Notre langue se mue en un vaste étouffoir, où seule la « neutralité technicienne et scientifique » s’impose et prévaut. La recrudescence de termes tels que positif/negatif ; déficits ; bilan ; compatible ; modalités ; résultat ; gestion ; marche etc.. traduisent une tentative, consciente et inconsciente, d’isoler, réprimer et noyer toutes velléités d’opposition. Des termes et des références semblent aujourd’hui denigrés et exclus du champ politique, médiatique et social, sans parler de l’usage pathétique d’un anglais assimilé à la langue des maîtres. Ce vocabulaire, politique, universitaire et mediatique, expurge et euphémise, inlassablement et inexorablement, de notre quotidien des notions d’actualité et essentielles. Notre vision du monde et notre connaissance de celui-ci en découle.

La révolte, la dissidence, l’opposition, l’intellectuel, la rupture ne cessent d’être, péjorativement, connotées par l’ensemble des sphères du pouvoir et au pouvoir. Ces sphères que sont les médias, les partis politiques, les institutions financières, les transnationales, jouent, chacunes à leurs niveaux et en vertu de leurs attributs, de cette structure et de ce rouage vital et central qu’est la langue. Cette entreprise de « purification syntaxique » accouche d’une géométrisation et d’une neutralisation de la langue, conséquence d’une societe frénétiquement technologique et intrinsèquement conservatrice. La révolte, la dissidence, la rupture, la violence sont donc plus que jamais pertinentes et nécessaires, dans un monde qui cherche à faire passer pour des acquis ce qui ne devrait être appelé que DROITS.