Samedi 22 février à nantes, l’État montre son vrai visage…
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Catégorie : Local
Thèmes : 22 févrierLogement/squatMédiasRépressionResistancesZad
Lieux : Nantes
Faisons un point de la situation à NDDL, du point de vue de l’État et de Vinci :
ce qui empêche le début des travaux de l’Aéroport, c’est la présence de 200 contestataires mobilisés sur place.
Question : comment les en déloger, puisqu’ils bénéficient du soutien de dizaines de milliers d’autres, rien que dans la région ?
Réponse : en les faisant passer pour des gens asociaux, violents, incontrôlables, et, cerise sur le gâteau, hypocrites quant à leurs préoccupations écologiques et humaines.
Pour ce faire, la manifestation du samedi 22 février 2014 (alors que les travaux devraient déjà être en cours : Gggrrr… Vinci grogne) est l’occasion ou jamais de couper (l’herbe sous le pied, devrais-je dire) des « zadistes » de leur (trop) nombreux soutiens populaires, et de ternir en même temps la réputation des opposants au projet.
Cette grille de lecture (= se placer du point de vue des « décideurs »), donne un éclairage assez pertinent sur ce qui s’est passé lors de la manifestation du 22 février, et sur les déclarations qui ont suivies.
C’est la source du grand décalage entre ce que les manifestants ont vu et vécu, et ce qui en a été dit par l’État, relayé par les médias. Car ces déclarations avaient été préparées, anticipées : elles sont le cœur de l’opération de manipulation.
Toutes les déclarations du Maire de Nantes, du Préfet, du Ministre de l’intérieur, et du Premier Ministre, visent à la dramatisation a l’extrême : « la ville de Nantes a été saccagée », « 1 000 casseurs venus en découdre avec les forces de l’ordre », « ces violences sont le fait des black-bloc », « les organisateurs sont débordés par la frange radicale sur laquelle ils s’appuient depuis le début de ce mouvement ».
Cette théâtralisation outrancière est nécessaire pour aboutir à la question logique qui dans l’esprit de l’opinion va suivre immédiatement : qui sont ces casseurs ? Et puis, face aux peurs suscitées : Où sont-ils ? Où se cachent-ils ?
L’un des médias les plus zélés, dans ce rôle de relais de la manipulation mensongère, est le quotidien Ouest-France, qui, dans son édition du lundi 24 février, n’a retenu de la manifestation festive et massive et contestataire et porteuse d’autre chose, que les propos… de partisans du projet, et les deux déclarations fondamentales auxquelles il-fallait-nécessairement-aboutir :
« Pour le préfet, pas de doute non plus. Les acteurs de cette ‘guérilla urbaine’ viennent bien de la zone occupée à Notre-Dame des Landes. Où la gendarmerie ne met plus les pieds depuis des mois, et qui servent de base arrière. » Puis ce sont les propos du Premier ministre qui sont fidèlement rapportés : « Ces violences sont inacceptables dans un État de droit. Tous ceux qui exercent des responsabilités publiques doivent condamner les squatteurs de la Zad, organisateurs délibérés de ces violences. » a t-il déclaré sur le site Internet de Presse-Océan.
Et voilà, le tour est joué ! Ne reste plus qu’à ces magnifiques conclusions de faire le tour des salles de rédaction, en boucle ! De la même manière que la quasi totalité des médias reprennent sans la moindre vérification le chiffre des « 1 000 casseurs ».
Car oui, il faut que l’opinion publique ait désormais l’image de la présence dans la lande de véritables « terroristes », de surcroît très nombreux, pour justifier une intervention « musclée » dans la Zad… et… que les travaux puissent enfin commencer !
Malheureusement pour l’État menteur et manipulateur, de nombreux faits viennent contredire cette belle campagne de mensonges. Car de nombreux témoignages, appuyés par des photos et des vidéos, montrent tout autre chose :
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une manifestation familiale et festive, avec certes des manifestants organisés pour animer la manifestation (des clowns, des musiciens, etc.)… mais dont l’acte le plus « violent » consistait à « tager » ou à projeter de la peinture (sur les murs et les entrées des banques, les vitres de la mairie de Nantes, et sur quelques CRS)…
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la vitrine d’une boutique Vinci cassée, et le bureau saccagé. (Alors même que ce site avait été pointé par les « forces de l’ordre » comme un lieu à protéger… Pourquoi, alors qu’il y avait des CRS dans toutes les rues, n’y en avait-il précisément pas à cet endroit ?)
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un engin de chantier destiné au forage, incendié à quelques dizaines de mètres du parcours de la manifestation. (je l’ai personnellement vu en feu à 15h35, et lorsque j’ai quitté cet endroit, à 16h25, il était toujours en feu… si d’autres ont regardé leur montre, ils peuvent préciser les heures) Cela fait donc au minimum 50 mn avant que les pompiers interviennent – sont-ils même intervenus ? Alors pourquoi laisser brûler un tel engin à proximité du parcours, sinon pour créer un effet de choc sur les manifestants, et ainsi disloquer la manifestation, qui plus est en mettant cela sur le dos de mystérieux « casseurs » ?
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une fois la tête du cortège arrivée à Commerce, face à la muraille érigée par les CRS pour nous empêcher de défiler cours des 50 otages, quelques dizaines de manifestants excédés – pas plus d’une quarantaine en tous cas – se sont mis à lancer des canettes et bouteilles vides sur cette muraille de plexiglas.
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Les « forces de l’ordre » ont alors répliqué avec une violence inouïe, avec plusieurs jets d’eau en action et des tirs de grenades lacrymogènes, au fur et à mesure de l’arrivée de manifestants, de leur flux et reflux. A cours de munitions, les quelques dizaines de personnes qui s’en prenaient aux CRS ont commencé à relancer des grenades, et à chercher de nouveaux projectiles (pavés du Tramway). Et ceux-ci avaient tout au moins l’assentiment de bon nombre de manifestants, choqués par la violence de la réaction des CRS, et ce alors qu’il y avait dans le cortège des enfants.
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C’est à partir de ce moment qu’a eu lieu l’attaque de « casseurs » sur certaines vitrines de l’allée Brancas, l’incendie des locaux de la Tan, la façade du commissariat Cours O. de Clisson, la barricade rue Kervégan, et les face-à-face de jets de projectiles, qui ont duré de l’esplanade du CHU jusqu’à la place de la petite Hollande ( !) (et peut-être plus loin?)
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d’autres manifestants (ou passants profitant de l’aubaine pour exprimer leur colère sociale) se sont alors joints aux lanceurs de pierres, mais, si on fait un bilan des « casseurs » actifs, on arrive à deux cents « canailles » au plus : une quarantaine à Commerce, une trentaine rue Kervégan et autant rue du Guesclin, une trentaine devant le commissariat, et peut-être une soixantaine en d’autres lieux comme devant le CHU. (Et encore, c’était sans doute parfois les mêmes qui se déplaçaient). Les autres (des milliers) se contentaient de regarder le spectacle – qui de festif, prenait un tour plus grave. On est bien loin du millier de casseurs annoncé ! Quant au « black bloc » ?, mystère !
D’ailleurs, le bilan des dégradations est bien faible pour « un millier de militants radicaux », « préparés et armés » : 2 voitures renversées, une brûlée, une dizaine de vitrines cassées, une vingtaine taggées, la façade du commissariat endommagée, des feux de poubelles, 8 mètres carrés de pavés descellés le long des rails du Tramway, 14 m² rue Kervégan et 12 m² rue du Guesclin ; les locaux brûlés de la TAN, à Commerce, constituent le lieu saccagé le plus conséquent, avec l’engin de chantier incendié. Serait-ce là le bilan d’un millier de « black-bloc » ayant saccagé la ville durant plus de 4 heures ? (disons, de 15h30 à 19h30 ?).
Les faits sont donc bien loin de la campagne mensongère orchestrée par le préfet.
Sans compter plusieurs témoignages de gens ayant vu des policiers en civil changer plusieurs fois de tenue… ! (En partant, j’ai moi-même vu un camion de police isolé, rue des Olivettes, dans l’axe de l’engin de chantier incendié… si ils étaient là depuis longtemps, pourquoi n’ont-ils pas réagi ? Leur position les plaçait idéalement, en embuscade par rapport à cet événement… il n’était pas difficile de prendre le passage souterrain pour aller arrêter les incendiaires ! Ou alors… ce sont eux les incendiaires ? En tous cas, ils étaient bien loin des lieux d’affrontement, or je les ai vu ranger du matériel – et des vêtements, il me semble – dans un grand sac zippé, à l’abri des regards, derrière le camion !) (Je les ai surpris en débouchant de la rue Crucy)
Alors qui étaient les « casseurs » ? Pourquoi seulement 14 interpellations ? La crainte d’arrêter des « collègues » ? Si les fameux « black bloc », expression chère à notre Ministre de l’intérieur, et qui visiblement le font fantasmer, sont « surveillés et connus de nos services », alors pourquoi n’ont-ils pas été, cette fois, massivement arrêtés ? C’était l’occasion, non ?
Des centaines, des milliers de manifestants ont vu ce samedi 22 février de quels mensonges et de quelle violence l’État est capable, lorsqu’il s’agit de sauver les intérêts de grands groupes capitalistes.
Sa manipulation mensongère ne prendra pas.
Je tiens d’ailleurs à saluer ici l’attitude de Françoise Verchère, conseillère générale de Loire-Atlantique, qui, dans sa lettre au Ministre de l’intérieur, affirme sa confiance et sa solidarité, et confirme son soutien aux jeunes « zadistes » qui occupent le site de NDDL.
Le préfet a parlé « d’individus violents », « organisés, armés », « ayant pour objectif l’affrontement », et « sur lesquels s’appuie le mouvement »
Mais ce que nous avons vu, ce n’est pas ce qu’il dit.
Ce que nous avons vu, ce sont des CRS « violents », « organisés, armés », « ayant pour objectif l’affrontement », c’est un État « violent », « armé », ayant un objectif inavouable : préserver les intérêts « sonnants et trébuchants » de grands groupes qui ne pensent qu’à leurs profits et non au bien commun.
Je ne serais pas surpris que, dans les prochains jours, « l’enquête » nous révèle que certains « casseurs » ont été identifiés et qu’ils résident… sur la Zad de NDDL !
C’est l’objectif de toute cette manipulation.
Mais je sais que nous serons vigilants.
Avant cette manifestation, je n’étais pas particulièrement sensibilisé à l’occupation de cette Zad. Pour tout dire, je suis allé à la manif de samedi avec ma fille de 9 ans, car, en cherchant sur Internet, nous avons vu, quelques jours auparavant, des vidéos sur cette lande que Vinci veut bétonner pour faire du fric : des petits ruisseaux d’eau non polluée, des tritons qui y vivent, d’autres espèces encore, qui profitent d’un petit paradis naturel, loin des folies qu’engendre notre système économique dément. C’est ce qui nous a décidé à aller manifester, pour la première fois sur ce sujet.
Je ne me suis jamais rendu à la Zad de NDDL. Mais si une opération policière (ou militaire, allez savoir ?) est déclenchée par ces salauds pour déloger les « zadistes », et bien je serai de ceux qui iront là-bas pour les soutenir. Je prend ici l’engagement moral de tout faire pour empêcher les travaux de ce nouvel aéroport, et s’ils parviennent quand même à la construire (sous la protection de cordons de CRS), j’irai le détruire morceau par morceau et l’empêcher de fonctionner par tous les moyens, je ferai de Vinci la cible privilégiée de mes interventions… et probablement, « je serai des milliers… »
p.s. : et ça va venir vite ! Je viens d’apprendre que le président de la Région, Jacques Auxiette, vient de demander à Hollande l’évacuation du site !
Un commentaire a été caché : les valeurs défendues par le mouvement anti-aéroport n’ont rien en commun avec celles de la manif « pour tous », qui est homophobe et copine avec l’extrême droite.
Au fil des discussions, qui sont nombreuses parmi les gens que je côtoie, reviennent quelques questions lancinantes…
Pourquoi les autorités avaient-elles intérêt à laisser la violence s’aggraver ? Qui étaient les « casseurs » ? Pourquoi seulement 14 interpellations ? La crainte d’arrêter quelques « collègues » ?
Plusieurs hypothèses circulent… Pour ma part, voilà ce que j’en dis :
Les réponses sont liées à leur objectif. En effet, ce qui empêche le début des travaux de l’Aéroport, c’est la présence de 200 contestataires mobilisés sur place. Ceux-ci ont le soutien de dizaines de milliers d’autres.
D’une part, cette manifestation était l’occasion de diviser les opposants, entre les « violents » et les « pacifistes », c’est-à-dire de couper les « zadistes » de leur nombreux soutiens (agriculteurs, salariés).
D’autre part, s’ils avaient arrêté les auteurs des quelques dégradations immédiatement, ils perdaient le prétexte d’intervenir sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour aller « chercher » les « casseurs » !
De plus en plus, leurs mensonges apparaissent bel et bien comme une grossière manipulation.
Le ras-le-bol social, le ras-le-bol de cette société du fric protégée par un État policier s’exprime de plus en plus clairement dans les discussions…