Republique tcheque. “on a pas le choix”
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Le 13 et 14 juin prochain, le gouvernement tcheque demandera officiellement a sa population si elle souhaite ou non que la Tchequie integre l EU. D apres les instituts de sondage, le oui l emportera malgre un faible taux de participation.
Il faut dire que le gouvernement n a pas lesine pour la campagne de publicite pro Europe, jusqu a edifier un enorme balancier au-dessus de la Vltava (fleuve traversant Prague) qui passe son temps a hesiter entre le oui et le non. De quoi rajouter une pointe de tragique a l evenement et prouver par l image le serieux de la situation a la population tcheque.
Effectivement, elle semble ne pas savoir trop quoi en penser la population tcheque. Apres tout, on ne lui a jamais demande son avis, ni quand la Tchequie a rejoint l OTAN, ni quand la constitution a ete changee et ni pour la separation de la Tchequie et de la Slovaquie; alors pourquoi maintenant veut-on savoir ce qu ils pensent se demande-t-on en Republique Tcheque?
Apres des siecles d occupation allemande et russe, ce n est que depuis 1993 que la Tchequie exerce sa souverainete reellement democratiquement.
La population, traumatisee par des annees de communisme et gardant une rancoeur anti-allemande est suspicieuse de se faire “chapeauter” de nouveau meme si le sentiment resigne de ne “pas avoir le choix” domine.
Ainsi que le dit Francesek SKALA, artiste sculpteur Pragois, membre du collectif TVRDOHLAVI (les tetes dures) “bien sur, les allemands vont avoir encore plus d influence ici et ca on veut pas, mais que faire…oui, je vais dire oui, que faire d autre…on a pas le choix”
Pepek MACHACAK, 47 ans est technicien dans une usine de traitement de dechets a Pragues, sa femme Blancka, 46 ans est employee de banque. Ils vivent a Pragues avec leurs deux enfants dans un appartement qu ils louent a l etat. Depuis une vingtaine d annees, Pepek a construit une petite maison secondaire a Ondrejov dans la campagne Pragoise… ils y passent tous leurs week ends ” loin de la pollution, du stress et du bruit”. Ils sont proprietaires.
Concernant le referendum, Pepek votera “non”. Pourquoi? “A quoi ca sert tout ca, c est uniquement une alliance politique et financiere, moi je n en verrai pas la couleur… et puis l Europe, ca fait deja des siecles qu on y est, quoi de plus?”
Apres la chute du communisme, la Tchequie s ouvre vers l exterieur, l Europe et le capitalisme. Tout nouveau, tout beau et puis on commence a s interesser de maniere plus precise a ce qui se passe a cote, la ou le capitalisme est deja bien implante. On se rend compte que la non plus ce n est pas le paradis pour les populations employees et ouvrieres, qu en terme de justice et d egalite sociale, on fonce dans le mur.
“Mais quoi alors? Quoi d autre? Quel autre choix est possible?” demande Pepek.
N est-ce pas la question? La force de ce systeme n est-elle pas de faire croire qu il n y a plus d autre choix, que la machine est en route irremediablement…
“On ne veut plus du communisme en Tchequie” dit Pepek _meme si le PC tcheque est en progression depuis quelque temps_ mais des annees d education communautaire et socialiste ne s effacent pas d un coup au nom de l Europe et du marche. Retraites a 63 ans en Tchequie, il reste encore 16 et 17 ans de travail a Pepek et Blancka. Leur reve serait de travailler encore 5 ans en se serrant la ceinture pour acheter l appartement qu ils louent a Prague, le louer a leur tour et s arreter de travailler, s installer dans leur petite maison d Ondrejov…pecher, lire… Un autre choix?
“non… ca s appelle comment ca (louer sa propriete)? demande Pepek en marquant un temps d arret, c est du capitalisme…du capitalisme” Le ton est grave, l air est songeur.
Qu offre l UE comme ideal de societe a une population a peine sortie d un systeme totalitaire? Comme dans une publicite, elle sourit et brille dans un ciel bleu…venez, venez dans le joyeux monde de l Europe marchande et du capitalisme…vous verrez comme ce sera bien…
Les tcheques voient bien l envers du decor, l injustice et le cynisme de ce systeme et c est pour ca que le oui du week-end prochain ne sera pas un oui determine et enthousiaste, un oui sur lequel on construit; ce sera un oui hesitant, desabuse et resigne, un oui qui n a pas le choix.
Comment construire une Europe solide et unie si ses membres memes n y croient pas?
Quelle est finalement la part de choix reelle qu ont les tcheques? Refuser et rester sur le bas-cote de la route du point de vue economique et politique ou accepter et adopter un systeme dont on reconnait les vertus (liberte d entreprise) mais aussi les limites et les faiblesses?
Le monde actuel ne laisse pas la place a l expression d une veritable alterite de modeles de societe.
Ou va un monde dans lequel les gens avancent a reculons parce qu “ils n ont pas le choix” et ou on en fait pas les choses avec volonte et foi mais avec fatalisme et resignation.
L Europe telle qu elle se fait n institutionnalise-t-elle pas la fin des reves et des utopies?
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