L’incendie de notre dame ou la défaite de la pensée !
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle social
Pourtant, comme écrit très bien Alain Badiou : « rien de ce que font les hommes n’est inintelligible. On ne doit rien laisser dans le registre de l’émotion et de l’impensable. La déclaration de l’émotionnel et de l’impensable, c’est toujours la défaite de la Pensée » (sic) (cf « Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre », édition Fayard, 2016.
L’émotion face à l’incendie de Notre Dame a eu raison de notre pensée politique, construite patiemment, jour après jour, notamment contre cette société libérale, abattoir des plus faibles, où 80% des français ont du mal à joindre les deux bouts. Mais de cette défaite de la pensée, personne ne parle. Au contraire, tout le monde trouve « normal » d’avoir jeté l’analyse politique au rancart ! Au profit du totalitarisme d’un émotionnel bas gamme, qui a réussi son putsch militaire sur nos pauvres neurones, arrosés par le kérosène d’un irrationnel XXL, grâce à des « émissions spéciales »(sic), qui se déroulent non stop depuis hier sur toutes les chaines télé.
Roxana El Gho Correa analyse : « Oubliés le gazage à Toulouse, les mutilés (Jérôme Rodrigues), les criminalisés. La dictature de l’apitoiment sélectif s’empare des esprits pour mieux les asservir »(sic).
Balayée aussi la violence au quotidien à survivre seulement, avec son RSA (450 euros par mois), les files de démunis devant les Restos du Coeur, qui n’ont jamais autant servi de repas aux pauvres.
Virés de la bulle médiatique des sujets dont on parle, les petits salariés, dont le salaire n’augmente plus, obligés de payer la CSG et des taxes de plus en plus élevées sur l’essence et le gazoil. Pourtant, on rappelle que pour ce seul motif (hausse des taxes sur l’essence), les haïtiens descendus dans la rue ont viré leur Premier Ministre l’été 2018 !
Oublié le taux d’augmentation des salaires de zéro, alors qu’au même moment, le taux de profit est de 6% par an pour les entreprises du CAC 40 (chiffre Alain Badiou, à l’occasion d’un débat avec Thomas Piketty sur Médiapart).
Mes amis feront ce qu’ils veulent : en ce qui me concerne, je continue de défendre (modestement) les Gilets Jaunes, le fait que Notre Dame ait été ravagée en partie par les flammes n’y change rien. On se souvient en 2016, en pleine mobilisation anti-Khomri de l’incendie du Palais de la Reine Anne de Bretagne à Nantes : avec des splendeurs historiques, hélas disparus à jamais dans les flammes. Bien sûr, cet incendie avait suscité une grande émotion. Mais cela n’avait pas empêché la vie politique de continuer, d’autres manifs anti-Khomri de se dérouler, la vie normale de reprendre. On ne comprend pas pourquoi nous serions forcés d’agir autrement avec l’incendie partiel de Notre Dame. C’est bien étonnant qu’on ait pas trouvé un gilet jaune à côté de Notre Dame, histoire de coller l’incendie sur le dos…!
On n’a pas oublié lorsque le candidat Macron disait en janvier 2017: « le programme, on s’en fout ! »(sic). Aujourd’hui, il se recommande de la même irrationnalité politique. Avec Macron, 2 + 2 n’égalent jamais 4, c’est toujours la pure émotion qui règne, point barre. Parce que, si on juge ces deux ans de quinquennat au seul prisme de la rationnalité, – casse du code du travail, diminution par 2 du nombre de contrats aidés, casse du statut des cheminots, suppression de l’ISF, augmentation de la CSG pour tous les retraités-, le petit poudré n’a eu de cesse de répandre la malheur, surtout parmi les plus modestes d’entre nous. Jugé sur le critère de la seule raison, dans une entreprise, il serait déjà viré depuis longtemps. Alors, l’émotion, c’est sa dernière cartouche. Après, c’est le vide intersidéral….!
https://blogs.mediapart.fr/brigitte-pascall/blog/160419/lincendie-de-notre-dame-ou-la-defaite-de-la-pensee
Réflexion sur comment sortir du drame national, et ne pas accorder de répit à la bourgeoisie et son consensus.
» Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés. »
Marx et Engels, Manifeste du parti communiste, 1848?
La cathédrale la plus emblématique de France brûle dans une société à feu et à sang, et de ses cendres naîtra une opportunité unique pour la bourgeoisie. Rares sont les moments où l’émotion collective déborde d’intensité au point de se faire communion nationale. Que la catharsis soit nécessaire dans une société de la guerre permanente, peu de gens le nieront. Dans de telles circonstances, difficile de ne pas tomber dans le piège immédiat que nous tend le dispositif bien rodé de notre système politique aux abois.
Combien de nos dernières communions ont-elles cédé le pas à la farce ? La sincérité cesse quand il faut pleurer une charpente comme on pleure un proche, quand le spectacle emporte l’humain pour le remplacer par le phénomène stéréotypé, l’injonction à se mettre en scène. Que faire de l’authenticité des sanglots des Parisien·ne·s lorsque pour faire converger une nation déchirée par ses inégalités, il ne nous reste plus que la trêve obligatoire qu’impose le hasard d’un malencontreux accident ? Que dire du tableau des foules hâtives pour s’émouvoir de la fin d’un symbole, mais muette aux désespoirs des vraies horreurs de notre temps ? La sensibilité des humbles pour la beauté ne doit pas faire de nous l’objet utile de la récupération crasse de nos dirigeant·e·s. Tôt avait commencé le bal des grands-guignols qui viennent déclamer leur désespoir devant Notre-Dame en flammes, alors mêmes que ces escrocs ont systématiquement bradé le patrimoine et asphyxié la culture de budgets en années, au nom de leur sacro-sainte rentabilité. ??
Le piège se referme et, nous sommes rendus à nous improviser poètes sur nos réseaux sociaux pour attester d’une humanité qui nous rattache à notre voisin, mimant une presse qui s’empresse de sacraliser cet instant œcuménique forcé. Ce merveilleux monument que la plupart d’entre nous n’aperçoivent de loin que sur la route de notre exploitation quotidienne suffit-il à justifier de taire momentanément nos colères ? C’est dans cette reddition en règle à l’émoi plutôt qu’à l’émeute qu’on finira par s’interdire de dire, puisqu’on perd déjà aujourd’hui le droit symbolique de fustiger cette fausse unité. Ce consensus à renoncer est un poison qui ostracise déjà les quelques récalcitrant·e·s qui osent, avec déraison, braver l’hypocrisie de la cohésion nationale. Pendant ce temps-là, les membres parasitaires de notre société s’offrent une nouvelle virginité en rejoignant les rangs de l’unité nationale à coups de centaines de millions pour reconstruire l’édifice. Il faudra attendre la fin de la torpeur pour retrouver le droit de s’écœurer de qu’ils nous volent par charité, de ce qu’ils donnent par cynisme.
?De l’union franche de nos émotions humaines naissent des monstres de placidité. Prenons garde à ces grands moments de concorde où le conflit s’efface au profit de l’étreinte simulée de l’unité nationale face à l’effroi nécessaire et faux. Ces rassemblements se multiplient, de Charlie aux raouts nationaux censés lutter contre l’antisémitisme avec des pompiers pyromanes, du sombre glas du terrorisme à l’incendie de Notre-Dame. Ils sont le signe effroyable d’une société qui n’a plus que le drame pour se ressourcer. Atomisé·e·s, divisé·e·s, déshérité·e·s nous nous dopons au signifiant commun qui nous reste. Impossible de faire le procès de nos sentiments légitimes, mais peut-être peut-on proposer un regard critique de l’indignation sélective de laquelle nous participons tous et toutes dans ces moments d’éruption de l’irrationnelle indivisibilité. ??
Ainsi, je refuserai sans cesse de m’indigner tant que ces communions effaceront sur leur passage la responsabilité des vendeurs d’armes au Yémen, le racisme des expulseurs forcenés d’exilé·e·s, la souffrance des brisé·e·s au travail, la destruction méthodique de notre écosystème et leur violence genrée. Je me refuserai à enlacer des coupables avec lesquel·le·s je n’ai pas d’humanité commune. Je décrierai le silence complice des humanistes naïfs qui sacrifient leurs idées pour recevoir l’absolution d’un système qui leur garantit une légitimité. Guerre totale à la bourgeoisie et à son cinéma mortuaire.
https://paris-luttes.info/notre-blame-de-paris-12002
Surpublication : c’est ptet pas la peine de faire des copié-collés d’articles de médiapart tous sur le même sujet (qui en plus passe déjà en boucle sur tous les médias mainstream). A la limite un seul article qui les compile pourrait les suffir. Dans tous les cas, c’est pas évident de voire le rapport avec les luttes sociales.