La Commune semble lentement revenir aux lèvres de nombre de celles et ceux qui, un peu partout, reprennent prise sur leurs existences dans la lutte.

Dans le mouvement anti-aéroport, au-delà d’une banderole et d’une prise de parole enflammée lors de l’arrivée du convoi Cap sur la COP aux portes du château de Versailles, la possibilité de la Commune s’esquisse lorsque l’on commence à imaginer ensemble l’avenir de ce bocage une fois arraché l’abandon du projet d’aéroport.

Dans le mouvement actuel, dit « contre la loi travail », d’aucuns l’invoquent passionnément : dans les amphis occupés, les graffitis sur les murs des métropoles transfigurées par des manifestations débordantes, dans les occupations de places, ces « nuits debout » où quelque chose semble malgré tout encore échapper à l’appareil de capture de la gauche moribonde, une pulsion de vie qui par moment habite et déborde la place au rythme des fêtes sauvages et des départs en manifs nocturnes…

Si la Commune semble resurgir, au détour de certaines paroles, de certains gestes, de certains liens qui constituent des communautés de lutte, il n’en reste pas moins extrêmement difficile – au cœur d’un Occident où règne l’hégémonie de l’économie de marché et de la démocratie représentative – de se figurer la forme que prendrait aujourd’hui son retour. Tout au plus peut-on explorer ce qu’elle fut par le passé. Tout au plus peut-on affirmer ce qu’elle n’est pas : ni bureaucratie municipale, ni petite communauté de militants radicaux.

C’est sans doute notre principale faiblesse dans le contexte actuel que notre difficulté à dépasser le langage de la négativité (anti-aéroport, anti-capitaliste, anti…) et à énoncer positivement ce pour quoi nous luttons, ce à quoi nous aspirons. Nul besoin ici d’un quelconque « plan quinquennal », juste d’un horizon désirable : assez net pour être perceptible par tous et toutes, assez flou pour inviter à l’invention, pour laisser la place à l’inattendu et ne pas enclore les possibilités singulières qui germent de chaque situation insurrectionnelle.

Si nous nous contentons de bégayer notre refus sans chercher à esquisser des bribes du monde que nous voulons faire advenir, alors nous sommes condamnés à répéter sans cesse la même ritournelle ; à rester captifs des mêmes schémas, de mouvements en mouvements, contre l’aéroport ou la loi travail, où chaque victoire partielle, si jubilatoire et nécessaire soit elle, précipite la fin de ce qui l’a rendu possible et contenait la possibilité d’aller plus loin.

Alors pour discuter ensemble ce que signifie faire Commune aujourd’hui, on vous invite à venir passer quatre jours sur la ZAD, ce territoire qui se libère, pour palabrer, festoyer et semer les graines d’une perspective révolutionnaire qui prenne la forme d’une levée de communes.

En guise de première contribution à cette réflexion collective, nous vous renvoyons à la version longue de l’invitation à ses rencontres, qui offre quelque pistes à défricher pour saisir ce que signifie pour nous la Commune.

Programme

Les Rencontres sur la Commune se tiendront à la ferme de Bellevue, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, du mardi 31 mai au samedi 4 juin 2016.

L’époque agitée que nous traversons avec le mouvement contre la loi travail qui est très vif à Nantes et le rythme haletant de ces dernières semaines nous ont plongé dans un régime d’intensité qui a quelque peu bouleversé la préparation des rencontres. Selon le cours des événements de la semaine prochaine, il est possible que le programme subisse quelques changements de dernière minute, et que la semaine soit aussi l’occasion pour tous nos camarades qui viennent de loin de faire quelques virées dans les manifs ou sur les piquets.

L’hébergement (dortoirs et camping) et la nourriture (cantines) seront assurés par nos soins. Ramenez autant que possible : des tentes, duvets, matelas de sol pour le camping, car les places en dortoir sont limitées. Pensez à prendre un K-way et des bottes. C’est possible d’arriver le mardi dans la journée à la ferme de Bellevue pour filer la main au montage et à l’installation.

Mardi 31 mars

17h-20h : Arrivée et accueil à la ferme de Bellevue
20h : Repas
22h : Imaginaires de la Commune

Nous réapproprier la mémoire révolutionnaire, explorer ce que furent les multiples formes de communes dans le passé. Transmettre cette mémoire par l’oralité, les images, le son. Nous partirons à chaque fois d’un événement de l’histoire de la Loire-Atlantique pour tisser des correspondances avec les milles et unes tentatives passées et présentes de faire commune.

Mercredi 1 juin

9h30 : Présentation-discussion autour des Communes d’Aragon et des quartiers de Barcelone pendant la guerre d’Espagne.
12h30 : Repas
14h : Communes d’hier, esquisse de topographie.
20 h : Sur les traces de Mai 68. Que fut ce que certains appelèrent la «Commune de Nantes» ? Quels échos et quelles correspondances avec le mouvement actuel ?

Jeudi 2 juin

9h30 : Balade sur la ZAD
12h30 : Repas
14h : Chantiers semis de sarrasin sur les terres occupées du mouvement et/ou ramassage de bois sur les chemins communaux. Le semis étant tributaire de la météo.
19h : Repas
20h : Discussion sur l’histoire et actualités des Communaux.

Partager l’usage de terres, de routes et de chemins, de haies et de bois, d’outils et de bâtiments relève à la fois de la tradition séculaire et d’un devenir révolutionnaire. A partir de la genèse de ce bocage, de l’histoire des communaux dans d’autres régions de France et du monde, nous chercherons à interroger comment cette mémoire peut servir de point d’appui pour inspirer de nouvelles dynamiques de reprises des terres, pour inventer de nouvelles formes de partage, ou encore pour alimenter les réflexions sur l’avenir de la ZAD.

vendredi 3 juin

10h : Discussion collective, qu’est ce qui résonne de la Commune, comme héritage et perspective révolutionnaire, dans nos différentes tentatives locales et dans les luttes actuelles ?
12h30 : repas
14h : Ateliers en petits groupes, problématisés à partir de la discussion du matin
19h : Repas
21h : « Veillés dans nos Contrées », soirée avec la Mauvaise Troupe

samedi 4 juin :

Matinée libre, ouverte à la poursuite des discussions de la veille, et au retour sur la semaine passée ensemble.

12h : Banquet des Q de Plomb ! Des victuailles de la ZAD, du vin en abondance, repas pantagruélique et diatribes enivrantes…

Soir : Fête