Qu’est-ce que la solidarité ?
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Category: Global
Themes: Anti-répression
Il y a quelque temps j’ai rendu visite à des personnes avec qui je me suis organisée, visite motivée par des gros problèmes (d’ordre politique) qu’ils avaient rencontré. Je suis revenue vers eux, malgré des montagnes de conflits humains, d’attitudes inacceptables de leur part, de propos dégueulasses et de violence psychologique à mon encontre. J’ai mis ces choses de côté, en me disant que nos idées en commun étaient au dessus de tout cela. J’avais peur de me retrouver face à ces personnes qui ont su me briser (et d’autres) en quelques mois, qui ont su habilement me faire perdre toute confiance en moi, et qui m’ont humilié lorsque j’étais au plus mal, dans des états parfois au bord du suicide ou sur le point de rentrer en HP. Mais au nom des idées que je défends je suis revenue lorsqu’ils avaient des problèmes, alors que je m’étais promis que j’avais tiré un trait sur ces personnes nocives pour mon équilibre mental, pour ma reconstruction.
Alors que j’étais avec eux pour discuter de ce qui pouvait se faire face à ce qu’ils venaient de subir, ils ont commencé à m’agresser verbalement, toujours sur le même ton autoritaire d’antan, toujours dans le but de me montrer que ce sont eux qui dominent. Au bord des larmes, sentant que je n’allais pas tenir le coup, je leur dis que je dois partir, et là l’un deux met la main sur la porte pour m’empêcher de sortir, et pouvoir continuer à m’humilier, me rabaisser, me faire des reproches, me faire comprendre encore une fois que je ne suis qu’une merde, comme si le message n’était pas passé après des mois passés à subir leurs ricanement, mépris et humiliations.
Lors qu’enfin j’ai réussi à sortir, non sans avoir sur le coup de la colère dit des choses que je ne pensais peut-être pas, je me suis demandée comment cela était possible. Car depuis des mois que ces personnes subissent divers problèmes, ils réclament de la solidarité à tout le monde, maudissent ceux qui ne leur font pas une visite, et se félicitent dès que des personnages publics publient leur solidarité envers eux. Mais ma solidarité à moi (simple individu qui ne revêt pas une aura de personnage public de ce milieu, et personne fragile qu’ils ont toujours voulu voir comme faible et incapable), que j’exprimais ce jour là, n’avait aucune valeur pour eux, ne comptait pas, et alors ils ont même oublié pourquoi j’étais là, et ils ont repris leurs veilles habitudes d’humiliation et de mépris à mon encontre.
Quelques jours plus tard, après avoir exprimé par mail ma colère face à ce qui venait de se passer, l’un d’eux me reproche d’avoir franchi une limite en plaçant ma rancune et mes problèmes émotionnels avant la solidarité … je n’ai pas compris, et dans d’autres circonstances j’aurais ri d’un tel non-sens, d’une telle malhonnêteté.
Alors lorsque certains disent « la solidarité ça n’est pas que des mots en l’air», je suis d’accord. La solidarité ça n’est pas quelque chose de « gratuit » que l’on distribue à tour de bras. Se solidariser envers quelqu’un, envers un projet, ça doit revêtir un sens particulier, celui de se dire « ça aurait pu m’arriver aussi et alors je veux dire à ceux qui ont subi ces choses que je suis avec eux, que je les aiderai s’ils ont besoin de quoi que ce soit, que j’estime qu’on est sur le même bateau, et qu’on doit se serrer les coudes ». C’est le moment précis où l’on met de côté ses rancunes, ses petits besoins de dominer les autres, ses petits besoins de faire payer à d’autres ses propres erreurs. Et recevoir la solidarité d’autres personnes devrait se faire avec un minimum de reconnaissance, d’autant plus lorsque ceux qui se solidarisent ne se bousculent pas au portillon. Bien entendu, on ne se solidarise pas pour recevoir des remerciements, mais que ceux qui reçoivent la solidarité montrent que ça compte pour eux c’est un minimum. Contacter des gens qui t’ont écrit en taule une fois que tu en es sorti, répondre à ceux qui te proposent de la thune quand ton projet est dans la merde, dire merci à quelqu’un qui se déplace pour te soutenir … ça devrait se faire naturellement, et pourtant on a chacun vécu ce petit sentiment amer d’avoir fait des efforts pour quelqu’un dans la merde et de n’avoir jamais rien reçu en échange, ni un merci, ni un petit mot, qui montrerait que dans d’autres circonstances ces personnes seraient solidaires envers nous à leur tour, pas au nom d’une réciprocité dogmatique, mais au nom d’idées communes que l’on défend, et qui méritent qu’on se mouille les uns pour les autres, et qu’on efface nos différends dans ces moments précis.
Alors en ces temps où frappe la répression, soyons solidaires les uns envers les autres, mettons de côté nos rancunes, et tous ces salops qui en profiteront pour nous cracher à la gueule on les emmerde, car ça n’est pas envers leurs petites personnes qu’on fait ces efforts, mais envers des idées communes malgré tout, envers un projet commun, qui s’appelle la révolution, et qui aura malheureusement besoin de ces connards comme de tant d’autres qui en valent plus la peine.
Pour une solidarité révolutionnaire !
J’aimerais dire à l’auteur : bravo pour avoir écrit ce texte. La solidarité est une question centrale des luttes actuelles et à venir, et c’est une question politique. Comme le dit le texte, la solidarité devrait être quelque chose d’immédiat, de naturel, mais il faut le dire les expériences subies tout au long du XXe siècle, notamment le nazisme et le stalinisme, ainsi que les caractéristiques actuelles des groupes politiques « révolutionnaires », la quasi-totalité du temps très marquées par l’héritage laissé par le stalinisme – même chez les anarchistes ! – ou par des éléments idéologiques de la petite-bourgeoisie – ça n’est pas une insulte, c’est seulement qu’il s’agit là d’idées profondément marquées par l’individualisme – ont détruit ce que le mouvement ouvrier avait construit depuis ses origines jusqu’à la défaite de la Révolution russe, et notamment la solidarité ouvrière contre l’individualisme et la concurrence du monde capitaliste.
Le combat pour la solidarité est donc un combat politique avant tout, et il faut le dire clairement, les comportements à ce niveau ont une importance politique. La solidarité, c’est la reconnaissance dans l’autre de sa propre identité et l’idée que si l’autre est un autre soi-même, il fait donc partie de moi. Et ça a été un dur travail pour la bourgeoisie de détruire ça pour arriver là où nous en sommes, lorsque le sectarisme – c’est-à-dire la mise en avant des différences avant celle des points communs – et la méfiance sont devenus naturels alors que c’est la solidarité qui devrait l’être.
C’est pourquoi j’aurais tendance à contredire l’auteur à la fin de son texte : il ne faut pas mettre les rancunes au placard quand elles ont un contenu politique, et les comportements agressifs, humiliants, sexistes que l’on peut voir dans certains groupes et organisations on en fait un contenu politique : ils ne sont pas révolutionnaires.