Communiqué de la défense collective suite aux annonces du ministre le l’intérieur

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DISSOLUTION DU “MOUVEMENT DEFCO” : COMMUNIQUÉ DE LA DÉFENSE COLLECTIVE SUITE AUX ANNONCES DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Nous avons appris par voie de presse la volonté du Ministre de l’Intérieur de dissoudre le “mouvement DefCo”, à la demande notamment du Front National, et ce au motif d’appels au “soulèvement”.A notre connaissance, aucun courrier en vue d’une réelle procédure ne nous a été envoyé, nous n’avons donc aucune idée des motivations de cette éventuelle dissolution ni de l’entité qui serait visée. En effet, l’appellation “DefCo”, employée par le ministre est à Rennes un terme que l’on retrouve régulièrement dans les dossiers judiciaires, les PV de la préfecture et les articles de presse pour désigner toute pratique dite “contestataire”. Impossible donc pour le moment de connaître l’étendue des personnes et groupes qui pourraient être concernés par la dissolution. En l’état ces annonces pourraient viser la DC ainsi que des tas d’autres acteurs et actrices du mouvement social, voire des espaces d’organisation comme les assemblées de lutte.
Ceci étant dit, si c’est bien la DC qui est visée, alors le timing de cette annonce nous semble loin d’être anodin : dans cette séquence de conflit social où la répression policière et judiciaire atteint de nouveaux sommets, et où la gestion du mouvement social par l’État subit une vague de critiques sans précédent, le pouvoir semble désormais exprimer sa volonté de s’attaquer aux collectifs de soutien juridique et d’aide aux manifestants et manifestantes visés par la répression. Si la Défense Collective venait à être dissoute, c’est potentiellement toutes les structures anti-répression et legal teams du pays qui pourraient subir le même sort.
Que l’État s’attaque aussi frontalement et publiquement au droit à la défense en plein milieu d’un mouvement social est inédit et grave, qu’il le fasse à la demande et avec la complicité du Front National est encore plus inquiétant.
Le Ministre de l’Intérieur et ses amis du FN semblent tenir leur “DefCo” chimérique pour responsable de la contestation sociale et de la lutte antifasciste rennaise. Tandis qu’une simple visite dans les nombreuses et foisonnantes assemblées de lutte rennaises aurait suffit à dissiper ce fantasme, un rapide coup d’œil sur notre blog ou nos réseaux sociaux aurait quant à lui suffit à rendre compte de la réalité de notre travail : la Défense Collective a pour but de rassembler et soutenir les personnes confrontées à la répression et aux ennemis du mouvement social, mais aussi d’agir en amont par son action dans la rue et par l’expérience tirée de la répression. Nous sommes un groupe entièrement ouvert et public, autonome des organisations politiques, indépendant des commissions et des assemblées. Espace de composition dont la participation aux réunions concerne des centaines de personnes aux sensibilités politiques diverses, nous assumons et nourrissons des discours critiques sur la police et la justice.
Depuis notre fondation en 2016 et le mouvement contre la Loi El Khomri, nous avons travaillé avec plusieurs centaines d’inculpés et inculpées des mouvements sociaux afin d’élaborer collectivement les meilleures défenses possibles. Nous avons de cette façon obtenu de très nombreuses victoires et jurisprudences utiles à tous les justiciables et à l’ensemble du mouvement social.
Au-delà de notre travail crucial dans les tribunaux, nous revendiquons une présence active dans la rue et assumons des pratiques de défense des cortèges face à la répression, parmi lesquelles l’organisation de la protection du cortège face au gazage généralisé, aux tirs de LBD, de grenades et autres armes de dispersion. Dans une période où le pouvoir et sa police ont maintes et maintes fois montré que tous les manifestants et manifestantes étaient une cible potentielle, nous croyons que la réponse la plus adaptée est la diffusion massive de pratiques de défense communes dans l’ensemble du mouvement social, de la rue aux tribunaux. Nous sommes fiers et fières de défendre une vision émancipatrice de la lutte grâce à nos ateliers juridiques et stratégiques, à la distribution de matériel de protection et de conseils en manifestation et en assemblées, ou encore à la diffusion d’une culture de la défense et de la solidarité à travers les cortèges et bien au-delà de notre petite ville.
Nous pensons que l’emploi généralisé des procédures de dissolution aujourd’hui constitue une nouvelle étape dans la frénésie répressive d’un pouvoir aux abois. Nous tenons à rappeler ici notre opposition formelle à toute procédure de dissolution, qu’elle s’attaque aux camarades ou aux ennemis, car nous nous refusons à soutenir un dispositif répressif qui finit inéluctablement par se retourner contre le mouvement social, comme c’est le cas actuellement.
La Défense Collective étant un espace large, s’organisant sur le modèle d’assemblées publiques hebdomadaires, il nous tarde de voir quel “groupuscule” le Ministre de l’Intérieur va constituer artificiellement dans le but de le dissoudre. Il nous apparaît clair qu’une telle procédure n’a pas pour but de viser la Défense Collective en tant que groupe, mais bien en tant que pratique. Car ce n’est pas une idéologie mais bien nos pratiques de défense face à la répression qui nous réunissent au sein de la DC. La question se pose donc : quelles conséquences sur nos pratiques pourrait avoir une procédure de dissolution ? Le pouvoir compte-il inculper pour “reconstitution de ligue dissoute” tout rennais ou rennaise qui déciderait de ne pas se défendre seul au tribunal ? de ne pas se défendre seul dans la rue ? de proposer des formations juridiques en assemblées de lutte ?
Une chose est certaine : peu importe la suite des évènements, le combat continuera. Il va sans dire que nous avons l’intention de nous défendre farouchement contre cette procédure si elle venait à se concrétiser. Nous tenons d’ailleurs à remercier tous les collectifs et organisations qui nous ont d’ores et déjà apporté leur soutien, et tous ceux qui continuerons de le faire en partageant ce communiqué.
En attendant d’en savoir plus sur ce qui semble de prime abord être un grossier effet d’annonce, nous voulons ici réaffirmer notre engagement auprès des nombreuses personnes arrêtées dans le mouvement contre la réforme des retraites, envers la quelque trentaine d’inculpés et inculpées que nous suivons actuellement, ainsi qu’envers toutes et tous les camarades qui subissent la répression policière et judiciaire. L’appareil répressif, lui, semble encore loin d’être dissout, alors comme toujours nous vous invitons à aider à financer les frais de justice des nombreuses affaires que nous suivons en faisant un don à la Caisse de Soutien aux Inculpé-es du Mouvement Social.
En accord avec notre fonctionnement habituel, nous organisons ce vendredi 7 avril à 17h30 un atelier public, ouvert à toutes celles et ceux qui souhaitent s’organiser contre la répression, dans lequel nous reviendrons sur l’histoire des dissolutions de groupes politiques et l’évolution du droit depuis la loi dite “séparatismes”, suivi d’une réflexion collective autour des stratégies de défense que nous ou n’importe quel autre groupe pourrait adopter en cas de dissolution. Rendez-vous comme d’habitude sur le parvis de la Bibliothèque Universitaire du campus de Beaulieu (accessible via le métro ligne B, arrêt «Beaulieu Université»)
Ce commentaire ne respectait pas la charte.
En plein coeur d’un printemps inattendu, éclatant et mouvementé, il n’aura pas suffi au gouvernement d’envoyer les forces de l’ordre faire la basse besogne : arrêter massivement, humilier, détenir illégalement, brutaliser, gazer, agresser sexuellement, ficher, mutiler dans la rue comme dans les campagnes ; quitte à blesser avec des armes de guerre plus de 200 personnes à Sainte-Soline, laissant deux personnes entre la vie et la mort et des dizaines mutilées. Il lui a fallu aussi agir sur les esprits : essayer de scinder le mouvement, désigner l’ennemi intérieur, agiter l’épouvantail de l’extrême voire de l’ultra-gauche, crier au “terrorisme intellectuel”. Avec l’annonce de la dissolution des Soulèvements de la Terre et de la Défense collective (Defco) de Rennes, Darmanin utilise l’outil très politique de la dissolution pour tenter de désamorcer une colère immense et multiple. Une énième tentative de diversion, après les interview à Pif, Têtu et Playboy, pour tenter de faire oublier la question centrale de l’époque : celle du soulèvement contre ce gouvernement.
Créée à l’origine pour lutter contre les ligues fascistes dans les années 30, la procédure de dissolution administrative a ensuite été utilisée contre des groupes d’extrême-gauche dans les années 60-70 (Gauche Prolétarienne, Ligue Communiste, Mouvement du 22 mars…). Ces dernières années, elle a été brandie contre une autre figure de l’ennemi intérieur construite par le pouvoir : celle du séparatisme musulman. On se souvient que le CCIF, association de lutte contre l’islamophobie, en avait fait les frais, et avait dû s’exiler en Belgique. La loi séparatisme de 2021 a renforcé cet outil de la dissolution en rajoutant dans les motifs la très large incitation « à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens » mais aussi le motif rocambolesque d’« avoir une activité tend[ant] à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine » [1]. Avec ces nouvelles dispositions, ce sont ensuite la GALE (Groupe Antifa Lyon et Environs), Palestine Vaincra et le Comité Action Palestine qui ont été menacés : leur dissolution a heureusement été suspendue par le Conseil d’Etat en référé.
Après avoir enclenché la dissolution des Soulèvements de la Terre pour camoufler le déluge de blessé-e-s dont il est reponsable à Sainte-Soline, Darmanin annonce donc désormais la dissolution de la Defco de Rennes. Il le fait sur la base d’une question du député RN Jacobelli au gouvernement, qui réagissait au fait que Bardella s’était fait – comme de juste – chahuter à Rennes lorsqu’il était venu répandre ses idées fascistes. En s’attaquant à la Defco rennaise, le gouvernement s’attaque à des pratiques qui sont aussi les nôtres et qui relèvent du bon sens élémentaire à tout mouvement : connaître ses droits, se tenir ensemble dans la rue, savoir en quoi consiste une garde-à-vue, faire usage de son droit au silence, se mettre en lien avec des avocates engagées, se préparer au mieux à faire face à la répression pendant et après les manifestations, soutenir financièrement les camarades, partager une intelligence du fonctionnement de la police et de la justice, en bref : rendre la solidarité effective et éviter à un maximum de personnes de finir en prison. Mais il est plus commode pour le gouvernement que les révolté.es ne connaissent pas leurs droits : après avoir essayé de nous faire croire que manifester était illégal, c’est désormais le simple fait de se protéger et de se défendre des brutalités policières qui est criminalisé. Il en est ainsi par exemple des vols de banderoles en manifestation, de la pénalisation de la dissimulation du visage en manif depuis les Gilets Jaunes, des vols de lunettes de piscine lors des fouilles en amont. À Paris, le préfet Nunez a tenté – en vain – récemment d’interdire « le port d’équipements de protection destinés à mettre en échec tout ou partie des moyens utilisés par les représentants de la force publique » pour maintenir l’ordre [2].
Jolie métaphore : mettre en échec tout ou partie de l’effectivité des moyens des forces de l’ordre, quand on voit en quoi ils consistent effectivement et quel ordre ils servent, est indéniablement une nécessité et un motif de fierté.
Nous ne participerons pas au fantasme gouvernemental d’un peuple qui consent docilement à sa propre oppression.
De la rue aux champs de Saint-Soline, des blocages aux tribunaux, solidarité pleine et entière avec les Soulèvements de la Terre, la Defco de Rennes, et tous ceux et celles qui luttent !
Le collectif antirépression des Soulèvements de la Terre, la Caisse de solidarité de Dijon, la Caisse de solidarité de Lyon, le CAR 38, le Collectif d’Autodéfense et de Solidarité en Soutien aux Inculpé.e.s Stéphanois.e.s (CASSIS), Contre la Répression – Organisation Collective (CROC Caen), Désarmons-les, Flagrant Déni (Lyon), la Legal Team de Marseille, la Legal Team de Paris, la Legal Team de Rouen.
Plusieurs de ces collectifs font partie du réseau d’autodéfense juridique collective (RAJCOL).
Notes
[1] ou d’avoir un « objet ou action tend[ant] à porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou à attenter par la force à la forme républicaine du gouvernement ».
[2] Arrêté n°2023-00370 du 31 mars, contesté victorieusement au TA par le SAF, le SM et la LDH.
http://e7nkzth74kcn6j54u6a75pbh2q2yxjsyramuta5z7seix26gnpsq36ad.onion/Une-seule-dissolution-en-vue-celle-du-24765