Le procureur s’est entretenu avec un expert des techniques d’interpellation et verse au dossier un manuel de méthodologie des gestes pour neutraliser un individu.
La juge quant à elle fait la distinction entre résistance active et passive. Sony n’était pas violent, il n’adresse aucun coup au Major, il refuse simplement de se laisser embarquer, il est donc en résistance passive.
« je lui met un coup de genou juste pour le désorienter, pas pour lui nuire, mais il résiste » déclare Fifi à la juge.
Les témoins du bar, cité par l’IGPN, déclarent que « la victime est paniqué et recroquevillé« , un autre dit « qu’il avait peur« .
Une seconde vidéo prise d’un autre angle, qui sera diffusée pour répondre à la défense du Major, nous révèle l’environnement proche d’eux. La défense repose sur « l’hostilité » des gens du bar PMU, une hostilité qui justifierait la violence exercée contre Sony par le bacqueux au nom d’une supposée situation d’urgence.
« je dois l’exfiltrer, je suis tout seul, des gens me disent de le lâcher... » se justifie t-il.
On peut observer cinq personnes, à plusieurs mètres d’eux, ils sont passifs, certains ont les mains dans les poches. Après le coup de genou l’un d’eux se rapproche pour protester, c’est une personne âgée qui se fait vite repousser d’un coup de bras du sheriff au premier pas dans sa direction…
Fifi effectue un étranglement autour de sa proie et se dirige vers la sortie alors qu’au même moment son collègue le rejoint dans le bar.
Rien sur la vidéo ne permet d’affirmer une quelconque menace représentrée par les gens présents sur la scène. La défense argumentera que nous ne disposons pas de l’audio pour appréhender dans toute sa mesure le climat d’hostilité qui règne dans ce lieu.
Voilà pour la partie visible des faits, à l’exterieur du saloon le sheriff affirmera que Sony a tenté de fuir, lui aurait en même temps assené un coup de pied qu’il aurait vaillament repoussé du bras (il en aurait gardé un hématome preuve d’une blessure dans l’exercice de ses fonctions). Il affirme ensuite que Sony se serait jeté sur un réverbère…ce dernier prétend au contraire que c’est le Major qui l’y aurait poussé…
Fifi sait bien que sa version des faits à l’exterieur ne peut pas être remise en doute par la vidéo, les procès-verbaux sont les seuls éléments qui établissent LA vérité, une vérité déjà remise en cause dans cette affaire par les incohérences et les mensonges flagrants des flics.
Deux associés et une cloche :
Après la mise à mal de la version officielle de la scène du bar par la preuve vidéo, c’est au tour de la procédure administrative, qui répond à l’accusation de faux en écriture publique, d’être battue en brêche. Le flic de terrain laisse alors la place au flic de bureau.
Le sheriff rentre au commissariat avec son jeune interpellé sous le bras. Comme après toute arrestation, l’agent qui y a procédé doit remplir un Procès-Verbal d’interpellation. Selon ses dires, il aurait été incapable d’écrire lui même ce PV, la faute en incomberait à sa blessure au bras qui l’empêche de taper au clavier et même de le signer ! Qu’à cela ne tienne, un collègue OPJ lui prête main forte, il écrit sur sa dictée et utilise son propre nom pour constater la version. Mais alors pourquoi avoir utilisé le nom de son collègue sur le PV, le mélant ainsi à l’affaire alors qu’il n’était même pas présent dans les faits ?
Un procès-verbal écrit à chaud qui, confronté à la vidéo du bar et aux témoins, révèlera que tout n’est qu’affabulation. Il relate dans ses écrits, ou plutot dans ceux de son associé OPJ, avoir reçu des coups de la part de Sony à l’intérieur et à l’extérieur du bar. S’il explique en substance que le premier réflexe du jeune homme a été de « se jeter contre un mur » (un phénomène comportemental manifestement fréquent au contact de la BAC) il ne fait en revanche aucune mention de son coup de genou destiné à « désorienter » l’interpellé…
Devant la juge il se justifiera d’avoir « fait au plus court » l’écriture du PV, d’avoir fait « un package » ou « un canevas » des évènements pour rentrer plus vite à la maison se reposer…
Il justifie « sa précipitation » par la fatigue et par sa position hierarchique. En temps normal il ne procède pas aux interpellations, il ne fait que « manager » son équipe de terrain donc il n’a pas à rédiger les PV d’interpellations.
« je n’ai pas l’habitude de taper » déclare l’accusé, provoquant quelques crises de rire dans la salle…
Le deuxième associé, c’est son collègue bacqueux qui est venu le soutenir et l’a « aidé » à sortir du bar. Ce dernier n’a pas assisté aux coups dans le PMU, ni à l’extérieur d’ailleurs, le Major dira même de lui sur un ton amer qu’il ne devait pas être présent ce jour-là si ce n’est pas raconté dans son PV.
En effet, dans le procès-verbal du subordonné de Fifi, aucune mention n’est faite de violence que ce soit de l’un ou de l’autre, avec un rapport en complète contradiction avec celui de son supérieur. Il était tard ce soir là, ils n’ont probablement pas eu le temps de se concerter…
L’ironie du sort veut que cet agent de la BAC ne soit autre que Jérémie Falaschi, le même qui a procédé à l’interpellation le 27 avril dernier d’un manifestant accusé de jet de projectile. C’est celui là même que des témoins de la scène décriront comme faisant partie du groupe de policiers aperçu en train de mettre des pierres dans les poches de ce manifestant lors de son interpellation. Des déclarations sous serment qui leur vaudront d’être menottées en plein tribunal et d’être conduites devant un juge d’instruction pour faux témoignages [1] avant d’être relachées faute d’éléments probants…
Fifi le cochon truffier :
Le flagrant délit de transaction de stupéfiant n’est pas non plus mentionné dans les PV. Or pour justifier d’un contrôle d’identité il doit soit être question d’un flagrant délit ou bien d’une autorisation du procureur de procéder à des contrôles en liant un périmètre donné avec des types d’infractions.
La juge relèvera également que devant l’IGPN aucune mention n’est faite d’un quelconque flagrant délit…
Le Major finit par admettre qu’il n’a pas vu le flag de ses yeux, mais qu’il l’a senti et qu’il l’a supposé !
Son avocat insiste plus tard sur ce point : « avoir du flair ça fait parti du métier de policier« , « il y a les choses que l’on voit et celles que l’on sent« …
Pour quelques dollars de plus :
La troisième charge retenue par le ministère public contre le sheriff est celle de la dénonciation calomnieuse, c’est-à-dire la tentative de poursuivre Sony pour violences. Après son interpellation musclée, Fifi a déposé une plainte au civil, justifiée selon lui par un coup de pied qu’il aurait réussi à parer du bras laissant un hématome comme preuve de la violence de l’interpellé.
Mais voilà il n’est pas fait mention de ce coup dans les déclarations de son collègue qui était présent au moment des faits que décrit le Major dans le PV d’interpellation.
Cela semble tellement devenu un automatisme dans les méthodes des flics, se porter systématiquement partie-civile et confondre résistance passive et active. Attirant quand on peut arrondir ses fins de mois au tribunal, on tabasse et on rackette ensuite en se faisant passer pour une victime.
À la barre, Sony partage sa conversation avec le chef de la BAC dans la voiture en route pour le commissariat :
« il a dit dans la voiture qu’il avait du sang sur le bras et qu’il devait porter plainte« .
Puis son échange avec un OPJ en garde-à-vue :
« Quand j’étais en GAV, on m’a dis que j’irai en prison pour violences sur agent« .
L’OPJ lui dira même qu’il a de « la chance d’être tombé sur un moins bon flic » (la juge surprise le reprend sur cette déclaration)…Un vrai bon flic n’aurait pas tabassé un type devant caméras et témoins et n’aurait pas bâclé les formalités administratives.
La juge pressionera Fifi à plusieurs reprises, vidéo à l’appui, afin qu’il reconnaisse qu’il a produit un faux en écriture et qu’il n’a pas été violenté dans le bar contrairement à ce qu’il avait écrit dans le PV. Plus étonnant encore, quand la juge le cuisine, Fifi s’embrouille, il varie d’une déclaration à l’autre quand il s’agit des faits à l’extérieur du bar. L’absence de vidéo lui permet d’entretenir encore une version sur la violence exercée par Sony dans sa tentative de fuite, mais il se ridiculise dans ses réponses.
Quand il se sent bousculé dans les échanges avec la juge il se réfugie en permanence dans la faute professionnelle.
A ses yeux, ce n’est qu’une faute procédurale, quand la juge lui demande comment il agirai si la scène devait se reproduire il répond : « je referai la même chose à froid« .
Et quand elle soulève le risque d’incarcération qui pesait sur Sony pour les faits de violences sur agent si il n’y avait pas eu de vidéo de la scène il lance sur le ton du défi : « mais vous pensez qu’il serait allé à Vezin ?«
Sony conclu :
« c’est pas simple d’être ici […] je suis ici parce que je sais qu’il y avait des caméras et des témoins. »
ANALYSE
QU’EST CE QU’IL SE JOUAIT A LA COUR CORRECTIONNELLE CE JOUR LA ?
Avec un peu de recul, il y a quelques éléments inattendus qui sautent aux yeux dans cette audience un peu grotesque, où le chef de la BAC de Rennes se fera malmener pendant près d’une heure par une juge qui mettra méthodiquement en pièce le bricolage administratif monté pour faire disparaître un coup de genou. Ce dernier, bien que totalement gratuit, reste cependant assez anodin au regard des méthodes souvent beaucoup plus graves et scandaleuses de Philippe et sa meute de brutes sadiques qui écument les manifs et les ZUP de Rennes (meurtre de Babacar, loi Travail, Bagelstein, manifs du soir du premier tour, affaires des témoins…).
Et au delà de ça, qu’est ce qui fait qu’un type censé former la quasi-totalité des flics rennais en arrive à se faire prendre comme un débutant aux ficelles grossières ?
Comment un vieux briscard de la répression, habitué à envoyer des bataillons d’inculpés à la barre et à gratter systématiquement des parties civiles, peut être amené à bafouiller une défense aussi misérable devant des juges, des procureurs et des avocats au ton incroyablement infantilisant ?
La BAC, plus qu’une police, un rapport social quotidien
Ce qui nous semble assez clair, c’est que la distance professionnelle, politique, et même linguistique qui séparait Philippe Jouan des magistrats, s’explique fondamentalement par le fait que la BAC rennaise (dont il est la caricature absolue) est une pure police de proximité.
Pour Philippe Jouan, le quartier de Sarah Bernardt, c’est son terrain de chasse, un territoire où tout le monde le connaît tellement bien qu’il n’a même plus besoin d’exhiber son brassard pour se faire identifier par la population (même la juge le concèdera, envoyant aux oubliettes la requêtes de l’avocate à ce sujet).
Le saloon-PMU est un de ces lieux sur lesquels il veille personnellement, en témoigne ses rapports étroits avec le gérant à qui il a donné son téléphone portable individuel, en lui demandant de fermer un des accès pour que les dealers ne puissent pas prendre la fuite lorsqu’ils voient Fifi et sa bande débouler.
Le jeune Sony, qui est arrivé sur Rennes en décembre 2016, fait figure d’étranger, c’est le Kid qui débarque en ville. Vite repéré par un shérif qui tient les murs, celui ci va en quelques mois se charger de lui mettre deux énormes coups de pression, moins pour mener des poursuites judiciaires que pour lui faire rentrer dans le crâne les règles de la rue à grands coups de genou en plein visage.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette violence n’est pas destinée à faire déguerpir de la ville les « nouvelles têtes« , elle s’inscrit dans la construction d’une relation de soumission quotidienne, marquée par les coups de pression physiques sur les corps, mais également par la construction d’une relation de familiarité, d’une connivence qui mêle la terreur et le paternalisme : Sony relate ainsi comment Philippe, après lui avoir infligé une raclée de rigueur, lui a confié qu’il « l’aimait bien« , et « qu’il trouvait ça dommage, qu’il devrait porter plainte contre lui« . Le chef de la BAC n’a d’ailleurs eu de cesse de répéter qu’il n’avait aucun grief contre lui, qu’au contraire il l’aimait bien, qu’il trouvait « juste dommage » de le trouver dans la rue de la sorte.
L’épisode où après avoir « extrait » (à grands coups de coude dans la face) Sony une première fois d’une tour de Clémenceau, « Fifi » a offert son blouson au jeune homme dont le t-shirt était en miette en lui tapotant l’épaule, témoigne de cette volonté de construire une « relation de rue » marquée par le bizutage viril et la soumission à une figure de « parrain » local.
Être dans la BAC à Rennes, et Philippe Jouan l’incarne parfaitement, c’est entretenir un rapport au monde qui mêle une emprise sur les gens, les lieux, les objets, et une paranoïa constante vis-à-vis de l’ensemble de la population qui auto-justifie de manière absolue leurs méthodes.
Alors que la vidéo montre des clients du bar complètement apathiques (la plupart sont des post-cinquantenaires absorbés dans le PMU), complètement dépassés par la violence de la scène (même le type qui s’approche de Sony après qu’il ait pris le genou en pleine tête le fait avec une lenteur déconcertante), « Fifi » le répètera constamment à la juge : « j’étais dans un climat extrêmement hostile […] je connais la population qui fréquente ce bar […] mon principal objectif était d’exfiltrer le plus rapidement possible le suspect […] le coup de genou, c’était le seul moyen de le faire sortir rapidement du bar […]«
Cette paranoïa transpirait complètement dans la défense complètement bancale du vieux chef de la BAC, jusqu’à atteindre le quasi-délire : alors que la juge lui faisait avouer après une demie-heure de bafouillements pathétiques que les violences menées par Sony à son encontre étaient inventées de toutes pièces, Philippe Jouan n’a pas pu s’empêcher d’invoquer des « jets de projectiles à l’extérieur du bar » ne figurant dans aucun PV et en totale incohérance avec les descriptions faites par les autres officiers. Il finira par se retracter minablement devant la juge consternée : « je vous dois la vérité […] je ne vois pas ce qui tombe« .
Même le procureur, pourtant obsédé par la défense de l’institution policière dans un « contexte d’accusation systématique des méthodes des forces de l’ordre » en appellera au bon sens le plus élémentaire : il n’y avait aucune menace réelle dans le bar, et aucune trace d’un danger à l’extérieur de l’établissement.
A contrario, les experts en sécurité chargés de définir les règles et les méthodes d’interpellation déclareront après visionnage de la vidéo « ne pas être choqués » par la conduite de Philippe Jouan, compréhensible à leurs yeux par « l’absence de maîtrise sur les paramètres et les dangers environnants« .
Son avocat en rajoutera une couche : pour lui, ce rapport au monde est ce qui caractérise le flair des policiers, ce qui fait leur qualité d’investigation quasi-instinctive dans la rue.
Il ne s’agit donc pas du coup de folie d’un individu, mais bien d’une organisation institutionnalisée de la paranoïa de la police vis-à-vis de la population qui l’entoure.
Birrien, l’avocat des flics, aura ces mots aussi terribles que révélateurs : « Que savons nous véritablement de cette situation qu’il est si facile de juger ? Certes, les clients du bar semblent passifs durant l’interpellation, mais n’est ce pas justement parce que M. Jouan a agi de la sorte qu’ils sont restés en retrait ? »
On comprendra évidemment à ce stade que les méthodes de la BAC ne visent pas à marquer en premier lieu ceux qu’ils interpellent, mais avant tout les personnes qui en sont témoins et les lieux où se déroulent les arrestations.
On voit aussi que ce rapport social ne s’arrête pas aux situations chaudes ou aux horaires de patrouille de la BAC. Alors même qu’il se trouve confronté à ses propres incohérences face à la juge, Philippe Jouan semble incapable d’avoir du recul sur la situation, comme si il était impossible de s’extirper de ce qui constitue son quotidien absolu.
Et pour cause : une des conditions de ce formatage physique et psychologique est un un engagement professionnel constant, un asservissement total au travail.
Philippe Jouan se décrit comme « un fonctionnaire aux horaires atypiques » : présent de jour comme de nuit, avec des semaines allant jusqu’à 70h d’activités par semaine suivant le contexte. Cumulant les réunions et les fonctions de « management des équipes de terrain » et de « formations au tir et aux techniques d’interpellation« , il navigue au gré des équipes en « autonomie » pour assurer du soutien sur un mode de fonctionnement « auto-géré » où il n’hésite pas, comme dans l’affaire présente, à intervenir seul et spontanément sur son terrain de chasse.
Le plus frappant est la manière dont il considère les suspects et les interpellés : de manière systématique, il qualifie Sonny et les personnes arrêtées de « clientèle« , intégrés dans sur un « marché » de la délinquance où on repère les plus « chargés », où vos pratiques peuvent faire de vous une « bon client » connu et reconnu.
Philippe Jouan est à l’image de ce que le capitalisme produit de meilleur soldat du salariat : c’est un auto-entrepreneur de la répression, consacré jour et nuit à la formation, l’optimisation, le management de la machine policière.
EN AVANT LA MUSIQUE : UNE REMISE AU PAS DE LA POLICE PAR L’APPAREIL JUDICIAIRE
Ce jeudi de mois de juillet, dans une ambiance estivale clairement déconnectée de la vie rennaise parfois (heureusement) agitée, l’intensité du procès générée par l’aggressivité des magistrats sonnait clairement faux.
Malgré un interrogatoire extrêment répétitif et humiliant de la juge qui s’est acharnée à réduire en bouillie la version déjà informe de l’accusé, malgré les exclamations scandalisées de l’avocate de la partie-civile ou les grandes envolées du procureur, l’effet de mise en scène trahissait clairement des enjeux qui n’avaient aucun rapport avec la question des violences que Sony aurait subi ce jour là.
Tout au long de l’audience, il est apparu clairement que ce n’était pas le coup de genou reçu en pleine tête qui était réellement le centre du débat, mais son absence de traitement administratif et judiciaire approprié.
« Fifi » ne s’en est d’ailleurs jamais caché : ce coup porté était selon lui parfaitement adapté à la situation de danger omniprésent dans lequel il se trouvait, et le geste en lui-même ne lui a réellement pas été reproché.
La juge a d’ailleurs passé plusieurs dizaines de minutes particulièrement stériles a essayer d’établir un cadre judiciaire dans lequel elle pourrait classifier les techniques d’interpellation (à partir des manuels officiels de la police) sur la base d’une distinction entre une attitude de défense passive (sur laquelle seule un panel de clés seraient autorisées) et une attitude de défense dite active sur laquelle les techniques de « percussion » seraient habilitées sur certaines parties du corps (dont le milieu de la figure ne fait officiellement pas partie).
Quand on connait l’enjeu actuel autour des meurtres policiers commis par des techniques d’interpellations (comme celle dite du « pliage ») basées sur l’étouffement ou la compression du système vasculaire (notamment sur les cervicales), il y avait quelque chose de complètement décalé dans la démarche de la juge qui faisait mine de légiférer sur un coup de genou aussi gratuit qu’absurde au beau milieu d’un PMU.
Le véritable objectif de ce débat sur le geste plus ou moins homologué était surtout de montrer que celui là même qui formait les policiers aux techniques d’interpellations était quelqu’un de techniquement peu rigoureux, voire incompétent, donc potentiellement mauvais à son poste.
De manière générale, ce qui est reproché au chef de la BAC, ça n’était absolument pas d’avoir éclaté la gueule de Sony, mais plutôt d’avoir omis de le justifier auprès de l’OPJ, et pire, d’avoir tenté de biaiser la procédure en faisant rédiger un PV par un autre flic, et une main-courante par un autre.
Et c’est un point essentiel du procès : la culpabilité de Philippe Jouan, qui manifestement a essayé de se défausser sur ses collègues pour noyer sa responsabilité dans la disparition du coup de genou des PV, est établie à partir d’une jurisprudence de la Cour de Cassation qui explique qu’on est avant tout l’auteur intellectuel (et non forcément physique) d’un faux en écriture.
Et alors qu’il ne cessera de défendre la pertinence des violences qu’il a fait subir à Sony avec l’attitude du vieux baroudeur de rue, il se confondra en excuses misérables pour son incompétence administrative, comme un gamin pris la main dans le sac par son professeur : les larmes aux yeux, il répètera inlassablement « j’ai été un mauvais flic ce jour là« , non pas du fait d’avoir jeté un jeune homme a moitié inconscient la tête la première sur un réverbère, mais pour avoir magouillé un PV en essayant de faire porter le chapeau à ses collègues.
« J’aurais attendu de vous que vous assumiez directement le fait d’avoir négligé le coup de genou, et c’est cette tentative de dissimulation […] qui caractèrerise selon moi votre culpabilité« .
Cette phrase du procureur résume finalement très bien ce qui était reproché ce jour là au chef de la BAC de Rennes, et surtout le message qu’il envoie à l’ensemble des forces de l’ordre présentes dans la salle : assumez votre violence, y compris dans sa dimension irrégulière (voir illégale), et vous ne serez pas poursuivis au-delà de la simple sanction interne.
UN FUSIBLE SYMBOLIQUE POUR SAUVER LA MACHINE REPRESSIVE
Le discours du procureur de la République, censé mener la charge de l’accusation sur les faits, portera beaucoup plus ouvertement sur le rôle politique de ce procès : « il faut réhabiliter l’institution » car « nous sommes dans un contexte local et national de remise en question systématique de l’action de la police et de la gendarmerie« .
A ce stade, il ne fait plus aucun doute que le procureur se fout comme de l’an 40 de la question des « violences policières« , acquises comme une nécessité vitale de l’appareil judiciaire.
L’enjeu est pour lui de rétablir la confiance « entre tous les acteurs de la chaîne pénale« , et de mener campagne pour réhabiliter l’institution policière, notamment au niveau médiatique.
Tout en remerciant « les policiers qui sont allés chercher les vidéos [du PMU]« , il rappelle que l’enquête préliminaire qui a été menée contre le chef de la BAC n’a pas été lancée par la plainte de Sony, mais par le parquet de son propre chef.
On comprend alors que ce procès est orchestré de A à Z par le procureur de la République, qui a choisi de faire un exemple dans un contexte marqué par la médiatisation massive des pratiques de la police, en premier lieu les meurtres et les coups de pression sanglants de ces dernières années.
Son propos est limpide : « je revendique la constante fermeté à l’encontre des actes contre les policiers » et « j’assume d’avoir toujours fait passer la paroles des policiers avant celle des prévenus« , et « pour cette raison, j’exige en retour une rigueur parfaite de tous les acteurs de la chaîne pénale« .
La messe est dite.
Dans cette perspective, le sacrifice du vieux bouc galeux, celui qu’on a « envoyé au carton » (comme se plaisent à le répéter l’avocat et le procureur), est une mesure et un symbole à la hauteur de l’enjeu.
EPILOGUE
Après un procès aussi étrange, parfois comique et souvent pitoyable, la question de la peine et des parties civiles est devenue rapidement secondaire au vu des enjeux politiques autour de la condamnation du chef de la BAC.
Le procureur, qui a requis dix mois de prison avec sursis simple, a affirmé sa conviction que Philippe Jouan ne pourrait retrouver sa place au sein de la police, une décision qui reste le fait du ministère de l’Intérieur.
L’avocate de Sony, elle, n’a réclamé que mille euros de préjudice, en évoquant une maladie orpheline qui se serait réactivée après l’arrestation au PMU.
L’avocat des flics, qui a plaidé la relaxe pour les chefs d’inculpations pour l’ensemble des faits reprochés, s’est acharné à rappeler la carrière immaculée (aucune condamnation ni mesure disciplinaire) d’un homme dont « on ne peut pas se passer« , et dont « il n’est pas possible de se mettre à la place dans une situation comme celle du PMU« .
Ce qu’on retiendra de la fin de cette audience, c’est peut-être la déchéance de Philippe Jouan, lui qui dégoulinait d’arrogance et affirmait par toutes ses attitudes la toute-puissance de la BAC dans la rue : « ça fait bizarre de finir comme ça » dira le gros tas de muscle effrondré en pleurs devant la barre, pour avoir endossé la responsabilité de tous les flics qui ont usé jusqu’à la corde le pacte qui unit la police et la justice.
A l’image des cowboys fantômatiques et sanguinaires qui disparaissent avec l’arrivée du chemin de fer dans les western spaghettis, il restera aussi le symbole misérable de la manière dont l’appareil répressif traite les vieux bouchers dont il s’est servi pendant des années, un épisode qui risque de marquer sévèrement les esprits dans toute la police rennaise (en témoigne la tension extrême qui régnait lors du réquisitoire).
Pour nous, il n’y a clairement aucune satisfaction particulière à tirer de cette audience, hormis quelques moments de franche rigolade quand Fifi s’embourbait minablement face à la juge.
Ce procès reste avant tout une reconfiguration du rapport de force entre deux instances qui sont clairement une menace pour nous de tout point de vue, un règlement de compte interne dans la machine répressive qui répond très probablement aux coups de pression mis sur les tribunaux lors des récentes manifs de flics.
Loin d’une remise en cause des pratiques policières, cette procédure vise au contraire à en lisser les contours pour faire rentrer dans le cadre de la normalité administrative les « bavures » ou les « dérapages », qui sont d’ores et déjà partie intégrante et ordinaire de la police.
La démarche engagée à moindre frais par le procureur général (il ne s’agit encore une fois que d’une petite affaire au regard de la peine requise et des crimes récents de la police) pour purger l’institution est à prendre dans toute sa signification : si elle témoigne à la fois d’une attention portée à l’image médiatique des forces de l’ordre, elle est aussi marquée très fortement d’une volonté de rendre la police locale la plus procédurière et conforme possible à un état de droit en constante mutation.
Et au vu du mouvement social qui s’annonce, nous devons nous tenir prêts et garder en tête les mots du procureur de la République : face à un individu qui entend faire passer systématiquement la parole des policiers avant celle des prévenus, nous devons nous organiser plus que jamais pour construire nos défenses.
De la rue aux tribunaux, face à la police et la justice,
Organisons nous !
La Défense Collective de Rennes
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ANNEXE
*Simplification des procès-verbaux
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defense.collective@riseup.net
https://defensecollective.noblogs.org
P.-S.
Le Major Fifi était le héro d’un reportage télé sensationnaliste, on peut donc l’admirer en pleine action :
https://www.youtube.com/watch?v=EPBvPERMxPk
Notes
[1] Sur l’affaire des témoins menottés voir aussi le blog de la défense collective
Le 5 mai 2017, un équipage de 3 « Bacqueux » circule en Zup de Rennes. Vers 19h50, ils veulent contrôler et interpeller un p’tit jeune qu’ils connaissent. Celui-ci se réfugie dans le bar le Sarah Bernhardt.
Le chef de la BAC le poursuit dans le bar le plaque au mur, le fait tomber à terre et lui donne un grand coup de genou dans le visage puis l’extrait du bar et le fait monter en voiture pour l’emmener au commissariat.
Bref, à priori, rien d’extraordinaire… La routine selon le chef de la BAC.
Au commissariat, un OPJ de la Bac qui n’a pas assisté à l’interpellation rédige tout de même le PV, ce qui est illégal. Ce PV relate les raisons de l’interpellation et de la garde à vue (20 heures) ainsi que les circonstances de l’interpellation. Il accuse le jeune de coups de pied envers le chef de la Bac, etc.
A l’appui d’un tel PV, c’était la comparution immédiate et l’incarcération.
Or tout est faux et le film de la vidéo du bar le démontre…
Mais encore une fois, ce genre de pratique policière n’a rien d’extraordinaire…
Les dizaines de manifestants contre la loi travail qui ont été inculpés à Rennes connaissent les pratiques de la BAC et de la SIR (section d’intervention rapide de la police nationale) et ont presque toujours contesté la régularité de la procédure et des faits relatés dans les PV.
Alors ? Alors, Pourquoi le procureur de la République (et donc le ministère public) a-t-il choisi de poursuivre le chef de la BAC dans une affaire minable alors même que la victime n’a pas porté plainte ??
A notre avis, il y a 3 raisons :
1. L’instrumentalisation des forces de police par les politiques
Dans plusieurs communiqués, nous avions déjà analysé et dénoncé la stratégie développée par le gouvernement Hollande-Valls qui a consisté à donner carte blanche à certains policiers et magistrats pour « criminaliser » les mouvements sociaux aux yeux de la population.
A Rennes, le nombre de blessés (plus de 250) et d’hospitalisés démontrent que la répression a été sévère…
A Rennes, le nombre de condamnations démontre que le procureur de la République, Nicolas Jacquet a eu la main très lourde.
Certes, la stratégie de la terreur a partiellement échoué et les manifestations ont continué et continuent.
Mais à force de jouer avec le feu, on se brûle !
Le ministre de l’intérieur, le préfet de région, le procureur de la République et les autorités de police départementales ont donné la totale impunité à la Bac, à la Section d’Intervention Rapide pendant plusieurs années et notamment depuis le début de l’année 2016.
Tous ces politiques les ont encouragés. Ils ont autorisé de nombreux tournages de reportages TV sur la BAC de Rennes qui mise en scène à la clé, les faisaient passer pour des héros du quotidien…
Ces forces de police se sont rapidement crues tout permis : provocations, mise en joue avec les LBD40, tirs, nassages et matraquages à chaque manifestation.
Mais à leur délivrer une impunité totale, ils sont devenues ingérables, incontrôlables. Les manifestations policières ont couronné le tout…
C’est pourquoi, après s’être bien servis d’eux, le gouvernement, l’institution policière et l’institution judiciaire leur délivrent un « carton rouge ». Ils mettent en péril la crédibilité de tout l’appareil répressif juridico-policier dont le gouvernement va avoir besoin dans les prochains mois.
2. Rendre « crédible » la répression judiciaire !
Pourquoi le procureur de la République à Rennes qui classe sans suite la presque totalité des plaintes contre les violences policières a-t-il été pris d’un tel zèle ? Il faut rappeler qu’à la suite de plusieurs plaintes déposées contre la violence des policiers, plusieurs militants ont été entendus par l’IGPN et seulement une seule plainte n’a pas été classée sans suite : celle de l’étudiant qui a perdu un œil à cause d’un tir de LBD 40 opéré par le chef opérationnel de la SIR le 28 avril 2016.
Toutes les autres ont été classées sans suite, notamment la plainte déposée par un des responsables de Sud-PTT victime de coups de poing d’un membre de la BAC, visible très facilement sur un reportage de TVRennes (Buzz and débats 31 mai 2016). [1]
Ce n’est pas le p’tit jeune interpellé le 5 mai 2017 qui porte plainte, c’est le procureur Nicolas Jacquet qui décide lui-même au vu des procès-verbaux et de la garde à vue d’entamer des poursuites judiciaires à l’encontre du chef de la BAC !
Pour comprendre la raison de ce renvoi en tribunal correctionnel, il faut entendre le réquisitoire du procureur à l’audience du 20 juillet 2017. Nicolas Jacquet s’est tout particulièrement adressé à la police, à la BAC, à la SIR (section d’intervention rapide de la police nationale)… Mais aussi aux militants syndicaux ou politiques des mouvements sociaux qui étaient dans la salle. On peut résumer son long exposé ainsi :
« Arrêtez vos agissements sinon je ne deviens plus crédible quand je nie systématiquement l’existence de violences policières dans mes réquisitoires. »
Il a donc dit aux policiers : si vous voulez que je continue à inculper à tout va, à criminaliser les mouvements sociaux et les manifestants, il faut m’obéir. Et pour que je ne passe pas seulement pour un auxiliaire de police, il faut que je mette un « carton rouge » symbolique d’où le choix du chef de la BAC…
Le Chef de la BAC est condamné à 10 mois de prison avec sursis et à indemniser sa victime.
Le procureur anticipe ainsi sur l’avenir et donne l’orientation politique de la justice pénale « macronnienne ».
En effet, il y a encore beaucoup d’affaires (et notamment les 20 de la mousse expansive du métro) en cours. Et il y a évidemment le durcissement de l’arsenal répressif, notamment quand les mesure de l’état d’urgence vont passer dans le droit commun permanent !
3. Le choix de l’affaire : un petit truc pour en cacher de gros
C’est bien le procureur qui de lui-même a choisi cette affaire, somme toute banale, pour proposer une condamnation pénale. Or des affaires de violence policières ou de procès-verbaux mensongers, voire d’accusations mensongères, il y en a beaucoup d’autres, particulièrement lors des manifestations contre la loi travail et lors des arrestations suite à la manifestation « Ni Le Pen Ni macron », les 27 avril et 4 mai 2017.
Certes, compte tenu des mensonges et falsifications du chef de la BAC dans cette affaire, c’était facile de poursuivre. Compte tenu du niveau de réflexion et d’argumentation du chef de la BAC, c’était facile de poursuivre.
Mais il faut le rappeler, cette interpellation n’avait rien d’exceptionnel par rapport aux dizaines d’autres opérées par la BAC à Rennes. Et il était pitoyable de voir le chef de la BAC complètement décontenancé, expliquant qu’il avait fait comme d’habitude. Devant les questions de la présidente, il bafouillait et s’embrouillant dans ses explications. Sa comparution dépassait sa compréhension. Il était tout aussi pitoyable de voir la vingtaine de policiers de la BAC et de la SIR présents à l’audience ne rien comprendre au réquisitoire du procureur. Ce qui les rendait agressif.
Pourtant, l’institution policière et judiciaire avait choisi cette affaire pour réduire au maximum l’effet à : « Un dealer et un policier qui a « failli à sa mission ». Cette présentation devait être « acceptable » pour les médias et les gogos.
L’institution policière et judiciaire a choisi cette affaire pensant qu’elle ne pouvait pas prêter le flanc à une quelconque interprétation « politique ». Or c’est évidemment tout le contraire qu’il faut comprendre.
Cette affaire sert à faire diversion.
Elle sert à faire croire qu’il s’agit d’un acte isolé dans une police exemplaire.
Elle sert à légitimer les lourdes condamnations et la généralisation des violences policières à l’égard des mouvements sociaux.
Elle sert à masquer les bavures importantes entraînant parfois la mort de jeunes de quartiers populaires.
Elle sert à justifier par avance le renforcement du processus de criminalisation des mouvements sociaux.
Pour Solidaires 35 / Serge Bourgin
http://www.rennes-info.org/10-mois-avec-sursis-contre-le-chef