1. Le mouvement tel qu’il continu connaît des impasses de plus en plus claires : nous sommes confronté-es à une fatigue psychologique qui va de pair avec une stratégie policière d’étouffement à travers une nouvelle forme de répression des mouvements politiques : une « guerre d’usure » caractérisée par des arrestations répétées pour des actes illégaux de basse intensité. Face à cette répression intense et polymorphe, la lutte en vient inévitablement à se polariser sur nos rapports avec la police. Des pratiques intéressantes et puissantes émergent à cet endroit-là, mais une trop grande part de notre énergie s’y épuise. La police pose de manière provocatrice une ambiance de tension, espère une escalade de la « militarisation  » des manifestations, pour tenter de nous isoler, au moment où les centrales syndicales se débinent. Ce climat stressant a réduit, au fil du printemps, notre capacité à poser nos ambiances dans les rues. Cela rend douteux la possibilité d’une tenue du mouvement, véritablement consistante.

2. Or ce mouvement a des raisons de tenir. L’état d’urgence et ses stratégies d’intimidation sont insupportables. La loi travail passée au 49.3 impose une précarisation qui ne cesse de s’amplifier. La mise au travail gratuit s’étend des plus jeunes (pour ce qui concerne le service civique obligatoire à 18 ans) aux plus vieux (nous pensons aussi ici au pétrole qui a au moins 100 millions d’années). La capacité capitaliste à s’approprier le travail non-payé des êtres humains et autres qu’humains entraîne un ravage des milieux écologiques dont nous faisons partie – devenant de moins en moins habitables – lorsque prolifèrent les « grands » projets (des prairies Saint Martin à Notre Dame Des Landes).

3. A partir de là il nous semble nécessaire de travailler sérieusement et collectivement sur les nouvelles formes (parfois déjà en germe) que pourrait prendre ce mouvement en marche, afin de nous défaire des identités que l’on nous assigne (jeunes, casseurs-es, haineux-ses, etc.). Ces identités plaquées nous mettent en difficulté, rendent très compliqué le fait que l’on soit rejoint dans une ambiance politique marquée par la focalisation sur le terrorisme, ayant pour résultat direct un climat de peur voir de panique hautement alimenté par des stratégies médiatiques efficaces. Nous pensons qu’il n’est plus possible de continuer à faire des manifestations sur un rythme régulier aux endroits où l’on nous attend : il nous faut inventer d’autres modes d’actions et d’autres modes de présence dans les rues. Nous devons décrisper les imaginaires pour contourner le dispositif répressif en même temps qu’on le met en difficulté stratégiquement, et toujours de manière nouvelle, décalée par rapport aux habitudes que l’on partage. Enfin, il est grand temps que l’on exprime positivement ce pour quoi, ce avec quoi et ceux avec qui nous sommes en mouvement (en s’inspirant notamment de ce qui peut se faire dans la lutte pour la ZAD).

4. Nous proposons une discussion mercredi prochain sur ce sujet précis d’une réinvention toujours à l’œuvre du mouvement. Elle sera alimentée de la lecture d’extraits de récits d’actions et de blocages rapportés par l’activiste américaine Starhawk, qui allient radicalité, effectivité des interventions politiques et cette idée de porter avec nous ce à quoi l’on tient dans nos actions. Une réflexion qui portera donc sur le lien entre nos vies et nos actions politiques : comment les secondes peuvent se faire porteuses des premières ? Cette discussion sera l’occasion d’échanger des propositions pour nourrir la suite de la lutte ici à Rennes.

« Restons vives et alertes dans les forêts disparues du monde.