Mais qui est derrière l’appel de Meymac ?

Et voici que sont annoncées il y a quelques mois les « troisièmes rencontres des médias libres et du journalisme de résistance », à Meymac, pour la fin mai. Ce qui semble s’annoncer comme « le » grand rassemblement annuel des médias libres est en réalité le fait d’une association, « Rencontres médiatiques ». Après deux premières éditions locales organisées en 2010 et 2013 par Radio Vassivière, l’ancienne salariée-directrice de cette radio (qu’elle a quittée tout récemment) crée l’association pour renouveler l’événement cette année.

Il y a malheureusement ici deux impostures : ces dernières années Radio Vassivière n’a pas été un modèle de radio libre et démocratique, pas plus que la salariée dirigeante de fait de cette radio n’a été un modèle de journalisme de résistance. Un article d’IPNS, journal indépendant du plateau de Millevaches, nous en fait le portrait dans son numéro du mois de mars : sept longues années passées à la tête de la radio, sans que le CA ou une AG ne se réunisse une seule fois. Une gestion calamiteuse avec une dette qui pointe à 105 000 euros à son départ. Et à part quelques émissions, un contenu plutôt pauvre et musical. IPNS s’attarde également sur une longue interview récente du ponte socialiste du coin, Stéphane Cambou, par ailleurs gros financeur local de la radio : elle s’avère être un exemple de connivence parfait à jeter en pâture aux crocs d’Acrimed. Président du lac de Vassivière et vice-président de la région Limousin, c’est Cambou également qui déclenche les emplois aidés associatifs… dont la radio bénéficie largement.

Tout naturellement, certains médias proches choisissent de déserter l’événement… et de vives discussions ont lieu par mails interposés. Toute une flopée de journaux, radios et sites Internet sont néanmoins annoncés. À reculons, nous décidons d’y faire un tour. Et voilà que le téléphone sonne : « Une rencontre des médias libres organisée par l’ancienne directrice de Radio Vassivière ?! Nan mais c’est une blague ! » Un ami du plateau et proche de la radio en rajoute une couche : selon lui, cette ancienne directrice, E.L., se l’est carrément jouée chefaillon avec le reste de l’équipe salariée, ne foutait vraiment pas grand chose et n’avait de compte à rendre à personne. Cela lui a permis de voter à l’unanimité de ses deux mains une augmentation de 33% de son salaire pour atteindre les 2000 euros mensuels. Bien sûr les autres salariés pointaient généralement au Smic, avec des périodes d’essai allant jusqu’à trois mois !

Une AG de Radio Vassivière est enfin prévue en janvier 2014. Mais le CA d’alors et cette directrice font tout pour la tenir secrète et n’avertissent personne localement… pas même les salariés ! Une cinquantaine de personnes parviennent de justesse à se rendre sur place, à dénoncer la gestion de la radio et à renouveler en partie le conseil d’administration. E.L. ne prendra pas la peine de se présenter à l’AG, et demandera ensuite un licenciement à l’amiable.

Certes, celle-ci peut se débattre dans son droit de réponse à IPNS, listant les nombreuses émissions réalisées et les partenariats mis en place, mais tout cela est à mettre au regard de sept années d’activités, et ne la dédouane en aucun cas de son émission lamentable avec Cambou : celle-ci suffit amplement à discréditer la radio en tant que « média libre de résistance » et à enlever à son association toute légitimité à organiser ces rencontres.

Pour une coordination… sans la coordinatrice

Après tout ce foin, nous nous rendons à Meymac le vendredi soir et le samedi matin. Plus de la moitié des médias annoncés sont absents. Il fallait s’en douter, certains ayant demandé le retrait de leur annonce sans succès, quand d’autres étaient annoncés à leur insu avant d’avoir répondu à l’invitation (nous !). À noter également l’absence de l’ensemble des médias présents aux rencontres de Forcalquier et de Notre-Dames-des-Landes. Malgré ce gros coup de bluff, nous retrouvons malgré tout La lettre à Lulu, Acrimed, Le Nouveau Jour J, Le Ravi, Basta mag, TV bruits, A contre courant, Lutopik et d’autres. Alors que l’article d’IPNS a beaucoup circulé, que certains ont annulé et que d’autres ont hésité, rien n’est mis sur la table lors de la discussion du samedi matin qui réunit une cinquantaine de personnes. Peut-être que la présence d’E.L. pour animer la réunion y est pour quelque chose…

Les discussions sont intéressantes. Ça cause de fédérer les médias libres, de l’importance de la mise en réseau, de la création d’une plate-forme, de la possibilité de peser davantage à un moment donné tous ensemble, etc. Nous n’étions pas présents pour la deuxième partie du week-end, mais nul doute que les débats qui ont suivi furent animés. Ceci dit il est à déplorer que l’appel sorti de ces rencontres « pour une coordination permanente des médias pas pareils », envoyé et signé par E.L., soit d’emblée sous le haut patronage de son association, laquelle est sous sa présidence et domiciliée à son adresse perso, elle-même appelant tous les médias libres à en devenir adhérent ! Elle se positionne en secrétaire du réseau, rédigeant le bilan des rencontres, annonçant la création d’un site Internet… Tout cela est un peu énervant, et nous a décidés à écrire ces quelques lignes. Dommage qu’une telle coordination commence avec une telle épine dans le pied.

Qu’on ne s’y méprenne pas : nous avons toujours cherché à soutenir ou créer ce type de rassemblements. Pour échanger, pour se tenir les coudes, pour chercher des moyens de faire résonner davantage les luttes et la critique sociale. Sans se voiler la face sur ce qui nous différencie, entre un média collectif et les consignes d’un rédac’ chef, entre le communisme libertaire et le réformisme citoyen, entre un journaliste de métier qui veut monnayer sa pige et un militant journaliste qui scande que seule la lutte paye… Seulement, dans cette nouvelle tentative de rassemblement, il nous semblait indispensable de relever cette entorse aux valeurs et aux principes que nous sommes supposés partager. Espérons que la prochaine rencontre qui pointera son nez ne sera pas « le week-end de la presse autogérée » organisé par Daniel Mermet ! Vive les médias libres, vive les coordinations, vive les convergences !

http://labrique.net/numeros/en-ligne-uniquement/article/a-propos-des-medias-libres