Mercredi vers dix huit heures, j’attendais patiemment mon bus quand un papier d’une sobriété troublante attire mon regard.

Je commence à lire « Avis à la population » Je vois écrit en rouge « travaillent », « hébergés », je me dis tiens bonne idée de proposer des logements aux saisonniers en situations irrégulières dans notre belle province.

Et là, stupéfaction, naïve que je suis, de constater l’horreur du torchon…

Mon cœur ne fait qu’un tour, je me sens défaillir, l’histoire de l’occupation allemande et de la collaboration française me gicle en pleine face.

« L’histoire a la mémoire courte » devient l’adage d’une réalité bien inquiétante.

Comment est ce possible qu’en France, pays des droits de l’homme, une ineptie pareille soit tolérée ?

Je me dis que je rêve, que ce n’est pas possible que des individus, apparemment humain, puissent encore voir le monde avec autant de haine et de crainte.

La xénophobie règne dans nos campagnes, les gens ont peur de l’autre. Comment est-ce possible? Nous disposons de tant de moyens de communication pour ouvrir les consciences, pour ouvrir les cultures qui font la richesse de l’humanité.

Je décide donc de déposer une plainte auprès de la gendarmerie pour incitation à la haine raciale. Mon interlocuteur me dit que cela n’est pas possible. Qu’il faut des termes clairs pour rédiger ce genre de plainte. Il me dit que ce texte n’incite pas clairement à la violence contre un tiers. Qu’il n’y a pas de nom, que je n’ai pas reçu ça dans ma boite aux lettres, que je ne suis pas visée personnellement…

Il m’informe tout de même que ce n’est pas le premier tract diffusé, en effet, des viticulteurs du coin sont aussi victimes de ce genre de menaces et dans leur boite à lettre.

Je lui dit que je suis touchée personnellement par cette affaire, que ce genre de papier est un danger pour la république et que je suis citoyenne et donc concernée par cette affaire.

Je lui dis aussi que ce papier circule déjà sur le net et que quelques associations de défense des droits de l’homme ne tarderont certainement pas à s’emparer de cette histoire pour alerter l’opinion publique sur la situation inquiétante des exactions de quelques nostalgiques de la collaboration française de 39-45.

Sur ce, il me dit qu’il va quand même transmettre à monsieur le procureur de la république ce tract pour qu’il prenne les mesures qui s’imposent.

Alors je vous le dis monsieur le procureur, les citoyens français veulent connaître la suite des événements!

Nous voulons une enquête et savoir qui se cache derrière tant d’ignominie. Nous voulons que justice soit faite afin d’enrailler les rouages d’une machine haineuse et dévastatrice.

Non! Les citoyens français ne sont pas des nostalgiques de l’occupation nazie !

Non! Nos frères immigrés ne sont pas les détritus de
la France.

Les seuls résidus ici, sont ces nostalgiques de la colonisation française, ces nostalgiques de la ratonnade des années 60, de ces Raffles des années 40, de l’esclavagisme d’une Afrique meurtri par une Europe bien peu reconnaissante de son sacrifice qui nous a permis et nous permet encore le niveau de vie que nous avons.

J’ai honte aujourd’hui du chemin que nous empruntons !

Je compte sur vous pour ne pas laisser ce petit papier, en apparence empli de sobriété, tomber dans l’oubli de l’indifférence de nos concitoyens.

Merci de votre compassion.

Veuillez agréer, madame, monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Lunamorphose.