DROIT AU BLOCAGE CONTRE DROIT D’ETUDIER

La liberté d’étudier et le droit à l’éducation sont les arguments préférés de ceux qui souhaitent, étudiants, enseignants ou politiques, mettre un terme aux blocages des universités. Ils revendiquent bien haut une liberté et un droit qui furent obtenus au prix du sang des générations passées. Et si dans l’absolu leur raisonnement est logique et fort louable, il est dans le contexte totalement hypocrite et restreint.

En effet, si le blocage des universités est une agression envers une liberté et un droit, le CPE, et l’ensemble des politiques qu’il représente, est une agression envers toutes les libertés et tous les droits, y compris en matière d’éducation. Alors peut on sacrifier momentanément une liberté, un droit pour les préserver eux-mêmes et bien d’autres ? Il me semble que la réponse a été donnée par nos pairs, il y a plus de 200 ans un certain 26 août 1789 alors qu’ils luttaient contre des millénaires de servitude.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, socle de notre Constitution, de nos lois et de notre société, énonçant des « principes simples et incontestables », prévoit dans son article 2 que les « droits naturels et imprescriptibles de l’Homme sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ».
Or, le CPE, comme le CNE, n’assure aucune sûreté pour l’individu tant sur le droit du travail, qui est bafoué, que sur la protection sociale qui est mise à mal par de nouvelles exonérations patronales. En créant des travailleurs flexibles, corvéables à merci, incapable de recourir aux droits sociaux et syndicaux pour se défendre (en raison du licenciement sans motif), c’est une génération d’individus asservis que créé le gouvernement, « marchandisant » les êtres humains, leur ôtant la dernière de leurs propriétés, leurs vies.

Instituant un nouveau contrat précaire, le gouvernement accentue l’oppression du système libéral, oppression qui détruit des principes fondamentaux démocratiques et conduit par exemple à la mort de 30.000 personnes chaque jour dans le monde du fait de la libéralisation du secteur pharmaceutique ou encore conduit deux millions d’enfants en France à vivre sous le seuil de pauvreté. En répondant par la seule force au mécontentement légitime de la jeunesse et en bafouant l’article 12 de la Déclaration de 1789 instituant une force publique pour tous et non pour le seul usage de ceux auxquels elle est confiée, le gouvernement De Villepin remet en cause le droit de la résistance à l’oppression, qui a pourtant permis l’existence de notre République.

De plus, le CPE remet en cause l’article 5 du préambule de la Constitution de 1946, intégré à la Constitution de 1958 qui déclare que « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». Avec le licenciement sans motif, c’est une autre atteinte grave aux droits humains fondamentaux, constituant notre société et notre démocratie.

Et en instituant un marché et un droit du travail, libéral et dégradant, il remet également en cause l’éducation qui y mène, la subordonnant aux besoins des entreprises, y discriminant les étudiants et les diplômes entre ceux qui sont utiles ou non aux seuls contraintes économiques, méprisant le savoir fondamental qui permet d’accéder à la réflexion et à la citoyenneté de plein droit.

Autant d’atteintes majeures et illégales à nos droits constituent une atteinte capitale à la liberté qui se définit par le respect d’autrui, par la dignité des Hommes. Mais nul respect d’autrui dans le CPE. Nulle dignité. Seulement la précarité.

Le blocage actuel n’est que la stricte application des principes fondateurs de notre démocratie. Ainsi le blocage, loin de s’opposer à la liberté, la défend. Parce qu’avec la précarité, nulle dignité. Et sans dignité, nulle liberté.