Bien avant d’écraser les grévistes, Daniel Mermet se comportait déjà comme un tyran en 2003.

C’est ‘l’occasion ressortir ce vieil article publié sur le site de la CNT, + tous ceux que vous trouverez et partagerez en commentaires si ça vous tente.

Libre à quiconque de les rassembler et d’en faire une brochure pour la differ sur Infokiosques, une brochure à la « Chomsky et ses amis… » à sortir à chaque fois qu’on entend ou lit le nom de ce patron de gauche confuse et tankie :)

*************

UNE « GAUCHE DE GAUCHE » AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON.

vendredi 19 mars 2004

Lorsque les travailleurs intellectuels – ceux, qui, comme le rappel Georges Sorel « font profession de penser [et, perçoivent pour cette « noble » tâche] un, [voire deux] salaires aristocratiques » [1] – tentent de se mettre au service des classes populaires, on assiste une fois encore, à un triste retour de l’histoire. Au FSE, un véritable aréopage de théoriciens s’affichaient sinon comme les détenteurs d’une vérité historique, à tout le moins comme des intellectuels dont la mission serait de dicter aux militants les types d’action qu’ils devraient mettre en œuvre. Ainsi, lors du séminaire du 14 novembre 2003, Claude Poliak [2], après avoir disserté sur la désaffection des classes populaires à l’égard de la politique – lieu commun pour les militants mais élevé au rang des découvertes scientifiques par les « experts » -, se demandait comment gagner les majorités aux idées du mouvement altermondialiste ? Son discours, invitant à « réhabiliter les mécanismes de délégation » (sic), finit de la ridiculiser, lorsque, cherchant à se dédouaner d’opter pour un choix si peu démocratique, elle cita le défunt autocrate [3] Pierre Bourdieu : « il faut toujours risquer l’aliénation politique pour échapper à l’aliénation politique ». Pirouette rhétorique qui permettait au vieux chef [4] d’inviter ses adeptes à voter tout en les mettant en garde contre les illusions du vote. L’esprit libertaire hostile à toutes les formes de représentation politique ne saurait s’y laisser prendre : « la lutte pour atteindre ces objectifs [une société « sans classes, sans Etat, sans appareils de médiation politiques »] exclut l’utilisation des moyens qui sont ceux de l’Etat, et elle est seule en mesure de contrecarrer ces tendances totalitaires partout à l’œuvre dans les partis et les institutions politiques qui se proclament défenseurs des valeurs démocratiques » [5].

Ils ont beau prétendre avoir rompu avec la conception léniniste de l’avant-garde, leurs discours montrent qu’ils restent fidèles à l’élitisme qui l’inspirait. Ainsi en témoigne la conclusion de cette chercheuse : « le mouvement altermondialiste [doit] se donner les moyens d’être présent dans les banlieues ou les cités les plus démunies » remplaçant au passage la lutte des classes par la lutte des places.

Partant, une première question se pose. Qui est censé aller dans les cités ? Claude Poliak ou les militants [6] ? Si, au lieu de pérorer dans les postes qu’elle occupe, cette « conseillère scientifique » se rendait dans les cités, sans doute s’apercevrait-elle des aberrations qu’elle professe. Pourquoi faire appel aux « citoyens » pour se joindre à un combat que l’on prétend commun (rappelons que l’objectif d’Attac et consorts est que se constitue un parti de masse et que ses militants votent pour celui-ci [7]), alors que n’occupant pas les mêmes places dans les rapports de production leurs intérêts sont divergents. Les uns produisent – quand ils ne chôment pas – de la plus-value ; les autres vivent grassement de sa rétrocession.

Ensuite, cette idéologue nous parle de politisation des masses – tâche que se donne la « petite bourgeoisie intellectuelle » – et non d’émancipation humaine – tâche qui revient au prolétariat – qui mettrait en lumière les contradictions de la « petite bourgeoisie intellectuelle » qui profite largement du système qu’elle critique. Cela amène donc une autre question : celle de la préservation de ses privilèges. Ce qui confirme ce que l’on savait déjà : les ambitions critiques de la petite bourgeoisie intellectuelle à l’égard de l’ordre établi ne peuvent aller au-delà des possibilités historiques que cet ordre offre à cette fraction de classe.

Un autre exemple de cet élitisme citoyenniste nous est donné avec les théoriciens d’Acrimed [8], qui, avec les représentants de l’Observatoire français des médias [9] étaient seuls autorisés à tenir séance au FSE pour parler des médias. Rien de révolutionnaire dans la critique d’Acrimed totalement déconnecter d’une analyse des médias en terme de classe. « L’objet de leur « critique » n’est pas le monde tel qu’il est, mais le monde tel qu’on le fait apparaître, c’est-à-dire l’ »image » que les médias en donnent […] En outre, elle est, pour certains intellectuels, une filière ou plutôt un filon gratifiant sinon lucratif qui leur permet de se tailler ou de consolider une réputation de non-conformistes, tout en les dispensant de devoir afficher un esprit de rébellion suranné » [10]. Quant à l’Observatoire français des médias, diplomatiquement correct, présenté comme une « force civique morale », il serait inconvenant, selon Ignacio Ramonet, que cet observatoire lutte contre ce qu’il appelle : « la nouvelle coalition des dominants » [11].

L’œil rivé sur le « journalisme de marché », l’ « univers des connivences », Acrimed oublie de balayer devant sa porte. En fin de compte, Acrimed n’échappe pas, elle-même, comme le reste de la profession, aux « réseaux d’amitiés et d’intérêts » [12] tant dénoncés par Serge Halimi. Pourtant, il reconnaît lui-même avoir beaucoup de chance au regard d’autres journalistes. Certes, Serge Halimi n’est pas un précaire. Autrement dit, c’est un nanti [13]. Dès lors, taire [14], comme il le fait, depuis des années, le comportement tyrannique de Daniel Mermet à l’égard de ses collaborateurs, est inacceptable [15]. En date du 27 novembre 2003, alors que depuis plusieurs jours, une lettre de Joëlle Levert dénonçant le harcèlement de Daniel Mermet à son endroit circulait sur le net, il devenait impossible à Acrimed de ne pas parler de l’affaire. Tirant la couverture à eux, Acrimed feint de découvrir le pot aux roses : « la place particulière occupée dans le paysage médiatique par l’émission « Là-bas si j’y suis » […] ne justifie pas que l’on passe sous silence […] » (sic).

La réponse [16] du « Teinardier » est irrésistible tant elle est cousue de fil blanc. Sa justification reflète tout le narcissisme et le mépris du bonhomme. Faute de pouvoir s’appuyer sur des faits réels qui viendraient contredire le témoignage de Joëlle Levert, ce potentat tente de lui imputer : « une fragilité psychologique », « des problèmes personnels », son incapacité à assumer les tâches qui lui sont confiées, etc. Bref, le coup classique ! Le diffuseur radiophonique des justes causes entame ensuite une logorrhée sans intérêt qui l’amène à la conclusion suivante : « curieux cas de servitude volontaire ». Daniel Mermet semble oublier une chose fondamentale : la servitude volontaire n’enlève rien au fait qu’il soit, pour reprendre sa propre expression, « un salaud de patron ». Enfin, laisser entendre, comme il le fait, qu’à l’émission « Là-bas si j’y suis » les relations de travail peuvent se vivre comme « une histoire d’amour » relève, ni plus ni moins, de la schizophrénie.

Au bout du compte, et quoi qu’en dise l’irrévérencieux Daniel Mermet, la colère, lorsqu’elle est justifiée, comme c’est le cas ici, est une bonne chose. Elle mène souvent à la révolte, au moins à l’insoumission et au refus de se taire. En conséquence, nous ne pouvons que saluer la courageuse démarche de Joëlle Levert. Face à cette intelligentsia, une évidence s’impose : nous n’avons ni les mêmes valeurs, ni les mêmes objectifs. Il faut bien le dire : nous n’appartenons pas tout à fait au même monde.

Valérie Minerve Marin

[1] G. Sorel, Réflexions sur la violence, Paris, 1908, cité par Alexandre Skirda in J.W. Makhaïski, Le socialisme des intellectuels, Les Editions de Paris, 2001, p. 7.

[2] Claude Poliak est chercheuse au Centre de sociologie européenne (CSE), chercheuse au CNRS, membre du conseil scientifique d’Attac, membre de l’association Raison d’Agir.

[3] Les enjeux de luttes dans le champ sociologique et de la recherche sont tels, que Pierre Bourdieu se conduisait en mandarin. Il justifiait au nom de la recherche scientifique, le fait qu’un directeur d’étude puisse imposer à son étudiant ce que bon lui semble (séminaire du mois de novembre 2001). C’est ainsi, pour satisfaire les intérêts de Patrick Champagne, alors que ma recherche portait sur Charlie Hebdo, que j’aurais dû mener des entretiens sur Marianne, puis sur Politis. Un étudiant nous rapporta le témoignage suivant : « J’avais une copine à l’EHESS, elle travaillait sur Le Monde et était suivie par Patrick Champagne en DEA. Elle ne m’en disait pas que du bien. Il se servait d’elle pour récupérer ses entretiens et aussi ses observations » (mail du vendredi 10 janvier 2003). Patrick Champagne a également récupéré mes entretiens et observations sur Charlie Hebdo. Pour autant, je n’ai eu droit à aucune aide. C’est le sociologue, chercheur au CNRS, Jean-Pierre Garnier qui a suivit mon travail.

[4] Seul la vénération de chefs persistent après leur mort in Robert Michels, Les partis politiques, Champs Flammarion, 1971. Un énième hommage à Pierre Bourdieu est organisé par le CSE du 23 au 25 janvier 2004.

[5] Louis Janover, Les intellectuels face à l’histoire, Galilée, 1980, p. 135-136.

[6] Au moment des grèves du printemps 2003 sur la décentralisation, l’école et les retraites, les chercheurs du Centre de sociologie européenne, comme l’ensemble de la communauté universitaire, sont restés de manière symptomatique dans l’enfermement académique, témoignant par-là de leur conception de l’intellectuel engagé et de la division du travail militant.

[7] Propos tenus par le président d’Attac, Jacques Nikonoff, lors d’un débat de Génération République, le samedi 11 octobre 2003.

[8] Action Critique Média dont les représentants sont : Patrick Champagne, Serge Halimi, Henri Malher.

[9] L’Observatoire des médias doit faire office de « cinquième pouvoir ». Comme pour l’Acrimed, ses membres sont le plus souvent : chercheurs, universitaires et/ou journalistes.

[10] Jean-Pierre Garnier, Louis Janover, « La Pensée aveugle. Quand les intellectuels ont des visions », Spengler, 1993, p. 142.

[11] Le Monde diplomatique, octobre 2003.

[12] Serge Halimi, Les Nouveaux chiens de garde, Raison d’Agir, 1997.

[13] Non content d’être né bourgeois, il a cumulé comme la majorité des journalistes du Monde diplomatique, deux salaires pendant plusieurs années : Universitaire à Paris VIII puis à l’Institut d’études européennes tout en exerçant sa fonction de journaliste au Monde diplomatique.

[14] Olivier Cyran du CQFD, ancien de Charlie Hebdo passé par PLPL a travaillé quelques temps pour Mermet. Il raconte, comme tant d’autres, l’exploitation par son ancien boss. La rédaction du CQFD dénonce les « invités à répétition qui savent ce qui se passe et n’ont jamais moufté ». Un petit tour sur le site de l’émission Là-bas si j’y suis, nous apprend que parmi les « invités à répétition », le journaliste et critique des médias Serge Halimi n’est pas mal loti. CQFD n° 7, décembre 2003, on peut lire aussi le témoignage de Joëlle Levert sur leur site : http://www.cequilfautdetruire.org

[15] Rappelons qu’en début de chaque mois, l’émission est consacrée à la présentation du Monde diplomatique. Sans aucun scrupule, étaient présents à la dernière émission en date du 4 décembre 2003 : Dominique Vidal, Serge Halimi, Ignacio Ramonet. On retrouve régulièrement à cette émission, le réseau de connivence composé : d’Acrimed, du Monde diplomatique, PLPL, Agone, Pierre Carles, Raison d’Agir, etc.

[16] Réponse de Daniel Mermet : http://acrimed.samizdat.net

*******

source : http://sipncntait.free.fr/article_153.html