Sur cette question comme sur de nombreuses questions, j’ai l’impression qu’une fois de plus le mouvement social et altermondialiste et la gauche en général est encore trop sur la défensive et non sur l’offensive. C’est à dire que je trouve qu’elle se contente de dénoncer les reculades, de resister pied à pied aux différentes mesures prises par le gouvernement mais sans redefinir le problème à sa manière. Faisant ainsi, elle laisse le champ libre à la conception du travail de la droite qui s’impose dans les esprits et dans le débat (Quel débat ? !). La gauche donnant l’impression de juste vouloir sauvegarder ce qui existe, en s’appuyant sur les mythes de la libération et de la construction du code du travail, des services publics, des assurances sociales collectives.

Certes ces mythes sont puissants et nous aident à resister et à expliquer que ces avancées ont été construites et ne sont pas tombées du ciel, mais rester arqueboutés dessus prête le flanc à la critique facile du style : « La gauche vit dans le passé, la droite vit dans le présent et la réalité », même si cette fameuse « réalité » libérale n’est pas non plus tombée du ciel mais à bien été voulue, planifiée et donc construite également.

Les conditions de l’apres guerre ne sont plus les même et voulons-nous vraiment reconstruire les choses de la même manière qu’à cette époque ? Attendons-nous le retour des 30 glorieuses ? Voulons-nous toujours croire au productivisme et à la croissance comme horizons indépassables ? Je pense que ce qui se passe autour du CPE pourrait être l’occasion d’ouvrir un grand débat sur le travail dans lequel le mouvement social et la gauche seraient dans l’offensive et réouvriraient des tas de dossiers sur des sujets jugés tabous ou sur lesquels on considère qu’ il n’y a rien à discuter. Ainsi nous définirions une autre vision de la vie en société, la place du travail dans celle-ci, sa nature mais aussi la vision de l’humain…

J’ai bien conscience que la raison pour laquelle cela ne se fait pas est la peur des divisions qui pourraient apparaitre à l’intérieur même du mouvement social et politique entre diverses conceptions du travail justement. Mais je pense que l’on aurait surement plus à gagner qu’à perdre à faire cela, notamment re-interesser les gens à la politique en montrant qu’un autre monde est vraiment possible et qu’il est à créer ici et maintenant et non plus se limiter à dénoncer l’ancien monde (Ce que Raoul Vanegeim appelle « coller au cadavre » !) qui n’entretient que la déprime et tout au plus la colère. Ce dont nous avons besoin est de l’energie créatrice de ce nouveau monde pour le faire emerger un peu partout

Je vois plusieurs points : Je ne developpe pas tout pour l’instant, je vous invite à completer, à participer à ce débat…

– La démocratie dans l’entreprise : Est-il normal que l’on prone la démocratie partout mais que les structures juridiques des entreprises ne soient dans la majeure partie des cas absolument pas démocratiques ? Faut-il se contenter d’avoir le droit (menacé) de se syndiquer et de freiner un peu les ardeurs mégalomanes de son patron ? Je pense que là-dessus le débat doit etre réouvert de manière offensive (On ne choquera que le gouvernement, le patronat et les gens de droite, donc je ne vois pas où est le problème) en montrant qu’il existe des tas de manière de faire autrement : Coopératives, services publics (redéfinis), associations et pleins d’autres modèles encore à inventer…

– Les conditions de travail : Ce point rejoint le précedent : Nous dénoncons le travail comme source de stress, de soumission, de depression, de dégradation de la santé et de souffrance. Nous dénoncons la taylorisation et l’utilisation de l’humain comme marchandise et variable d’ajustement, l’humain robotisé qui se vide de son humanité…Alors pronons de manière offensive le travail convivial, le travail créateur comme source d’épanouissement de soi…Réconcicilions le travail avec l’humain, la vie, la créativité…Cela veut dire que la convivialité au travail (Relire Ivan Illitch) est plus importante que l’efficacité et la rentabilité. Quel interet à aller toujous plus vite ? On fini tous par mourrir et on aura rien gagné si ce n’est de mourrir plus tot à cause du stress, donc on aura finalement perdu du temps ! la façon dont on travaille est plus important que la finalité du travail car en inversant cette logique on met l’homme au service de la finalité et on ouvre la porte à toutes les dérives aliénantes possibles…

– La place du travail dans la société : Le travail (Si il faut encore utiliser ce mot) doit créer du lien social et non individualiser les gens voire les séparer en mettant les uns au service des autres, corvéables à merci ou dans l’exagération des rôles client-serviteur (Le client est roi) ou tous les mepris sont possibles. Le travail doit permettre des relations humaines conviviales et repectueuses. Il doit permettre de répondre à de vrais besoins (sociaux, alimentaires, culturels…) et non de créer des besoins dégradants et absurdes dont la seule finalité est de tirer le maximum de consommateurs-vaches à lait.

– L’ecologie : L’humain doit reflechir à sa place dans l’ecosysteme et donc aux perturbations qu’il engendre. Le travail doit donc être desormais compatible avec le respect de l’environnement. Celà veut dire arreter de générer de la pollution, du gaspillage, de la surproduction. Cela veut dire arreter de construire des marchandises qui s’usent tellement vite qu’il faut en racheter une autre juste derriere. Cela veut dire sortir du productivisme et de l’idéologie de la croissance et aller vers une production de qualité qui dure. Produire des produits de meilleure qualité et qui durent permettra de réhabiliter l’artisanat qui est une forme de travail plus convivial que l’industrialisation et le taylorisme ainsi que nous permettre de travailler moins. Car dit consommer plus dit produire plus dit travailler plus ect… Cela veut aussi dire qu’il faut remplacer les produits polluants (Style produits chimiques…) par des produits respectant l’environnement.

– La vision de l’humain : Il faut sortir de la vision de l’humain-marchandise et aller vers un respect total de l’humain dans sa multiplicité. Cela veut dire que chacun doit avoir le droit de choisir librement son activité et de ne pas être infantilisé, être considéré comme responsable et capable d’évoluer. Respecter le ryhtme des personnes désocialisées, leur permettre de remprendre une activité selon leurs possibilités… Respecter le rythme de la vie et de ses cycles : naissances, éducation des enfants, mort, deuil…Le travail redéfini doit permettre à chacun de disposer du temps nécéssaire pour vivre ces différents moments dans toute leur intensité et leur humanité…

– Remplacer la compétition par l’emulation, la coopération : La compétion engendre le développement de l’égo, la séparation, la comparaison, la dépreciation, la peur de ne pas être à la hauteur, voire la haine de soi, sources de souffrance psychologique. L’actuelle logique de « la tête dans le guidon » pour être le meilleur fait passer à côté de la vie et de ses richesses, et entretien des rapports avec les autres sous le signe de la rivalité. Seules la coopération et l’émulation permettront en même temps de tirer le meilleur des relations humaines mais aussi de stimuler ce qu’il y a de meilleur en chacun.

– Remplacer la notion de travail par celle d’activité : Pourquoi séparer activité rémunératrice et activité bénévole, familliale ect…Toutes les activités qui vont dans le sens de la vie, de la création de lien social, de créativité, d’utilité sociale sont respectables. Et la réduction de l’activité à sa seule rentabilité marchande crée une vision très réductrice…

– Relancer le débat sur le revenu universel garanti : Les nouvelles formes de créations par exemple le logiciel libre montrent que ce n’est pas par la carotte et le baton que l’on permet à la créativité de s’exprimer le mieux. L’humain n’est pas juste un reservoir de vices qu’il faudrait discipliner, mater et obliger à travailler. C’est un reservoir de ressources potentielless auxquelles il faut donner les moyens de s’exprimer. Ainsi un revenu garanti permettrait l’emergence de qualités humaines jusqu’ici sous-exploitées, des trésors de créativité pourraient voir le jour… Les effets d’une telle mesure sur la qualité du vivre-ensemble de notre société seraient inestimables.

– Créer une économie d’origine citoyenne : Pourquoi ne pas imaginer, quartier par quartier que les citoyens se réapproprient l’économie en créant des structures collectives répondant à leurs vrais besoins et en utilisant les compétences des gens du quartier en les valorisant, en allant chercher les trésors qu’ils ont en eux completement ignorés par l’économie classique ? Pourquoi ne pas imaginer des manières de financer cela par des sortes de souscriptions citoyennes ou l’on récupère sa mise au bout d’un certain temps (Sans plus-value !) comme certaines initiatives l’on deja lancé ou bien avec l’aide des structures de l’économie solidaire. Créer ici et maintenant des structures qui nous permettent de nous passer des multinationales et autres entreprises vampiresques…

Il y aurait encore beaucoup à dire… Réapproprions-nous ce débat qu’il soit d’actualité partout !