Quelques TGV bloqués auront suffi à déclencher une campagne mediatico-policière caricaturale, alimentant le climat de peur et de paralysie ambiante dont la crise économique n’est qu’un des autres ressorts. La fable est bien connue et ressemble à un bon épisode de Navarro. De dangereux terroristes comploteraient dans l’ombre afin de porter atteinte à l’État, donc au peuple, donc à chacun d’entre nous. Heureusement, Michelle Alliot-Marie et son équipe de fins limiers de la DCRI veillent au grain et garantissent la tranquillité des braves citoyens inoffensifs. Le pouvoir peut se féliciter d’avoir pu compter sur l’étroite collaboration des journalistes avides de chair fraîche et toujours prêts dès qu’il s’agit d’ériger la terreur étatique en pur spectacle. Et l’opération ne serait pas une totale réussite sans la participation amicale des leaders politiques et syndicaux effrayés de voir leur respectabilité mise en cause par quelques fanatiques. Que chacun tienne son rôle et les vaches pourront continuer à regarder passer les trains.

Mais derrière cette mise en scène, la justice aux ordres du ministère de l’intérieur a de fait ouvert la chasse à tous ceux qui sortent des rangs. Les dégradations commises sur les rails constituent des actes de sabotage au même titre que ceux perpétrés par les cheminots lors des grèves. Ils sont restés anonymes et rien ne doit donc les distinguer de toute une série de faits dont le dénominateur commun réside dans la volonté de ne plus laisser cette société mortifère nous broyer sans réagir. Que les neuf personnes mises en examen en soient ou non les auteurs importe peu au fond. Elles ont été arrêtées au nom d’un profil que le pouvoir digère mal et auquel nombreux sont ceux qui pourront s’identifier, celui d’enragé. Et c’est ce profil que la justice cherche désormais à nous vendre comme terroriste en construisant de toute pièce une hypothétique organisation anarcho-autonome. La méthode ne date pas d’hier : isoler les formes de contestation qui sortent des cadres autorisés et frapper de stupeur ceux que démange l’esprit de la révolte. Trois camarades accusés de tentative d’incendie d’une voiture de flics font déjà les frais de cette croisade et sont incarcérés depuis plusieurs mois.

Ils voudraient nous faire croire que leurs lois et nos peines, que leurs rafles et notre peur au ventre, que leurs banques et nos boulots merdiques, que leur domination et notre soumission constituent l’horizon indépassable de nos existences. Ils voudraient circonscrire la maladie de la rage folle à quelques cas pathologiques. Mais le virus a largement déborder le cordon sanitaire. Il est grand temps que l’épidémie explose en plein jour.

TANT QU’ILS JOUERONT AVEC NOS VIES,
QU’ILS SE MEFIENT DE NOTRE SOURIRE