En novembre 1947 l’Assemblée Générale de la très jeune ONU vote, comme solution organisationnelle pour négocier la “sortie” de la mainmise directe des puissances européennes (en l’occurrence le mandat britannique) sur le territoire de la Palestine, un plan de partage (voir encadré 1).

Elle laisse aussitôt s’effectuer un nettoyage ethnique presque parfait sur les territoires ainsi attribués à l’État juif (ce sont les termes du plan de partage) naissant, et sur ceux conquis en 1948-49 par la Haganah [2] et les groupes terroristes Irgoun et Stern, qui en fusionnant deviennent Tsahal. L’ONU crée ainsi une grande vague de réfugiés (plus de 80% de la population palestinienne vivant sur les territoires mentionnés). La frontière dessinée par le plan de partage (les pages du plan décrivant le tracé de la frontière sont un morceau surréaliste [3]) coupe également à travers les terres de très nombreux villages, préservés de la destruction parce qu’extérieurs aux territoires attribués ou conquis, mais privés de l’essentiel de leurs terres agricoles. C’est ainsi que, quelques 70 ans plus tard, les villages le long du front est de la bande de Gaza sont quotidiennement confrontés à la “barrière de sécurité”, qui non seulement les a séparés de leurs terres, mais crache aujourd’hui la mort sans autre logique manifeste que de dissuader les paysans de garder en cultures les minces terres restantes.

Défense de produire : assistés forcés

Pourquoi meurt-on au travail sur son champ (150 paysans abattus entre 2008 et 2014) ? Pourquoi, alors qu’aucun objet suspect n’a jamais été saisi sur un bateau de pêche, ceux-ci sont-ils quotidiennement pourchassés, capturés, au prix s’il le faut de la vie des pêcheurs, dans les eaux de pêche autorisée, parfois à quelques dizaines de mètres de la plage (voir encadré 2) ?

La simple observation des destructions, toujours visibles deux ans après les bombardements meurtriers de l’été 2014, apporte une réponse : la centrale électrique, comme à chacune des vagues de bombardements ; les stations d’épuration d’eaux usées, objectifs stratégiques si et seulement si l’objectif est de rendre la vie impossible sur ce morceau de terre ; l’essentiel des petites structures agro-industrielles comme les fabrications de yaourts ; les entrepôts abritant les activités de réparations mécaniques, de construction : longeant en mai 2016 le flanc est de la bande de Gaza, on n’observe que des carcasses noircies ; les bateaux de pêches tirés sur la plage, les abris où sont remisés filets et moteurs ; et les zones agricoles du nord et de l’est, ravagées, occupées, où les nouveaux champs, obstinés, semblent aujourd’hui monter à l’assaut des monceaux de gravats.

Les hôpitaux ont aussi souffert, et l’hôpital al-Wafa n’est plus qu’un grand trou dans le sol. Les écoles n’ont pas été épargnées (et c’était déjà vrai lors des bombardements précédents). Nombre de mosquées ont été ciblées. La dernière semaine (août 2016), de grands immeubles d’habitation ont été bombardés : la population elle-même est l’ennemi, directement. Mais encore plus systématiquement, son activité productive : tuer plus d’un million et demi de personnes, actuellement les plus fous ne peuvent y rêver, mais les réduire à la dépendance, oui, au vu du terrain, cela semble bien être la logique à l’œuvre.

Le fragile tissu industriel a donc été (à nouveau) écrasé, et est toujours en grande partie inutilisable deux ans après. Le trafic de camions à Kerem Shalom, la “porte” sur Israël, est, lui, ininterrompu : ce 8 juin, nous pouvons observer, à quelques mètres, un intense ballet de camions [4]. En sens unique : les contraintes sur les exportations de Gaza sont telles que les Gazaouis ne peuvent essentiellement pas vendre à l’extérieur de la bande, même en Cisjordanie [5]. Jamais le terme “marché captif” n’a été aussi approprié.

Résistance, résilience
La population de Gaza résiste. C’est-à-dire qu’elle continue d’exister. De faire société.

“Les hommes font l’Histoire dans les conditions que l’Histoire leur fait” [6]. Pour les Gazaouis, un grand demi-vingtième siècle a vu les Anglais partir (15 mai 1948), les Égyptiens administrer (1948-1967 – avec une interruption de 6 mois en 1956, sanglante occupation par Israël), les Israéliens occuper (et administrer directement de 1967 à 1994 – les colonies resteront jusqu’en 2005), puis, la bande de Gaza ayant été reconnue “Territoire Palestinien” par les accords d’Oslo (1994), l’Autorité Palestinienne être accueillie dans la liesse en 1994, enfin le Hamas être porté en tête des élections par une population exaspérée par la corruption (législatives 2006). Un bref mais violent combat entre les deux plus grands partis palestiniens laisse le Hamas seul aux manettes depuis 2007.

“Quand nous les enfants faisions grise mine devant un repas jugé peu copieux ou peu savoureux, maman soupirait : on voit bien que vous n’avez pas connu l’occupation égyptienne”, se souvient l’ami qui nous pilote de rencontres en rencontres. “La ligne de démarcation était matérialisée par quelques pierres. De Tel-Aviv arrivaient à travers champs des automobilistes qui vendaient leur voiture dans la bande de Gaza. Rentrés chez eux ils déclaraient la voiture volée : double bénéfice. Une grande partie des véhicules qui roulent à Gaza [7] sont ces voitures israéliennes” ; “Nous, les Gazaouis, étions très appréciés comme travailleurs en Israël pour nos compétences. En ce qui me concerne, les relations avec mon employeur étaient excellentes”. Paroles d’un lutteur pour la liberté de la Palestine, attaché de toutes les fibres de son corps à la justice, à sa terre, s’employant sans compter à la dénonciation de la situation coloniale. “À Gaza, quand je pose ma tête pour dormir, je me sens heureux et à ma place, comme je ne l’ai senti nulle part ailleurs”.

Par rapport à cette expérience, portée par les adultes, de la vie sous occupation, le blocus, hermétique depuis 2007 [8], pourrait bien entraîner une rupture générationnelle. Les vieux portent la mémoire de l’injustice criminelle de la Nakba. Loin de la fable du départ volontaire (“les Arabes sont partis d’eux-mêmes”), ces réfugiés racontent les avions volant en rase-motte et larguant des fûts de dynamite, la marche éperdue devant l’avancée de l’armée avec les animaux mourant en route. Mais être adolescent à Gaza, c’est n’être jamais sorti du minuscule radeau de 360 km². C’est connaitre l’occupant par les terribles vagues de bombardements, par les morts arbitraires le long des grilles de leur cage. C’est connaitre la “communauté internationale” par son indifférence, son soutien servile à un État violant pourtant ses propres édits, par une politique de visas parcimonieuse à en être honteuse, par ses mensonges, ses amalgames. Peut-on s’étonner si, à rebours de tous nos interlocuteurs un peu plus âgés, des très jeunes aient répondu à notre question :”Si la paix se fait, pourrez-vous vivre avec des Juifs ?” par un indigné :”comment pouvez-vous nous poser une question pareille ?”. “Gare, Gare ! Gare à ma fureur !” écrivait Mahmoud Darwich [9].

Les volontaires

Pourtant le société gazaouie n’a toujours pas craqué. Municipalités, comités populaires des camps de réfugiés, structure traditionnelle avec les mokhtars, (chef élus des grandes familles rurales), la société civile maintient son ossature, la diversité de ses organisations politiques, le vivre ensemble, parfois dans la confrontation rude, en particulier lorsque le Hamas au pouvoir tente de la formater. Une rage bien présente contre le clientélisme du pouvoir, une large désillusion vis-à-vis des partis politiques : un citoyen français n’est pas dépaysé. Deux aspects pourtant frappent à Gaza : la fréquence et la franchise des discussions politiques, n’importe où dans l’espace public, le large éventail des positions défendues ; et la densité d’organisations, des ONG et autres associations palestiniennes très solidement implantées (beaucoup sont regroupée dans le réseau PINGO d’échange d’expériences et de mutualisation des connaissances), jusqu’au fourmillement des centres de quartiers et des jardins d’enfants.

Ces jeunes que nous venons de citer nous parlent à l’issue d’une opération de distribution de vivres dans un bidonville bédouin, al Mugraga, dans la partie centrale de la bande de Gaza, un lieu de misère profonde. À la tristesse du père présent de l’un d’eux, ils affirment unanimement rêver leur avenir hors de Gaza : “l’enfer dehors, c’est mieux que le paradis ici !”. Mais ils donnent de leur temps, puisent dans leur volonté pour effectuer bénévolement les tâches que les structures officielles ne couvrent pas. L’énergie des bénévoles irradie l’ensemble de la vie à Gaza. Un exemple parmi mille : l’équipe de psychologues bénévoles de l’hôpital Shifa (Gaza-ville), vingt six diplomé-e-s recruté-e-s sur examen et entretien pour assurer, sans salaire et en payant ses transports et son uniforme, l’indispensable soutien psychologique aux patients les plus fragilisés et au personnel médical épuisé. Une société capable de mettre en mouvement ce type de ressources n’est pas sur le point de plier.

Qu’est-ce qui se joue à Gaza ?
Produire coûte que coûte

Inlassablement les pêcheurs reprennent la mer. Inlassablement les paysans travaillent les champs, jaugent les dégâts laissés par les incursions nocturnes des bulldozers israéliens, replantent si c’est encore possible. Inlassablement les enseignants s’efforcent de motiver une jeunesse interdite de voyages, et obtiennent un taux de poursuite des études supérieures impressionnant [10].

L’étau se resserre. La catastrophe attendue pour la nappe phréatique, très précisément et répétitivement documentée par les organismes onusiens présents à Gaza, privera d’ici quelques années la population d’eau utilisable, pour les besoins domestiques comme pour l’agriculture. La fourniture d’électricité, indispensable à la vie quotidienne comme au maintien d’un minimum d’activités économiques, s’installe durablement sur l’étiage 12 heures sur 24 heures, assez aléatoirement répartie par périodes de l’ordre de 6 heures (voir encadré 3).

L’UNRWA, responsable des écoles dans les camps de réfugiés (plus de 70% de la population), qui a depuis longtemps accepté la “rotation” (les élèves allant à l’école soit le matin, soit l’après-midi), s’apprête à faire passer le nombre maximum d’élèves par classe de 35 à 56 – défi au bon sens et à toute raison pédagogique, sachant qu’un enfant scolarisé cette année à 8 ans a survécu à Plomb durci, à Pilier de défense et à Bordure protectrice : on peut imaginer sans peine son besoin de présence et de sécurité. Dans un contexte où la porte de Rafah (frontière égyptienne) est essentiellement fermée (un nombre de jours d’ouverture depuis le début de l’année qui se compte sur les doigts d’une main), les permis de sortie par Erez (vers Israël) sont supprimés en masse.

L’étau se resserre, les Gazaouis luttent. “Ils ont écrasé mes champs et mes outils, ma ferme, et laissé ma maison debout. J’aurais préféré l’inverse : avec ma ferme je peux faire manger ma famille, et l’abriter sous une tente.” Nous écoutons des paysans de Beit Lahia, au nord de la bande de Gaza, commune rurale particulièrement martyrisée par l’offensive de 2014. Une trentaine de paysans et paysannes formés en coopérative réhabilitent leur terre. Solidement épaulés par l’UAWC (Union des Comités de Travailleurs de l’Agriculture et de la pêche), ils font face aux conditions de culture, profondément dégradées, avec des solutions écologiques. L’arrosage en pleine terre est remplacé ici, pour la production de fraises, par des productions hors sol permettant le recyclage presque complet de l’eau utilisée. Fragiles solutions car en partie dépendante de l’aide solidaire, comme les serres nécessaires. Mais témoins et outils d’une volonté implacable : “nous resterons sur nos terres et nous en vivrons”.

Gaza, une société en situation extrême… ou la préfiguration d’un monde à venir ?

Des fraises contre les bombes larguées par les F16, dérisoire ? A moins que ce ne soit un raccourci pertinent de ce qui se joue “là-bas, où le destin de notre siècle saigne” [11].

Quel siècle ? Eh bien justement, à Gaza, vingtième et vingt-et-unième siècle se donnent la main : la question posée en Palestine est la question coloniale. Mal maquillée sous la fable “cette terre est à nous”, quelle qu’en soit la version, archéologique ou divine, c’est la question du droit du plus fort qui est en jeu. La question de la situation des populations face à la redistribution de l’espace par les États les plus puissants – et les organes qu’ils se donnent pour les représenter.

Vingtième siècle. La puissante Europe a progressivement sculpté son antisémitisme chrétien jusqu’à la figure hideuse de l’antisémitisme racial, et pavé la voie de la solution finale. Le nazisme a été défait. Pas la matrice inégalitaire dont il était l’un des rejetons possibles : la date du 8 mai 1945 l’exemplifie de manière éclatante, jour de la victoire sur l’Allemagne nazie et jour des massacres de Sétif et Guelma. 1947, année du “plan de partage” de la Palestine et du tracé séparateur dont nous avons parlé, voit également la “partition des Indes” [12], avec la création du Dominion du Pakistan, formé de deux territoires, juste séparés par… l’Inde. En permettant dans ce contexte au rêve colonial sioniste (déjà bien avancé en ce temps, au sens où les principaux organes d’un pouvoir étatique sont déjà construits [13]) de se donner libre cours, l’Europe se débarrasse peut-être de sa culpabilité et sûrement de ses Juifs : les rescapés des camps, qui dans leur majorité demanderont le chemin vers l’Europe et les États-Unis, seront déboutés. Ils échoueront en Palestine.

Vingt-et-unième siècle. Est-on responsable de sa naissance ? Non. Mais de ses actions, certainement. Israël s’est hissé à une place éminente dans le concert des puissants, élève dépassant ses maitres, spécialisé dans la surveillance et le contrôle des populations. Grâce à une bonne expertise en technologies de pointe. Grâce surtout à un atout comparatif imparable : la possibilité de tester et mettre en œuvre matériels et techniques en vraie grandeur [14]. Ce qui n’est possible qu’à deux conditions : la situation coloniale acquise, faisant des Palestiniens des sous-citoyens, voir moins ; la mise en condition de la partie juive de sa population, biberonnée à la certitude que ses propres droits priment sur ceux des autres, qu’on a le droit d’être raciste contre les Arabes, et que la peur justifie tout.

Est-ce ainsi que nous allons accepter de vivre ?

Pierre Stambul [15] et Sarah Katz [16]

Gaza, un laboratoire de l’inégalité des droits, S. Katz et P. Stambul, Gaza, mai-juin 2016, encadrés :

Encadré 1 : L’ONU et la Nakba

En novembre 1947, les Nations unies, par leur Assemblée Générale, approuvent le “plan de partage de la Palestine” élaboré par sa commission l’UNSCOP (résolution 181). Un féroce nettoyage ethnique s’ensuit immédiatement : sur le territoire attribué à l’”État juif”, au lendemain même de la résolution, avant le déclenchement officiel de la guerre (15 mai 1948), la quasi-totalité des Palestiniens sont brutalement expulsés ; puis ce “nettoyage” se poursuit au-delà, sur les terres conquises par les armes en 1948-49. Sont ainsi chassés de leurs terres en deux ans plus de 80% des Palestiniens. L’organe proclamant : “Nous, peuples des Nations unies”, vieux d’à peine deux années, sensé “préserver les générations futures du fléau de la guerre” est ainsi à l’origine directe de la Nakba, la catastrophe, transformant les Palestiniens en un peuple de réfugiés.

Les Nations unies réagiront par des produits cosmétiques, ou rendus tels par l’indifférence à leur application :

– la création de l’UNRWA (8 décembre 1949), reconnaissant l’urgence du problème créé, mais retirant finalement les Palestiniens du traitement commun : les réfugiés palestiniens sont les seuls réfugiés au monde à ne pas dépendre du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (le HCR est institué en 1951).

– La Résolution de l’Assemblée générale des Nations unies 194, adoptée le 11 décembre 1948, demandant le droit au retour des réfugiés. Elle reste à ce jour (2016) lettre morte. Au contraire, dès le lendemain du vote, Israël détruit des centaines de villages palestiniens, et ira jusqu’à faire disparaitre leur noms.

Les Nations unies n’en admettront pas moins en mai 1949 Israël en leur sein, avec le préambule : “Notant que, de l’avis du Conseil de sécurité, Israël est un État pacifique, capable de remplir les obligations de la Charte et disposé à le faire,…, Rappelant ses résolutions du 29 novembre 1947 (Plan de partage, ONU, A.G., Résolution 181) et du 11 décembre 1948 (Résolution 194), et prenant acte des déclarations faites et des explications fournies devant la Commission politique spéciale par le représentant du Gouvernement d’Israël en ce qui concerne la mise en œuvre des-dites résolutions,…”.

Encadré 2 : Défense de produire, le cas de la pêche
Zakaria Baker, responsable à Gaza des comités de pêcheurs pour l’UAWC (Union des Comités de Travailleurs de l’Agriculture et de la pêche) nous donne les chiffres des attaques des navires de guerre israéliens sur les pêcheurs pour les cinq premiers mois de 2016 : 13 pêcheurs blessés (le dernier le 1er juin, par une balle tirée à bout portant), 70 arrêtés, 24 bateaux capturés (dont un sardinier), et 800 filets détruits ou volés. Plus inquiétant encore, ces chiffres viennent pour l’essentiel des deux derniers mois (3 avril – 3 juin) : 50 arrêtés, 9 blessés, 18 bateaux capturés (soit en deux mois des chiffres équivalents à toute l’année 2015). Auxquels il faut rajouter les 11 bateaux détruits sur le sable ou au port depuis le début de l’année.

“Une grande cruauté peut caractériser les arrestations : obliger les pêcheurs à se dévêtir et nager jusqu’à la vedette, par température négative en hiver, sans accepter de prendre en compte que certains ne savent pas nager, tirs dans les jambes à quelques mètres avec des balles en caoutchouc sur des pêcheurs déjà capturés… le 27 janvier, c’est rigide et à demi-mort que le jeune pêcheur de 17 ans a été repêché, puis traîné dans une bouée jusqu’au bateau de guerre. Ces attaques se passent très près de la côte, typiquement à 1 mille au large. De 2011 à 2014, 3 pêcheurs ont été tués : ils étaient respectivement à 3 milles, à 2 milles… et à 20 mètres de la côte.”.
Rappelons que depuis que les bateaux de pêche (en majorité de grandes barques pontées, les hasakas) sont considérés comme du gibier légitime, pas un seul “objet suspect” n’a été trouvé à bord. Les pêcheurs ne peuvent plus pêcher, et le poisson “israélien” est vendu à Gaza : 5 à 7 tonnes de poissons venant d’Israël entrent chaque semaine dans la bande de Gaza.

Encadré 3 : la communauté internationale n’est pas mal informée. Complice alors ?
L’ensemble des agences onusiennes sont présentes à Gaza, et produisent des documents accablants.

Août 2012 : l’UNRWA publie le rapport de l’Équipe de pays (Nations unies) pour les territoires Palestiniens Occupés : “Gaza en 2020, un lieu vivable ?” (1). Un cri d’alerte pleinement documenté, qui décrit les besoins : “À l’horizon 2020, la fourniture d’électricité devra doubler pour être au niveau des besoins, les dommages sur l’aquifère seront irréversibles sans une action de réparation immédiate, et des centaines d’écoles et de services de santé supplémentaires seront nécessaires pour une population de plus en plus jeune… ” Et qui conclut : “En l’absence d’une action continue et efficace, et d’un environnement politique constructif… la vie quotidienne des Gazaouis en 2020 sera pire qu’à l’heure actuelle. Il n’y aura essentiellement plus d’accès fiable à l’eau potable, les niveaux des services pour la santé et l’éducation auront continué à décliner, et l’idée d’une fourniture d’électricité fiable et abordable pour tous sera devenue un vieux souvenir. Pour que Gaza soit un lieu vivable en 2020, il est essentiel que les habitants de Gaza puissent exercer l’ensemble des droits humains fondamentaux qui leur reviennent”.

Que la réponse d’Israël soit le bombardement de la bande de Gaza deux mois plus tard ne conduira à aucune sanction. Et c’est deux vagues de bombardements plus tard que sort le rapport (2) de l’UNCTAD (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (3)) :

Septembre 2015 : “Gaza pourrait devenir inhabitable en moins de cinq ans, au rythme des reculs actuels”, résume cette organisation. “Trois opérations militaires israéliennes dans les six années précédentes, à ajouter au blocus économique, ont ravagé les infrastructures déjà fragilisées de Gaza, brisé le substrat économique, n’ont pas laissé le temps pour des reconstructions significatives ou une relance économique, ont appauvri la population de Gaza, conduisant au niveau économique le pire des deux décades précédentes.” Constat qui n’a conduit à aucune action, fût-elle verbale, contre Israël.

Été 2016 : Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA en acronyme anglais), quand à lui, continue de documenter mois par mois les principaux indicateurs permettant de suivre au plus près la situation de la vie à Gaza. Prenons deux exemples (4) :

Le traitement des eaux usées, juillet 2016 : “le déficit de longue durée d’infrastructure d’assainissement adéquate dans la bande de Gaza a conduit au déversement quotidien dans la mer de quelques 90 millions de litres d’eaux usées non traitées ou insuffisamment traitées, créant une sévère menace de risques sur la santé et d’accidents environnementaux”.
La fourniture d’électricité, mai 2016 : l’OCHA mesure à 46% des besoins la quantité d’électricité disponible en moyenne à Gaza (210 MW fournie pour une demande s’élevant à 450 MW).
C’est au grand jour, bien suivi par des organismes compétents, qu’Israël martyrise et étrangle la bande de Gaza.

1. http://www.unrwa.org/userfiles/file/publications/gaza/Gaza%20in%202020.pdf, en anglais
2. http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=51770#.V7V5UBKK57m ;
le rapport lui-même : http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/tdb62d3_en.pdf, en anglais
3. CNUCED en français, Programme de l’ONU créé en 1964.
4. http://www.ochaopt.org/theme/water%2C-sanitation-and-hygiene et http://www.ochaopt.org/co.

[1] Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA – acronyme anglais pour Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), département du Secrétariat des Nations unies, donne en août 2016 le nombre de 1 881 135 personnes.

[2] Organisation paramilitaire sioniste créée en 1920

[3] Résolution adoptée sur le rapport de la commission ad hoc chargée de la question palestinienne, plan de partage avec union économique, deuxième partie, Frontières, A. l’État arabe, pages 142-146

[4] “Chroniques de Gaza, mai-juin 2016”, Sarah Katz et Pierre Stambul, Acratie, à paraitre en septembre 2016

[5] Voir “l’épopée” du scanner à camions offert par les Pays-Bas : “Gaza, l’électricité et l’ONU, Gérer l’inadmissible au quotidien”, Sarah Katz, 6 janvier 2014, Orient xxi

[6] Librement adapté de Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte

[7] Entretien réalisé en 2013

[8] Rappelons que c’est depuis 1991 que les mouvements des Gazaouis sont entravés, et que la politique israélienne de dépeçage de la Palestine en territoires sans communication est de longue date explicite.

[9] Mahmoud Darwich, “Identité”, 1964

[10] Six universités fonctionnent à Gaza, correspondant à environ 100 000 d’étudiants ; 21 000 sortent diplômés chaque année.

[11] “La complainte de Robert le diable”, Louis Aragon, 1945

[12] 12,5 millions de personnes déplacés, peut-être jusqu’à 1 million de morts.

[13] Pierre Stambul, “le sionisme en questions”, 2014, éditions Acratie

[14] Voir par exemple “The Lab”, documentaire, Yotam Feldman , 2013

[15] Professeur de mathématiques retraité, formateur IUFM (actuellement ESPE), coprésident de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP).

[16] Socio-démographe, analyste de donnée, retraitée du CNRS, ISM-France et UJFP.

http://www.ujfp.org/spip.php?article5118