Tarnac, ou de l’utilité douteuse des idiots
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle social
Si Éric Hazan avait procédé exactement comme le prétend Joffrin, il mériterait bien lui aussi l’épithète d’idiot, dont l’utilité serait sujette à caution. Faudrait-il pas être sot, en effet, pour saborder un outil politique supposé avoir prouvé son efficacité, alors que nul ne sait encore si l’affaire de Tarnac se soldera par un non-lieu, un procès, ou de nouvelles mises en examen. On imagine le fâcheux effet d’un tel retournement stratégique lors d’une audience. Pour ne rien dire des innombrables embastillements à venir, à propos desquels les protestations « démocratiques » ne recueilleraient que les sarcasmes des personnalités et journalistes auxquels elles s’adresseraient.
Or, dans le texte que reproduit d’ailleurs Joffrin dans le sien, Hazan exprime un point de vue assez différent : « Pour retourner contre l’appareil d’État les armes qu’il pointait sur nous, nous avons fait appel dans nos interventions publiques au vieux fonds humaniste-démocratique de la gauche. Dans l’inquiétude où nous étions sur le sort de nos amis emprisonnés, nous avons eu spontanément recours à cet arsenal usé mais rassurant [C’est moi qui souligne. C.G.], le mieux fait pour réunir des voix, des sympathies, des signatures. »
Davantage que l’aveu d’une stratégie cynique, c’est l’aveu d’une naïveté politique. D’une illusion devrais-je dire, et point dissipée au moment où Hazan écrit son texte, puisqu’il semble toujours penser que le registre démocrate est le plus efficace « pour réunir des voix, des sympathies, des signatures ». Jamais prouvé par rien, cet a priori dispense presque toujours les militants de rédiger leurs appels et pétitions sans recourir aux clichés, politiques et rédactionnels, qui viennent « spontanément » – c’est-à-dire dans une complète détermination culturelle – à leur esprit.
Il paraît qu’il existe une grande confusion dans l’esprit de beaucoup sur ce qu’il est permis de dire ou de faire lorsque l’on se trouve aux prises avec la répression. Disons tout d’abord qu’il serait inconcevable que des militants qui n’ont que trop tendance à se gargariser de la répression policière, dans laquelle ils voient une confirmation de leur dangerosité, lèvent le pouce dès qu’ils y sont directement confrontés. Finies les analyses et les postures radicales ; il ne serait plus question que de se tirer d’un mauvais pas…
L’articulation problématique se situe à mon sens dans le destinataire du message. Suis-je fondé à mentir aux flics et aux magistrats ? Quel militant politique en disconviendrait sérieusement ? Il est pareillement légitime d’utiliser tous les artifices de procédures, toutes les erreurs de l’adversaires, etc. Les avocats sont ici d’une aide précieuse, même s’il ne convient pas de leur abandonner la maîtrise d’une défense. Autre chose est de savoir si je peux écrire n’importe quoi dans la presse, dire n’importe quoi à des journalistes dans l’espoir qu’ils le répèteront au plus grand nombre d’interlocuteurs possible…
Imagine-t-on plus ridicule exercice que celui qui consisterait à publier régulièrement les démentis qui s’imposent à mes propres propos ? Voyons… dimanche, j’étais démocrate pour rire, j’en ai pleuré lundi, je vous l’avoue ce mardi. Mercredi ? Vous êtes sûrs ? Ah comme le temps passe !
Que M. Hazan, hier démocrate spontané, tienne à proclamer qu’il est aujourd’hui insurrectionnaliste, je m’en tamponne le coquillard. La question n’est pas de savoir à quel moment de son discours et dans quelle posture il convient de le prendre au sérieux, mais s’il se soucie de l’effet produit par ses prises de position.
Ayant abondamment illustré, avec d’autres signatures, le genre droidelhommiste, voilà qu’il annonce venu « un an après Tarnac, le temps de la révolte » ! Cette temporalité n’est pas moins niaise que celle que proposait un appel publié dans Le Monde, le 22 novembre 2008 : « Les lois d’exception adoptées sous prétexte de terrorisme et de sécurité sont-elles compatibles à long terme avec la démocratie » ? [Je souligne] Tout au plus pourrait-on saluer l’amélioration remarquable de la réactivité spontanément démocrate : en gros deux décennies de « long terme », si l’on prend le repère commode de 1986 comme je l’ai proposé dans La Terrorisation démocratique, mais une seule année « après Tarnac ». On frise l’instantanéité !
Tout se passe comme si, dans certaines circonstances – l’incarcération d’amis, par exemple – les messages envoyés en direction du public (de l’État ?) n’avaient plus de sens qu’autant qu’ils peuvent hâter le jour de leur libération, sans que leur contenu politique explicite aient conservé la moindre importance.
Reprenons notre agenda : samedi, je publie L’Insurrection qui vient, texte qui ridiculise le droidelhommisme ; dimanche, je proteste au nom des droits de l’homme contre l’arrestation de ses auteurs supposés ; lundi je désavoue ma protestation de dimanche. Peu importe qu’il y ait là une « contradiction ». Mais comment saurais-je laquelle de mes positions successives a recueilli le plus grand assentiment ? Ou autrement dit : au service de quelle cause ais-je le mieux travaillé ? La démocratie capitaliste ou l’incantation insurrectionnelle ?
Je ne sache pas que les mis en examen de l’affaire de Tarnac aient commenté la tribune libre de M. Hazan. Disons, pour être aimable, que leur position doit donc être considérée comme distincte. M. Hazan, par contre, s’il ne prétend pas parler au nom des mis en examen, laisse clairement entendre qu’il est du même parti et défend un point de vue au moins très voisin.
Que ce point de vue s’exprime essentiellement par des figures de rhétorique, l’auteur que je suis ne saurait en faire grief à un éditeur doublé d’un écrivain. Même si son texte insiste précisément sur la caducité de l’« indignation humaniste ». Faut-il entendre qu’en se départissant de son « humanisme », l’indignation gagnerait en efficacité ?
De l’indignation et de son (laborieux) dépassement
« Le temps n’est plus à l’indignation humaniste, écrit donc M. Hazan, ni à l’analyse sociologique. Il ne s’agit plus de faire la critique de l’oligarchie au pouvoir mais tout simplement de la congédier. Car le maintien d’un régime responsable de tant de cruauté et qui n’en garantit que la permanence est une éventualité infiniment plus redoutable que l’insurrection qui vient. »
Ainsi donc, il ne serait plus temps d’interpréter le monde, mais de le transformer… Une urgence à laquelle ses quelques cent soixante ans ne donnent pas une ride. Quoique ! Si l’on se place sur le terrain de la guerre des idées, alors « l’analyse sociologique » est une arme à laquelle nous serions bien sots de renoncer, quand on vérifie chaque jour à quel point elle embarrasse tous les pouvoirs (fussent-ils militants ou alternatifs). Si l’on parle plutôt du mouvement social réel, ni les horaires des trains ni les tribunes dans Libération (où officie de préférence M. Hazan, tandis que les mis en examen préfèrent Le Monde) n’y changent rien.
Observons les raisons de ce que M. Hazan ne qualifie plus désormais d’« indignation » : condamnation de jeunes lanceurs de pierre sur des policiers ; relaxe de policiers impliqué dans un accident mortel ; vote d’une loi sur les bandes organisées ; blagues raciste d’un ministre ; fichier de mineurs. « Bref, commente M. Hazan, pendant cette année, on a vu à l’œuvre le cynisme, la brutalité, l’indifférence affichée à la souffrance, le tout sur fond de suicides à France Télécom et de gestion crapuleuse de “la crise”. »
En lieu et place d’un manifeste communiste, nous avons un éphéméride et un prêche moral.
Dans une réplique à Joffrin, intitulée « Tarnac, suite et fin : réponse à un malin » (Libération du 22 déc. 2009), M. Hazan pense critiquer la notion d’« état de droit » [2] en affirmant : « C’est précisément au nom de la défense de l’État de droit que le droit est sans cesse bafoué ».
Cette formule, peut-être venue sous la plume dans la recherche d’un petit effet rhétorique d’inversion, me paraît en l’état très éclairante. Elle suppose en effet qu’il existe quelque part, ou aurait existé en un temps quelconque, quelque chose qui mériterait d’être désigné comme « le droit ». Le « droit » pur, immaculé, impeccable ! La « bonne idée » originelle de la civilisation occidentale, athénienne en l’occurrence. Un « droit » qui ne serait pas, n’aurait pas été, l’expression d’un rapport de force entre des classes. Le capitalisme « oligarchique » (dirigé par un petit nombre) serait le régime du mensonge, du faux-semblant et du spectacle. Pas celui de l’exploitation du travail dans le salariat. Ni un régime de domination masculine, ajouterons-nous, dimension très absente des tentatives de réamorçage du messianisme révolutionnaire auxquelles participent les mis en examen de Tarnac, M. Hazan et tels casseurs à plume de Poitiers.
Pourrait-il s’agir d’un effet pervers du support sur le message qu’on lui confie ? La critique de M. Hazan, pour véhémente qu’elle soit dans la forme, paraît être une critique de l’intérieur. Elle n’attaque pas le système depuis des positions communistes autonomes, mais tente de le faire se contredire devant le « tribunal de l’opinion », dont les journalistes sont les auxiliaires, dénoncés mais toujours sollicités. Il ne s’agit pas tant d’une « contradiction » moralement condamnable, mais plutôt d’une ornière théorique et stratégique. Rien n’en sortira qui puisse être hâter une révolution sociale.
PS. L’affirmation de M. Hazan selon laquelle Libération « s’appelait, il y a très longtemps, La Cause du peuple » mérite le qualificatif de raccourci historique, même si l’on sait le rôle des militants maoïstes dans la création de l’Agence de presse Libération puis du quotidien.
PPS Laurent Joffrin croit discerner une identité entre les idées des mis en examen de Tarnac et « celles-là même qui ont mené [en Italie] aux errements sanglants des “années de plomb” dont une génération paye encore le prix ». Cette affirmation est inexacte historiquement, juridiquement diffamatoire ; c’est précisément la justification brandie par les autorités policières pour appliquer, dans l’affaire de Tarnac, les dispositifs antiterroristes à des personnes dont elles ne peuvent établir qu’elles ont commis un délit.
[1] Libération, 9 décembre 2009. Notons la mémoire à éclipse du vertueux Joffrin qui souligne que son journal a « défendu maintes fois » les mis en examen de l’affaire « contre les dérapages judiciaires et policiers du régime »… oubliant qu’il leur a d’abord mis un grand coup de fer à béton derrière l’oreille, en titrant sur « l’ultra-gauche qui déraille ». Ce que Hazan et Pierre Marcelle, journaliste à Libération, rappellent dans deux tribunes publiées le 22 décembre 2009.
[2] Auquel il met une capitale, ce qui me semble fautif, mais passons…
Les “Tarnac” ont choisi de s’enfermer dans un dialogue avec “les médiatiques”
Hazan a choisi de publier un livre qui falsifie et désinforme sur Guy Debord !
On reconnaît bien là la fausse critique qui va jusqu’à minauder sur Europe1
Quelle lucidité…
… sur http://infokiosques.net/mauvaises_intentions
on peut lire aussi :
http://reposito.internetdown.org/analyses/escroquerie.pdf
et
http://reposito.internetdown.org/analyses/contribution.pdf
et d’un autre pdv
http://laguerredelaliberte.free.fr/rev3/doc3/rev3art1.pdf
C’est vrai que sur la chaine parlementaire, ils avaient l’air de souffrir le martyr les pauvres choux…Trop dur la démocratie et son intégration
14h54 a raison: Jacques Roux était un curé défroqué et accessoirement le plus lucide des Enragés !
Tailler des pipes aux médiatiques et cracher sur les critiques des Autonomes c’est normal pour des désinformateurs…
« La liberté n’est qu’un vain fantôme, quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort de son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme, quand la contre-révolution s’opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes. »
Jacques Roux
in Manifeste des Enragés
Vous devriez échanger vos adresses et vous envoyer vos brochure pourries. Ahah!
Prendre des airs de cadors pour des textes aussi minables, faut vraiment être des charclos.
Le texte de Guillon est pas trop mal mais le reste, sérieusement, ce sont des trucs d’attardés. Lisez les textes, essayez de les comprendre et ensuite critiquez les. Mais là vraiment, c’est pas du tout sérieux. On se demande ce que vous feriez et ce que vous diriez, s’il n’y avait pas eu cette affaire de Tarnac. Rien de plus, oui c’est vrai, mais au moins on ne verrait pas votre bêtise crasse s’étaler quotidiennement sur indymedia.
Après, il est vrai que chaque époque a eu ses débilos, y compris parmi ceux qui se prétendent révolutionnaires. Nous devons cependant avouer que les notres, de débilos, auront été sacrément gratinés.
Heureusement que vous n’êtes que cinq, seuls et bêtes car votre ressentiment aurait pu être attristant.
Cher “Facebook”,
c’est vrai que toi, tu es nombreux, et être nombreux, c’est important, ça permet d’être soutenu, pas isolé, et au final d’avoir ses entrées dans des sphères sérieuses (médias mainsteam, partis politiques, etc.).
Les débilos dont tu parles n’ont pas attendu l’affaire de Tarnac pour exister et lutter, contrairement à ce que tu essayes de faire croire.
Mais il est vrai qu’on peut se demander pourquoi les débilos en question n’ont toujours pas de connexions avec les sphères sérieuses (médias mainstream, partis politiques, etc.) ? Pas étonnant qu’ils soient isolés, avec leur morale à la con. Si on veut être nombreux et convaincants, faut faire un tas de compromis, mentir sur ce qu’on vit et sur nos idées, se faire potes avec des ordures (Parti socialiste, journalistes et autres chefs citoyennistes), ça semble évident. A croire que quelques débilos ne l’ont pas encore compris…
Il y a de quoi “perdre ses nerfs” quant se profile un rejet tout aussi important en Italie (5+… quoi ?)
L’artillerie est longue à régler mais le pilonnage devient de plus en plus précis et puissant. L’invisible se demande, sans oser en parler, si “ces vrais gens” ne seraient pas en mesure d’agir en organisant le regroupement de quelques forces …
Sont-ils coordonnés ?
c’est clair que les textes de nos zozos épiciers et de leur fanclub sont vraiment superieur au reste…
le dernier “l’insurrection qu’on vit” etait vraiment représentatif de la qualité suprème que vous nous proposez…
tu te demandes ce que les gens faisaient avant tarnac? rien, avant l’appel, le monde n’existait pas…
La solidarité exprimée depuis le début (11/11/2008) a permis l’élargissement des dix. Très rapidement sauf pour julien-de-la-plèbe détenu 6 mois au quartier VIP. L’état à reculé petit à petit et les contrôles judiciaires ont été allégés récemment, tant mieux. Plus d’un an écoulé donc et pour voir quoi ?
Hazan s’empresse d’éditer un livre sur les années de plomb en maspérisant Debord, c’est a dire le seul à avoir vu clair tout de suite. Désinformer sur Debord était un sport international avant sa mort mais les choses s’étaient calmées depuis 1994.
Hazan a besoin de brouiller, de répandre la confusion et de réhabiliter la lutte armée car il sait qu’elle a échoué totalement, il espère un remake encore plus désastreux et Debord le gène.
Le groupe s’enferme dans un dialogue avec les seuls médiatiques et crache à la gueule de l’ensemble des courants libertaires mais en prenant soin de garder de bonnes relations avec les organisations anarcho-institutionnelles (FA,CNT…)
Détiennent-ils un mandat signé par 200 000 grévistes sauvages ?
Non, il se contentent de “jouer” médiatiquement un jeux de dupes avec l’état qui s’est choisis des opposants taillés sur-mesure.
Pour les 40 ans de l’attentat policier de la Piazza Fontana Scalzonne dégueule ses mensonges sur les télé italienne pour aider au “revisionismi di Stato e revisionisti di movimento” et tout ceci tiendrait au hasard…
http://guerrasociale.blogspot.com/
Moi, ce que je préfère, c’est les analyses pertinentes des seuls révolutionnaires qui ont une vision globale du problème, autrement dit la lutte des classes.
J’ai nommé le CCI :
Sabotage des lignes SNCF : des actes stériles instrumentalisés par la bourgeoisie contre la classe ouvrière
“En six mois, les lignes ferroviaires de la SNCF ont été touchées à une douzaine de reprises par des actes de sabotage. Chaque fois s’en est suivie la même galère pour les passagers : des heures d’attente en gare ou en pleine voie, suite à la paralysie du trafic.
[…] ces “autonomes” n’ont été en réalité que des marionnettes dans les mains de la bourgeoisie. La vraie question est donc pourquoi ? Pourquoi les avoir laissé faire pendant des mois ?
[…] Il s’agit d’éléments déboussolés mus par une révolte avant tout individualiste et qui se livrent à des actions absurdes. Commettre de tels actes ne relève pas seulement de la naïveté mais aussi et surtout de la stupidité.
CCI, le 17 novembre 2008
http://fr.internationalism.org/book/export/html/3583
vous pouvez aller vous rhabiller, le CCI vous a bien mouchés !