Le problème n’est pas le capitalisme, mais l’empire de la technique
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Nécrotechnologies
Il y a soixante ans, dans son livre La Technique où l’enjeu du siècle, Ellul écrivait ces lignes : « Il est vain de déblatérer contre le capitalisme, ce n’est pas lui qui crée ce monde mais la machine ». Quelques années plus tard, il précisait : « le capitalisme est une réalité déjà historiquement dépassée. Il peut bien durer un siècle encore, cela n’a pas d’intérêt historique : ce qui caractérise aujourd’hui notre société, ce n’est plus ni le capital ni le capitalisme mais le phénomène de la croissance technicienne ».
Aujourd’hui, avec le phénomène de l’algotrading (lui-même résultant des « progrès » de l’intelligence artificielle), les ordinateurs prennent l’initiative d’effectuer des milliers d’opérations boursières en quelques microsecondes. Ils le font à la place des humains, car ces derniers estiment qu’ils sont moins efficaces qu’eux.
Ainsi se vérifient deux prédicats d’Ellul : 1) la technique est devenue un phénomène autonome : son développement échappe à l’homme (quand bien même celui-ci s’évertue à proclamer qu’il le contrôle) car il est vécu comme une nécessité impérieuse ; 2°) il en est ainsi parce que la technique correspond au fait que « la préoccupation majeure de l’époque est la recherche de l’efficacité maximale en toutes choses ».
Alors que, de façon patente, les faits valident aujourd’hui cette analyse vieille de plus d’un demi-siècle, la majorité des intellectuels et des militants ne veut pas la prendre en considératon. Ils affirment que la politique est gouvernée par l’économie et l’économie par la finance, mais ils ne font que le déplorer. Aux médias, ils répètent combien ils sont « atterrés » et « indignés » et ils en appellent aux « alternatives » comme autrefois, on attendait Godot. Leur impuissance à contrer le système vient du fait qu’ils ne poussent pas le constat jusqu’au bout : la finance est gouvernée par la technique.
Cette réticence à pousser le raisonnement à son terme les obligerait en effet à admette que les maux de la planète ne peuvent s’évaluer sur le mode manichéen : une poignée d’odieux oligarques traçant à eux seuls le destin de toute la planète contre une majorité innocente.
Certes, la domination est un phénomène bien réel. Mais elle ne vient pas seulement du fait que le libéralisme n’est que la liberté du renard libre dans un poulailler libre, propagandé de manière à ce qu’il accepte sa domination. Ceci est vrai mais absolument pas nouveau, Marx l’a autrefois analysé dans le détail.
Ce qui l’est, c’est la nature même de la propagande : c’est parce que « l’homme moderne » (le dominant comme le dominé) est intimement convaincu qu’il peut être heureux grâce aux bagnoles, aux écrans plats et aux smartphones qu’aujourd’hui Apple, Samsung, IBM, Google et Facebook façonnent le marché et le maintiennent en vie malgré les crises et scandales qui font sa vitrine. Sans ces sociétés, le capitalisme ne serait rien ou presque rien.
On a certes raison de condamner la soif de profit mais on a tort de ne pas y voir une déclinaison de « la recherche de l’efficacité maximale en toutes choses ». On a raison de dénoncer la domination, mais on a tort de ne pas y voir la résultante d’une aliénation généralisée. On a raison de pointer la turpitude et le cynisme du magnat et du trader mais on s’illusionne quand on croit que l’État peut réguler le marché.
Un totalitarisme feutré et indolore
La technique s’est emparée de toutes les consciences depuis qu’elle est devenue, au siècle dernier, un phénomène autonome : elle s’auto-accroît parce qu’on se prend toujours à s’imaginer qu’elle est neutre, ni bonne ni mauvaise, que seul dépend l’usage que l’on en fait. Cet aveuglement, cette naïveté extrême, cette anesthésie de l’esprit critique, cette paresse intellectuelle – peu importe comme on l’appelle… – élève la technique au rang de totalitarisme. Un totalitarisme feutré, indolore, qui prend même les formes d’un certain hédonisme, mais qui est bien tel et qui a pour nom « conformisme ».
On n’arrête pas le progrès pour la raison que l’on est devenu incapable de le penser, à force de le sacraliser. La quête frénétique du confort moderne se paie au prix fort du refoulement du bon sens. Mais chassez le naturel et il revient au galop : à Fukushima comme à Tchernobyl.
Il existe pourtant quelques petits villages d’irréductibles résistant à l’envahisseur technicien. Les membres de l’association Technologos, qui ont tenu tout récemment leurs premières assises, mènent une oeuvre de démystification. Il est possible de les rejoindre dès lors que l’on n’est pas sujet aux lieux communs et que l’on a définitivement fait le deuil de ses illusions. Il faut fuir Babylone et reconstruire une cité nouvelle.
!!!
Où finit l’éclectisme politique, où commencent confusionnisme, complotisme ou encore fétichisme (et isme et isme rage !)?
Je crains que M. Ellul n’ait effectivement pris le problème à l’envers :
« 1) la technique est devenue un phénomène autonome : son développement échappe à l’homme (quand bien même celui-ci s’évertue à proclamer qu’il le contrôle) car il est vécu comme une nécessité impérieuse ; 2°) il en est ainsi parce que la technique correspond au fait que « la préoccupation majeure de l’époque est la recherche de l’efficacité maximale en toutes choses ». »
D’où sort « l’efficacité maximale en toutes choses », si ce n’est du capitalisme ? Avant que le capitalisme ne se mette à dominer tous les autres modes de production, cette « efficacité maximale en toutes choses » n’existait tout bonnement pas ! Ce sont donc bien les rapports de production qui sont à la base du machinisme, et pas l’inverse. Sans la course au profit et à l’accumulation du capital, le machinisme n’existerait tous simplement pas !
Par conséquent, la lutte contre les machines est vouée à l’échec. Et surtout, M. Ellul n’a pas réellement expliqué ce qu’il compte mettre à la place du machinisme !
Diantre : Ellul a eut le malheur de toucher au diable communiste : le grrrrand caaaaapitaaaal !
C’est dur d’imaginer qu’il puisse y avoir une part de vérité ailleurs ? De ne pas intervenir chaque fois que le mot communisme est mentionné sur indy nantes ? (c’est quoi le flux rss ?)
C’est dur de comprendre qu’il parle d’enjeux d’avenir, on en sent une partie de la réalité actuellement, mais qu’il ne nie pa pour autant, totallement, absolument, les méfaits du capitalisme ? Rassurez-vous, vous avez encore du boulot, hein…
Et surtout, c’est dur d’imaginer qu’un anarchiste ne souhaite RIEN mettre à la place d’une chose qu’il dénonce, même quand il est déiste ?
Non non, ne répondez pas, je ne pense pas que ce soit utile, on a déjà un bon apperçu de vos idées.
Dès que K a expliqué en quoi je me trompe, je réfléchirais à ses arguments. Mais pour l’instant, la diatribe d’Ellul reste sans fondement. Il peut dénoncer tant qu’il veut les méfaits du « machinisme » – et sur le constat je suis assez d’accord avec lui -, il n’en comprend aucunement les causes.
« Sans théorie révolutionnaire, pas de pratique révolutionnaire » (Lénine). À méditer.
D abord c est pas parceque ellul a sorti une phrase qu il est a suivre tel un maitre a penser.
Il est courant de voir depuis quelques années la recrudescence de livres ,revues autour des technologies et leur lien avec ce monde tel qu il est.
Si au moment des premiers actes contre la prolifération des Organismes Génetiquement Modifié,il était salutaire de voir circuler textes,et revues critiquant l idée en gros de ce que l on appelle le « progrès » avec la relecture de l école de francfort,benjamin,ellul,anders,certains écrits de marx,mumford,charbonneau etc….aujourd hui nous constatons qu elle est devenue une idéologie en vogue,une nouvelle niche pour éditions « engagées »,une posture avec des mots fétiches (telle l utilisation du terme alliénation généralisée).
Aborder la question des technologies sans le lier au monde capitaliste c est parler avec beaucoup de cadavres dans la bouche , et donner du grain a moudre aux fachos de la nouvelle droite genre alain besnoit et son torchon éléments.
Quant a critiquer la naiveté des militants de gauche qui ne voit que la finance actuellement comme le principal probleme comme si un capitalisme qui permettrait juste de produire serait acceptable et oublier que le souci numéro un d un industriel est de cracher du profit sur le dos de ses ouvrier-es qui y perdent temps volé(salariat)santé et souvent la vie;pourquoi pas mais le texte balaie toute considérations de ce genre.
Quant a votre association ,qui veut sortir de « babylon »(la station de métro ?le dernier tube de bob marley?ou dernier i phone?)je n ai guere envie de débattre puisque vous cherchez surtout des adeptes et des croyants.
n empeche la lutte des classes continue!
ludd n est pas qui veut.
Je viens de réaliser en cherchant des infos sur l association technologos que nous avons a faire a de gentils citoyen-nes qui veulent monter des groupes locaux pour reflechir a la technique avec un grand T ,debattre ,produire des écrits…
Le fait de voir comme membres fondateurs des gens comme noel mamere est assez risible quand on pense a la fascination et le soutien des elus ecologistes d état , pour les technologies de controle dans leur ville (voir a ce sujet l exellent livre « l’ enfer vert » sur ledélire technophile ,,sécuritaire et bon serviteur du capital des elus vert de la méropole lilloise);leur renoncement et sabordage de la lutte antinucléaire;leur vision technocratique de l environnement réifié en stock et pourcentage(genre le bilan carbone tuti quanti).
Quant a la vision economiste nous restons a la méchante finance qui empeche l »économie réelle »;
bref merci les bisounours,
l economie réelle nous fait crever dans tous les sens du terme,et un maton meme grimé en vert reste un maton .
ludd n est pas qui veut