DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC (suite)

Le premier texte « DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC » a, sur quelques sites, entraîné un certain nombre de réactions. Réactions, pour la plupart positives, mais qui, pour certaines, n’en posaient pas moins des questions légitimes sur la faisabilité de telles actions, et les problèmes liés à la légalité de telles formes de luttes. Je n’ai évidemment pas la prétention d’avoir réponse à toutes les interrogations (c’est aussi et surtout dans la lutte et collectivement que l’on élabore) et encore moins à proposer un « modèle » d’action… l’Histoire a montré ce que valait ce type de d’ambition.

Ayant lancé la réflexion et le débat je me dois cependant d’apporter quelques précisions et éléments de réponse qui n’ont pas d’autre prétention que d’être les miennes et d’alimenter le débat.

Sur la légalité

C’est effectivement une question importante. Les luttes traditionnelles actuelles sont généralement « codifiées ». fruits des luttes du mouvement ouvrier depuis le 19e siècle, elles ont acquis un cadre légal. Certes des dérapages existent, comme par exemple l’ »occupation des locaux », voire « séquestration de la direction »… Généralement ces dérapages sont « tolérés » dans une certaine mesure, se négocient, voire sont réprimés « en douceur » (généralement évacuation par les flics avec plus ou moins de frictions). Dans ces formes d’actions illégales les pouvoirs publics et le patronat, savent apprécier, la portée de telles actions et savent que, dans la plupart des cas elles sont ponctuelles, syndicalement encadrées et… sans issues… il n’est pas utile, pour lui , politiquement, de réprimer brutalement.

Dans le cas d’actions dont il est question dans le texte et qui portent atteinte au fondement même de la marchandise, comme par exemple l’instauration de la gratuité dans les transports publics, en lieu et place d’un arrêt du travail, autrement dit de la grève classique, il est certains que les pouvoirs publics réagiront autrement. Pourquoi ? Parce qu’il vont tout de suite sentir le danger politique de telles actions, surtout si elles sont menées en concertation avec les usagers et de manière unitaire avec les autres secteurs de l’activité économique (je reviendrai sur ce point plus loin). Ces actions parfaitement pacifiques et ne portant absolument pas atteinte à la continuité du service public, aux personnes et aux biens seront et sont qualifiées de sabotage… rien que ça ! Ce qui en dit long sur les craintes qu’elles inspirent aux gouvernements. Elles sont effectivement qualifiées d’illégales, comme le fut la grève en son temps.

Se pose alors un problème de motivation à l’action… car il y a effectivement des risques à prendre. Il est sûr que le gouvernement et le MEDEF, ne feront aucun cadeau à celles et ceux qui luttent de cette manière. Tout sera fait pour briser ce mode d’action… il est bien trop dangereux. Encore que la mobilisation et le rapport de force vont jouer un rôle essentiel dans les marges de manœuvres dont ils disposeront. C’est là qu’intervient la coordination et la solidarité des autres salariés et des usagers. S’engager seuls dans cette voie est suicidaire… ce qui est le cas pour toute lutte. Il est donc nécessaire de préparer collectivement ce type d’action et de s’assurer des soutiens en vue de l’action… c’est ce que l’on appelle créer un rapport de force… ce n’est pas nouveau, mais dans ce type de configuration,… oui.

Sur la faisabilité

Il faut reconnaître que le problème n’est pas non plus simple techniquement puisque les pouvoirs publics (de gauche comme de droite) ont (par exemple dans le cas des chemins de fer), sectorisés les différentes parties de l’entreprise pour éviter ce genre d’action.(diviser pour régner). L’action doit donc faire l’objet d’une préparation minutieuse par les salariés de l’entreprise. Mais rien n’est impossible en matière de luttes sociales.

Il est bien évident d’autre part qu’il n’y a pas qu’un seul modèle d’action. Un enseignant ne peut pas agir comme une infirmière, une infirmière comme un caissière de supermarché, ou comme un cheminot. A chaque branche à trouver ses formes d’action, en sachant tout de même que nous sommes toutes et tous interconnectés par nos activités et solidaires quand à nos revendications… et que donc la concertation est la règle et la solidarité le moyen de vaincre. Là il y a une gros travail à fournir… qui n’est aujourd’hui évidemment pas fait… chacun se démerdant dans son coin dans la totale ignorance des autres.

Quant à l’unanimité que souhaiteraient certains ou, dit autrement, le fait qu’il y ai des individus qui « ne marchent pas » dans ce genre d’action… c’est une évidence, mais ça ce n’est pas nouveau et ça se pose toujours dés qu’il y a des combats à mener. Ce ne sont pas ces cas qui empêcheront la marche de l’Histoire ou alors ce serait nouveau…

Ce que veulent finalement les pouvoirs publics et le MEDEF, ce sont de bonnes vieilles actions, bien classiques, bien maîtrisées par les syndicats et les directions, qui donnent l’illusion aux grévistes d’être efficaces, qui emmerdent au maximum les usagers et dont on sait quelles sont sans lendemain… ce qu’est effectivement la grève aujourd’hui.

Si l’on veut qu’un autre monde soit possible (autrement que dans les discours des forums et autres grandes messes médiatico militantes) il va bien falloir innover dans notre manière de lutter et commencer dès à présent à s’en donner les moyens.

Patrick MIGNARD