Rien de bon ne peut venir des universités
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Catégorie : Global
Rien de bon ne peut venir des universités
Avec l’émergence de nouvelles alternatives politiques nées dans les universités, beaucoup croient avoir découvert les signes précurseurs d’une nouvelle contestation sociale, notamment un changement de paradigme sociopolitique. En réalité, si nous analysons la chose en profondeur (c’est-à-dire en s’éloignant du mode de pensée progressiste), il s’agit d’une nouvelle force conservatrice qui vise à moderniser un mensonge vieux de plus de deux siècles: la démocratie. Notre tâche a toujours été de clarifier les éléments qui provoquent l’auto-aliénation des hommes et femmes et qui leur révèlent les conditions de leur extinction.
Plus de 150 ans après l’expérience de 1848 et de la Commune, nous ne pouvons pas ignorer la fonction pratique que remplit la pensée démocratique dans nos sociétés, comme nous ne pouvons plus ignorer suite aux différents soulèvements étudiants le rôle que ceux-ci ainsi que leurs enseignants jouent. Les célèbres révoltes étudiantes du Mai 68 français ont contraint l’ennemi à moderniser l’oppression et à flouer encore plus ses rouages. Le pouvoir/ le régime/ le système doit combler le fossé qui existe entre la classe dirigeante et les pauvres qui se creuse dangereusement derrière la crise de ces dernières années. Voilà à quoi travaille une génération de réformateurs aux ordres de l’État. Ils ne peuvent évidemment pas parler une langue autre que celle de l’État ainsi que prêcher le mensonge démocratique à la masse pauvre.
La cause démocratique est devenue le territoire privilégié du réformisme, le terroir spectaculaire des affrontements entre mensonges rivaux mais solidaires, comblant le vide laissé par l’église. Cette cause à laquelle sont appelés à s’identifier les pauvres constitue le cheval de bataille de la bourgeoisie ainsi que les défenseurs de l’État afin de détourner ces mêmes pauvres de la question sociale. Partout dans le monde où les pauvres sans patrimoine se révoltent contre leur condition et plus particulièrement contre la misère, le réformisme se doit de faire de celle-ci une fatalité, ainsi que de faire de l’aggravation de l’oppression sociale un problème politique. Son but est d’imposer l’Etat comme LA réponse à cette fatalité. En d’autres termes, les aspirations sociales des pauvres doivent se réaliser au sein de l’État. Le spectacle démocratique sait comment canaliser l’agitation et le mécontentement en temps voulu. Avec le mensonge démocratique, la falsification des aspirations des pauvres conduit à laisser sans critique le principe Étatique. C’est là où il y a crise de régime, comme en Espagne ou dans de nombreux autres pays, que l’ennemi travaille avec la plus grande ardeur au relifting de ce mensonge.
Aujourd’hui, la majorité des étudiants n’a plus la prétention de questionner sa société. D’autant plus parce qu’il ne pourrait s’agir que d’un acte prétentieux. Mais ils ne renoncent cependant pas à prétendre jouer un rôle dans cette société, toujours face à l’État. Nous ne pouvons ignorer ce que sont la plupart du temps les étudiants. Les étudiants n’ont pas assez été critiqués. Ils constituent l’élément social dont se nourrit l’esprit politique. Les mouvements étudiants et ses initiatives défendent le plus pur terreau de la politique: l’esprit civique, le noyau démocratique. Dans les pays développés où la population est toujours plus ou moins obsédée par des rêves de progrès social, l’enseignement occupe une place centrale. Les études donnent l’illusion qu’il est possible d’accéder aux meilleures postes. Combien d’enfants d’ouvriers et d’immigrés espèrent s’émanciper grâce à un diplôme? Faute de pouvoir rendre cette ascension effective, l’université permet à ces jeunes de subsister temporairement, en les éloignant de la dure réalité sociale de laquelle ils sont issus: travail précaire, chômage, prison.
L’enseignement des démocraties est en fait une période indistincte où des jeunes de différentes classes et milieux socio-économiques se retrouvent, mais où ils ne sont pas tous appelés à occuper le même rang dans la hiérarchie sociale. L’université est donc un lieu qui prétend être au-dessus des divisions de la vie réelle. Le campus met en œuvre le principe d’égalité revendiqué par la démocratie mais de manière abstraite. En théorie, tout le monde doit pouvoir accéder aux études. Une fois diplômés, les étudiants occuperont pour la plupart des postes médiocres et précaires, un travail intellectuel salarié (par opposition au travail manuel, non-académique) ou, dans le meilleur, (ou le pire des cas) travailleront dans une institution ou industrie néo-culturelle.
Les rêves estudiantins d’ascension se voient aujourd’hui bien compromis, « à cause de la crise ». L’idéal démocratique qui tenait son terreau principal dans les universités se voit ainsi remis en cause. Les étudiants représentent le secteur idéaliste de la société moderne. La victoire de la droite, du PP de Rajoy et de Wert, signifia le retour du principe autoritaire comme annexe au retour sans équivoque -ou il n’existait plus même un jargon pour le masquer comme cela pouvait être le cas avec le Parti Socialiste- des règles brutales du marché. Il s’agit d’abandonner le projet d’une société «généreuse» dont les progressistes parlent tant et de le remplacer par les règles pures, sans discours masqués, de l’économie de marché. Les étudiants affrontent les arguments de la réalité marchande en se couvrant de l’idéologie démocrate. La droite tente d’introduire la hiérarchie sociale dès le départ, dès l’entrée à l’université, tandis que les élèves et enseignants ne désirent que la reporter à son terme.
Les étudiants et professeurs d’université se battent pour intégrer, d’une manière presque bigote, face à la menace latente de désintégration de la société. Nous n’avons jamais vu autant de gens exclus de la société, du moins pas depuis très longtemps. Les étudiants prétendent résoudre cette situation comme s’il ne s’agissait que d’un problème de morale politique. C’est pourquoi ils présentent et soutiennent des projets politiques appelés à régénérer La Bête, comme si la démocratie pouvait être aimable. Toute tentative de modifier le statut universitaire provoque des manifestations, car l’un des principaux axes d’intégration dans la société est touché (du moins concernant cette société située entre l’État et le reste de la population), cette partie qui prétend jouer un rôle à l’avenir dans cette société globale. L’université représente la prétention au savoir universel, la prétention de trouver des idées pour le reste de la société. Elle est la substance dont se nourrit la pensée dominante. Le rôle des étudiants est de s’accaparer la parole de la société présente, et à chaque fois qu’ils la prennent, ceux-là suscitent immédiatement l’intérêt des médias. Les étudiants ont le monopole de la contestation admise et reconnue, empêchant les pauvres de prendre l’initiative de la réflexion. Le discours né dans les universités se veut égalitaire, exigeant son intégration dans une société hiérarchique dont la base n’est jamais remise en cause. Etudiants et enseignants se sont toujours considérés comme les gardiens privilégiés de l’État et les sentinelles de la démocratie, puisque la plupart d’entre eux constitueront plus tard la courroie de transmission nécessaire entre cet appareil et le reste du peuple, en raison de leurs fonctions.
Le succès populaire des alternatives politiques nées au sein des universités ne tient pas dans sa capacité à conquérir certaines parcelles de pouvoir (actuellement placée dans une nouvelle tendance électorale), mais tient dans son injonction à faire reconnaitre et accepter sa force sous la forme d’un groupe de pression à priori apolitique diluée dans la société (voilà pourquoi ils ne se fédèrent pas en tant que partis, mais en mouvements, cercles, etc.). Ils constituent l’élément moderne de la pacification sociale, porteurs de la conception de la société civile et de la citoyenneté. Loin d’attaquer le principe de l’État, ils protestent contre les déviations et les limitations des régimes libéraux pour l’aboutissement de l’État démocratique. Une société fondée sur l’exploitation et la division ne peut atteindre une cohésion intestine qu’à travers un mensonge à prétention universelle. Nous sommes certains que leurs demandes et revendications rafraichissantes et prétendument contestataires disparaîtront quand ils réussiront à placer leurs gens au pouvoir. Il s’agit toujours de la même histoire: un nouveau progressisme luttant pour se placer au pouvoir central -détenteur déjà du pouvoir culturel- pour faire la même chose que la droite mais de façon plus aimable et en apparence supportable.
Ecrit par Secta Nihilista
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