«Je crois de mon devoir de citoyen d’apporter au débat public quelques éléments tirés de mon expérience personnelle. Je n’en ai pas eu la force auparavant, je le fais maintenant sans plaisir.

De prime abord naturellement favorable au projet de Constitution européenne – un « oui du coeur » -, j’ai passé tout le temps de la campagne à l’intérieur de l’un des principaux états-majors du Oui jusqu’à ce que, progressivement confronté au texte lui-même par la nécessité de répondre aux arguments du Non, j’en vienne à réaliser que ce projet de Constitution était dangereux pour la démocratie républicaine. (…).

Je m’appelle Thibaud de La Hosseraye, j’ai 28 ans et une formation à la fois commerciale (HEC, spécialisation «Europe») et philosophique (D.E.A). Sur les mérites supposés de ces diplômes (et, peut-être, d’un prix de l’Académie des Sciences morales et Politiques), j’ai été recruté en décembre 2004 par le club « Dialogue & Initiative » pour participer bénévolement à leurs travaux. Laboratoire d’idées du courant de pensée de Jean-Pierre Raffarin, donc véritable «brain trust» du Premier Ministre, Dialogue & Initiative est structuré en Commissions chargées d’approfondir différentes thématiques en vue d’alimenter la réflexion des parlementaires se reconnaissant dans cette sensibilité politique.

J’ai pour ma part intégré la Commission Europe. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est que, d’une réflexion de fond devant initialement porter sur le contenu de l’identité européenne, nous allions bientôt nous trouver engagés de plain-pied dans la campagne référendaire. Dès janvier 2005, il n’a plus été question de réfléchir posément à la définition de «la meilleure Europe possible», nous étions activement mobilisés pour produire des argumentaires en faveur du Oui.(…)

Alors que je m’acquittais du moins mal que je pouvais du travail que l’on m’avait confié, j’ai été, au milieu de la campagne lors d’une de nos réunions hebdomadaires du lundi, troublé d’entendre le participant le plus autorisé énoncer sur le ton de l’évidence que «comme on ne peut pas contrer les arguments du Non, il faut le discréditer, le ringardiser»…. sans que cela ne soulève la moindre vague de protestation chez les participants. Outre son caractère déontologiquement contestable, cette stratégie me paraissait se fonder sur la résignation à une déconvenue théorique (…)

La responsabilité du peuple français dans le scrutin du 29 mai est la suivante: cautionner ou non, par son suffrage, des évolutions libérales qui excluent toute possibilité de retour en arrière, et donc toute possibilité de faire à l’avenir d’autres choix en matière économique. Souhaitons-nous, oui ou non, nous attacher définitivement le cou à une doctrine économique, quelles que puissent être ses dérives ultérieures ou ses contre-performances?

C’est l’ampleur de ce danger que je vais à présent m’efforcer de montrer, à travers l’exposé de 15 arguments inédits en faveur du Non. Par mon rôle même chez Dialogue & Initiative, j’ai une certaine familiarité avec les arguments du Non, mais les points suivants n’ontme semble-t-il jamais été encore relevés, en dépit de leur importance particulièrement décisive. A quoi tient le fait qu’ils soient encore inédits? Je ne me l’explique pas. Peut-être fallait-il d’abord toute la distance d’une position longtemps favorable au Oui pour permettre leur ébauche, puis les nombreux débats qui en ont forcé l’accès vers une éclatante évidence…»

Lire l’article complet (long, mais l’argumentaire est captivant et convaincant): «Non à l’Europe du fric», par Thibaud de La Hosseraye.