Milieux affinitaires et solidarité du capital
Published on , Edited on
Category: Global
Themes: Exclusion/précarité/chômage
C’est un secret de polichinelle, lequel cependant demande toujours à être éventé, que nos idées, efforts et dispositions visant à « changer les choses » au nom d’idées et de référents supposés incontournables nous mène avec régularité à reproduire et renforcer, au contraire, les structures mêmes de ce que nous prétendions, avec plus ou moins de bonne foi et d’altruisme il est vrai, renverser. Par exemple la concentration et l’appropriation des richesses et autres moyens sociaux. C’est ainsi qu’un caractère majeur du milieu « meuf-gouines-trans », comme de bien d’autres milieux axés sur les politiques de l’identité, est sa reproduction assidue des objectifs et des hiérarchies de la société économique, relationniste et propriétaire que paraît-il il entend combattre ; ou bien est-ce la « dépasser » en la « réalisant » ? – ce qui peut évidemment vouloir dire la concurrencer avec succès, dans ce sens qu’il approuve bruyamment de convergence et d’intégration. Vieille histoire déjà que son appétence boulimique pour la réappropriation des éléments sociaux assignés masculins, la prise de pouvoir, la valorisation selon de bonnes vieilles échelles évidentes, anthropologiques, d’estimation et de pratiques, le plaisir, l’intensité, la profite de la vie, et autres belles choses forcément in-con-tour-nables et surtout qui ne sauraient, dit-on, receler dans leur logique interne, leur rôle social, les misères et oppressions dont nous nous plaignons Ben non, tout beau tout autre tout en sucre l’idéal spontané, avec sa convergence affinitaire. Tu parles. L’inégalité sociale et matérielle qui le structure, le compose, le régit, est une conséquence inévitable de cette convergence de volonté et d’appropriation, qui se révèle dans les faits foncièrement celle de la société majoritaire, au point que les bourdieuseries les plus schématiques y collent comme un tatouage. L’héritage et la cooptation y règnent sans partage. Ce n’est pas « culturel » ou « symbolique », c’est le reflet des richesses accumulées ; il faut arrêter de mettre hors de cause, à l’abri, la valeur d’échange, l’argent qui structure le social.
Ce milieu rassemble préféremment selon les lois de l’affinité sociale qui le régissent, des gentes qui viennent de familles un peu pétées de fric, avec patrimoine, classes moyennes sup’ quoi, professions libérales, enseignantes, fonctionnaires à échelon, celles qui ont encore pu accumuler. Cuiller dans la bouche et coussin sous les fesses pour la génération suivante. Inutile de trop longuement s’attarder sur le fait établi que les autres aspects de valeur – aise, attirance, compétences, boulots gratifiants, pépères et bien payés, quand elles daignent s’y adonner – s’agglutinent méthodiquement sur cette classe de personne. Aujourd’hui comme hier, c’est ça qui cimente les participantes de plein exercice. Bien sûr, il convient de prendre des distances, de vivre sobrement et un tantinet à l’arrache, on est rebelle ou on ne l’est pas ; ce qui d’ailleurs est d’autant plus méritoire et commode qu’on sait qu’on aura ce dont on a envie ou besoin si nécessaire, en cas de « grand projet » par exemple, ou de retraite dans un prieuré affinitaire. Le pénitentiel moral, l’exotisation et la pseudo-précarité de rigueur, d’ailleurs, sont une spécialité de la classe moyenne sup’. L’appel à la perfection hautaine par l’action et l’attitude, mais pas trop par la réflexion, est un vieux domaine de surplombantes qui s’ennuient et se flagellent pour se valoriser, tout en conservant leur entre-soi et leurs escarcelles – ce qui est n’est pas nouveau historiquement, autrefois on entrait au couvent, on se soumettait à règle – mais ô miracle, les inégalités de richesse et de classe étaient déjà soigneusement conservées même dans la macération. Il faut se sentir, se savoir des airbags pour se priver démonstrativement, prendre quelques risques, déjanter raisonnablement. On se la joue déclasse, reniée, morte sociale, mais les arrière-plans sont toujours là à la rescousse. Enfin, le « destin social » de ces personnes les fait toujours finir bien, respectées, gestionnaires de quelque chose, jamais en faillite ; sauf anicroche d’autant plus regrettable qu’elle n’était pas prévue dans le logiciel. Mais même dans ce cas elles sont alors comme on dit entourées. À l’abri des effets destructeurs ce qu’une certaine langue symétrisante, neutraliste, appelle les « accidents de la vie », lesquels s’acharnent curieusement sur celles qui ont le tort insigne de ne pas rassembler tous ces atouts que paraît-il nous devrions (mais discrètement) partager…
Ce genre de milieu ne peut évidemment pas constituer de nouveaux modes de collectif, malgré ce qui s’y déclare. Il se borne à mettre en réseau des monades bien lancées dans la vie, façonnées autant que fascinées par le pouvoir, l’appropriation et la satisfaction. D’ailleurs, tous ses média, ateliers, catéchismes le répètent : chez nous il n’y a pas de rapports sociaux (ou si peu…), il n’y a que des conflits. De la négociation. Des arrangements. Entre gentes pleines de réserves matérielles et sociales, de pouvoirs et de compétences ; ou même plutôt à l’origine de ces forces, ferait beau voir que nos bonnes volontés soient déterminées par des si banales comptabilités, roooh…. Toute ressemblance etc etc… Tout ce fonctionnement consensuel basé sur la reconnaissance réciproque de valeur et de possession est protégé par une frontière peu visible, coussinesque, aussi implacable qu’épaisse et molle, pas assumée mais rigoureusement agie, et incroyablement efficace parce qu’on s’y envase sans arriver à bien la percevoir.
De l’autre côté, au revers, en dessous disons le, il y a les loquedues. L’autre face, inévitable autant qu’embêtante, de cette sympathique idylle libérale subversive. Les loquedues proviennent de la basse cour, et l’ont bien expérimenté dès leur enfance, puis dans les différents secteurs sociaux. La basse cour est, c’est rien de le dire, vaste et très « diverse ». Il n’y a pas plus d’unité des loquedues, en termes de rapports sociaux et de ce à quoi et à qui ils aboutissent, que de « peuple ». C’est aussi ce qui fait la grande impuissance des loquedues, qui n’ont en commun que de ne pas valoir grand’chose sur les peu variés marchés (propriété, relation…) en vigueur, face à des rejetonnes de classe moyenne sup’ qui forment un bloc social incroyablement homogène – écoutez ces amies raconter leur life, au bout de trois vous avez en gros de quoi extrapoler pour des centaines. Les loquedues sont celles auxquelles l’essentiel manque, et qui ne manquent à personne d’essentielle. D’une certain manière, les loquedues arrivent plus ou moins au même « endroit » sur l’échelle de valorisation/intégration, avec quelques variations (souvent dues à une semi-cooptation provisoire de la part des bourges), mais elles viennent de situations tellement différentes et souvent opposées qu’il leur est impossible de se rapprocher les unes des autres. C’est là qu’on voit que la convergence, c’est aussi un idéal, un truc, un truquage de riches et d’appréciées.
Les loquedues voient une fenêtre allumée et entendent des slogans alléchants. Et, il faut bien le dire, quelque part, valorisants. Le piège parfait, on va vous permettre d’intégrer, et par un biais chatoyant ! Comme le principe social général est la valorisation, eh bien elles accourent, volètent même, en trébuchant, vers meuf-gouine-translande. Alors à la fois, èmgétélande n’a pas forcément besoin de cet « apport », ça fait baisser le niveau, il faudrait envisager de collectiviser égalitairement, ça va pas la tête. Ça c’est pour les pancartes. Mais en même temps il y a justement cette prétention politique à servir le monde (warf warf), et surtout il y a la conscience sourde d’un gain relatif tout de même : on va pouvoir utiliser les loquedues.
Le rapport social qui se concrétise et se concentre à èmgétélande, à côté de la production de valeur sociale « pure » sous diverses formes, c’est le mépris, l’utilisation, en un mot comme en cent l’abus envers celles qui sont en dessous. On leur prend et on les jette, après leur avoir bien fait sentir en prime leur profonde indignité, leur insuffisance crasse. On les utilise avec circonspection pour ce qu’on pourrait appeler (et qui le sont quelquefois au sens strict) les tâches ménagères, la figuration et le bouclier humain, quand ce ne sont pas les sacrifices purs et simples. D’aucunes qui se la jouent pseudo-précaires j’ai renié ma famille (laquelle est fidèlement de retour intacte au premier besoin sérieux) leur pompent leur vie et même leurs éventuels biens. On n’en finirait pas de lister et de détailler l’inventivité de nos amies et supérieures dans la violence, l’humiliation, le chantage. Ça coule d’elles, personnes ou groupes, comme de source. Et ça se présente comme de la considération… Qui aime bien maltraite avec entrain, et extorque grossièrement le consentement « spontané ». L’abus est la forme spécifique du rapport inégalitaire dans un milieu qui se pose en « dépassement », qui par ailleurs réduit tout social a un mélange de subjectif et de moral, ce qui in fine donne encore plus de pouvoir à celles qui incarnent la référence sociale et économique, sans le dire un instant et même en affirmant hautement le contraire. L’abus est constitué par une cuisine à la fois savante et exotique d’appropriation, de mise en dépendance, de règne par la peur (on sait ce qui vous arrive dès qu’on déplaît), d’humiliation à la fois crue et niée. Elles abusent enfin en se substituant aux loquedues, en prenant leur place et leur voix, dans la foire à l’identité et à l’oppression qui incite à faire le plein de valeur aussi par ce biais légitimiste. Elles ont résolu leur souci de culpabilité par l’alternative entre fétichiser, pour mieux utiliser, et exterminer. À èmgétélande, les bourges abusent systématiquement des loquedues, et bien évidemment les éliminent avec régularité. Turn over ! La longévité, chez elles, suppose pour nous une docilité qui confine à l’inexistence, au pompage à fond, une performance quoi. Joue enfin la bonne vieille surestime automate que l’on nourrit pour qui nous surplombe et encore plus nous maltraite ; pas de repro du tout du rapport social et de richesse, j’vous dis… La violence sociale surplombante dans le milieu est intégrée, idéologique et collective, pas pathologique et individuelle. Elle est conséquence des idéaux qui le structurent, le motivent, et de la hiérarchie sociale qu’ils relaient et confortent.
Oui, c’est binaire. Les loquedues et les aisées. Mais le social valorisateur est binaire. Tu as-tu n’as pas, tu portes du valorisé tu ne le portes pas. Que les groupes sociaux ici schématisés, affinitaires cooptantes riches et loquedues en tous genres, soient, surtout le second il faut bien le dire, morcelés, parcourus de contradictions, d’oppositions, de concurrences, ne change rien à la géométrie, pourrait-on dire, du rapport, lequel en définitive nous fait « ce que nous sommes », dans le réel. On peut avoir pour but de se défaire de ce binaire, mais en tous cas ce ne sera pas possible en faisant semblant que nous le « dépasserions » par la volonté, ou qu’il n’existe pas – ce qui ramènerait à l’idée d’une réalité « transcendante » qui renverrait le monde social à une illusion ; sauf que cette prétendue illusion est la réalité de toute notre vie, et que nous en crevons.
Le fonctionnement, la structure d’èmgétélande, comme de bien d’autres secteurs, sont le point de rencontre de l’état du rapport social et de l’idéal moral valorisateur masculinoforme et aisé. Et la notion de solidarité, comme je l’ai aussi remarqué, y est celle de reconnaissance et d’abondement du niveau social – la solidarité suppose une égalité dans la possession, dans la supériorité, d’avoir/être quelque chose de consistant à négocier. La solidarité est un commerce comme un autre, une espèce de monnaie alternative qui n’a, comme toute monnaie, d’effectivité que si elle recouvre du cash ou du solide. La solidarité est un tamis pour éliminer les loquedues. La solidarité fait partie du même monde que la charité, comme la gratuité n’existe que par la valeur d’échange. Elles en sont à la fois l’autre visage, la déclinaison inférieure, mais aussi souvent le masque. La solidarité ne profite en réalité qu’à celles qui ont de quoi échanger derrière elle, dans les coffres de la méchante société majoritaire. On pourrait dire, c’est l’aboutissement et l’impasse (enfin ça dépend pour qui, ou plutôt il en est pour qui l’impasse est confortable) de toute une histoire, qui n’est qu’un secteur de l’histoire sociale et économique globale.
Il est évident que même si la haine est à l’ordre du jour, face au mépris et à la risée, on n’en finira pas avec « ça », ni même avec celles là, avec la reproduction de la chirurgie morale, des rétorsions ou des surenchères habituelles. Même si on n’a pas non plus à prendre de gants. Les empêcher de nuire, c’est arriver à remettre en cause et à briser tout le soubassement, l’idéal et le fonctionnement qui les soutiennent. Y a du taf et du pas simple, même si un avant de sabotage semble indiqué aussi.
Bien sûr, le principe d’utilisation et de hiérarchisation, comme partout ailleurs, entraîne un fonctionnement où un volet de loquedues (renouvelable, il y a du turn over dans l’air !) font l’embrayage de l’abus, le sale boulot, la publicité pour leurs amies, et prennent leur défense contre les abusées qui se rebiffent. Mi par attirance véritable – qui ne serait charmée et convaincue par ce qui incarne si bien la présence à soi dans ce monde idéal, bref le pouvoir ; mi par crainte sourde ou consciente de ce que signifie être rayée des listes, sous traitée à la violence sociales brute. C’est le vieux refrain des supplétives, subalternes et autres domestiques, qui demande d’ailleurs aussi tout une élucidation encore à faire. Il y a ainsi un volet permanent de loquedues commerciales politiques auxiliaires zélées, qui exposent leur rognons et leur monnaie pour protéger, rembourrer la place de leurs supérieures. C’est le méli-mélo habituel de la survie des minoritaires, isolées les unes des autres et mises en concurrence par rapport à un idéal métasocial auquel il est si facile d’adhérer, contre ses égales toujours soupçonnées parce que méprisées, et qui promet en outre fallacieusement, ou chèrement, une « meilleure qualité de vie ». La sororité automatique des inférieures est une fable pour dessins animés moralistes et mensongers. C’est exactement le contraire qui se passe, l’utilisation disciplinaire et sadique des unes contre les autres. Il y a ainsi tout un volet de loquedues qui reprennent à pleine bouche le slogan de la solidarité, mais qui n’ont d’autre activité que de déférer aux exigences de leurs patronnes bourges, de relayer leur intérêt déclaré « commun », de surveiller et de réprimer la cheptelle inférieure, de trahir soigneusement au besoin leurs « sœurs » pour entretenir leur matricule (la sororité est vraiment, avec l’amitié et la solidarité, une des notions clés de l’hypocrisie et de l’arnaque sociale contemporaine, partout où elles se nichent !). Accusées, accusatrices, mais toujours illégitimes, destabilisées, mises en danger dans leur existence même pour les garder à la botte.
Tout ça reste en partie une définition morale, et ça tombe donc dans l’approche même qu’il faudrait briser, mais zut, nous y sommes et donc il faut aussi user de ce qui y a cours : èmgétélande est un milieu constitué de et régi par une majorité de crevures qui savent très bien, et apprennent vite quand elles sont cooptées, ce qu’il en est, comment ça marche, (ce) qui compte et pourquoi. N’hésitent même quelquefois pas à le dire cash à leurs victimes les plus éveillées. Un peu de cynisme met du lubrifiant dans les rouages. Èmgétélande fonctionne sur l’accumulation sociale, financière, relationnelle ; l’affinitaire valorisateur, le mensonge et l’abus qu’il permet en trompant les loquedues de tout acabit. Par ailleurs, c’est délibérément et en toute conscience, selon l’habitus social qui fait que si d’une part on intègre sa position et son action comme nécessaires, on les pratique en les sachant très bien. On sait ce qu’on fait. Et d’autant plus que l’idéologie utilitaire des « mains sales » et de « l’omelette » a un grand crédit parmi les qui prétendent à une certaine classe. En clair, pas de scrupules. Donc, oui, il faut assumer, que ce soit même positivement (et il y en aura pour !) : crevures solidaires, bien ancrées dans leur détermination et leurs intérêts.
La politique n’est que la réalisation formelle de l’économie, à quoi que celle-ci s’applique. Camarades loquedues, sachez bien ce qui vous attend dans le canapé sororal d’èmgétélande. Il est bon de se déterminer en connaissance de cause, et il va sans doute falloir sérieusement faire de la pub là-dessus. Les milieux « subversifs » et contestataires sont un abattoir et un cimetière pour les plus pauvres et les plus faibles. Conclusion annexe : il nous faut sans doute des séparatismes de plus en plus précis pour vivre. Mais évidemment, comme on sait, plus on est en bas, moins on se rencontre et moins on s’accorde. La magie de la valorisation sociale nous vérole. Désensorcelons nous.
Le mépris engendre la haine. Celle-ci n’a pas vocation à rester platonique. Mais non plus à nous inciter une fois de plus à ce sacrifice, ce « dépassement », qu’on demande ô miracle toujours aux mêmes. Par ailleurs nous ne pouvons pas être nous selon les règles et dynamiques du nous de celles qui ont. Ne reste que l’inventivité, avec la rancune.
Les convergences et les mixités actuelles, qui s’agglutinent autour d’idéaux et d’injonction morales-politiques qui masquent, nient les rapports sociaux et les inégalités, non seulement augmentent la violence des plus fortes envers les plus faibles, mais encore empêchent celles-ci de se regrouper spécifiquement, au nom d’unités factices et orientées sur le maintien des intérêts des premières, placés en référence prétendument « pour toutes » (encore une fois, tu parles !). Il nous faut admettre les conséquences des rapports sociaux, et nous rendre compte qu’il est plus meurtrier pour nous de nous laisser tenter par les « inclusions » que de prendre nos partis et nous organiser en autant de minorités qu’il le faudra, hors de et contre les majorités, explicites ou implicites. Seules les conséquences sont à considérer. En effet, vu comment les choses sont en train de tourner économiquement et socialement, que nous soyions coincées, les plus pauvres, à nous organiser, par les issues de classe moyenne sup’ qui la jouent fort alamo et occupent tant au sens littéral que d’un point de vue moral ce qu’il y a actuellement de ressources collectives, y compris avec leurs prétextes condescendants de dames de charité, ça va vraiment pas faire. Certes il s’agira de ne pas faire comme elles, côté idéaux et orga, mais par ailleurs, selon comment la situation va se tendre en général, il faut considérer l’éventualité aussi de leur prendre ces ressources qu’elles se sont monopolisées. Et d’en créer d’autres si possible. Et de pas non plus alors nous laisser avoir par leur éventuelles chouignements ; qu’elles aillent emménager dans les pavillons spacieux de leurs renp’s, dans les apparts que ceux ci leurs offrent. Si nous les laissons reprendre pied dans ce possible nouveau collectif ou communautaire, il y a fort à parier que selon la règle hydraulique des puissances sociales elles s’y retrouveront vite à la surface, pellicule étouffante, y reprendront le pouvoir et finiront par nous en éjecter. Il faut penser à ça dès maintenant. Ou alors il faut qu’elles capitulent réellement, acceptent le partage selon les ressources réelles des gentes, bref admettent un nouveau fonctionnement social. Redistribuer ce qui a été monopolisé et quelquefois klepté suppose aussi ne pas essayer de reproduire les objectifs qui couvraient, légitimaient et rationalisaient ce fonctionnement.
Le format comme le contenu actuels d’èmgétélande ne semblent en effet pas réformables, ni donc son inclination assidue, sous les slogans chamarrés, à reproduire assez platement le rapport social, notamment de richesse et de socialisation. De ce point de vue, il serait bon de revoir les positions d’origine comme les objectifs, implicites ou explicites. En venir à un rapprochement matériel de ceux-ci, à l’élagage des grandes espérances qui supposent les arrières assurés, à un égalitarisme sourcilleux. Mais il va de soi que ce ne peut être le fait de celles qui y prévalent, lesquelles n’y ont pas le plus petit intérêt, la plus superficielle identification. Déjà, celles qui n’en sont n’i n’y ont, pourrons nous y arriver ? Une sécession conséquente et efficace de loquedues est-elle imaginable ? Encore une fois, après avoir autant que possible cassé leur baraque publicitaire, saccagé leur room à tout faire et à tout infliger, retiré le soubassement tout de même bien pratique que nous constituions, il faudra en tout se défaire des idéaux, des destinations qui nous ont mises et maintenues où nous (en) sommes. Sans revenir d’un pas en arrière vers les limbes de la morale et de la justice. Ce n’est pas un mince pari et aucune garantie n’existe qu’il est réalisable. Nous ne sommes pas elles, nous ne pouvons être que contre elles, destinations et gentes ; mais aussi nous ne sommes, elles comme nous, que ce qui aboutit à nous, le rapport social. L’identité, la solidarité, l’affinité sont une sale blague de valorisées qui seules ont les moyens d’en user, et un leurre pour les loquedues qui espèrent bien vainement s’en sortir en photocopiant une monnaie existentielle sans en posséder les réserves sociales. Il faut faire voler en miettes ces objectifs et idéaux sociaux, ou se condamner à les reproduire, à les réimposer, à les resubir.
De quoi ?
Y a des analyses vraiment très bien dedans, applicables aux rapports sociaux/de groupe en général, dans le milieu ou ailleurs
Mais la forme empêche parfois de comprendre, et nécessite de s’accrocher pour continuer la lecture … un jargon pas toujours compréhensible, des phrases structurées bizarrement parfois.
Sur le fond ça reste assez unique en son genre, et même si j’aurais personnellement formulé certaines choses autrement, je remercie son auteur-e pour cette analyse.
Pourrais tu expliquer si tu as compris ?
Les rapports de pouvoir dans les groupes, présentés sous l’angle intéressant du milieu féministe LGBT, ce qui casse les stéréotypes. D’ailleurs c’est assez drôle que des gens veuillent faire croire que certains groupes sont exempts de ces rapports là … c’est l’essence même d’un groupe de créer des hiérarchies, des exploités et des exploiteurs. Et, là c’est mon avis à moi et pas ce que dit le texte, pas mal de luttes récentes sont basées sur la frustration de ces rapports là, sans comprendre que les rôles peuvent changer, et que faire l’économie d’une réflexion sur ce qu’est le pouvoir, ce qu’est la hiérarchie, ce que sont les rapports de pouvoir dans un groupe, c’est automatiquement foncer aveuglément vers ces autoritarismes … et admettons-le, y a quand même beaucoup de gens qui n’aiment pas être dominés, mais qui ne voient aucun problème à dominer les autres (tout en se voilant la face).
Mais le texte parle aussi de la facilité de mener une vie “radicale” quand on a un parachute social et économique … Ces fils d’intellos de gauche qui obtiennent un statut social dans le milieu seulement parce qu’ils sont nés avec une belle bibliothèque dans le salon, savent bien parler et écrire, et peuvent jouer les pauvres autant qu’ils veulent, ils savent que dès qu’ils en auront besoin ils pourront se faire pistonner pour bosser, ou que papa fera le garant pour louer un bel appart en ville, ou payer le loyer même. Et pas besoin d’être un gros bourge pour être épargné des conditions précaires de vie que mènent les pauvres, les vrais, ceux à qui les proprios ne veulent pas louer des apparts, ceux qui doivent faire les pires des boulots, qui jonglent chaque mois avec leur RSA et APL, qui savent ce que ça veut dire de se serrer la ceinture, et d’être seul socialement.
Personnellement, j’aurais plus insisté sur les statuts sociaux, comment des gens pas à l’aise en société se trouvent en permanence dans des situations d’exclusion dans le milieu, de comment ce milieu crée une plus grosse exclusion que le reste de la société, de comment les normes sociales y sont parfois encore plus importantes … et de comment ça n’a pas de sens de prendre le “milieu” pour un abri, un cocon … rien de bon ne peut sortir de l’entre-soi dans une société pareille.
salut,
je suis blanc, fils de prolos (père qui taffe sur des chantiers, mère secrétaire), j’ai jamais subi le racisme, ni le sexisme qui sont présents de manière structurelle dans cette société, mais je crois pouvoir dire que l’oppression de classe, je vois ce que c’est.
c’est évidemment pire pour les racisé-e-s issu-e-s de familles prolétaires, mais ça ne fait pas de moi un bourgeois, ni même un inconscient privilégié ou je sais pas quoi.
j’ai une place pas spécialement marginalisé dans le “milieu” (autonome ou j’sais pas quoi), notamment parce que la plupart des gens que je connais dans ce milieu ont plus ou moins la même origine sociale.
et cette origine sociale, c’est pas vraiment celle que tu décris (bourgeoisie qui peut subvenir aux moyens de ses enfants même s’ils sont 26 et 28 ans sans emploi).
qu’il y ait quelques fils/filles de bourges dans ce milieu, ça ne fait aucun doute, mais ils sont numériquement très minoritaires. et loin de moi l’envie de leur reprocher d’avoir plus ou moins radicalement tourné le dos à leurs privilèges de classe.
enfin, je le répète car je n’écris pas ça juste-pour-me-donner-bonne-conscience, je suis bien d’accord que pour certaines catégories de la population, c’est bien pire: ceux et celles qui ont un nom à consonnance étrangère (notamment africaine), qui vivent dans des cités-ghettos dans des familles particulièrement pauvres, etc. et c’est encore pire pour les sans-papiers, les immigré-e-s récent-e-s issu-e-s des “pays du sud” (pour le dire vite).
le truc, c’est de prendre en compte ces différences, de trouver les moyens de nos solidarités affirmées, mais sûrement pas de se faire culpabiliser les un-e-s les autres (et surtout pas en s’inventant des privilèges de bourges quand on a toutes les raisons vécues d’avoir la haine de la bourgeoisie).
ah oui, au fait, avant mes 25 ans j’ai pas mal taffé pour subvenir à mes besoins. le moins possible, certes, mais quand même. c’était horrible. plus jamais ça. depuis, je “m’organise”, comme on dit (débrouille, chourre, récup, vie collective, réseaux de solidarité, etc.), et je “profite” du RSA (450 boules). si ça te gêne, si toi tu préfères bosser, n’oblige pas les autres à en faire autant. s’il y a bien quelqu’un d’aussi con que l’autonome-qui-se-croit-mieux-que-les-autres-et-qui-reproche-aux-autres-de-taffer (sans comprendre que généralement, malgré les 10% de chômeur-euse-s, c’est difficile d’y échapper), c’est bien le-prolo-qui-reproche-aux-autres-de-pas-bosser ! mort à la culpabilisation, quoi. à tous les moralisateurs des modes de vie, sachez que rien ne vous empêche d’essayer de vivre juste avec un RSA. parce que, oui, si tu veux aller en terrasse boire des coups avec la jeunesse dorée, ça sera pas possible, et encore moins de vivre dans de beaux apparts au coeur de paris (même en banlieue c’est la galère pour trouver de quoi se loger correctement).
contre toutes les formes de racisme et de domination, SOLIDARITÉ DE CLASSE.