Guerre de classe 05/2016 : en marge de la mort de fidel castro…
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La télévision nationale cubaine vient d’annoncer ce 26 novembre 2016 la mort de Fidel Castro, décédé à l’âge « vénérable » de 90 ans. Cette vieille baderne contre-révolutionnaire sera célébrée tant à Cuba, où un deuil national de neuf jours est décrété, que dans le monde entier par la gauche internationale bourgeoise, la bourgeoisie de gauche et d’extrême-gauche.
Nous apportons ici notre petite pierre à l’édifice de la critique communiste en reproduisant un texte (que nous avons également traduit en anglais et en tchèque) publié dans les années 1990 dans la revue centrale du Groupe Communiste Internationaliste (GCI) qui dénonce la nature et le caractère éminemment contre-révolutionnaire du Parti « Communiste » Cubain, des « barbudos », et de son « Lider Maximo » : Fidel Castro…
Nous tenons par la même occasion à réaffirmer qu’il n’y a jamais eu de « pays communistes » dans le monde et dans l’histoire. Tant l’URSS que ses pays satellites d’Europe de l’Est, la Chine ou le Vietnam, l’Albanie ou le Nicaragua, la Corée du Nord ou le Kampuchéa, et aujourd’hui même le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur et le Rojava, n’ont jamais fait que représenter et représentent encore au début de ce 21ème siècle le mythe grossier du « socialisme dans un seul pays », cher aux marxistes-léninistes et aux staliniens de tous poils. Tous sont capitalistes de bout en bout ! Car là où il y a du travail salarié, il y a inévitablement aussi le Capital et il ne peut en être autrement juste parce qu’il y a aussi un costume idéologique « marxiste », une réorganisation de la bourgeoisie à travers un parti politique et un État et ses efforts (sans aucune chance durable de réussir) pour donner une autre forme aux lois capitalistes du marché, de la compétition et de la valeur.
?
Après avoir lu le second texte que nous présentons ici, « Lettre à des amis ‘rojavistes’ », certains diront qu’il n’apporte rien de nouveau au débat. C’est possible. Mais de notre point de vue, il représente un excellent résumé de l’argumentaire développé jusqu’à présent. Publié en mai 2016 sous la signature de TKGV, il a attiré notre attention en raison de son raisonnement clair et de son point de vue critique bien structuré envers le soutien actuellement à la mode de la « région autonome du Rojava ». Comme nous partageons les positions qui y sontdéveloppées, et comme ce n’est ni le premier texte critique que nous publions sur cette question, ni la première introduction que nous écrivons à ce sujet, il n’est probablement pas nécessaire d’expliquer plus avant notre position. Nous renvoyons nos lecteurs à des contributions antérieures sur notre blog qui leur donneront une idée plus complexe de la problématique.
Au lieu de cela, nous voudrions mettre en question deux points du texte, deux thèmes liés à la « question du Rojava », mais plus généraux et donc d’une certaine manière plus importants.
Le premier concerne les « amis rojavistes », c’est-à-dire ceux à qui la lettre est adressée. Les auteurs présupposent qu’il y a dans le mouvement révolutionnaire quelques groupes ou militants qui se trompent sur la question du Rojava, tandis que sur d’autres questions leurs positions restent communistes/anarchistes.
Eh bien, ce n’est pas exactement ce que nous pouvons voir autour de nous. En réalité, la plupart de ces groupes ou individus qui soutiennent le Rojava ne sont ni mal informés ni ne se trompent dans leur évaluation de cette question particulière. Au contraire, leur soutien au Rojava se conforme à la logique de leurs positions dans son ensemble. C’est leur incompréhension des questions essentielles du mouvement révolutionnaire – qu’est-ce que le Capital et l’Etat et donc quel est le but de la révolution – qui les fait soutenir le projet du Rojava.
Dans le corpus idéologique de la plupart de ces « amis rojavistes » (les quelques exceptions nous excuseront), l’Etat est au mieux l’équivalent d’un État national moderne plutôt que la façon dont le capital s’organise en force, ce qui leur permet évidemment de décrire le Rojava comme un non-Etat. La démocratie est associée à la façon dont le « peuple » peut participer à la prise de décision (et donc le problème est que notre société n’est « pas assez démocratique ») plutôt que la façon dont le capital nous rend aliénés à nous-mêmes par le biais d’une fausse communauté de citoyens, ce qui permet aux partisans du Rojava d’admirer la « démocratie participative » en tant que modèle pour la société future. Et nous pourrions continuer à n’en plus finir…
Le second point que nous aimerions faire valoir, c’est la remarque des auteurs selon laquelle « il n’y a pas que la révolution dans la vie », et qu’il y aurait des cas échappant à la logique de la compréhension communiste du monde, des événements où nous ne pouvons faire qu’un choix citoyen entre ce qui est « mal » et ce qui est « moins mal », où nous devons accepter la logique du capital, prendre part à son jeu dans l’un ou l’autre camp.
Camarades, de quels cas parlez-vous ? Ne nous faisons pas d’illusions ! Comme le capital contrôle la totalité de nos vies – en commençant par la manière dont nous gagnons notre vie, et jusqu’à nos relations intimes – il n’y a rien où nous puissions nous échapper du double rôle que nous jouons dans son jeu : le rôle de ses esclaves condamnés à nourrir son maudit profit avec notre chair et notre sang d’une part, mais aussi d’autre part le rôle de ses fossoyeurs, ceux qui le détruiront à travers l’abolition du travail salarié et en établissant une vraie communauté humaine.
En tant qu’individus, prolétaires, ouvriers et groupes, nous sommes en effet confrontés à des situations, dans des luttes locales ou internationales parfois étiquetées écologistes, syndicalistes, humanitaires ou encore autrement, où nous nous demandons comment agir, comment nous positionner, qui ou ce qui doit être soutenu, ce qu’on doit faire ? Et malgré que notre réponse puisse varier dans les détails concrets selon tel ou tel cas particulier, l’essence est toujours la même. Nous ne sommes ni dans le camp des pauvres, ni dans celui des opprimés ou des prolétaires en tant que tels. Nous soutenons toujours la tendance communiste, quelque faible, confuse, cachée ou indicible que puisse être son expression dans telle ou telle lutte, nous essayons de la soutenir, de la développer, de la pousser jusqu’à ses ultimes conséquences… Partout où les prolétaires luttent pour de meilleures conditions de vie, pour la diminution de l’exploitation, partout où ils essaient de faire valoir leurs revendications réelles et de s’organiser en dehors et contre les structures du capital…
Fidel Castro (1926-2016)
«Ses ennemis disent qu’il fut roi sans couronne et qu’il confondait l’unité et l’unanimité.
Et en cela ses ennemis ont raison.
Ses ennemis disent que si Napoléon avait eu un quotidien comme Granma, aucun Français n’aurait jamais su la défaite de Waterloo.
Et en cela ses ennemis ont raison.
Ses ennemis disent qu’il a exercé le pouvoir en parlant beaucoup et en écoutant peu, parce qu’il était plus habitué aux échos qu’aux voix.
Et en cela ses ennemis ont raison.
Mais ses ennemis ne disent pas que ce n’est pas pour poser pour l’Histoire qu’il a fait face aux balles quand il y a eu l’invasion, qu’il a affronté les ouragans d’égal à égal, qu’il a survécu à six cent trente-sept attentats à sa vie, que son énergie contagieuse fut décisive pour convertir une colonie en une patrie et que ce n’est pas grâce à la sorcellerie de Mandinga ni par un miracle de Dieu que cette nouvelle patrie a pu survivre à dix présidents des Etats-Unis qui avaient déjà attaché leur serviette pour la dévorer avec couteau et fourchette.
Et ses ennemis ne disent pas que Cuba est un des rares pays qui ne concourent pas à la Coupe mondiale des paillassons.
Et ils ne disent pas non plus que cette révolution, qui a grandi dans le châtiment, est ce qu’elle a pu être et non pas ce qu’elle désirait être. Ils ne disent pas non plus que le mur entre le désir et la réalité s’est dans une grande mesure fait plus haut et plus large à cause du blocus impérial qui a étouffé le développement d’une démocratie à la cubaine, l’a obligée à militariser la société et a fourni à la bureaucratie, qui pour chaque solution a toujours un problème, les alibis dont elle a besoin pour se justifier et se perpétuer.
Et ils ne disent pas que malgré tous les malgrés, malgré les agressions du dehors et les abus de pouvoir du dedans, cette île éprouvée mais obstinément allègre a engendré la société latino-américaine la moins injuste.
Et ses ennemis ne disent pas que cet exploit fut l’œuvre du sacrifice de son peuple, mais fut aussi l’œuvre de la volonté têtue et du sens de l’honneur démodé de ce chevalier qui s’est toujours battu pour les perdants, comme ce fameux collègue à lui qui chevaucha par les champs de Castille.»
Eduardo Galeano (1940-2015)
https://quartierslibres.wordpress.com/2016/11/30/fidel-castro-1926-2016/#more-15275
Fidel Castro en “chevalier” mû par le “sens de l’honneur”, merci au précédent commentateur pour la rigolade.