De la casse sans distinction de couleurs
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Actions directes
Lieux : Albi
Ce texte fait écho à plusieurs productions parues ce mois ci concernant le « black block » et le « cortège de tête. »
La rentrée sociale devait arriver et bat son plein, les manifestations reprennent. Nous avons l’occasion de ressortir une fois par semaine dans la rue et cette occasion est toujours bonne à saisir pour faire entendre nos revendications à coups de pavés dans les vitres, dans la gueule des flics, d’objets qui brûlent, de peinture qui dégouline.
Il y aura toujours un intérêt politique à propager le sbeul et à péter tout ce qui représente l’Etat et le capitalisme.
Il y aura toujours un intérêt à défendre des partis, pris politiques en dehors des partis et des syndicats, dans la rue.
Mais s’adonner à ces plaisantes activités rencontre plusieurs obstacles et nous ne les connaissons que trop bien : les flics attaquent, les SO virent, il faut se rendre indéfinissable et les contourner. On fait ce qu’on peut, desfois ça marche, desfois moins, mais qu’est ce qu’on s’amuse !
Le noir, bof juste de temps en temps.
Ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion de lire des textes faisant la promotion d’un défilé tout en noir (cf plein de textes sur les mutus). Être habillée en noir fait écho à de nombreuses mobilisations, contre manif et j’en passe, ça fait quelques décennies que ça existe. Pécho un kway noir à l’air d’être devenu un geste politique alors qu’il n’est qu’une stratégie politique momentanée (et devrait le rester.) On s’explique.
Si s’habiller en noir est une technique qui n’a que pour but de se fondre dans une masse, c’est qu’il existe d’autres techniques et qu’elle n’est pas la meilleure tous le temps. La preuve est, l’identification est possible même habillé en noir, desfois un peu moins, desfois plus. Les couleurs sombres sont pratiques, c’est vrai, mais ce n’est pas une généralité.
Non, ce qui nous semble important est de masquer son identité évidemment. cela peut se faire de multiples autres manières, textures. Essayer de ressembler à rien et à tous le monde, se fondre, c’est se rendre accessible. Cela permet de diffuser nos pratiques, aussi dans le reste du cortège, donner du matériel, se rendre imperceptible et coordonner nos mouvements.
En consacrant le fait de s’habiller en noir, les textes parus dernièrement sur divers sites mettent finalement en lumière le fait que le « black bock » serait le signe reconnaissable d’une identité, un peu classe un peu swag, folklore émeutier du moment. C’est sympa, parce que nous aimons tous les belles histoires et la mode en général, mais au final politiquement ça crame en deux secondes et on n’en a rien appris. Etre classieuse, n’a jamais été une priorité dans la rue, on ne fait pas ce qu’on fait pour avoir des images de riot porn et d’ailleur le riot porn on l’emmerde. Nos vies et notre précarité ne sont pas un folklore.
Penser qu’être un black block est une technique de politisation est au mieux illusoire, au pire malhonnête.
Si on s’habille un jour en noir, c’est parce qu’on pense à un instant T que c’est la meilleure technique, mais ce n’est pas une revendication politique. Si on ne le fait pas un autre jour, nos idées et notre détermination n’a pas changée. Nous n’avons pas besoin de repères et de cris de guerre, nous voulons nous propager.
Le block, c’est la manif.
Nous ne sommes pas pour être de « ceux qui savent », nous sommes pour la propagation de toutes les techniques qui permettront au plus grand nombre d’apprendre à attaquer. Nous ne sommes pas pour l’isolation du cortège de tête du reste de la manifestation.
Nous devons démystifier la casse, normaliser le fait de se défendre en manif pour.
Parler de cortège de tête est un peu bizarre comme concept, comme si on était ou pas à l’intérieur quand y est. Comme si se changer changeait tout. Nous avons déjà entendu un(e) étudiant(e) proto syndicaliste dire « ah ouai là je suis trop passée en mode toto là» en parlant d’une manifestation à laquelle il ou elle avait vraisemblablement participé(e) en osant mettre un tissu devant son viage. Donc ça veut dire que se foutre un truc sur le tronche, c’est « toto » = cette confusion entre une idée politique et un vêtement, qui serait le reflet d’une identité.
Nous refusons « d’être » un black block, car c’est une assignation (encore une) à une technique et pas une idée politique. Nous n’aimons pas les identités.
Les frontières sont floues : c’est toute la manifestation que nous avons au corps et qu’il faut infiltrer, convaincre, distribuer du matériel, répandre des tracts, encourager à se masquer. Nous devons protéger nos manifestations et surtout, nous devons nous organiser pour qu’elle nous protège.
Monter une manifestation en intensité ne peut se faire sans préparer le reste du cortège, et pas en négociant avec les SO ces traîtres hein haha !
Bien sûr ce texte n’est pas un appel à la pacification, pas un appel à faire des block de couleur différentes et se demander laquelle est la meilleure.
Non, c’est un appel à l’émeute et à beaucoup plus d’organisation, un appel à apprendre à se défendre collectivement, un appel pour attaquer pépère hé ouai.
Chouette texte, une position qui manquait pour contre-balancer toutes les envolées lyriques qu’on peut lire (le lundi notamment) sur ce machin appelé “cortêge de tête”.
C’est bizarre de répondre à des textes sans les nommer ni les citer, mais bon…
Ce texte est intéressant dans le contenu mais de mauvaise foi dans la formulation: aucun texte ne glorifie le black bloc comme identité. Ça a toujours été une technique momentanée, reproduite régulièrement en 2016 pendant le mouvement contre la loi Travail de manière à pouvoir faire toutes sortes d’action directe collectivement, dans la masse, sans être (trop) repéré-e-s et reconnu-e-s.
Il ne s’agit que de ça, et les récents textes rappelant l’intérêt des black blocs et de se mettre tou-te-s en noir disent basiquement cela, pas grand-chose de plus.
À (re)lire notamment, l’excellent “Cortège de tête coloré ? 50 nuances de noir !”:
https://paris-luttes.info/cortege-de-tete-colore-50-nuances-8681
Aussi, n’oublions pas que nos “cortèges de tête” ne sont pas de vieilles traditions: il y en a eu par le passé, mais ce ne sont pas des “évidences” forcément faciles à reproduire. Et si les “cortèges de tête” ne sont pas une “fin en soi”, c’est tout de même une sorte d'”acquis” du mouvement contre la loi Travail de 2016 qui permet de manifester à plein de manière offensive, ce qui est loin d’être toujours le cas dans le monde citoyennisé dans lequel on vit…
Bref, se réjouir de pratiques émeutières et appeler à + d’organisation, ok, mais SVP, sans cracher dans la soupe du cortège de tête et des black blocs.