Le 30 octobre, vous avez ordonné l’expulsion de familles Roms qui occupaient “sans droit ni titre” une maison vide vous appartenant boulevard Villebois Mareuil. Ces personnes, totalement démunies, ont trouvé refuge dans une autre maison vide vous appartenant au 70 rue du Canal Saint-Martin. La justice vient de se prononcer et d’ordonner leur expulsion, suite à une procédure illégale. En effet, ces personnes sont entrées le 2 novembre dans cette maison, précédemment squattée, trouvée ouverte et vide de tout occupant. L’électricité était en état de marche. Nous avons officialisé cette occupation le 5 novembre en affichant les noms sur la porte, comme l’exige la procédure. Ce même jour, nous avons fait venir Didier Michel, médecin de Réseau Ville Hôpital, qui est intervenu auprès de vos services pour demander de l’eau et des poubelles pour ce lieu ( Il aura fallu plus d’un mois pour obtenir les poubelles et les familles sont toujours privées d’eau). Vous ne pouvez donc pas ignorer que ces mêmes occupants n’étaient pas dans les lieux quand le procès verbal a été établi le 25 octobre 2012.

Vous avez donc à nouveau la possibilité de les jeter à la rue. Vous en avez la possibilité… mais le ferez-vous ?

Nous aimerions croire que vous ne le ferez pas, enfin pas tout de suite, que vous attendrez la fin de la trêve hivernale. Mais hélas, le 13 novembre, vous avez déjà ordonné l’expulsion de 3 autres maisons du Canal Saint Martin, elles aussi occupées par des familles Roms, en pleine trêve hivernale. Sous les yeux des enfants, vous avez fait détruire leurs maigres biens matériels, afin qu’ils ne se réinstallent pas plus loin. Ces personnes ont alors trouvé refuge dans un lieu insalubre avec des conséquences dramatiques sur les enfants aujourd’hui déscolarisés et contraints à la mendicité. Vous êtes directement responsables de cette situation, qui provoque la colère des associations et des enseignants. Pour justifier de tels actes, vous ne pouvez pas utiliser l’argumentaire d’insalubrité et de sécurité, maintes fois utilisé depuis l’été par Manuel Valls, car ces squats n’étaient pas des camps insalubres et ne posaient aucun problème de voisinage.
Comme pour les 3 maisons déjà évacuées, il n’y a pas de projet immédiat pour cette maison du Canal Saint Martin. Bien sûr, un important projet est annoncé pour ce secteur, mais pas dans l’immédiat. Les autres maisons du quartiers sont encore pour la plupart habitées. Il n’y a donc aucune urgence. Alors pourquoi expulser ? Pour des raisons de principe, “nous ne voulons pas de squat dans notre belle ville de Rennes ” ? Pour satisfaire une partie de votre électorat ??? Mais que vont devenir ces familles délogées ? Ces personnes, qui souffrent durement de l’instabilité des lieux de vie, n’ont pas d’autres choix que de trouver un nouveau squat, dont elles seront à nouveau chassées, puis se réinstalleront ailleurs…

Par deux fois, différentes associations ( Un toit, c’est un droit, RESF 35, MRAP 35, LDH Rennes…) vous ont rencontrées à la mairie de Rennes. Quand elles ont évoqué le logement des demandeurs d’asile, elles ont entendu un discours bien rôdé : « le logement des demandeurs d’asile n’est pas de notre compétence, les demandeurs d’asile déboutés doivent rentrer chez eux, il faut s’attaquer aux filières, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde… » Mais quand elles vous ont parlé des familles Roms, elles n’ont entendu qu’un silence embarrassé. Puis comme seule réponse « Mais on fait déjà beaucoup pour les Roms, sur le plan de la scolarisation et de l’accès aux soins ». Vous oubliez que ce sont les associations qui ont pris l’initiative d’accompagner ces familles dans leurs démarches de d’accès aux soins et de scolarisation, qui est une obligation et non un geste de bonne volonté laissé à l’appréciation de chacun . Chaque expulsion anéantit les efforts des associations, qui lentement, patiemment, créent des liens, gagnent leur confiance, accompagnent les familles dans leur volonté d’intégration.
Alors à court d’argument, vous évoquez le fameux fantasme de « l’appel d’air ». Le collectif Romeurope constate que c’est l’inorganisation qui fait « appel d’air ». En effet les communes engagées dans un processus d’accueil sont en mesure de maîtriser les nouvelles arrivées. D’autre part, les Roms, comprenant les enjeux positifs pour eux même, participent de manière informelle à la régulation. Il y a une stabilité du nombre de personnes sur les communes qui ont fait le choix d’accueillir dignement ces populations, alors que dans les villes où se multiplient les expulsions, les camps s’étendent avec des conséquences néfastes sur la salubrité, la sécurité et le respect des droits des plus faibles. L’exaspération, la peur, l’intolérance du voisinage qui se sent dépassé par tant de misère, grandit en alimentant les discours xénophobes.
Au cours de ces réunions, vous avez reproché avec cynisme à « Un toit, c’est un droit » d’organiser la misère. NON, nous n’organisons pas la misère. Nous tentons seulement de la combattre, mais nous ne la créons pas. Et ce n’est certainement pas en éloignant ceux qui en souffrent qu’on arrivera à la vaincre ! Quand nous avons rencontré ces familles, elles étaient déjà installées à Rennes. Nous les avons aidées matériellement, nous leur avons permis d’obtenir de l’eau, nous avons accompagné les enfants vers l’école, les malades et les femmes enceintes chez les médecins. Et surtout, nous avons créé des liens avec eux. Si organiser la misère, c’est donner à ces hommes, femmes et enfants une visibilité, une possibilité de s’exprimer et de retrouver un peu de dignité, alors OUI nous le revendiquons !

Nous n’ignorons pas que l’intégration des Roms est avant tout une question européenne, qui concerne tous les pays . Mais en attendant, les populations souffrent, et arrivent sur notre territoire. On peut fermer les yeux en espérant que le problème disparaîtra par magie, ou décider de s’en saisir.
Grâce à la mobilisation citoyenne soutenue par une volonté politique, certaines communes ont trouvé des solutions humainement acceptables sur des terrain aménagés pour accueillir les familles roms en mettant en place des projets d’insertion. Pourquoi pas Rennes ? Certes, c’est une action à long terme, qui demande de la réflexion et de la concertation.
Aujourd’hui une trentaine de personnes, dont de nombreux mineurs (6 enfants scolarisés à Rennes), une femme enceinte et des personnes malades vivent au 70 canal Saint Martin. Sachez que si vous faites subir à ces familles une seconde expulsion au cœur de l’hiver sans solution pérenne de relogement, vous serez directement responsable du devenir de ces familles et aurez à répondre à la colère des associations, mais aussi des parents d’élèves et des enseignants, qui ne cesse de grandir face au nombre croissant d’enfants à la rue, alors que des solutions existent sur votre territoire.

Un toit, c’est un droit.