1) Ce sont des propositions insuffisantes par leur caractère réformiste, car à aucun moment elles ne contestent ou prétendent remplacer les institutions fondamentales du système actuel, à savoir, l’État « démocratique » représentatif et l’économie de marché capitaliste, mais qu’elles se limitent simplement à demander quelques améliorations. Cependant, la crise généralisée et multidimensionnelle que nous vivons aujourd’hui n’est pas due à un dysfonctionnement de ces institutions, mais à leur propre idiosyncrasie. La dynamique inhérente à l’économie de marché et à l’État « représentatif » donner lieu à une énorme et croissante concentration du pouvoir qui ne peut pas être inversée grâce à de simples changements cosmétiques. Ainsi, en supposant qu’une lutte populaire tenace et acharnée parvienne à mettre en œuvre certaines des réformes suggérées, celles-ci ne pourraient faire autre chose qu’imprimer un rythme légèrement plus lent au développement de la crise multidimensionnelle en cours car elles devraient indéfectiblement être compatibles avec le fonctionnement et la dynamique du système actuel, ce par quoi elles se révèleraient assez dérisoires en comparaison au fort développement de la crise multidimensionnelle provoqué par ce système. Ainsi, nous pensons donc qu’il est inapproprié de plaider pour que l’injustice sociale, l’énorme inégalité économique et l’usurpation politique soient repeints d’une nouvelle couche de peinture « démocratique » et / ou « éthique », mais qu’il est nécessaire de miser sans équivoque pour l’abolition le système actuel, cause fondamentale des effets dommageables et des comportements pervers que nous subissons aujourd’hui, et pour cela, il sera nécessaire de donner naissance à un nouveau système véritablement démocratique dans tous les domaines.

2) Ce sont des propositions utopiques, non seulement parce que, comme c’est habituel dans ce type de positions, aucune idée claire et réaliste n’est donnée sur la façon dont ces mesures pourraient être imposées aux élites dirigeantes qui ont la haute main sur le système, mais surtout parce qu’on oublie complètement que ces mesures contreviennent radicalement à la logique et à la dynamique du système actuel. L’énergie qui fait fonctionner ce système est la croissance économique et la marchandisation, de sorte que les États et les entreprises du monde entier cherchent à maximiser respectivement leur taux de croissance du PIB et leurs profits. Un État ou une entreprise qui ne suit pas cette logique de la poursuite de la croissance économique et de la marchandisation en augmentant sa compétitivité / efficience, entrera rapidement sur la voie de la crise et de la dissolution. Sachant cela, les gouvernements du monde entier s’efforcent d’adopter de nouvelles lois et réformes visant à accroître la compétitivité du pays, ce qui signifie, évidemment, une plus grande exploitation de leurs ressources humaines et naturelles, et, par conséquent, une plus grande précarité de l’emploi, l’insécurité sociale, le mal-être psychologique et la destruction de l’environnement. Aujourd’hui, en plus, tant les États que les entreprises du monde entier se heurtent à des difficultés croissantes pour continuer d’accroître leur PIB et le montant de leurs profits et pour cela essaient maintenir la compétitivité à tout prix, à savoir, en réduisant, en appauvrissant et en détruisant rapidement les conditions de vie de la grande majorité de la population. Nous ne pouvons pas nous boucher les yeux devant cette caractéristique centrale de notre époque : il y a un conflit croissant et irréconciliable entre les besoins des personnes et de la planète d’une part, et les besoins du système économique actuel de l’autre. Ce conflit ne peut être conclu qu’avec un vainqueur. Ou bien les besoins humains et naturels gagnent, donnant lieu à un système conçu pour la satisfaction démocratique de ceux-ci, ou bien gagnent les besoins du système étatiste et capitaliste établi, à savoir, sa dynamique fondée sur la recherche insensée d’une croissance économique illimitée et la constante augmentation de la concentration du pouvoir. Toute proposition qui ignore ce conflit inévitable et fondamental est une utopie et un attrape-nigaud.

D’autre part, comme il ressort de ses communiqués, la plate-forme appelant à cette manifestation se rend complice de la distorsion et dénaturation du terme « démocratie » quand ils suggèrent que ce qui rend la société moderne non démocratique ne réside que dans la corruption et le pouvoir incontrôlé que détiennent les entreprises transnationales et les sociétés financières. Cependant, ce n’est pas seulement cela qui fait que nous vivons dans une société oligarchique, mais aussi parce que l’existence même de l’État joue un rôle crucial, à savoir, un appareil bureaucratique centralisé, séparé des citoyens et dans une position de domination sur ceux-ci. L’État s’autodénomine « démocratique » afin de se légitimer, et non, évidemment, parce qu’il serait une institution qui confèrerait un réel pouvoir aux personnes de décider sur les affaires de la sphère publique. Il est par conséquent complètement faux d’attribuer le manque de démocratie uniquement à la corruption politique et à la domination des puissances économiques sur les pouvoirs « publics » : l’essence même de l’État « démocratique » représentatif est profondément oligarchique. Pour réclamer véritablement une réelle démocratie, il est nécessaire de lutter pour l’abolition de cette institution et son remplacement par un nouveau système de communautés dirigées démocratiquement par le biais d’assemblées populaires, confédérées par l’intermédiaire de délégué-e-s responsables et révocables.

En conclusion, nous considérons que le caractère insuffisant et utopique des propositions de la plate-forme qui appelle à la manifestation de « Democracia Real Ya » ainsi que sa collusion implicite avec la dénaturation de la signification du terme « démocratie », fait que cet appel sera, au mieux un espace-temps qui, comme tant d’autres, sert à rendre visible et à exprimer le rejet par beaucoup de gens de la crise générale du monde contemporain et, au pire, un attrape-nigauds qui canalise la volonté transformatrice de certaines personnes vers des objectifs presque toujours illusoires et toujours insuffisants.

GADI Catalunya (Groupe d’Action de Démocratie Inclusive de Catalogne) – Mai 2011.

À noter que ce collectif, malgré les critiques ici formulées à l’endroit des initiateurs de l’appel, a décidé de participer à l’occupation de la place de Catalogne de Barcelone où il a animé un débat sur ses propositions politiques.