«En étudiant la violence des hommes à l’égard de femmes qu’ils connaissent, tel que ce phénomène se présente aujourd’hui, nous constatons une double réalité: si, d’une part, les changements sont spectaculaires sur le plan politique (et cette conférence en est une illustration très notable), nous constatons aussi, d’autre part, une très lourde continuité en ce qui concerne l’orientation générale des thèses élaborées sur le sujet. Les grandes avancées effectuées en termes d’élimination des tabous, dans le débat public sur la tendance des hommes à commettre des actes violents à l’égard des femmes, et à divers niveaux politiques, se heurtent à des schémas d’argumentation inchangés au sujet des causes du phénomène – et nous en sommes plutôt choquées. Sur le sujet de cette « inclination masculine », théorie et pratique semblent totalement s’éloigner l’une de l’autre et suivre chacune une évolution autonome. À l’heure actuelle, les points de vue théorique et pratique ne se rejoignent que sur quelques éléments – cette relation pouvant être très négative dans certains cas, comme je m’efforcerai de le démontrer à la fin de cette étude.

Lors de l’analyse de la littérature concernée, nous avons d’abord été surprises, puis franchement irritées, de constater à quel point cette violence masculine était totalement considérée comme la responsabilité des mères ou des femmes en général. C’est là un point sur lequel la nouvelle « littérature sur les comportements masculins » et la psychanalyse traditionnelle sont curieusement d’accord.

Les thèses psychogénétiques et sociogénétiques avancent l’idée – que nous considérons comme problématique – que l’on peut autoriser les hommes à se présenter comme des victimes plutôt que comme des agresseurs. Il s’agit, sur le plan social, de faire des hommes des prisonniers de leur « rôle masculin » ; et, en termes de psychologie individuelle, ils apparaîtront comme les victimes de mères d’un autre âge mais en tout cas dominatrices.

D’après cette thèse de « victimisation » développée sur le plan sociologique, le « rôle de l’homme » est en train de changer du fait de la modernisation progressive de nos sociétés. La fonction masculine traditionnelle est aujourd’hui dépassée, sans que rien d’aussi fort ou rassurant ne vienne s’y substituer. Une partie de la littérature existant dans ce domaine désigne explicitement ou implicitement un « coupable » – à savoir l’émancipation des femmes, qui a provoqué ces nouvelles incertitudes masculines. Du fait que la femme a abandonné la position qu’on lui avait traditionnellement assignée, l’homme a perdu ses repères. Dès lors, la violence masculine apparaît comme une conséquence certes regrettable, mais compréhensible, de cette ‘crise’».

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