Résumé du procès de Sakina le 13 janvier

Bonjour,

Voici un résumé d’après mes notes prises sur le vif du déroulement du procès de Sakina ce mercredi 13 janvier 2010.

Tout d’abord, le juge a précisé qu’il s’agissait d’un tribunal et non d’une tribune, puis a présenté le cadre du dossier, il s’agit d’une poursuite pour provocation à la discrimination nationale, religieuse et raciale. Les parties civiles sont Carrefour qui réclame 1 euros de dommage et intérêts mais n’est pas représenté dans l’audience, ensuite, il y a Avocats sans Frontière représenté par Maitre Dahan, enfin une nouvelle partie civile s’est ajoutée à l’affaire, il s’agit de l’association Chambre de Commerce France Israël représenté à l’audience.

Ensuite le juge s’est attaché à faire préciser les faits avérés. A savoir l’autocollant apposé sur une bouteille de jus d’orange au Carrefour de Mérignac le 30 mai 2009, la traque des vigiles, puis l’arrestation, Sakina reconnaît les faits. La trentaine d’autocollants trouvés dans son sac à main, Sakina reconnaît qu’ils étaient à elle. Il fait état d’une remarque du responsable des vigiles de Carrefour qui indique que Sakina aurait menacé Carrefour d’une invasion en masse, s’ils ne retiraient pas leur plainte, menaces que Sakina a fermement nié. Il lui a demandé de préciser les circonstances qui l’ont amené à apposer ces autocollants. Sakina a répondu à la fois sur le cadre de la situation en Palestine, les victimes de “Plomb durci” à Gaza, et sur le fait que cet autocollant a été déposé alors qu’elle faisait un repérage du magasin afin de préparer une action boycott le 6 juin avec son association la LDH et avec d’autres. Le juge a évoqué le fait que l’action du 6 juin n’était pas dans la procédure et qu’il était inutile d’en parler.

Sakian a évoqué se différentes interventions auprès de la répression des fraudes, qui a amené à sanctionner Carrefour pour ne pas respecter l’origine des produits israéliens en les dissimulant derrière des origines plus acceptable comme Mexique, Honduras ou Espagne. Mais aucun procureur n’a accepté de juger Carrefour sur la base des dossiers déposés par la Répressions des fraudes.

Concernant la LDH, le juge a demandé des précisions quand aux personnes défendues, est-ce seulement les palestiniens ? Des gens défendent-ils les israéliens à la LDH ? Sakina répond oui sans doute.

Concernant l’action de déposer des autocollants, le juge a demandé à Sakina si elle n’avait pas l’impression de répondre à une infraction de Carrefour (le non-respect de la traçabilité) par une infraction de sa part (la “dégradation” de produits israéliens).

Concernant les autocollants, le juge a demandé à quoi se rapporte le mot Apartheid dans la phrase “Boycott Apartheid Israël”. Il sous-entendait : s’agit-il de boycotter l’apartheid israélien ou s’agit-il d’appliquer l’apartheid envers Israël.

Sakina a rappelé que la campagne de boycott était de nature non violente et s’appliquait tant qu’Israël ne respectait pas la légalité internationale et qu’elle serait la première à acheter des produits israéliens lorsque les palestiniens auront un Etat.

Concernant la condamnation passée que l’on ne retrouve pas dans le dossier, elle a été condamnée en première instance et en appel. L’avocat de Sakina a précisé qu’il s’agissait de dégradation légère. Que le parcours inverse de ce procès avait été suivi, passant de la poursuite pour provocation à la discrimination, le jugement s’était tenu sur la dégradation et l’avait jugé en dégradation légère. Aujourd’hui, on part d’une plainte pour dégradation légère requalifiée en provocation à la discrimination nationale, religieuse et raciale.

Me Dahan, pour Avocats sans frontières, demade à Sakina le texte des autocollants de 2004 ? Le juge que ces faits ne sont pas au dosier et que sakian n’a pas à répondre.

Me dahan, demande à Sakina, si elle a porté plainte contre M. Malik Oulik, responsable Sécurité de Carrefour Mérignac, elle réponds que non, que ce n’est pas son combat.

Mme la procureur demande le symbole de la tache rouge sur les chiffres 729 ? Demande de quel sang il s’agit sur l’orange sanguinolente dans l’autocollant “les oranges, vous les aimez sanguines ?” Le juge reformule la question du procureur et demande s’agit-il du sang coulés des palestiniens ou du sang que vous voulez voir couler es israéliens. Sakina répond qu’elle veut que le sang arrête de couler de part et d’autre.

Après les questions à la prévenue, le juge l’invite à s’asseoir au 1er rang et se tourne vers les parties civiles. Concernant Carrefour non représenté, il rappelle qu’il demande l’euro symbolique pour préjudice subie, mais note qu’il n’y a aucune explication sur la réalité du préjudice subi.

Il donne la parole à l’association Chambre de Commerce France Israël. L’association précise que dans ses statuts, elle lutte contre tout boycott. Elle évoque les articles 225-1 et 225-2 pour le préjudice économique envers une nation. Concernant les étiquettes, il a dit qu’elles appelent à la discrimination et au boycott. Le rouge de ces autocollants n’est-il pas une incitation à la haine ? D’autant qu’il s’agit d’actions répétées. Il évoque d’aprés lui la jurisprudence du 18.12.2007 concernant le maire de Séclin pour avoir ordonner le boycott des produits israéliens dans les cantines scolaires. Il s’agit d’une campagne mondiale qui veut assimiler Israël avec l’Afrique du Sud en évoquant le mot Apartheid. Il ne peut s’empêcher de penser au “n’achetez pas les produits juifs” de 1940. Il a lu un courrier du PGFTU, présenté comme un syndicat agricole palestinien, condamnant le boycott (on lira ici qu’il s’agit d’une manipulation malheureusement pas connue au moment du procès : http://www.eutopic.lautre.net/coordination/spip.php?art…e4786 ).

Il évoque le fait qu’aussi des palestiniens seraient victimes du boycott. Il a aussi condamné Hind Khoury, une diplomate qui appellerait à ne pas respecter les lois de la République. Enfin il a regretté soit devenu ça. Il demande la condamnation avec 5000 euros de dommages et intérêts et 3000 euros au titre de l’article 700.

Le juge a demandé la nature du préjudice, justifiant la demande de 5000 euros ? Préjudice commercial ou moral ? L’avocat réponds les deux. Le juge précise qu’en droit, on ne peut confondre les deux. L’avocat a alors dit qu’il s’agissait d’un préjudice moral. Le juge a dit qu’il pensait que vue la spécialité de l’association, il aurait donné des chiffres sur la réalité du préjudice économique engendré par le boycott.

Me Dahan, pour avocats sans frontières, a salué la sensibilité à fleur de peau de l’accusé, le fait que sa vie soit dédié à la défense d’une cause, au point qu’elle a la volonté de “s’en foutre des lois de la République”. S’il n’y a pas de plainte contre l’accusation de menaces, c’est qu’elle ment en les niant. Quand elle dit ne pas être connue des services de police, alors qu’elle a été condamné pour des faits similaires, il la pense sincère, ce qui signifie qu’elles ne voit pas dans ses actes mêmes condamnés un délit. Il dit donc craindre sincèrement qu’elle recommence car elle l’a dit ! C’est une attitude de voyou. Avocats sans frontières a pour objet la défense des droits de l’homme et la lutte contre toute discrimination. Le préjudice est celui subit par les travailleurs israéliens, qu’ils soient palestiniens de 48, juifs sépharades ou juifs ashkénazes, il cite un nom imaginaire de chacun de ces israéliens, et évoque l’attaque contre leur outil de travail. Il considère comme un cadeau pénal le fait que la poursuite pour dégradation ne soit pas maintenue, ce qui empêche d’évoquer la récidive. Il rappelle que l’enquête a été déclenchée sur demande de la ministre garde des sceaux. Comme il y a un risque d’insensibilité à une peine légère, il demande une peine forte avec 1000 euros pour préjudice moral et 1000 euros au titre de l’article 700.

La parole est donnée à Mme la procureur. Elle rappelle qu’il ne s’agit pas de faire de politique mais d’appliquer la loi. Ici l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 (sur la liberté de la presse) a été enfreint en apposant ici des autocollants sur des articles alimentaires, le 30 mai 2009. Le message de ces autocollants constitue une entrave à l’activité des producteurs en raison de leur origine, la nation Israël. Le message est émotionnel, avec des tâches de sang (sous les chiffres 729) qui suscitent la frayeur, le dégout, la culpabilité chez le consommateur. La liberté d’expression n’est pas en cause mais elle ne peut utiliser tous les moyens. Elle rappelle que la loi prévoit 1 an d’emprisonnement et de 1000 à 5000 euros d’amendes. Elle demande la condamnation à 1000 euros d’amendes. Elle rappelle que si on ne peut parler de récidive, puisque les poursuites ne sont pas les mêmes, il s’agit de la réitération de faits identiques.

La parole est enfin donnée à la défense.

Pour Me Landete, les poursuites sont hors sujet et il plaide la relaxe.
L’affaire précédente où il défendait déja Sakina, l’infraction avait été qualifiée de dégradation légère. L’infraction d’aujourd’hui n’existe pas, il s’agit simplement de chercher à condamner quelqu’un pour acte de militantisme. Quel est l’élément intentionnel ? Il n’a pas été plaidé. Par ailleurs les parties civiles sont non recevables, Carrefour se porte partie civile sur une plainte non traité ici (la dégradation). Avocats sans frontières a pour Président Gilles-William Goldnadel et on découvre aujourd’hui une nouvelle partie civile la Chambre de Commerce France Israël dont l’avocat est Me Gilles-William Goldnadel, le même. Pour les deux la réalité du préjudice est flou. Et la justice doit se positionner sur des élèments clairs et non nébuleux. Les poursuites sont bien différentes de celles de la 1° fois, ici les poursuites sont à la demande de Mme lagarde des sceaux. L’infraction n’est pas constituée, l’imputabilité, l’intention encore moins évoquée. Nous ne sommes pas dans un processus de discrimination mais dans une action militante.

Madame Arnaud a un engagement militant de longue date, contre le chômage, elle a participé à la création d’Agir ensemble contre le Chômage, elle a participé aux mobilisations pour la défense des sans papiers, son mari aussi. Il ne s’agit pas de débattre ici de la justesse de la cause défendue, mais du fait qu’il s’agisse d’une cause. Sur la tache rouge de l’autocollant entourant les chiffres 729, il note que c’est la même couleur que le fond du document où est expliqué les raisons du boycott contre la politique d’apartheid, et là ce n’est plus une tache de sang. Il lit un extrait de la déclaration d’Hind Khoury rappelant le cadre de la campagne de boycott à l’appel de la société civile palestinienne, pour des produits venant des colonies, territoires non reconnues par la plupart des Etats du monde, rappelant le vote du parlement européen demandant la suspension des accords d’association Europe Israël pour non respect de l’origine des produits sous label israélien en concluant que le tribunal saurait faire la différence entre un acte raciste condamnable et un acte militant d’appel au respect du droit non condamnable. La discrimination, l’incitation à la haine raciale, ce n’est pas ce dont il est question ici, ce n’est pas ça. Il demande donc la relaxe. Imaginant que le tribunal voudrait malgré tout trouver une petite condamnation annexe, il a rappelé que l’arrêt de la cour d’appel n’était pas dans le même contexte action en groupe puis action isolée et surtout on ne pas parler de dégradation de produits consommables, en effet le jus d’orange aurait été dégradé si ma bouteille avait été percée, ici l’autocollant est sur l’emballage du produit et Carrefour aurait pu choisir de vendre le jus d’orange avec l’étiquette en solidarité avec les palestiniens mais Carrefour préfère dissimuler l’origine des produits israéliens pour les vendre.

Le juge demande à Sakina si elle a quelque chose à rajouter.

Sakina revient sur le fait de ne pas avoir porter plainte contre le chef des vigiles. Elle rappelle que son combat est pour le droit et la justice et rejette toute volonté de discrimination, car elle respecte trop le peuple palestinien pour lui porter atteinte.

Le juge revient sur la question de l’identité de Sakina. Il y avait une erreur sur la date de naissance dans le dossier, il y a une différence dans le prénom entre certaines pièces d’identité. Le juge demande sa carte d’identité à Sakina qui ne la trouve pas sur le moment et présente le permis de conduire où il y a une erreur sur le pays de naissance (Algérie au lieu de France). L’objectif de ces questions est de tenter d’expliquer pourquoi le jugment précédent pour dégradation ne se trouve pas dans le dossier.

Le juge fixe le verdict au 2° mercred ide février, ce sera le mercredi 10 février 2010.

Restons mobilisés d’ici-là.

Un grand merci à tous ceux et toutes celles qui se sont déplacés pour faire de ce moment devant le tribunal un moment de mobilisation fort et de soutien au peuple palestinien en même temps qu’à Sakina.

A mon avis, ce procès n’était pas un vrai procès mais un test pour que chacun (enfin surtout pour que la défense de Sakina) sorte ses arguments (sans que l’accusation sorte vraiment les siennes) en vue de les contrer dans des procès ultérieurs, voila ce que je ressens. Si c’est le cas, l’avocat de Sakina a eu raison d’être minimaliste. Si ce n’est pas le cas, il a eu tort de ne pas rentrer plus dans les questions de fond motivant la campagne de boycott. Mais je peux me tromper.

De toute façon, il était prévu de faire un premier bilan le mardi 19 janvier 2010 à 18h30 au même endroit (café de l’horloge Talence). Nous continuerons à vous tenir informé.

Je n’ai même pas eu le temps de faire le point sur la pétition en ligne qui a dépassé les 1000 signatures, en ce moment elle est à 1075 et est à la 174° place dans le classement des pétitions, je pense qu’il faut continuer à la faire connaître, elle reste ouverte jusqu’au 13 février soit peu après le verdict.

Il me reste prés de 1000 tracts dont je pensais qu’ils pourraient être distribués aux passants pendant le rassemblement ou servir de pétition papier, je n’ai pas eu le temps de m’occuper de les dispatcher, ils sont toujours là.

On fera le point sur le soutien collecté et les questions financières à la prochaine réunion, l’analyse des plaidoiries éventuellement.

à bientôt,

P. A.