Pourquoi les e3c sont le cheval de troie de la guerre des classes
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La critique des E3C portée dans cet l’article “Le scandale des E3C” est… très mauvaise. Le problème des E3C n’est pas la rupture d’égalité – qui existait déjà avant, mais qui ne déplaisait à personne tant qu’elle était rendue invisible par les comités d’harmonisation.
Le problème des E3C, c’est :
– Renvoyer l’organisation d’épreuves certificatives à la charge des professeurs et des chefs d’établissement. Cela permet de grandes économies à l’état puisque ce n’est plus au ministère de le faire, mais aux agents sur leur temps perso
– Je parle de temps perso, pourquoi ? Parce que le ministère n’a eu qu’à élargir le champ des responsabilités des profs et des chefs d’établissement (“l’organisation des E3C fait maintenant partie de vos responsabilités”) sans augmenter les salaires OU diminuer le temps de travail alloué à d’autres tâches.
– La correction des copies est DEMATERIALISEE. C’est à dire que les personnels administratifs (secrétaires+adjoints+chef d’étab) doivent scanner les copies (+ de travail). Puis les copies sont réparties entre profs de l’étab qui doivent corriger sur un logiciel nommé SANTORIN. Evidement, les profs ne disposent pas de bureau, ni de matériel informatique fourni par l’administration. Les corrections sont faites sur le matos perso. SANTORIN n’est rien qu’un PAINT amélioré, les profs ont obligation de rédiger des commentaires détaillés (bah oui, c’est du controle continu, faut des retours pédagogiques, lol), je vous laisse imaginer le plaisir de corriger sur cette merde. Il n’y a pas d’heures banalisées pour ça. C’est le soir et le week end. Alors que les copies papier sont dispo dans les établissements !!! Bonjour la dépense énergétique. Mais surtout, le fond du problème, c’est que SANTORIN fait du flicage en temps réel : quand le prof se connecte pour corriger, combien de temps il passe par copies. Je vous laisse imaginer quel genre d’infos remonte à l’inspection.
– Les E3C sont vendues comme “du contrôle continu, c’est plus mieux pour les élèves ouin ouin”. Ben non, c’est pas plus mieux pour les élèves. Parce que ce n’est pas vraiment du controle continu. Les profs N’ONT PAS LE DROIT d’utiliser les notes des E3C dans les moyennes des trimestres. Si c’était vraiment du controle continu, ils le pourraient. La conséquence de ça, c’est que les profs doivent, en plus des E3C qui bouffent beaucoup de temps de classe, organiser des controles pour avoir une moyenne trimestrielle. Les élèves passent donc leur temps à enchainer les épreuves. Ca veut dire moins d’enseignement. Il est là le vrai problème pour les élèves.
– Et, dernier point, qui est la suite logique du point précédent.
L’administration veut arriver à un fonctionnement des établissements déconcentré. Le chef d’établissement serait celui sur qui tout reposerait, les recutements comme les avancements. Pour donner l’autonomie aux chefs d’établissement, il faur parvenir à ce que l’année soit organisée en SEMESTRE (je passe sur les détails, c’est trop long et compliqué à expliqué d’un point de vue de la comptabilité et des dotations horaires). La semestrialisation, cheval de troie de “l’autonomie” des établissements, devient logique dans ce système. On fait le constat que trois semestres, c’est trop lourd. Que les profs et les élèves sont tout le temps en train d’organiser des controles E3C/moyenne de semestre. Donc on va alléger tout ça, on va passer de trois trimestres à deux semestres. C’est un beau cadeaux non ? Et puis, tant qu’on y est, maintenant qu’on est au semestre, bah l’établissement peut bien passer à l’annualisation des heures de travail, non ? Et une fois qu’on a l’annualisation des heures, bah le chef d’étab peut bien se charger du recrutement des remplaçants, et modifier les emplois du temps de travail du prof remplacé pour arranger le remplaçant, non ? Et une fois qu’on a intégré cette souplesse, bah le chef d’étab peut bien recruter qui il pense etre le meilleur pour tel ou tel poste, non ?
Et ainsi de suite, et ainsi de suite.
Donc, on est très loin du pauvre “ouin ouin, l’égalité du bac sur le territoire”. Ce n’est pas l’enjeu. ca ne sera jamais l’enjeu.
Je soutiens totalement ce texte, en lui ajoutant un petit élément : il y a, au-delà de tout ce qui est déjà dit, une politique globale menée par l’Éducation Nationale et par conséquent par l’État qui est une constante depuis fort longtemps : il faut masquer le niveau scolaire réel des élèves – qui est en train de faire le grand écart, ainsi que le montre l’outil d’évaluation PISA, qui est pourtant fort inadapté – pour qu’ils restent le plus longtemps possible dans les études, n’importe lesquelles, afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent trop vite sur le marché du travail. Et ça doit coûter le moins cher possible.
D’où l’allongement moyen des études, l’intégration dans les classes « normales » d’élèves clairement handicapés et qui devraient bénéficier de structures plus adaptées – lesquelles ont été fermées les unes après les autres -, l’injonction du taux de réussite obligatoire à n’importe quel examen par la hiérarchie inspectorale, le flicage effectivement des corrections et du temps de travail des profs, et en temps réel s’il vous plaît grâce à la dématérialisation – déjà vu depuis des années dans les corrections de BTS, ce n’est une nouveauté que pour le Bac – et le développement de pathologies de la dépression et de l’épuisement chez les salariés de l’Éducation Nationale. Je ne parlerais même pas des réformes mises en place tous les 10 ans, qui contraignent à refaire tout ou partie des cours, sans qu’on sache exactement pourquoi la précédente réforme n’allait pas…
Tout cela explique la combativité des secteurs de l’Éducation dans le récent mouvement contre la réforme des retraites, mais malheureusement derrrière les mots d’ordre syndicaux qui sont du pur et simple sabotage, vu qu’ils posent le problème comme étant spécifique à l’Éducation, alors qu’il apparaît que la situation dans ce secteur reflète entièrement ce qui se voit dans la Santé, dans les Transports, dans les entreprises publiques et para-publiques comme la Poste ou les Télécoms…
Tous les ingrédients d’une unité dans la ripoiste sont là, et les premiers à en être inquiets, ce sont les syndicats…
l’Éducation Nationale c’est la guerre de classe !
C’est sûr qu’avec des analyses comme “l’éducation nationale c’est la guerre des classes”, sans rien apporter de plus et en sous entendant que toutes les personnes qui ne partagent pas ton constat sont des gros nazes, on ne va pas loin.
Si l’éducation nationale, c’est la guerre des classe, comme ça, tout court, tout simple, mais pourquoi ya encore des gens – et des profs, et des lycéens, qui luttent ?
Mince, on va leur expliquer que ça sert à rien de lutter parce que toi t’as tout compris et que “c’est la lutte des classe, point barre, j’ai dit tou ce que yavait à dire”.
A ce compte là, l’usine c’est le capitalisme, et tous les ouvriers en lutte sont bien crétins. Quelle bande de boomers, faudraient qu’ils se réveillent eux aussi hein !