Rappel

« Rappel. n.m. Action de rappeler, de faire revenir. Il se dit particulièrement de ceux qui ont été exilés ou disgrâciés. Rappel à la question, action de rappeler à la question dont il s’agit l’orateur qui s’en écarte. Manière de battre le tambour pour rassembler une troupe. Battre le rappel. fig. réunir tous ses moyens, ses forces, ses ressources.
Rappeler. v. tr. Rappeler la mémoire, le souvenir de quelque chose, en faire souvenir. »
Littré

L’époque que nous vivons est dominée par une forme d’amnésie volontaire qui, pour se perpétuer, nécessite une absorption toujours plus grande de divertissements.
Quant à nous, nous ne souhaitons pas continuer à faire comme si de rien n’était; comme si nous n’avions pas compris.
A cet égard, le mouvement qui s’est développé en novembre dernier n’a été ni une victoire ni un échec.
Nous avons juste volé une trentaine de jours à l’ennui, à la séparation de nos existences.
Nous nous les sommes réappropriés.
Depuis, chacun a fait l’expérience d’une réalité d’autant plus terne que nous avons pu faire l’essai mais non l’emploi de notre force.
Personne n’a échappé à la vulgarité et à l’arrogance de nos dirigeants; personne n’a pu complètement fermer les yeux sur les rafles, l’occupation policière permanente et l’arrière-goût de tristesse des soirées, où les sourires convenus peinent à masquer l’absence de perspectives réjouissantes.
Aujourd’hui nous voulons bloquer et occuper à nouveau l’Université.
Tout d’abord parce qu’il s’agit du lieu que nous fréquentons sans jamais y vivre, que nous parcourons sans jamais nous y arrêter et prendre le temps de penser à la finalité de toute cette agitation.
Ensuite parce que nous partons de certaines certitudes: nous ne voulons pas consumer nos jours en consommant, nous ne sommes pas des citoyens, des électeurs ou des chiffres dans des graphiques que dressent les managers qui croient nous gouverner.
Car on assure que la réussite est possible pour tous alors que la concurrence, la sélection et l’organisation de la rareté comme de la misère sont nécessaires à la survie du capitalisme; car cette réussite tant vantée n’est qu’une des nombreuses façons de mourir que l’on tient à notre disposition.
Parce que nous ne voulons pas d’un bonheur se résumant à l’accession à la propriété, au retour régulier des périodes de loisirs ou de vacances.
Enfin parce que nous ne souhaitons pas perdre nos plus jeunes années à essayer d’oublier ces contradictions; car nous n’acquiescerons pas aux bonnes raisons que l’on nous fournira.
Parce qu’il faudra bien en finir un jour avec un monde qui cherche à anéantir quiconque décide de ne plus respirer ses vapeurs mortifères.
Pour ces raisons et pour toutes celles qui, de manière manifeste ou latente, expriment le désir d’en finir avec l’apathie généralisée, nous voulons arrêter l’ordre présent des choses.
Pour lui substituer une nouvelle temporalité, pour nous voir, nous parler et, de là, contaminer chaque secteur de cette société.
Parce que la guerre sociale continue et qu’il n’y aura pas de retour à la normale.
Parce que, face à l’ampleur du désastre, il n’existe de réponse qu’élaborée collectivement.

Mars 2008