Durant les trois semaines de troubles du mois de novembre, les condamnations qui se sont abattues sur les révoltés des banlieues, ou présumés tels, ont été prononcées dans un climat de surenchère médiatique et politique. Beaucoup d’observateurs présents aux audiences, d’avocats et de journalistes ont noté la lourdeur des peines (3 mois ferme pour avoir montré ses fesses !) et l’identification hasardeuse des « coupables. » Des jeunes qui ont toujours vécu en France sont menacés d’expulsion. Les défauts habituels d’une justice à la chaîne on été ici gravement multipliés.

Au malaise que suscite cet emballement de la machine à punir, vient s’ajouter la constations d’un étrange paradoxe. Certes, les destructions (de véhicules et de bâtiments), n’ont pour principal effet que de rendre encore plus difficile la vie dans les quartiers populaires. Mais il faut remarquer que, si le gouvernement s’est aujourd’hui décidé à rendre, au moins en partie, les subventions de soutien aux banlieues qu’il avait supprimées, c’est bel et bien grâce au signal d’alarme qu’a été cette révolte.

Quoi que racontent des politiciens qui ont fait de la surenchère sécuritaire leur fonds de commerce, les révoltes de novembre furent une manifestation de colère sociale, sans plan prémédité, sans manitou manipulateur. Quel que soit le sentiment de rejet que provoquent chez beaucoup les formes prises par cette colère, sa légitimité est implicitement reconnue par la société, où l’on débat incessamment du « malaise des banlieues. » La répression est l’aveux de faiblesse d’une classe politique déboussolée, qui ne compte plus que sur la prison et la régression sociale (apprentissage à 14 ans et chasse aux immigrés) pour résoudre les aspects les plus brûlants de la question sociale.

Nous pensons, nous, qu’un signal de solidarité doit être adressé aux cités, pour sortir de cette spirale d’une stigmatisation encore aggravée par la réactivation d’une loi coloniale et par le couvre-feu.

Il faut sans tarder amnistier tous les condamnés des révoltes de novembre.

PREMIERS SIGNATAIRES

Jean-Pierre Bastid, écrivain
Eric Benveniste, éditeur
Olivier Besancenot, postier, porte parole de LCR
Maria Bianchini, professeur des écoles
Rémi Boyer
Yves Coleman, traducteur
Gérard Delteil, écrivain
Hervé Delouche, éditeur
Alain Dugrand, écrivain
Jimmy Gladiator, écrivain, retraité de l’éducation nationale
Frédéric Goldbronn, cinéaste
Odile Henry, sociologue
Olivier Hobé, poète
Alain Krivine,journaliste, porte parole de LCR
Brigitte Larguèze, sociologue
Jean-Paul Lajarrige
Jérôme Leroy, écrivain et professeur en ZEP depuis 16 ans
Jean-Pierre Masse, sociologue
Fabienne Messica, journaliste
François Muratet, écrivain
Fabrice Pascaud
Gilles Perrault, écrivain
Michel Pialoux, sociologue
François Pinto, correcteur
Alain Pojolat, syndicaliste
Laurence Proteau, sociologue
Serge Quadruppani, écrivain et traducteur
Maurice Rajfus, écrivain
Ody Saban, artiste-peintre
Sud-Education Paris